Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 539 - Appel accordé en partie

Date de l'ouverture du procès : 1 février 2010

Endroit : 3e Escadre Bagotville, Édifice 81, Alouette (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Leblanc, 2010 CM 4011

 

Date : 20101026

Dossier : 201048

 

Cour martiale permanente

 

Manège Charles-Michel-de-Salaberry, 2100 boul. Le Carrefour

Laval, Québec, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef P.J.C. Leblanc, contrevenant

 

Devant : Lieutenant-colonel J.-G. Perron, J.M.

 


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Oralement)

[1]               Caporal-chef Leblanc, ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité aux 1er et 4e chefs d'accusation, je vous trouve maintenant coupable de ces chefs d'accusation.  Vous avez plaidé non coupable aux chefs d'accusation 2 et 3.  Le 2e chef d'accusation est subsidiaire au 1er chef d'accusation et le 3e chef d'accusation est subsidiaire au 4e chef d'accusation.  Je vous trouve donc non coupable des chefs d'accusation 2 et 3

[2]               Le procureur de la poursuite et votre avocat m'ont présenté une soumission commune relativement à la sentence et me recommandent d'imposer un blâme assorti d'une amende de 500 dollars.  La décision ultime d'en arriver à une sentence adéquate incombe au juge qui a le droit de rejeter la proposition conjointe des avocats.  Par contre, je dois accepter la soumission commune à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice.

[3]               Tel qu'indiqué au paragraphe (2) de l'article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, j'ai aussi pris en compte toute conséquence indirecte du verdict et de la sentence et du besoin de prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant.

[4]               Pour déterminer ce qui constitue la sentence appropriée, j'ai pris en compte les circonstances qui ont entourées la commission des infractions telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité.  J'ai également considéré la preuve qui a été déposée, la jurisprudence et les plaidoiries des avocats.  J'ai analysé ces divers éléments à la lumière des objectifs et des principes applicables en matière de la détermination de la peine ainsi que des facteurs aggravants et atténuants qui sont liées aux circonstances de l'affaire et à la situation personnelle du contrevenant.

[5]               Vous avez été affecté en service de classe C avec la compagnie de Réserve tactique de l'OPÉRATION PODIUM.  Cette opération domestique avait comme mission la sécurité des Jeux olympiques d'hiver de Vancouver.  Votre affectation débuta le 19 août 2009 et devait se terminer le 26 mars 2010.  Votre compagnie se rendit au camp Vimy à Valcartier au mois d'octobre pour s'entraîner en prévision de OP PODIUM.  Vous occupiez initialement une position de commandant de section et ensuite la position de commandant du détachement des armes.  Le 3 octobre, le sergent Boulianne, le commandant adjoint de votre peloton, indiqua dans un groupe d'ordres qu'il était strictement interdit de posséder ou de consommer de l'alcool au cours de l'entraînement à Valcartier.  Vous étiez présent à ce groupe d'ordres.  Votre commandant de compagnie et le général commandant l'élément terrestre de cette opération ont aussi discuté de cet ordre avec les membres de la compagnie  et en ont expliqué la raison.  L'article 19.04 des ORFC a aussi été porté à votre attention lors de rencontres où l'on discuta de la consommation d'alcool.

[6]               Le 22 octobre vous vous êtes rendu sur la base pour obtenir des soins médicaux en compagnie d'autres membres de votre compagnie.  Vous vous êtes arrêté au Canex de la base pour faire des achats.  Vous avez alors acheté une caisse de bière.  Un caporal-chef vous indiqua que ceci était interdit mais vous n'avez pas porté attention à son commentaire et avez tout de même apporté cette caisse de bière au camp Vimy.  Vers 22 heures, alors que vous étiez dans vos quartiers après votre journée de travail, vous avez consommé une bière.  Vous avez aussi offert une bière à deux de vos subordonnés et ils consommèrent leur bière avec vous.  Tout ceci se déroula devant une dizaine de militaires présents dans la tente à ce moment.  Le 24 octobre, le sergent Boulianne vous visita dans votre tente et il vit la caisse de bière.  Il quitta la tente et avisa sa chaîne de commandement.  Le lendemain matin, il vous rencontra de nouveau pour en savoir plus sur cette situation.  Vous avez refusé de révéler si des membres du peloton avaient consommé de l'alcool.  Le sergent Boulianne vous a immédiatement retiré de votre poste de commandement et l'on décida de vous retirer du peloton.  Vous avez quitté le camp Vimy pour être affecté sur la base de Valcartier.  Votre affectation en service de Réserve de classe C fut interrompue prématurément le 12 novembre 2009 en raison de votre attitude, de votre insubordination et de votre influence négative envers vos subordonnés en matière de respect des directives.

[7]               En achetant et en consommant de l'alcool, vous avez désobéi à un ordre d'un supérieur et vous avez commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline en offrant de l'alcool à des subordonnés sachant que la consommation d'alcool était interdite en vertu de l'article 19.04 des ORFC.

[8]               Ayant résumé les principaux faits de cette cause, je vais maintenant me concentrer sur la détermination de la peine.  Donc, en considérant quelle sentence serait appropriée, j'ai pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants.  Je considère comme aggravants :

La nature des infractions et les peines prévues par le législateur.  Vous êtes coupable d'avoir désobéi à un ordre d'un supérieur et d'avoir commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.  Les peines maximales pour ces infractions sont, respectivement, l'emprisonnement à perpétuité et la destitution ignominieuse du Service de Sa Majesté.  Il s'agit d'infractions que je décris comme étant objectivement des plus sérieuses.  Cette infraction est aussi subjectivement sérieuse.  Vous avez désobéi à des ordres clairs et sans équivoque.  Vous, un caporal-chef, avez consommé de l'alcool devant plusieurs personnes.  De plus, vous avez encouragé des subordonnés à désobéir aux ordres et à suivre votre exemple en leur offrant de la bière.

Deuxièmement, ce comportement eut lieu au cours d'un entraînement en vue d'une opération domestique qui visait à assurer la sécurité des Jeux olympiques.  Toute désobéissance à un ordre doit être considérée comme étant néfaste à la bonne discipline et à l'efficacité de nos forces.  Une désobéissance dans un contexte opérationnel revêt un caractère beaucoup plus sérieux car le succès de la mission et la sécurité de notre personnel reposent en grande partie sur le principe que les ordres des supérieurs seront exécutés tels qu'ils sont donnés et non selon les préférences personnelles des subordonnés.

Troisièmement, vous avez une fiche de conduite.  Vous avez adressé des paroles méprisantes à un supérieur et vous avez posé des gestes provocateurs envers un supérieur.  Ceci se passa vers 21 heures à l'occasion du dîner de la troupe de l'unité.  Vous avez aussi endommagé un lampadaire situé dans le stationnement du manège militaire.  Votre sentence se composa d'une réprimande et d'une amende de 350 dollars.  Il s'agissait d'un procès par voie sommaire.  Vous étiez caporal-chef au moment des ces infractions.  Bien que les infractions qui se trouvent dans votre fiche de conduite datent de décembre 2004, elles indiquent que vous aviez des problèmes de discipline personnelle à ce moment.

Quatrièmement, vous occupiez un poste de chef au sein de votre peloton, soit le commandant du détachement des armes.  Vous avez témoigné que vous aviez complété votre cours de sergent mais que l'on vous a indiqué que vous n'aviez pas complété votre cours de caporal-chef.  Caporal-chef Leblanc, vos actes au cours du mois d'octobre 2009, votre fiche de conduite, votre témoignage et votre comportement en cour m'indiquent que vous n'avez pas encore atteint le niveau de maturité et de leadership que nous recherchons dans nos chefs.  Malgré votre âge et votre expérience militaire, je n'ai aucune preuve devant moi qui me démontre que vous comprenez l'importance de la discipline au sein des Forces canadiennes ou que vous avez les qualités que nous recherchons dans nos chefs.

Cinquièmement, bien que vos actes étaient clairement intentionnels, je n'ai aucune preuve qui m'indique que l'achat de la caisse de bière était prémédité.

[9]               Quant aux facteurs atténuants, je constate que vous avez avoué votre culpabilité.  Il s'agit d'un plaidoyer tardif.  Un aveu de culpabilité démontre habituellement un certain remords.  De plus, un plaidoyer permet à l'État d'économiser d'importantes sommes d'argent en plus d'éviter d'appeler des témoins.  Par ailleurs, bien que la cour considère cet aveu de culpabilité comme un facteur atténuant, la cour n'y donne qu'un certain poids.  Vous avez témoigné lors de la détermination de la sentence mais n'avez rien eu à dire au sujet de ces infractions.  Ce facteur atténuant aurait bien pu être beaucoup plus important si la cour avait devant elle de la preuve qui indique que vous reconnaissez vos erreurs et que vous en acceptez la responsabilité.

[10]           Lors de leurs plaidoiries, le procureur et votre avocat ont fait mention que la cour doit considérer vos circonstances personnelles telles qu'elles le sont maintenant.  Le procureur indique qu'il croyait qu'un blâme et une amende de 1000 à 1500 dollars auraient été appropriés dans cette cause mais il suggère qu'un blâme et une amende de 500 dollars sont appropriés compte tenu de votre situation financière des plus précaire.  La pièce 8 indique que vous recevez des prestations d'assurance-emploi au taux de 340 dollars net par semaine.  Vous avez témoigné que vous devez déclarer la solde reçue suite à vos présences à l'unité en service de classe A et que vos prestations d'assurance-emploi sont donc diminuées pour tenir compte de ce revenu.  Vous avez témoigné que vous préférez travailler que de recevoir des prestations.  Vous payez une hypothèque de 305 dollars par mois.  Une œuvre de charité vous donne 120 dollars par mois pour vous aider à acheter de la nourriture.  Vous avez la garde de vos deux enfants de 17 ans et de 10 ans.  Vous n'avez pas été affecté à des services de classe B ou de classe C depuis le mois de novembre 2009.

[11]           Il est vrai qu'une cour doit prendre en considération la capacité de payer du contrevenant quand elle détermine le montant d'une amende.  Il est aussi vrai que vous semblez vivre une période difficile dans votre vie personnelle.  Ceci dit, il m'appert évident que vous êtes la cause principale de vos problèmes financiers.  Tenant compte de la preuve qui me fut présentée, j'en arrive à la conclusion que votre attitude et votre comportement vous ont fait perdre vos possibilités de service en classe B ou C.

[12]           Je tiens ici à préciser que, comme dans bien des cas lors de cours martiales et de procès criminels au Canada, la cour n'est pas nécessairement au courant de tous les facteurs et de toute l'information qui a mené les parties à s'entendre sur le plaidoyer de culpabilité et sur la soumission commune et que la cour doit donc s'en remettre aux représentations des parties.  Alors, ayant examiné la soumission commune des parties attentivement et des représentations du procureur quant aux considérations et facteurs que celui-ci a pris en considération pour en arriver à cette soumission commune, je suis d'avis, compte tenu des faits particuliers de cette cause et des représentations du procureur, qu'elle incorpore les principes de détermination de la peine et que le choix des peines constitue la sentence la plus minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline dans les circonstances.

[13]           Caporal-chef Leblanc, je vous condamne à un blâme et à une amende de 500 dollars.  Cette amende sera payée en 10 versements de 50 dollars commençant le 1er novembre 2010.  S'il y a libération des Forces canadiennes avant que l'amende soit payée au complet, le major Charland va informer le caporal-chef Leblanc du besoin des chèques certifiés mensuels et à qui doivent être expédiés ces chèques.


Avocats :

Major G. Roy, Service canadien des poursuites militaires

Capitaine D.G.J. Martin, Service canadien des poursuites militaires

Avocats de la poursuite

Major J.A.E. Charland, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de la défense pour le caporal-chef J.P.C. Leblanc

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