Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 545 - Appel accordé

Date de l'ouverture du procès : 21 février 2011

Endroit : BFC Petawawa, Édifice L-106, Petawawa (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.
•Chefs d'accusation 2, 3, 4, 5 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 3, 5 : Coupable. Chefs d'accusation 2, 4 : Non coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R. c. Clark, 2011 CM 4003

 

Date :  20110224

Dossier :  201065

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine L.M. Clark, accusée

 

 

En présence du Lieutenant‑colonel J-G Perron, J.M.


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

INTRODUCTION

 

[1]        La Capitaine Clark est accusée pour avoir désobéi à un ordre légitime d’un supérieur et pour avoir menti à son commandant (cmdt) et au sergent‑major de l’unité, portant ainsi préjudice au bon ordre et à la discipline.

 

[2]        La poursuite soutient que la preuve présentée à la cour établit hors de tout doute raisonnable tous les éléments des infractions reprochées. Elle prétend que la preuve montre que la Capitaine Clark a divulgué à l’Adjudant Galway la note attribuée par le conseil de promotion de la 2e Unité de police militaire (2 PM), contrairement à l’ordre donné par son commandant, et qu’elle a menti à son commandant et au sergent‑major de l’unité lorsque ceux‑ci lui ont demandé si elle avait divulgué à l’Adjudant Galway le résultat obtenu ainsi qu’une copie de son rapport préliminaire d’appéciation du personnel (RAP). L’avocat de la défense soutient que la preuve n’établit pas hors de tout doute raisonnable l’existence des infractions parce que la cour ne peut s’appuyer sur la preuve présentée par les témoins de la poursuite.

 

LE DROIT APPLICABLE

 

[3]        Avant que la cour procède à son analyse de la preuve et des accusations, il convient de traiter de la présomption d’innocence et de la preuve hors de tout doute raisonnable. Ces principes sont bien connus des avocats, mais peut‑être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle d’audience.  

 

[4]        Il est juste de dire que la présomption d’innocence est fort probablement le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable en est un élément essentiel. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire comme dans celles qui relèvent du droit pénal canadien, toute personne accusée d’une infraction criminelle est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve pas sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un accusé n’a pas à prouver qu’il est innocent. C’est à la poursuite qu’il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’infraction. Un accusé est présumé innocent tout au long de son procès, jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu par le juge des faits.

 

[5]        La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentées par la poursuite, mais plutôt à l’ensemble de la preuve sur laquelle cette dernière s’appuie pour établir la culpabilité de l’accusé. Le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé incombe à la poursuite, jamais à l’accusé.

 

[6]        Le tribunal doit déclarer un accusé non coupable s’il a un doute raisonnable quant à sa culpabilité après avoir considéré l’ensemble de la preuve. L’expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques.

 

[7]        Dans l’arrêt R. v. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives pour le doute raisonnable. Les principes établis dans cet arrêt ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des cours d’appel. Essentiellement, un doute raisonnable n’est pas un doute farfelu ou frivole. Il repose sur la raison et le bon sens. C’est un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal, mais également sur ce qu’elle ne lui révèle pas. Le fait qu’une personne ait été accusée n’est pas une indication de sa culpabilité.

 

[8]        Au paragraphe 242 de l’arrêt R. v. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a statué que :

 

[...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

 

Par contre, il faut se rappeler qu’il est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. D’ailleurs, la poursuite n’a aucune obligation en ce sens. La certitude absolue n’est pas une norme de preuve en droit. La poursuite doit seulement prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé, en l’espèce la Capitaine Clark. Pour mettre les choses en perspective, si la cour est convaincue que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit l’acquitter, car la preuve d’une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[9]        La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles faits devant la cour par des personnes appelées à témoigner sur ce qu’elles ont vu ou fait. Elle peut consister en des documents, des photographies, des cartes ou d’autres éléments de preuve matérielle présentés par les témoins, en des témoignages d’experts, des aveux judiciaires quant aux faits par la poursuite ou la défense ou des éléments dont la cour prend judiciairement connaissance.

 

[10]      Il n’est pas rare que des éléments de preuve présentés à la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents d’un fait. La cour doit déterminer quels éléments de preuve sont crédibles.  

 

[11]      La crédibilité n’est pas synonyme de vérité et l’absence de crédibilité n’est pas synonyme de mensonge. La cour doit tenir compte de nombreux facteurs pour évaluer la crédibilité d’un témoin. Par exemple, la cour évaluera la possibilité qu’a eue le témoin d’observer, les raisons d’un témoin de se souvenir. Quelque chose en particulier a-t-il aidé le témoin à se souvenir des détails de l’événement qu’il a décrit? Les événements étaient-ils remarquables, inhabituels et frappants, ou plutôt relativement anodins et, par conséquent, naturellement plus faciles à oublier? Le témoin a-t-il un intérêt dans l’issue du procès; en d’autres termes, a-t-il une raison de favoriser la poursuite ou la défense, ou est-il impartial? Ce dernier facteur s’applique d’une manière quelque peu différente à l’accusé. Bien qu’il soit raisonnable de présumer que l’accusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption d’innocence ne permet pas de conclure que l’accusé mentira lorsqu’il décide de témoigner.

 

[12]      L’attitude du témoin pendant son témoignage est un facteur dont on peut se servir pour évaluer sa crédibilité : le témoin était‑il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumentait‑il? Finalement, son témoignage était‑il cohérent en lui‑même et compatible avec les faits qui n’ont pas été contestés?

 

[13]      Un témoignage peut comporter, et en fait comporte toujours, des contradictions mineures et involontaires, mais cela ne doit pas nécessairement conduire à l’écarter. Il en va autrement d’un mensonge, qui constitue toujours un acte grave et risque d’entacher l’ensemble d’un témoignage.

 

[14]      Le tribunal n’est pas tenu d’accepter le témoignage d’une personne, à moins que celui‑ci ne lui paraisse crédible. Cependant, il jugera un témoignage digne de foi, à moins d’avoir une raison de ne pas le croire.

 

[15]      La cour doit porter son attention sur le critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742. Ce critère est le suivant :

 

Premièrement, si vous croyez la déposition de l’accusé, manifestement vous devez prononcer l’acquittement.

 

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l’acquittement.

 

Troisièmement, même si vous n’avez pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincu hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l’accusé.

 

[16]      Dans l’arrêt R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, au paragraphe 12, la Cour suprême du Canada a cité, en l’approuvant, le passage suivant de l’arrêt R. v H. (C.W.) (1991), 68 CCC (3d) 146, où le juge Wood de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a formulé une directive supplémentaire :

 

[traduction] Dans ces cas, j’ajouterais la directive supplémentaire suivante qui, logiquement, devrait être la deuxième : « Si, après un examen minutieux de tous les éléments de preuve, vous êtes incapable de décider qui croire, vous devez prononcer l’acquittement. »

 

[17]      En l’espèce, l’avocat de la défense n’a présenté aucun élément de preuve.  Par conséquent, la cour doit s’attacher immédiatement au troisième volet du critère de l’arrêt W.(D.), et se demander si, en vertu de la preuve qu’elle accepte, elle est convaincue hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de la Capitaine Clark.

 

[18]      La preuve dont la cour a été saisie est formée essentiellement d’éléments dont la cour a pris judiciairement connaissance, de pièces et de témoignages. La cour a pris judiciairement connaissance des éléments visés par l’article 15 des Règles militaires de la preuve (les Règles). De plus, la cour a pris judiciairement connaissance, en vertu de l’article 16 (1)e) des Règles, des publications suivantes :

 

            a.         Directive et ordonnance administrative 7023-1 – Programme d’éthique de la Défence;

 

            b.         B-GL-300-000/FP-000 – L’Armée de terre du Canada;

 

            c.         A-PA-005-000/AP-001 – Servir avec honeur – La profession des armes au Canada 2009;

 

            d.         A-PA-005-000/AP-003 – Le leadership dans les Forces canadiennes – Doctrine;

 

            e.         A-PA-005-000/AP-004 – Le leadership dans les Forces canadiennes – Fondements conceptuels;

 

            f.          A-PA-005-000/AP-005 – Le leadership dans les Forces canadiennes – Diriger des personnes

 

[19]      La poursuite a produit en preuve deux pièces. La pièce 3 est le RAP présenté à l’Adjudant Galway le 20 avril 2010 et la pièce 4 le RAP préliminaire qui a été joint à la demande de redressement de grief de l’Adjudant Galway. Les témoignages de l’Adjudant-maître Bélanger, du Major Flight et de l’Adjudant Galway ont été entendus, dans cet ordre.

 

[20]      J’examinerai d’abord les éléments de preuve qui ne sont pas contestés. Le conseil de promotion s’est réuni du 19 au 21 janvier 2010 dans une salle de conférences de l’édifice du 2e Peloton de MP, à la BFC Petawawa. Le Major Flight est le commandant de la 2e Unité de PM; le 2e Peloton est une sous‑unité de la 2e Unité de PM. À l’époque des infractions reprochées, la Capitaine Clark était la commandante (cmdt) du 2e Peloton de PM et l’Adjudant Galway le Sergent‑major intérimaire du 2e Peloton de PM. Le Major Flight, la Capitaine Clark et l’Adjudant Galway étaient présents dans la salle au début de la réunion du conseil de promotion, lorsque l’Adjudant‑maître Bélanger, agissant à titre de président du conseil, a informé les participants de la procédure à suivre et du besoin de confidentialité relativement aux délibérations et au classement. Le Major Flight était assis au premier rang; il a pris la parole pour souligner le besoin de confidentialité en indiquant que l’interdiction de divulguer l’information présentée lors de la réunion constituait un ordre. La salle mesurait environ 15 pieds sur 20. L’Adjudant Galway a été placé au deuxième rang dans le classement des adjudants de la 2e Unité de PM. Le 20 avril 2010, l’Adjudant Galway a refusé de signer son RAP annuel que la Capitaine Clark lui a présenté.

 

[21]      Comme dans la plupart des cas, le présent procès repose sur l’évaluation de la crédibilité des témoins. L’évaluation de la crédibilité implique l’évaluation de l’honnêteté d’un témoin, mais aussi de la fiabilité de son témoignage. La crédibilité dépend de la véracité du témoin et la fiabilité concerne l’exactitude de la preuve. L’évaluation de la crédibilité n’est pas nécessairement un exercice purement intellectuel et peut impliquer de nombreux facteurs, dont certains sont impossibles à énoncer[1]. Le juge du procès peut évaluer la preuve [traduction] « en tenant compte du bon sens et de l’expérience quotidienne, de la même façon qu’il demande au jury de le faire »[2].

 

[22]      L’Adjudant‑maître Bélanger était le premier témoin de la poursuite. Elle s’est entretenue avec l’Adjudant Galway le matin du 21 April 2010. L’Adjudant Galway était extrêmement agité; il [traduction] « criait et jurait ». D’après la conversation qu’elle a eue avec lui, elle a compris qu’il n’était pas satisfait de son RAP parce qu’il savait qu’il s’était initialement placé le deuxième sur la liste de promotion, mais que son nom avait ensuite été retiré de la liste parce que le commandant le détestait. Il ne voulait pas préciser comment il le savait; il a dit seulement qu’il le savait. Il lui aurait dit avoir vu une copie du RAP préliminaire. Il lui aurait également dit au début qu’il avait obtenu une copie du RAP préliminaire, mais il se serait rétracté par la suite. Le 23 avril, l’Adjudant‑maître Bélanger a appelé la Capitaine Clark et lui a demandé si elle avait fourni une copie du RAP préliminaire à l’Adjudant Galway; la Capitaine Clark a répondu par la négative. L’Adjudant‑maître Bélanger lui a alors demandé si elle lui avait montré une copie du RAP préliminaire; la Capitaine Clark a répondu par la négative. L’Adjudant-maître Bélanger a également demandé à la Capitaine Clark si elle avait communiqué à l’Adjudant Galway le résultat obtenu; la Capitaine Clark a répondu par la négative. L’Adjudant‑maître Bélanger a ensuite informé le commandant de sa conversation avec sa Capitaine Clark. L’Adjudant‑maître Bélanger a cru la Capitaine Clark non l’Adjudant Galway. Elle pensait que celui‑ci bluffait.

 

[23]      En contre‑interrogatoire, l’Adjudant‑maître Bélanger a déclaré que, le 7 mai, elle s’est entretenue avec l’Adjudant Galway qui lui a dit que, le 17 janvier 2010, la Capitaine Clark lui avait montré une copie de son RAP préliminaire, qu’elle lui avait communiqué le résultat obtenu à environ dix minutes après la réunion du conseil et avait dit qu’elle nierait toute allégation à cet égard. L’Adjudant‑maître Bélanger a ensuite informé le commandant de sa conversation avec l’Adjudant Galway et lui a dit qu’ils devaient faire enquête sur cette situation. Elle a déclaré aussi que l’Adjudant Galway n’a pas été honnête lors de leur première conversation du 21 avril 2010. Le 10 mai 2010, elle a complété une demande d’enquête sur cette affaire auprès du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC). Le SNEFC a choisi de ne pas faire enquête. Le 12 mai, l’Adjudant‑maître Bélanger a passé en revue le rapport préliminaire de l’enquête disciplinaire d’unité rédigé par le Major Flight. Cette enquête a pris fin le 18 mai; le commandant adjoint (cmdtA) de l’unité a accusé la Capitaine Clark le même jour. Le 8 juin 2010, l’Adjudant‑maître Bélanger a reçu de l’Adjudant Galway une demande de redressement de grief concernant son RAP. Elle a été consternée de voir qu’une copie du RAP préliminaire était jointe à la demande de redressement de grief.

 

[24]      Lors de son nouvel interrogatoire, l’Adjudant‑maître Bélanger a confirmé que le paragraphe 11 du rapport d’enquête fait état de la conversation du commandant avec la Capitaine Clark et que le paragraphe 13 fait état de la conversation qu’elle a eue, le 23 avril, avec la Capitaine Clark, au cours de laquelle celle‑ci a nié avoir divulgué à l’Adjudant Galway sa note et son RAP préliminaire. Le paragraphe 15 du rapport mentionne la conversation qu’elle a eue le 7 mai avec l’Adjudant Galway.

 

[25]      L’Adjudant‑maître Bélanger est un témoin digne de foi et fiable. Elle a fait preuve de franchise pendant son témoignage et a répondu à chacune des questions honnêtement et au mieux de ses connaissances.

 

[26]      Le témoin suivant a été le Major Flight. Il n’a pas participé à la réunion du conseil de promotion du 19 au 21 janvier parce qu’il ne voulait pas avoir de lien de dépendance avec ce processus. Le Major Flight a rencontré la Capitaine Clark à Petawawa, le 26 mars 2010. Ils ont discuté, entre autres, du RAP de l’Adjudant Galway. Il avait des réserves au sujet de la partie 5 du rapport préliminaire, qui portait son bloc‑signature. Il a avisé la Capitaine Clark qu’il fallait la récrire et qu’il s’en chargerait lui-même si elle ne se sentait pas à l’aise. Il n’a pas eu à modifier la partie en question lorsqu’on lui a présenté le RAP la deuxième fois.

 

[27]      Le soir du 20 avril 2010, la Capitaine Clark lui a laissé un message. Selon le Major Flight, ce message invoquait une situation d’urgence parce que la rencontre avec l’Adjudant Galway au sujet de son RAP s’était mal passée et que celui‑ci était en possession d’une copie de son RAP préliminaire. Il a d’abord parlé à la Capitaine Clark au téléphone, le matin du 21 avril, avant l’entraînement physique de l’unité. Il lui a demandé comment l’Adjudant Galway aurait pu obtenir une copie de son RAP préliminaire; la Capitaine Clark a répondu qu’elle ne lui en avait pas donné de copie. Plus tard, après l’entraînement physique de l’unité, il a rencontré la Capitaine Clark pour discuter de l’affaire. Il a déclaré qu’il n’a avait pas reçu de renseignements supplémentaires sur cette situation jusqu’au 7 mai, lorsque l’Adjudant‑maître Bélanger s’est présentée à son bureau pour l’informer des allégations de l’Adjudant Galway.

 

[28]      Durant son interrogatoire préalable, Major Flight a déclaré que, le matin du 21 avril, après l’entraînement physique de l’unité, il a demandé à la Capitaine Clark si elle avait donné ou montré une copie de son RAP préliminaire à l’Adjudant Galway et si elle lui avait communiqué la note que lui avait attribuée le conseil de promotion. Il a dit que la Capitaine Clark avait catégoriquement nié l’avoir fait.

 

[29]      En contre‑interrogatoire, il a confirmé que le paragraphe 11 du rapport d’enquête disciplinaire concerne la conversation qu’il a eue le 21 avril 2010 avec la Capitaine Clark. Ce paragraphe mentionne que la Capitaine Clark a nié avoir fourni à l’Adjudant Galway une copie de son RAP préliminaire. Le Major Flight a convenu avec l’avocat de la défense que le paragraphe en question ne précise pas qu’il a demandé à la Capitaine Clark si elle avait montré à l’Adjudant Galway une copie de son RAP préliminaire et si elle lui avait communiqué la note que lui avait attribuée le conseil de promotion. Interrogé sur ce point, il a affirmé qu’il n’aurait pas été en mesure de poser cette dernière question parce qu’il n’avait pas été avisé à cet égard avant le 7 mai. Le 31 janvier 2011, il a envoyé un courriel au procureur où il affirmait que la Capitaine Clark avait répondu catégoriquement par la négative à ses questions et qu’elle l’avait menti le 21 avril en lui disant qu’elle n’avait pas communiqué à l’Adjudant Galway le résultat obtenu.

 

[30]      En contre‑interrogatoire, le Major Flight a réaffirmé qu’il avait demandé à la Capitaine Clark si elle avait montré à l’Adjudant Galway une copie de son RAP préliminaire et si elle lui avait communiqué son classement sur la liste de promotion. Il a expliqué que la compréhension de la situation relevait de la collaboration à titre d’alliés et qu’il était naturel de poser cette question. Il a affirmé qu’il avait omis de la consigner dans le rapport d’enquête disciplinaire. 

 

[31]      L’explication du Major Flight donnée en contre‑interrogatoire quant à savoir pourquoi le paragraphe 11 de son rapport d’enquête disciplinaire n’indique pas qu’il a demandé à la Capitaine Clark si elle avait communiqué à l’Adjudant Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion contredit totalement la description de sa discussion avec la Capitaine Clark, le matin du 21 avril, et infirme son témoignage concernant les deuxième et quatrième chefs d’accusations, à moins que les éléments en questions ne soient corroborés par d’autres témoins.

 

[32]      Monsieur Galway était le dernier témoin entendu. À l’époque des infractions reprochées, il était membre du 2e Peloton de PM au grade d’adjudant et servait à titre de Sergent-major intérimaire de la sous‑unité. Il a déclaré avoir entretenu d’excellents rapports avec la Capitaine Clark. Il a déclaré qu’il a rencontré la Capitaine Clark dans son bureau avant la réunion du conseil de promotion et que celle‑ci lui a montré son RAP préliminaire. Il lui aurait dit qu’elle ne pouvait pas le faire, mais elle a insisté parce qu’elle voulait s’assurer qu’elle avait rédigé le RAP correctement. Il a examiné rapidement le RAP et le lui a rendu. Leur rencontre aurait duré environ dix minutes. Le 21 janvier, elle lui aurait dit la note qu’il avait obtenue lorsqu’ils se sont rencontrés dans le corridor. Le 20 avril, il l’a informée qu’il ne signerait pas le RAP et qu’il déposerait un grief parce qu’il avait vu le RAP préliminaire et qu’il avait été informé du résultat obtenu. La Capitaine Clark lui aurait dit qu’elle ne se souvenait pas lui avoir montré le RAP préliminaire ni lui avoir communiqué le résultat obtenu. Il a pensé qu’elle mentait parce qu’elle savait qu’elle avait commis une erreur.

 

[33]      Il a appelé le sergent-major de l’unité et lui a dit qu’il déposerait un grief pour contester le RAP. Il ne pouvait pas se souvenir du moment où il avait fait cet appel. Il s’est rappelé avoir dit au sergent-major de l’unité que la Capitaine Clark ne se rappelait pas lui avoir montré le RAP préliminaire ni communiqué la note obtenue.

 

[34]      L’Adjudant Galway a dit qu’il avait trouvé une copie de son RAP préliminaire dans une poubelle de la zone ouverte et que le document était tout froissé. Il l’a trouvé avant la réunion du conseil de promotion, mais [traduction] « quelques jours » après que la Capitaine Clark lui eut montré le RAP préliminaire. La copie qu’il a trouvée était identique au document que la Capitaine Clark lui avait montré. Il ne ses souvient pas avoir indiqué au sergent‑major de l’unité l’endroit où il avait trouvé le RAP préliminaire. Il a joint le RAP préliminaire à titre d’annexe à sa demande de redressement de grief.

 

[35]      En contre‑interrogatoire, lorsque l’avocat de la défense a souligné que rien dans l’apparence de la pièce 4, comme des plis sur la photocopie, n’indiquait que le rapport préliminaire avait été froissé, il a répondu [traduction] « Je crois que oui ».

 

[36]      Il ne pouvait pas se rappeler quand il a dit au sergent-major de l’unité qu’il a trouvé le RAP préliminaire, mais il s’est rappelé le lui avoir dit. Le 10 février 2011, il a dit au procureur que la Capitaine Clark ne lui avait pas donné une copie de son RAP préliminaire et qu’il n’avait jamais mentionné à quiconque autre que le sergent-major de l’unité qu’il avait trouvé une copie du RAP préliminaire.

 

[37]      Bien que l’Adjudant Galway ait souvent affirmé qu’il ne pouvait pas se rappeler les dates auxquelles il a communiqué avec l’Adjudant‑maître Bélanger et la Capitaine Clark ni les propos qu’il a tenus, son témoignage sur les principaux faits qui sont au coeur de la présente affaire est compatible avec d’autres éléments de preuve et n’est pas contredit par ceux‑ci. Bien que son témoignage ait été dans l’ensemble vague, son comportement et la façon de répondre aux questions ont été compatibles tout au long de son témoignage. Bien qu’elle estime que l’Adjudant Galway ne veut pas dévoiler tous les renseignements sur la façon dont il a obtenu une copie du RAP préliminaire, la cour n’a pas été saisie d’aucune preuve qui contredise son témoignage quant à savoir comment il a pu voir son RAP préliminaire et apprendre la note que lui avait attribuée le conseil de promotion. Aucun élément de preuve ne démontre que son témoignage est faux ou inexact. Son témoignage n’a pas été contesté lors de son contre‑interrogatoire.  Par conséquent, l’Adjudant Galway est digne de foi et fiable.

 

[38]      Le premier chef d’accusation énonce ce qui suit : 

 

[traduction] Le 21 janvier 2010, ou vers cette date, à la Base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario, ou à proximité de celle‑ci, l’accusée a dévoilé à l’Adjudant J.G. Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion de la 2e Unité de Police militaire, contrairement à l’ordre du Major N. Flight. 

 

[39]      La poursuite devait établir hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants relativement à cette infraction :

 

            a.         l’identité de l’accusée comme contrevenante et les date et lieu allégués dans l’acte d’accusation;

 

            b.         le fait que l’ordre a été donné à la Capitaine Clark;

 

            c.         le fait qu’il s’agissait d’un ordre légitime;

 

            d.         le fait que la Capitaine Clark a reçu l’ordre ou qu’elle en avait

                        connaissance;

 

            e.         le fait que l’ordre a été donné par un officier supérieur;

 

            f.          le fait que la Capitaine Clark connaissait le grade de l’officier;

 

            g.         le fait que la Capitaine Clark n’a pas respecté l’ordre;  

 

            h.         l’état d’esprit répréhensible de l’accusée.

 

[40]      Il ressort clairement de la preuve incontestée que la Capitaine Clark est l’accusée. L’identité de l’accusée n’est pas en cause en l’espèce. La Capitaine Clark savait  que le Major Flight était un officier supérieur. Un ordre donné par un commandant aux membres de son unité selon lequel les résultats d’une réunion du conseil de promotion doivent rester confidentiels est un ordre légitime puisqu’il est clairement relié au devoir militaire[3]. La cour est convaincue hors de tout doute raisonnable que la Capitaine Clark a entendu l’ordre en question lorsqu’il a été donné par le Major Flight, le 19 janvier 2010.

 

[41]      Selon l’avocat de la défense, il était peu probable que la Capitaine Clark aurait dévoilé à l’Adjudant Galway la note obtenue dans les circonstances décrites par celui‑ci. À l’appui de cet argument, il s’est servi de la description que l’Adjudant‑maître Bélanger fait à la Capitaine Clark, selon laquelle celle‑ci était une jeune officière remarquable.  L’avocat de la défense ne contredit ni ne cherche à attaquer le témoignage de l’Adjudant Galway sur cette question. L’Adjudant Galway n’a pas demandé à la Capitaine Clark quelle était la note qu’il avait obtenue, il a témoigné qu’elle lui a divulgué le résultat obtenu. La cour n’a été saisie d’aucun élément de preuve qui l’aurait fait douter de la véracité du témoignage de l’Adjudant Galway sur cette question particulière. La cour est également convaincue que la Capitaine Clark a délibérément divulgué à l’Adjudant Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion. Ayant accepté le témoignage de l’Adjudant Galway comme digne de foi, la cour juge que la poursuite a établi hors de tout doute raisonnable que la Capitaine Clark a effectivement communiqué à l’Adjudant Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion de la 2e Unité de Police militaire, contrairement à l’ordre du Major Flight.

 

[42]      Les deuxième et troisième chefs d’accusation énoncent ce qui suit. Deuxième chef d’accusation : 

 

[traduction] Le 21 avril 2010, ou vers cette date, à la base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario, ou à proximité de celle‑ci, l’accusée a menti au Major N. Flight en affirmant qu’elle n’avait pas dévoilé à l’Adjudant J.G. Galway la note que le conseil de promotion de la 2e Unité de PM avait attribué à celui‑ci, alors qu’elle l’avait fait.

 

Troisième chef d’accusation :

 

[traduction] Le 23 avril 2010, ou vers cette date, à la base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario, ou à proximité de celle‑ci, l’accusée a menti à l’Adjudant‑maître N.E. Bélanger en affirmant qu’elle n’avait pas dévoilé à l’Adjudant J.G. Galway la note que le conseil de promotion de la 2e Unité de Police militaire avait attribué à celui‑ci, alors qu’elle l’avait fait.

 

[43]      La poursuite devait établir hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants relativement à ces infractions :

 

            a.         l’identité de l’accusée comme contrevenante et les date et lieu allégués dans l’acte d’accusation;

 

b.                  le fait que la Capitaine Clark avait dévoilé à l’Adjudant Galway la note que le conseil de promotion de la 2e Unité de PM avait attribuée à celui‑ci;

 

c.                   le fait que la Capitaine Clark a dit au Major Flight qu’elle n’avait pas dévoilé à l’Adjudant Galway la note que le conseil de promotion de la 2e Unité de PM avait attribuée à celui‑ci, relativement au deuxième chef d’accusation, et le fait que la Capitaine Clark a dit à l’Adjudant‑maître Bélanger qu’elle n’avait pas dévoilé à l’Adjudant Galway la note que le conseil de promotion de la 2e Unité de PM avait attribuée à celui‑ci, relativement au troisième chef d’accusation;

 

d.                  le fait que la Capitaine Clark a délibérément fait une fausse déclaration;

 

e.                   la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline découlant de ce comportement.

 

[44]      La cour a déjà indiqué qu’elle n’a pas cru le témoignage du Major Flight concernant la discussion qu’il a eue avec la Capitaine Clark après l’entraînement physique de l’unité, le matin du 21 avril 2010; par conséquent, la cour conclut que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que la Capitaine Clark a dit au Major Flight, le 21 avril 2010, qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion de la 2e Unité de PM.

 

[45]      La cour a déjà conclu que la Capitaine Clark a effectivement divulgué à l’Adjudant Galway, le 21 janvier 2010, la note que lui avait attribuée le conseil de promotion de la 2e Unité de Police militaire. Ayant conclu que le témoignage de l’Adjudant‑maître Bélanger sur cette question est digne de foi et fiable, la cour conclut que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que la Capitaine Clark a dit à l’Adjudant‑maître Bélanger, le 23 avril 2010, qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion de la 2e Unité de PM.

 

[46]      L’intention de commettre un acte est un état d’esprit. Une personne veut habituellement les conséquences naturelles et probables de ses actes volontaires. La cour doit tenir compte du bon sens pour inférer de l’ensemble de la preuve quelle était l’intention de la Capitaine Clark lorsqu’elle a dit à l’Adjudant‑maître Bélanger qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion de la 2e Unité de PM. Compte tenu de la preuve acceptée, la cour conclut que la Capitaine Clark a délibérément fait une fausse déclaration à l’Adjudant‑maître Bélanger, le 23 avril 2010.

 

[47]      La cour doit maintenant déterminer si cette conduite conduite était préjudiciable au bon ordre et à la discipline. La Capitaine Clark a montré à l’Adjudant Galway son RAP préliminaire (pièce 4) avant la réunion du conseil de promotion et lui a communiqué le résultat obtenu après la réunion du conseil de promotion du 21 janvier 2010. En mars 2010, le Major Flight a rencontré la Capitaine Clark et elle a dû récrire le RAP. Le résultat figurant dans le RAP annuel présenté le 20 avril à l’Adjudant Galway (pièce 3) était beaucoup inférieur au résultat dont faisait état le RAP préliminaire (pièce 4) qu’on lui avait montré. L’Adjudant Galway a été extrêmement mécontent et a précisé qu’il déposerait un grief pour contester son RAP.

 

[48]      Le 21 avril, il a dit à l’Adjudant‑maître Bélanger pourquoi il n’était pas satisfait de son RAP; il savait qu’il s’était placé le deuxième dans le classement et il avait vu une copie de son RAP préliminaire. L’Adjudant‑maître Bélanger a appelé donc la Capitaine Clark, le 23 avril, dans le but de bien comprendre cette situation. La Capitaine Clark a menti à l’Adjudant‑maître Bélanger en lui disant qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway la note que lui avait attribuée le conseil de promotion de la 2e Unité de Police militaire. Le 23 avril, l’Adjudant‑maître Bélanger a cru la Capitaine Clark non l’Adjudant Galway parce qu’elle jugeait que celui‑ci ne disait pas la vérité à l’époque. Elle a pensé qu’il bluffait. Elle a déclaré avoir envoyé, le 23 avril, un courriel à l’Adjudant Galway, mais qu’elle aurait utilisé le même ton même si elle avait pensé à l’époque que celui‑ci disait la vérité. Elle a également déclaré qu’elle n’avait pas mentionné les dénégations de la Capitaine Clark dans le courriel adressé à l’Adjudant Galway parce qu’elle croyait que celle‑ci disait la vérité.

 

[49]      Le 7 mai, l’Adjudant‑maître Bélanger s’est entretenue avec l’Adjudant Galway; celui‑ci lui a dit que la Capitaine Clark lui avait montré son RAP préliminaire, le 17 janvier, et qu’elle lui a communiqué le résultat obtenu quelques minutes suivant la réunion du conseil de promotion. Selon l’Adjudant‑maître Bélanger, l’Adjudant Galway aurait ajouté que la Capitaine Clark lui avait dit qu’elle nierait lui avoir communiqué le résultat obtenu ou lui avoir montré le RAP préliminaire. À la suite de cette conversation téléphonique, l’Adjudant-maître Bélanger a informé son commandant de cette situation et a recommandé la tenue d’une enquête disciplinaire.

 

[50]      Le commandant adjoint a porté des accusations contre la Capitaine Clark le 18 mai, le jour même où le commandant a terminé le rapport d’enquête disciplinaire.  L’Adjudant‑maître Bélanger a consulté la demande de redresement de grief de l’Adjudant Galway, le 8 juin 2010, et  a vu qu’une copie de son RAP préliminaire y était jointe à titre d’annexe. Elle a été bouleversée de voir ce document. Elle a eu honte de ne pas avoir cru l’Adjudant Galway et d’avoir cru la Capitaine Clark jusqu’à cette date.

 

[51]      L’Adjudant‑maître Bélanger a décrit la dynamique du leadership au sein de la 2e Unité de PM. Le quartier général de l’unité se trouve à Toronto; les dix sous‑unités sont situées partout en Ontario. L’équipe de commandement de Toronto, le Major Flight et elle‑même, devait compter sur les équipes de commandement des sous‑unités. Plus précisément, le commandant devait compter sur ses officiers et l’Adjudant‑maître Bélanger devait compter sur les sous‑officiers. Elle a fait état de l’importance de la confiance, étant donné qu’elle doit se fier à ses sous‑officiers pour se tenir au courant de la situation des sous‑unités.

 

[52]      Elle aurait fait confiance à l’Adjudant Galway, le 23 avril, si la Capitaine Clark lui avait dit qu’elle avait montré à celui‑ci le RAP préliminaire. Elle aurait cru ce que l’Adjudant Galway lui avait dit auparavant. Cette confiance dans son sous‑officier était essentielle pour s’assurer qu’elle pouvait appuyer son commandant et pour garantir la réussite de l’unité. Elle doit être en mesure de se fier à son sous‑officier pour avoir un tableau complet de l’unité. Ce sentiment de méfiance l’a fait remettre en question les propos du sous‑officier et se demander si elle pouvait lui faire confiance. Lorsqu’elle s’est rendu compte que la Capitaine Clark lui avait menti, elle a eu le sentiment d’avoir manqué à son rôle de mentor en ce qui concerne la Capitaine Clark.

 

[53]      La Capitaine Clark a maintenant perdu la confiance de l’Adjudant‑maître Bélanger, et elle a également fait en sorte que l’Adjudant Galway perde la confiance de celle‑ci pendant un certain temps. Le mensonge que la Capitaine Clark a fait à Adjudant‑maître Bélanger a eu un impact négatif sur l’Adjudant‑maître Bélanger. Cela a changé l’opinion que l’Adjudant‑maître Bélanger avait de l’Adjudant Galway et a nui à la confiance qu’elle accordait à lui‑même et à l’information obtenue. La publication L’Armée de terre du Canada énonce ce qui suit, à la page 52 :

 

Pour être un bon chef, un officier doit être un modèle d’excellence professionnelle qui manifeste une intégrité absolue et inébranlable, assume la responsabilité de ses actes et rend compte des actes de ceux qu’il dirige. Si l’intégrité d’un officier est compromise, il sera incapable de maintenir le lien de confiance sur lequel repose son leadership.

 

[54]      La publication Servir avec honneur : La profession des armes au Canada

2009, évoque comme suit le concept de la discipline, à la page 28 :

 

La discipline joue un rôle primordial dans le maintien d’un haut degré de professionnalisme. Elle favorise la cohésion qui permet aux individus et aux unités d’atteindre des objectifs qu’ils ne pourraient réaliser par leur seule compétence militaire. Elle assure aussi la conformité aux intérêts et aux buts de l’institution militaire, tout en inculquant des valeurs et des normes communes. [...] Des normes de discipline militaire élevées procèdent de la compréhension des exigences des combats, de la connaissance de ses compagnons d’armes et de la confiance en ses chefs.

 

[55]      Le leadership dans les Forces canadiennes – Fondements conceptuels porte, à la page 73, sur l’importance de la confiance :

 

La confiance exercée au sein du leadership est liée, de manière positive, à l’individu et à la performance du groupe, la persistance face à l’adversité, la capacité de résister au stress, à la satisfaction professionnelle, et à l’engagement à un service continu. Un climat de confiance entre les leaders et les suiveurs est également lié aux qualités de « bon soldat », telles la conscience, le franc jeu, et la coopération. Il s’ensuit qu’une partie importante du travail du leader est d’établir et de maintenir des rapports sains de confiance avec les subordonnés, les pairs, et les supérieurs.

 

Les leaders établissent et maintiennent la confiance par leurs décisions, actions et interactions. La relation de confiance prend du temps à se développer et peut être facilement entamée par les attentes que les autres ont. Trois qualités personnelles principales sont critiques au développement de la confiance dans les leaders : sa compétence, le soin et la considération pour les autres, et son caractère (intégrité, fiabilité et impartialité).

 

[56]      Enfin, Le leadership dans les Forces canadiennes – Diriger des personnes souligne l’importance de l’instauration d’un climat de confiance à la page 70.

 

[57]      Le Major Flight a suivi le cours de commandement de l’Armée de terre. Il a expliqué que les membres de l’équipe de commandement, l’officer et le sous‑officier, doivent se faire mutuellement confiance. Il s’agit d’un élément essentiel à la cohésion de l’unité et l’équipe de commandement doit constituer un exemple à cet égard. Le Major Flight doit compter sur ses officiers et commandants de détachement pour se tenir au courant de ce qui se passe. Il doit établir un lien de confiance avec son commandant de sous‑unité. Les commandants de sous‑unité font partie de son équipe de commandement étendue.

 

[58]      Il a déclaré qu’après avoir pris connaissance des allégations de l’Adjudant Galway et consulté sa demande de redressement de grief, il a cru que la Capitaine Clark avait montré à celui‑ci son RAP préliminaire. Il a dit qu’une importante opération nationale approchait, à savoir les rencontres du G8 et du G20, et que l’équipe de commandement du 2e Peloton de PM était fractionnée, ce qui compliquait les choses.  Au lieu d’appeler la Capitaine Clark ou demander à l’Adjudant maître Bélanger d’appeler l’Adjudant Galway, il a communiqué avec un sergent du 2e Peloton de PM qu’il connaissait personnellement pour apprendre ce qui se passait au sein du 2e Peloton de PM, parce qu’il estimait que le sergent était impartial. Il n’avait jamais agi de la sorte au cours de sa carrière. Il a effectivement laissé la Capitaine Clark participer à l’opération CADENCE à titre de représentante de la 2e Brigade parce qu’il n’a pas présumé sa culpabilité; par contre, il lui a parlé le 7 juin et lui a donné des instructions par écrit sur cette mission.

 

[59]      Atteindre des objectifs ou, en d’autres termes, garantir le succès des missions constitue un objectif fondamental des Forces canadiennes. Les leaders doivent être en mesure de faire confiance à leurs subalternes; le temps et l’énergie gaspillés en remettant en question les subalternes peuvent entraîner un échec. Le travail d’équipe constitue également une valeur importante qui conduit à la réussite d’une mission. Le travail d’équipe repose sur la confiance. La confiance relève de l’intégrité. Autrement dit, nous comptons, en tant qu’institution, sur l’intégrité et la confiance parce que tout commandant et tout membre de l’équipe doivent se fier à leurs supérieurs, leurs pairs et leurs subalternes pour qu’ils s’acquittent de leurs fonctions et garantissent la réussite d’une mission ainsi que la sécurité des hommes et des femmes qui travaillent de concert pour atteindre le même objectif. La cour conclut que le mensonge que la Capitaine Clark a fait à l’Adjudant‑maître Bélanger a fait en sorte que l’Adjudant Galway perde la confiance de celle‑ci et a changé les rapports de l’Adjudant‑maître Bélanger avec cette sous‑unité. Si la Capitaine Clark avait répondu sincèrement à la question que l’Adjudant‑maître Bélanger lui a posée le 23 avril, celle‑ci n’aurait pas perdu sa confiance en l’Adjudant Galway et aurait collaboré avec eux pour résoudre la situation. Or, ce mensonge a nui à l’ensemble de l’équipe de commandement de la 2e Unité de PM. Le Major Flight a changé également ses rapports avec la Capitaine Clark et la sous‑unité, après avoir été informé des allégations. Par conséquent, la cour est convaincue hors de tout doute raisonnable que le mensonge que la Capitaine Clark a fait à l’Adjudant‑maître Bélanger constituait un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline au sein de la 2e Unité de PM.

 

[60]      Les quatrième et cinquième chefs d’accusation énoncent ce qui suit. Le quatrième chef d’accusation :

 

[traduction] Le 21 avril 2010, ou vers cette date, à la base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario, ou à proximité de celle‑ci, l’accusée a menti au Major N. Flight en affirmant qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant J.G. Galway son rapport préliminaire d’appréciation du personnel, alors qu’elle l’avait fait.

 

Le cinquième chef d’accusation :

 

[traduction] Le 23 avril 2010, ou vers cette date, à la base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario, ou à proximité de celle‑ci, l’accusée a menti à l’Adjudant‑maître N.E. Bélanger en affirmant qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant J.G. Galway son rapport préliminaire d’appréciation du personnel, alors qu’elle l’avait fait.

 

[61]      La poursuite devait établir hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants relativement à ces infractions :

 

            a          l’identité de l’accusée comme contrevenante et les date et lieu allégués dans l’acte d’accusation;

 

            b          le fait que la Capitaine Clark avait divulgué à l’Adjudant Galway le rapport préliminaire de son RAP annuel;

 

            c          le fait que la Capitaine Clark a dit au Major Flight qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway son RAP annuel préliminaire, relativement au quatrème chef d’accusation, et le fait que la Capitaine Clark a dit à l’Adjudant‑maître Bélanger qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway son RAP annuel préliminaire, relativement au cinquième chef d’accusation;

 

            d          le fait que la Capitaine Clark a délibérément fait une fausse déclaration;

 

            e          la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline découlant de ce comportement.

 

[62]      La cour a déjà indiqué qu’elle n’a pas cru le témoignage du Major Flight concernant la discussion qu’il a eue avec la Capitaine Clark après l’entraînement physique de l’unité, le matin du 21 avril 2010; par conséquent, la cour conclut que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que la Capitaine Clark a dit au Major Flight, le 21 avril 2010, qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway son RAP annuel préliminaire.

 

[63]      La Capitaine Clark n’est pas accusée pour avoir menti en affirmant qu’elle n’avait pas fourni à l’Adjudant Galway une copie de son RAP préliminaire. Elle est accusée pour avoir menti en affirmant qu’elle ne lui avait pas divulgué son RAP préliminaire. Le mot « divulguer » est défini  dans la onzième édition révisée du Concise Oxford English Dictionary comme « faire connaître » et « laisser voir ».

 

[64]      Les témoignages du Major Flight et de l’Adjudant‑maître Bélanger décrivent la Capitaine Clark comme étant une jeune officière qui faisait preuve d’un bon potentiel et s’acquittait bien de ses responsabilités à l’époque des infractions reprochées. La Capitaine Clark avait été nommée commandante du 2e Peloton de PM au cours de l’été 2009. Elle avait de bonnes relations de travail avec l’Adjudant Galway, son sergent‑major intérimaire. L’avocat de la défense a longuement expliqué lors du contre‑interrogatoire des témoins qu’il s’agissait de la première fois que la Capitaine Clark rédigeait un RAP. Bien que l’Adjudant Galway ait convenu que, selon une règle bien connue du 2e Peloton de PM, les membres ne devaient pas consulter les RAP préliminaires, la preuve n’indique pas que la Capitaine Clark connaissait cette règle avant que l’Adjudant Galway lui dise qu’il n’était pas censé consulter le RAP préliminaire.

 

[65]      Lorsqu’il a contre‑interrogé l’Adjudant Galway, l’avocat de la défense n’a pas contredit son témoignage sur le fait que la Capitaine Clark lui avait montré son RAP préliminaire ni n’a contesté sa preuve sur ce point. L’avocat de la défense a mis l’accent sur le fait qu’il s’agissait d’un acte répréhensible. L’Adjudant Galway a admis qu’il s’agissait d’un acte répréhensible et qu’il en était conscient, mais il a dit que la Capitaine Clark a insisté pour qu’il examine le RAP afin de s’assurer qu’elle s’était bien acquittée de sa tâche et que le RAP reflétait correctement le travail qu’il avait effectué. La cour conclut donc que la Capitaine Clark a effectivement montré à l’Adjudant Galway son RAP annuel préliminaire avant la réunion du conseil de promotion de l’unité.

 

[66]      Ayant accepté la preuve de l’Adjudant Galway, la cour conclut que la Capitaine Clark a effectivement divulgué à celui‑ci son RAP annuel préliminaire. Ayant accepté le témoignage de l’Adjudant‑maître Bélanger, la cour conclut que la Capitaine Clark a effectivement dit à l’Adjudant‑maître Bélanger qu’elle n’avait pas montré à l’Adjudant Galway une copie de son RAP préliminaire. Le fait de montrer une copie d’un RAP préliminaire équivaut au fait de laisser voir ou de faire connaître. La cour conclut que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que la Capitaine Clark a dit à l’Adjudant‑maître Bélanger, le 23 avril 2010, qu’elle n’avait pas divulgué à l’Adjudant Galway son RAP annuel préliminaire.

 

[67]      L’intention de commettre une infraction est un état d’esprit. J’ai déjà traité des principes de droit relatifs à l’intention. Compte tenu de la preuve acceptée, la cour conclut que la Capitaine Clark a délibérément fait une fausse déclaration à l’Adjudant‑maître Bélanger, le 23 avril 2010.

 

[68]      La cour doit maintenant déterminer si cette conduite était préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Pour les mêmes motifs que ceux fournis relativement au troisième chef d’accusation, la cour conclut que le mensonge que la Capitaine Clark a fait à l’Adjudant‑maître Bélanger a effectivement porté préjudice au bon ordre et à la discipline au sein de la 2e Unité de PM. Par conséquent, la cour est convaincue hors de tout doute raisonnable que le mensonge que la Capitaine Clark a fait à l’Adjudant‑maître Bélanger constituait un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[69]      Vous DÉCLARE coupable du premier, du troisième et du cinquième chefs d’accusation. 

 

[70]      Vous DÉCLARE non coupable du deuxième et du quatrième chefs d’accusation.


 

Avocats :

 

Major T. Tamburro, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine R.D. Kerr, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major C.E. Thomas, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de la Capitaine Lisa Marie Clark



[1] R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, au par. 49. 

[2] R. c. H.C., 2009 ONCA 56, au par. 64.

[3]Liwyj c. R., 2010 CMAC 6, au par. 24.

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