Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 11 janvier 2007.
Endroit : BFC Borden, édifice P-153, 633 chemin Dieppe, Borden (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 130 LDN, possession d’une substance (art. 4(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 3 : Coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 600$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. La soldate S.M. Fletcher, 2007 CM 4001
Dossier : 200637
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES BORDEN
Date : Le 11 janvier 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LA SOLDATE S.M. FLETCHER
(contrevenante)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Soldate Fletcher, la cour ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité au chef d’accusation no 3, elle vous déclare maintenant coupable de celui‑ci.
[2] Le sommaire des circonstances, dont vous avez officiellement reconnu les faits en tant que preuve concluante de votre culpabilité, éclaire la cour quant au contexte dans lequel vous avez commis l’infraction.
[3] Les principes de détermination de la peine, qui sont d’ailleurs les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de juridiction criminelle au Canada, ont été énoncés de différentes manières. En général, ces principes s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend les Forces canadiennes. Parmi les objectifs et principes fondamentaux, il y a la dissuasion, qui comprend aussi bien l’effet dissuasif produit sur la personne visée que l’effet dissuasif général produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre une infraction du même genre. Ces principes comprennent également le principe de la dénonciation du comportement illégal et, le dernier mais non le moindre, le principe de l’amendement et de la réinsertion sociale du contrevenant. Il revient à la cour de déterminer si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces principes.
[4] La cour a également tenu compte de l’orientation suggérée par les articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada, plus précisément des objectifs suivants : dénoncer le comportement illégal; dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; favoriser la réinsertion sociale des délinquants; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
[5] La cour est aussi tenue, lorsqu’elle inflige une peine, de suivre les directives de l’article 112.48 des ORFC, qui lui impose de tenir compte de toutes les conséquences indirectes de sa décision ou de la peine qu’elle prononce et d’infliger au contrevenant une peine proportionnée à la gravité de son infraction et à ses antécédents. La cour a également tenu compte du principe voulant que les peines infligées aux contrevenants qui commettent des infractions similaires dans des circonstances comparables ne soient pas disproportionnées. La cour a aussi le devoir d’infliger la peine la plus clémente compatible avec le maintien de la discipline dans les rangs.
[6] Dans R. c. Paquette, (1998) CACM-418, la Cour d’appel de la cour martiale précise clairement que le juge appelé à prononcer une peine ne peut rejeter la recommandation conjointe des avocats, à moins que la peine proposée ne soit de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle ne soit dans l’intérêt public. La poursuite et votre avocat ont tous les deux proposé que vous soyez condamnée à une amende de 600 $. La cour doit aussi garder à l’esprit que l’objectif fondamental de la peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs des Forces armées.
[7] La discipline est cette qualité que tout membre des FC doit avoir pour l’aider à placer les intérêts du Canada et des Forces canadiennes devant tout intérêt personnel. Ce besoin existe parce que les membres des Forces canadiennes doivent obéir rapidement et sans se faire prier aux ordres légitimes, même si ceux‑ci peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur le plan personnel, comme des blessures ou même la mort. Quoique la discipline soit une qualité qui est enseignée et cultivée par les Forces canadiennes dans le cadre de la formation et des exercices, il s’agit en définitive d’une qualité personnelle essentielle à l’efficacité opérationnelle de toute force militaire.
[8] La poursuite a soumis des commentaires favorables sur votre disposition à assumer la responsabilité des gestes que vous avez posés. Vous avez collaboré immédiatement avec la police militaire et le fait que vous avez plaidé coupable dès le début a réduit considérablement le travail et le coût que nécessite la préparation d’un procès. Votre plaidoyer de culpabilité témoigne de façon tangible de la reconnaissance de votre responsabilité. Vous en êtes à votre première infraction et vous étiez dans les Forces canadiennes depuis peu de temps lorsque vous l’avez commise, même si vous étiez parfaitement au courant de la politique stricte des Forces canadiennes sur l’usage illégal de drogues. L’usage de drogues illégales est un manquement grave au Code de discipline militaire.
[9] La documentation fournie par votre avocat met en évidence de façon très positive les efforts que vous faites pour vous débarrasser de votre dépendance à l’alcool et aux drogues. La lettre de Mme Poulin décrit une personne qui veut prendre le contrôle de sa vie et aller dans la bonne direction. Aujourd’hui, vous avez démontré à la cour que vous pouvez assumer la responsabilité de vos actes et que vous êtes prête à vivre avec les conséquence. Vous avez été libérée des Forces canadiennes parce que vous étiez inapte à continuer votre service militaire en raison de votre consommation de drogues illégales. Cette décision, qui faisait suite à votre usage de drogues illégales pendant votre service dans les Forces canadiennes, vous semble certainement dure. La vie pourrait être encore plus dure pour vous si vous n’aviez pas décidé de régler vos problèmes de dépendance. Ce n’est pas la fin de la route pour vous pour autant. Vous avez commis des erreurs, vous vous êtes tenue debout et vous avez assumé la responsabilité de vos erreurs. Vous devez maintenant supporter les conséquences qui découlent de ces erreurs. Votre vie n’est pas finie parce que vous êtes libérée des Forces canadiennes. Il s’agit d’un nouveau départ.
[10] Il appert que vous avez fait ces erreurs parce que vous êtes devenue amie avec le mauvais type de personnes. Vous avez depuis investi beaucoup d’efforts pour régler vos problèmes de dépendance. Vous aurez bientôt un enfant et vous vivrez avec le caporal‑chef Fortin. Je ne possède pas de boule de cristal, mais il me semble que votre vie ne peut que s’améliorer si vous conservez l’attitude qui est décrite dans les documents présentés par votre avocat. Vous semblez avoir de bonnes chances de réussir dans la vie si vous gardez cette attitude positive et si vous continuez à vous battre contre votre dépendance et à travailler dur.
[11] Vous avez manifestement fait tous les efforts pour vous réadapter et pour régler vos problèmes de dépendance. Votre plaidoyer de culpabilité indique qu’une mesure de dissuasion spécifique n’est pas nécessaire dans le cas présent. Bien que l’infraction que vous avez commise constitue un manquement grave au Code de discipline militaire, vos actes et vos efforts depuis la perpétration de l’infraction sont dignes de mention. Comme je l’ai dit précédemment, la vie n’est pas finie parce que vous êtes libérée des Forces canadiennes. Votre avocat a répété les sages propos d’un grand général. Tenez compte de l’avis du général Bradley et ne cessez jamais de vous améliorer afin de devenir un modèle pour votre enfant.
[12] La cour croit que la présente sentence doit surtout mettre l’accent sur la dissuasion générale et sur la dénonciation. Vu les fortes circonstances atténuantes qui existent en l’espèce et la libération administrative qui a déjà été décidée, et ayant à l’esprit la directive donnée par la Cour d’appel de la cour martiale dans Paquette, j’accepte la recommandation conjointe.
[14] Soldate Fletcher, veuillez vous lever. Je vous condamne à une amende de 600 $. Comme j’ai appris que vous serez libérée des Forces canadiennes au plus tard le 9 février 2007, l’amende devra être payée le jour précédant la date de prise d’effet de votre libération. Si cette décision de vous libérer des Forces canadiennes est annulée, l’amende devra être payée par des versements mensuels de 50 $ à compter du 1er mars 2007.
[15] L’audience tenue par la présente cour martiale concernant la soldate Fletcher est levée.
LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, j.m.
Avocats :
La major J.J.L.G. Caron, Direction des poursuites militaires
Procureure de Sa Majesté la Reine
Le capitaine de corvette J.C.P. Lévesque, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat de la soldate Fletcher