Cour martiale
Informations sur la décision
CACM 499 - Appel abandonné
Date de l’ouverture du procès : 19 décembre 2006.
Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).
Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
•Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 200$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Le Caporal‑chef J.R.J. McRae, 2007 CM 4006
Dossier : 200631
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
QUÉBEC
GATINEAU
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Date : Le 7 février 2007
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, J.M.
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SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE CAPORAL‑CHEF J.R.J. MCRAE
(contrevenant)
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SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
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TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal‑chef McRae, vous ayant déclaré coupable d’une accusation d’avoir désobéi à un ordre légitime d’un supérieur, la cour doit maintenant vous infliger une peine juste et appropriée. Pour déterminer cette peine, la cour a tenu compte du contexte dans lequel vous avez commis cette infraction, des circonstances atténuantes présentées par votre avocat et des circonstances aggravantes décrites par poursuivant, des observations du poursuivant et de votre avocat, ainsi que des principes de détermination de la peine applicables.
[2] L’exposé conjoint des faits concernant la peine que vous avez déposé à la cour, les pièces ainsi que les témoignages entendus lors de l’audience de détermination de la peine et lors du procès fournissent à la présente cour les renseignements dont elle a besoin pour déterminer la peine appropriée en l’espèce.
[3] Les principes généraux de détermination de la peine, qui sont d’ailleurs les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de juridiction criminelle au Canada, ont été énoncés de différentes manières. En général, ces principes s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend les Forces canadiennes. Le principe fondamental est la dissuasion, qui comprend aussi bien l’effet dissuasif produit sur la personne visée que l’effet dissuasif général produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre une infraction du même genre. Les principes comprennent également le principe de la dénonciation du comportement illégal et, le dernier mais non le moindre, le principe de l’amendement et de la réinsertion sociale du contrevenant.
[4] La cour doit déterminer si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces principes. Lorsqu’elle inflige une peine, la cour doit suivre les directives de l'alinéa 112.48(2) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes , qui lui impose de tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence et de prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant.
[5] La cour a également tenu compte de l’orientation suggérée par les articles 718 à 718.2 du Code criminel. Je précise que ces dispositions ne sont qu’indicatives étant donné qu’elles ne lient pas les cours martiales en ce qui concerne la détermination de la peine. Les objectifs et principes qu’elles énoncent servent à dénoncer le comportement illégal; à dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; à isoler, au besoin, le délinquant du reste de la société; à favoriser la réinsertion sociale des délinquants; à assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; à susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
[6] La cour a également tenu compte du fait que les peines infligées aux contrevenants qui commettent des infractions similaires dans des circonstances comparables ne doivent pas être disproportionnées. La cour a aussi le devoir d’infliger la peine la plus clémente compatible avec le maintien de la discipline dans les rangs. Elle doit aussi garder à l’esprit que l’objectif fondamental de la peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs des Forces armées. La discipline est cette qualité que tout membre des Forces canadiennes doit avoir pour l’aider à placer les intérêts du Canada et des Forces canadiennes devant tout intérêt personnel. Ce besoin existe parce que les membres des Forces canadiennes doivent obéir rapidement et sans se faire prier aux ordres légitimes, même si ceux‑ci peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur le plan personnel, comme des blessures ou même la mort.
[7] Je parle de la discipline comme d’une qualité parce que, bien qu’elle soit enseignée et cultivée par les Forces canadiennes dans le cadre de la formation et des exercices, il s’agit en définitive d’une qualité personnelle essentielle à l’efficacité opérationnelle de toute force militaire.
[8] La poursuite fait valoir que ce sont les principes de la dissuasion spécifique et de la dissuasion générale et le maintien de la discipline qui sont les plus importants en l’espèce. Elle a présenté à la cour quatre affaires au soutien de la peine qu’elle suggère, soit une réprimande et une amende de 1 200 $.
[9] Votre avocat soutient que la peine devrait mettre l’accent sur le principe de la réinsertion sociale. Selon lui, une amende maximale de 200 $ serait appropriée en l’espèce.
[10] Je traiterai d’abord des facteurs aggravants. La poursuite soutient que l’infraction est grave, à la fois objectivement et subjectivement, et que cette gravité doit être prise en compte dans la détermination de la peine. Elle fait également valoir que le grade du contrevenant, un caporal‑chef, doit être pris en considération étant donné qu’il s’agit du premier échelon de supervision et que, pour être un bon chef, il faut être un bon subordonné. Finalement, la poursuite fait état d’un dossier de service et d’antécédents militaires qui ne sont pas parfaits, selon elle.
[11] J’examinerai maintenant les facteurs atténuants. Votre avocat a souligné à juste titre que vous avez le droit de plaider non coupable et d’être présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. Votre plaidoyer de non‑culpabilité et votre décision d’être jugé par la cour martiale ne devraient pas être considérés comme des facteurs aggravants. Votre avocat a aussi mentionné que la cour devrait tenir compte du délai qui s’est écoulé entre le dépôt des accusations et le procès et de l’effet de ce délai sur vous et sur votre épouse. Comme poursuivant et votre avocat l’ont mentionné, vous n’avez ni d’antécédents judiciaires ni de fiche de conduite.
[12] La cour n’est pas d’accord avec l’avocat de la défense lorsqu’il fait valoir que la séance de counselling du 9 septembre équivalait à la réprimande demandée par la poursuite. Il est très clair qu’une mesure administrative, comme un avertissement écrit, des conseils et une période de probation, ou d’autres mesures administratives moins sévères, comme une séance de counselling, ne sont pas considérées comme des mesures disciplinaires.
[13] Il est exact de dire que l’infraction de désobéissance à un ordre légitime est en soi une infraction grave en raison de la conduite qu’elle vise à punir et de la peine maximale qu’elle entraîne, mais on doit, lorsque l’on détermine une peine juste et appropriée, examiner la nature exacte de l’infraction commise. Comme l’ont dit d’autres cours martiales, on peut logiquement déterminer que cette infraction et ses répercussions sur la discipline et sur les Forces canadiennes peuvent varier considérablement, même s’il s’agit objectivement d’une infraction grave. À l’époque où elle a été commise, le superviseur du Caporal‑chef McRae a jugé qu’une enquête disciplinaire simple et très brève au sein de l’unité était suffisante pour étayer l’accusation. La preuve présentée au cours de l’instance indique clairement que l’infraction compte parmi les moins graves.
[14] Un examen des pièces produites par votre avocat permet de constater que vous êtes un militaire qui s’est efforcé d’effectuer son travail de son mieux avant et après l’infraction, et dont les efforts ont été reconnus par vos chaînes de commandement canadienne et américaine. Je constate également que vous avez été promu au grade que vous détenez actuellement en 2003, soit environ deux ans avant l’infraction, de sorte que vous étiez un caporal‑chef relativement nouveau au moment de l’infraction.
[15] La cour ne souscrit pas à la position de la poursuite pour qui la dissuasion générale et la dissuasion spécifique doivent être les facteurs les plus importants à prendre en compte aux fins de la détermination de la peine en l’espèce. L’infraction relativement mineure a été perpétrée au début de septembre 2005, il y a 16 mois environ. Vous avez été rapatrié au Canada à l’été 2006. La présente cour martiale n’aura pas une grande incidence sur le détachement. La preuve présentée à la cour révèle que l’infraction est davantage une exception qu’un acte courant dans votre carrière. Il s’agit d’un incident isolé. Par conséquent, la cour ne pense pas que la dissuasion spécifique est requise en l’espèce.
[16] La longue période qui s’est écoulée entre le 23 septembre 2005 et la date de votre procès doit être prise en compte dans la détermination de la peine. À cause de cette période, l’effet inhérent des présentes procédures sur la discipline a été dilué et, à l’inverse, leurs répercussions négatives sur vous et votre situation personnelle se sont aggravées. La cour considère que la peine doit mettre l’accent principalement sur la réinsertion sociale et être la plus clémente qui est compatible avec le maintien de la discipline dans les circonstances.
[17] Pour déterminer la peine, la présente cour a pris en considération les affaires présentées par poursuivant et par votre avocat, ainsi que les décisions de principe canadiennes sur la question de la détermination de la peine. Caporal‑chef McRae, veuillez vous lever. Caporal‑chef McRae, je vous condamne à une amende de 200 $.
LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, J.M.
Avocats :
Le Major J. Caron, procureur militaire régional, région de l’Est
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Capitaine de corvette J.C.P. Lévesque, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal-chef J.R.J. McRae