Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 20 juin 2011

Endroit : BFC Esquimalt, Édifice 30-N, Victoria (CB)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.
•Chef d'accusation 3 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 3 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Coupable, avec un verdict spécial pour la période d'absence sans permission est de 11 h 30 le 11 janv 11 à 07 h 30 le 12 janv 11.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 10 jours et une amende au montant de 1000$. L'exécution de la peine d'emprisonnement a été suspendue.

Contenu de la décision

Cour martiale

 

Référence : R c Weldam-Lemire, 2011 CM 4019

 

Date : 20110623

Dossier : 201107

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Colombie-Britannique, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-Matelot de 3e classe S. Weldam-Lemire, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J. M.

 


 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

 

[1]        Ex-Matelot de 3e classe Weldam-Lemire, à la conclusion du procès, la présente cour vous a déclaré coupable d’avoir désobéi au commandement légitime d’un supérieur et de vous être absenté sans permission à deux reprises. Vous ne vous êtes pas présenté à votre poste sur la bordée de service à bord du NCSM CALGARY de 7 h 30 à 12 h 45 le 12 décembre 2010. Vous ne vous êtes pas présenté au Premier maître de 1re classe Price à 11 h 30 le 11 janvier 2011 suivant ce qu’il avait ordonné et vous n’étiez pas à votre poste sur la bordée de service à bord du NCSM CALGARY de 11 h 30 le 11 janvier 2011 jusqu’à 7 h 30 le 12 janvier 2011. La cour doit maintenant infliger une peine juste et appropriée en l’espèce.

 

[2] Les principes de détermination de la peine, qui sont communs aux cours martiales et aux tribunaux civils ayant compétence en matière pénale au Canada, ont été énoncés de diverses manières. En général, ces principes s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend, bien entendu, les Forces canadiennes.

 

[3] La Cour d’appel de la cour martiale du Canada a clairement indiqué que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine énoncés au Code criminel[1] s’appliquent au système de justice militaire et que le juge du procès doit en tenir compte au moment de déterminer la peine[2]. Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et à la protection de la société, ce qui comprend les Forces canadiennes, par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a) dénoncer le comportement illégal;

 

b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d) favoriser la réinsertion sociale des contrevenants;

 

e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

 

[4] La cour doit déterminer si la protection du public serait mieux assurée par la dissuasion, la réinsertion sociale, la dénonciation ou une combinaison de ces facteurs.

 

[5] Comme l’a indiqué la Cour d’appel de la cour martiale, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé où le juge du procès a l’avantage d’avoir vu et entendu tous les témoins; c’est l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit accomplir[3].

 

[4] Les dispositions relatives à la détermination de la peine qui sont énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel prévoient un processus individualisé de détermination de la peine suivant lequel la cour doit prendre en compte non seulement les circonstances de l’infraction, mais aussi la situation particulière du délinquant. La peine doit également être semblable à celle infligée dans des circonstances semblables. Le principe de la proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine[4]. La Cour suprême du Canada nous enseigne, au paragraphe 42 de l’arrêt Nasogaluak, que la proportionnalité requiert que la sanction n’excède pas ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction.

 

[5] La cour doit infliger la peine la moins sévère nécessaire pour maintenir la discipline. L’objectif ultime de la détermination de la peine consiste à rétablir la discipline chez le contrevenant et dans la collectivité militaire. La discipline est la qualité que chaque membre des FC doit posséder pour lui permettre de placer les intérêts du Canada et ceux des Forces canadiennes devant les siens propres. Cela est nécessaire, car les membres des Forces canadiennes doivent obéir volontairement et promptement à des ordres licites pouvant avoir des conséquences personnelles désastreuses, telles que des blessures et la mort. La discipline est définie comme une qualité, car, au bout du compte, bien qu’elle représente une conduite que les Forces canadiennes développent et encouragent par l’instruction, l’entraînement et la pratique, elle est une qualité intérieure et l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée.

 

[6]        Le procureur de la poursuite et l’avocat de la défense ont conjointement proposé une peine d’emprisonnement de 10 jours et une amende de 1000 dollars à payer dans un délai de 90 jours. Ils recommandent également que la cour sursoie à l’application de la peine d’emprisonnement.

 

[7] La Cour d’appel de la cour martiale a établi que le juge prononçant la sentence ne doit pas aller à l’encontre de la recommandation conjointe, à moins que la peine ainsi proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit inadéquate, déraisonnable ou d’une autre façon contraire à l’intérêt public.

 

[8] Vous vous êtes engagé dans les Forces canadiennes en juin 2009. Vous avez terminé votre instruction de recrue en septembre 2009, vous avez ensuite été affecté à l’École des Forces navales canadiennes à Esquimalt. Puis, vous avez été affecté au NCSM CALGARY en février 2010. Vous avez été libéré des Forces canadiennes en vertu du numéro 5f) de l’article 15.01 des ORFC le 23 mai 2011. Vous avez été membre des Forces canadiennes pendant environ 23 mois.

 

[9] J’examinerai d’abord la preuve concernant la mitigation de la peine.

 

[10]      Vous avez été sous garde militaire pendant trois jours, du 13 au 15 janvier 2011. La cour a déjà conclu que vous avez été détenu arbitrairement par la police miliaire en violation des droits qui vous sont garantis par l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés et que la réparation appropriée pour cette violation est la mitigation de la peine.

 

[11]      Sur le plan objectif, l’infraction d’absence sans permission est une des infractions les moins graves du Code de discipline militaire puisque la peine maximale prévue est l’emprisonnement pour moins de deux ans. Vous étiez absent sans permission de la bordée de service de 7h 30 à 12 h 45 le 12 décembre 2011 et de 11 h 30 le 11 janvier 2011 à 7 h 30 le 12 janvier 2011. Ces absences se sont produites alors que le NCSM CALGARY était à quai à la BFC Esquimalt pour y être caréné. Vous étiez une des deux personnes de quart à la coupée et, à chaque occasion, un autre marin a dû vous remplacer à cause de votre absence. Vos absences démontrent un manque de respect pour votre chaîne de commandement et vos collègues. Elles ont causé des difficultés inutiles à vos collègues et ont entraîné des difficultés administratives pour votre chaîne de commandement. Sur le plan subjectif, ces infractions ne constituent pas les exemples les plus flagrants d’absence sans permission, mais elles ont eu une incidence négative sur vos collègues et votre chaîne de commandement.

 

[12] Vous êtes né en mai 1987. Vous étiez âgé de 23 ans à la date de perpétration des infractions. Votre jeune âge constitue une circonstance atténuante. La brièveté de votre engagement dans les Forces canadiennes au moment des infractions, approximativement 19 mois, n’a pas l’importance qu’elle aurait normalement eue, car vous avez une fiche de conduite très chargée; vous auriez dû tirer une leçon de vos interactions antérieures avec le système de justice militaire.

 

[13]      J’ai examiné la lettre transmise par votre employeur actuel − la pièce 12. Vous avez trouvé un emploi immédiatement après avoir été libéré des Forces canadiennes. Votre employeur déclare que vous êtes un ouvrier prometteur. Il déclare également que vous perdrez votre emploi si vous n’êtes pas présent et apte au travail du lundi au samedi.

 

[14]      Vous avez été libéré des Forces canadiennes en vertu du numéro 5f). Ce motif de libération s’applique à la libération d’un officier ou militaire du rang qui, soit entièrement soit principalement à cause de facteurs en son pouvoir, manifeste des faiblesses personnelles ou un comportement ou a des problèmes de famille ou personnels qui compromettent grandement son utilité ou imposent un fardeau excessif à l’administration des Forces canadiennes. Il semble que les nombreuses infractions d’absence sans permission et les autres infractions figurant sur votre fiche de conduite ont constitué le principal motif de cette libération obligatoire.

 

[15] J’examinerai maintenant les facteurs aggravants de l’espèce.

 

[16]      Pendant la courte période où vous avez été membre des Forces canadiennes, vous avez été jugé sommairement à huit reprises. La Cour ne peut considérer que sept de ces décisions pour la détermination de la peine, car la dernière infraction a été commise après la perpétration des infractions dont la présente cour a été saisi.

 

[17]      Votre fiche de conduite comporte quatre accusations d’absence sans permission, qui se sont produites le 16 octobre 2009, le 18 décembre 2009, le 1er avril 2010 et du 19 au 20 août 2010. Ces absences sans permission ont duré de 2 heures à 26 heures. Vous avez été déclaré coupable d’ivresse à deux reprises et ces infractions ont été commises le 13 mai 2010 et le 18 juin 2010. Vous avez été déclaré coupable d’avoir désobéi au commandement légitime du Premier maître de 1re classe Price le 19 août 2010. Il s’agit d’une fiche de conduite très chargée pour une période de temps aussi courte.

 

[18]      À la lecture de votre fiche de conduite, on remarque une certaine tendance; vous n’avez pas encore maîtrisé la notion d’autodiscipline et vous n’êtes pas une personne responsable et digne de confiance.

 

[19] Objectivement, la désobéissance au commandement légitime d’un supérieur constitue l’une des infractions les plus graves du Code de discipline militaire puisque la peine maximale prévue est l’emprisonnement à perpétuité; le 10 janvier 2011, vous avez été accusé de vous être absenté sans permission et le Premier maître de 1re classe Price, le capitaine d’arme du navire, vous avait ordonné de vous présenter à son bureau le jour suivant pour décider si vous vouliez être jugé devant une cour martiale. Vous ne vous êtes pas présenté à son bureau le 11 janvier 2011. Ce comportement dénote un manque total de respect pour l’autorité et le système de justice militaire.

 

[20]      Le 31 août 2010, vous avez été déclaré coupable de vous être absenté sans permission et d’avoir désobéi à un commandement légitime du Premier maître de 1re classe Price. Vous avez été absent pendant une période de 26 heures. Vous avez été condamné à purger une peine de 15 jours d’emprisonnement et à une amende de 1200 dollars.

 

[21]      La majorité dans Tupper a conclu que les peines de destitution du service de Sa Majesté et de détention ne peuvent être imposées à l’égard d’un contrevenant après sa libération administrative des Forces canadiennes. Je suis lié par cette décision.

 

[22]      La peine de détention sert un objectif de réinsertion sociale en faisant renaître l’habitude d’obéir dans un contexte militaire structuré. Le contrevenant est normalement renvoyé à son unité sans que sa carrière en souffre à long terme. J’aurais envisagé une période de détention plus longue comme peine appropriée en l’espèce, mais je ne peux pas le faire. Vous avez déjà été libéré des Forces canadiennes et vous avez trouvé un emploi. La réinsertion du contrevenant et la mitigation de la peine fondée sur la violation de votre droit à la protection contre la détention arbitraire auraient justifié la suspension de la détention. J’aurais considéré cette peine parce qu’elle répond au besoin de dissuasion générale. Cette peine n’aurait pas nécessairement eu pour but de vous renvoyer à vos fonctions militaires, mais elle vous aurait tout de même aidé à vous améliorer.

 

[23]      La suspension de la peine de détention a fondamentalement le même effet sur le contrevenant que la suspension de la peine d’emprisonnement. Le contrevenant n’est pas tenu de purger sa peine si sa conduite, depuis la suspension, justifie une remise de la peine.

 

[24]      J’espère sincèrement que vous avez appris de ces erreurs et que vous évoluerez afin de devenir un membre productif de la société. Je conviens avec le procureur que le principe de la dissuasion générale est le principe le plus important en matière de détermination de la peine en l’espèce, mais la cour doit également considérer la réinsertion du contrevenant et les circonstances particulières de l’affaire.

 

[25] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, la jurisprudence et les observations présentées par le procureur et votre avocat, j’estime que la peine proposée n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice et qu’elle est dans l’intérêt public. Par conséquent, je souscris à la recommandation conjointe de la poursuite et de votre avocat.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR

 

[26] Vous condamne à 10 jours d’emprisonnement et à 1000 $ d’amende. L’amende doit être payée le 24 septembre 2011 au plus tard.

 

[27] Suspend l’exécution de la peine d’emprisonnement.


 

AVOCATS

 

Major G.T. Rippon, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Bernsten, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex-Matelot de 3e classe S. Weldam-Lemire



[1] L.R.C. 1985, ch. C-46

[2] R c. Tupper, 2009 CACM 5, par. 30

[3] R c. Tupper, 2009 CACM 5, par. 13

[4] R c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, par. 41

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