Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 18 novembre 2013.

Endroit : BFC Petawawa, édifice L-115, 144 terrain de parade Simmonds, Petawawa (ON).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, entreposage négligent d’une arme à feu (art. 86(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, maniement négligent d’une arme à feu (art. 86(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Non coupable

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Kent, 2013 CM 3031

 

Date :  20131122

Dossier :  201359

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

‑ et ‑

 

Caporal S. Kent, accusé

 

 

Devant :  Lieutenant‑Colonel L.‑V. d’Auteuil, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le caporal Kent est accusé de trois infractions militaires prévues dans la Loi sur la défense nationale relativement à seul et bref incident qui serait survenu dans un logement familial le 14 janvier 2013 à la base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario.

 

[2]               Premièrement, il est accusé, en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, d’avoir, sans excuse légitime, entreposé une arme à feu d’une manière négligente, soit un pistolet Sig Sauer P225, calibre 9 millimètres; deuxièmement, il est accusé, en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, d’avoir, sans excuse légitime, manipulé d’une manière négligente une arme à feu, soit un pistolet Sig Sauer P225, calibre 9 millimètres et, troisièmement, il est accusé, en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, d’avoir omis d’utiliser en toute sécurité son arme de service, soit un pistolet Sig Sauer P225, calibre 9 millimètres, comme il devait le faire.

 

[3]               La preuve se compose des éléments suivants, par ordre de présentation devant la cour :

 

a)                  Le témoignage des personnes suivantes : le matelot‑chef Forbes; le matelot‑chef Descoteaux, l’enquêteur principal en l’espèce; le sergent Whalen; Mme Ressor; l’adjudant Strain, M. Villeneuve; M. James et le caporal Kent, l’accusé au procès;

 

b)                  La pièce 3, soit les admissions faites par l’accusé conformément à l’alinéa 37b) des Règles militaires de la preuve (RMP);

 

c)                  La pièce 4, soit une copie de la publication intitulée Entraînement opérationnel ‑ Sécurité à l’entraînement (B‑GL‑381‑001/TS‑000), qui a été publiée sous l’autorité du chef d’état‑major de l’Armée de terre le 24 septembre 2004 et dont le chapitre 9 a été modifié le 26 janvier 2007;

 

d)                 La pièce 5, soit une copie électronique de la pièce 4 sur DVD;

 

e)                  La pièce 6, soit une copie du chapitre 4 du volume 4 du Règlement de sécurité du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, Consignes et procédures techniques de la Police militaire, lequel document a été publié le 11 octobre 2011 sous l’autorité du chef d’état‑major de la défense;

 

f)                   La pièce 7, soit une copie du registre des armes de service;

 

g)                  La pièce 8, soit une copie d’une commande de travail de l’atelier des armes de l’USFC(O) datée du 1er février 2013;

 

h)                  La pièce 9, soit une copie du rapport sur l’état de fonctionnement d’une arme Sig Sauer P225, no de série M638191, lequel rapport est daté du 7 février 2013;

 

i)                    La pièce 10, soit une copie de neuf photographies prises par le caporal Kent lors de la Journée familiale de la Garnison le 24 août 2013 à la base des Forces canadiennes Petawawa;

 

j)                    La pièce 11, soit une copie d’un aide‑mémoire concernant l’arme de service de la police militaire (Sig Sauer P‑225);

 

k)                  La pièce 12, soit une copie d’une présentation PowerPoint concernant le Programme national sur le recours à la force de la Police militaire;

 

l)                    La pièce 13, soit une copie d’une photographie prise par le caporal Kent lors de la Journée familiale de la Garnison le 24 août 2013 à la base des Forces canadiennes Petawawa;

 

m)                La connaissance judiciaire que la cour a prise des faits en litige en vertu de l’article 15 des Règles militaires de la preuve.

 

[4]               Au début du procès, pendant l’interrogatoire en chef du premier témoin de la poursuite, l’avocat de la défense s’est opposé à une question du procureur de la poursuite et cette objection a donné lieu à un ajournement au cours duquel le procureur de la poursuite a découvert de nouveaux éléments qui ont entraîné une nouvelle communication de renseignements. Ces renseignements étaient inconnus du procureur de la poursuite et de l’avocat de la défense. La cour a ajourné l’audience jusqu’au lendemain matin et, à la reprise de l’audience, l’avocat de la défense a demandé à la cour l’autorisation de retirer toutes les admissions qu’il avait formulées et qui se trouvent à la pièce 3. Il a expliqué à la cour que, eu égard aux nouveaux renseignements qu’il avait reçus lors de la récente communication faite par la poursuite, son approche au sujet de certaines questions avait changé et, s’il avait été mis au courant plus tôt des renseignements en question, il n’aurait pas formulé les admissions dont il demande le retrait. Le procureur de la poursuite ne s’est pas opposé à cette demande et a confirmé que la récente communication des renseignements en question pouvait donner lieu à cette situation.

 

[5]               La cour a autorisé le retrait des admissions de l’avocat de la défense qui figurent à la pièce 3, parce qu’elle était convaincue qu’elles avaient été formulées dans des circonstances où elles n’auraient pas dû être faites. La cour martiale est autorisée à contrôler sa propre procédure et à empêcher une injustice flagrante. L’avocat de la poursuite était encore en mesure de présenter des éléments de preuve sur la question et l’avocat de la défense a invoqué des motifs impérieux au soutien du retrait.

 

[6]               Le caporal Kent, l’accusé au procès, est un membre de la police militaire des Forces canadiennes qui s’est joint à la Force régulière en 2008. Le 14 janvier 2013, le jour de l’incident, il était enquêteur à la Section des enquêtes générales (SEG) au détachement de la police militaire de la base des Forces canadiennes Petawawa.

 

[7]               Ce jour‑là, il était en service en qualité d’enquêteur et portait une tenue civile. Son arme de service, soit un pistolet Sig Saur P225 muni de trois chargeurs de huit cartouches et d’une cartouche dans la chambre, était rangée dans son étui, comme c’était habituellement le cas.

 

[8]               Vers l’heure du dîner, l’accusé s’est rendu au poste de garde de la base pour manger son lunch. Après le repas, il a communiqué par texto avec son épouse, qui l’a invité à la retrouver à la maison d’Amanda Ressor. Sachant que l’épouse du sergent Whalen s’y trouvait également, l’accusé a invité celui‑ci à l’accompagner et ils sont partis ensemble. Il leur a fallu environ deux minutes pour se rendre à la maison en question, qui se trouvait dans les logements familiaux de la base.

 

[9]               Lorsqu’ils sont arrivés, ils ont dû garer leur véhicule sur la rue, puisque le stationnement était déjà plein. Ils sont entrés par la porte latérale de la maison, qui donne accès à la cuisine, puis se sont rendus à la salle à manger, où se trouvaient les épouses de quatre collègues ainsi que leurs enfants respectifs. Les enfants étaient âgés de moins de six mois, sauf le fils d’Amanda Ressor, qui était âgé d’environ trois ans.

 

[10]           À un certain moment, le caporal Kent s’est rendu à la cuisine pour aller chercher un objet pour son fils, à la demande de son épouse. Le fils d’Amanda Ressor l’a suivi et lui a demandé s’il pouvait voir son arme de service. Le caporal Kent a décidé de remettre l’arme entre les mains de l’enfant. À cette fin, il a retiré le chargeur du pistolet alors que celui‑ci se trouvait dans l’étui, a pointé l’arme dans une direction sûre, soit vers le coin de la pièce, a armé la glissière, de sorte qu’une cartouche a été éjectée, a pris la cartouche éjectée, a inspecté le canon pour s’assurer qu’il n’y avait pas de cartouche, a désarmé la glissière sans devoir appuyer sur la détente et a remis l’arme entre les mains de l’enfant. Le caporal Kent a pris le chargeur et la cartouche et les a placés sur le comptoir de la cuisine, hors de la portée de l’enfant.

 

[11]           L’enfant a pris le pistolet avec ses deux mains et a commencé à marcher en direction de la salle à manger. Le caporal Kent l’a suivi de près, afin de l’observer et de surveiller son pistolet. Il se trouvait à un ou deux pieds derrière lui. Dès que l’enfant est entré dans la salle à manger, le sergent Whalen l’a vu; il a pris le pistolet des mains de l’enfant et l’a remis au caporal Kent. L’enfant a eu le pistolet entre les mains pendant environ cinq secondes et s’est mis à pleurer, parce qu’il était contrarié.

 

[12]           Le caporal Kent a remis le pistolet dans son étui, puis est retourné dans la cuisine, où il a pris le chargeur et l’a replacé dans le pistolet. Il a également pris la cartouche et l’a mise dans sa poche. À l’exception du sergent Whalen, personne n’a réagi à l’incident. Amanda Ressor a déclaré au cours de son témoignage que l’incident avait été de courte durée, qu’elle n’avait pas eu le temps de ressentir quoi que ce soit et qu’elle s’était sentie en sécurité.

 

[13]           Le sergent Whalen a frappé le caporal Kent à l’arrière de la tête. Tous les deux sont restés là pendant environ dix minutes et sont ensuite retournés au travail. Une fois à l’extérieur, le sergent Whalen a dit à l’accusé qu’il se fichait de ce qu’il faisait chez lui et qu’il ne voulait pas que l’incident dégénère en querelle de voisins; le caporal Kent a alors répondu qu’il supposait qu’il avait commis une erreur.

 

[14]           Le caporal Kent ne croyait pas qu’il avait exposé qui que ce soit à un danger et il estimait que les personnes présentes étaient en sécurité. Il n’a pas été arrêté, mais ses titres de compétence lui ont été retirés et il a été muté à une unité de campagne de la PM environ deux semaines après l’incident. On ne lui a pas interdit d’avoir une arme en sa possession.

 

[15]           Le 30 janvier 2013, le matelot‑chef Forbes, enquêteur du Service national des enquêtes, a aidé l’enquêteur principal au cours de l’enquête que celui‑ci a menée au sujet de l’incident. Il a saisi une arme de service, soit un pistolet Sig Sauer P225, qui se trouvait à la position 38 de la chambre forte. Selon le registre des armes de service pour la période allant du 8 au 17 janvier 2013, le 14 janvier 2013, le caporal Kent a pris son arme de service et l’a replacée à la position 38 de la chambre forte au poste de garde.

 

[16]           Il a placé l’arme dans une boîte verrouillée et l’a rapportée le lendemain matin à l’enquêteur principal à Ottawa, le matelot‑chef Descoteaux. Le numéro de série de l’arme qu’il a donné était le M638199.

 

[17]           Le matelot‑chef Descoteaux a confirmé que l’arme qu’il a reçue était un pistolet Sig Saur P225 portant le numéro de série M638199. Il ne se souvenait pas de l’état de l’arme et a remis celle‑ci à la personne responsable des pièces à conviction, M. Villeneuve.

 

[18]           Le 6 février, le matelot‑chef Descoteaux a apporté le pistolet à l’atelier des armes afin de faire vérifier l’état de fonctionnement de l’arme. Sur la commande de travail datée du 1er février 2013, il est écrit qu’un pistolet Sig Sauer P225 portant le numéro de série M638191 est en bon état de fonctionnement et en mesure de tirer. Dans son rapport sur l’état de fonctionnement, M. James, de l’atelier des armes, a déclaré qu’il jugeait l’arme utilisable à la suite de l’examen qu’il en avait fait et aux tests effectués.

 

[19]           L’arme a été remise au matelot‑chef Descoteaux le 7 février 2013, qui l’a placée dans un casier temporaire. Le responsable des pièces à conviction a pris l’arme du casier le 11 février 2013 et l’a replacée dans la chambre forte. C’est la seule personne qui a accès au casier temporaire depuis l’intérieur. Au cours de son témoignage, le matelot‑chef Descoteaux a confirmé que le numéro de série de l’arme qui avait été saisie et qui se trouvait actuellement en la possession du responsable des pièces à conviction était le M638191.

 

[20]           Avant que la cour procède à son analyse juridique, il convient de traiter de la présomption d’innocence et de la norme de preuve hors de tout doute raisonnable, une norme de preuve qui est inextricablement liée aux principes fondamentaux applicables à tous les procès criminels. Ces principes sont naturellement bien connus des avocats, mais les autres personnes présentes dans la salle d’audience les connaissent peut‑être moins.

 

[21]           Il est juste de dire que la présomption d’innocence est le principe le plus fondamental de notre droit pénal et que le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption d’innocence. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire, comme dans celles qui relèvent du droit pénal, toute personne accusée d’une infraction criminelle est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve pas sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. L’accusé n’a pas à prouver son innocence. C’est à la poursuite qu’il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’infraction.

 

[22]           La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentées par la poursuite, mais plutôt à l’ensemble de la preuve sur laquelle se fonde la poursuite pour établir la culpabilité de l’accusé. Il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé, mais jamais à l’accusé de prouver son innocence.

 

[23]           La cour doit déclarer l’accusé non coupable si elle a un doute raisonnable quant à sa culpabilité, après avoir examiné l’ensemble de la preuve. L’expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques. Dans l’arrêt R c Lifchus, [1997] 3 RCS 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives concernant le doute raisonnable. Les principes établis dans Lifchus ont été appliqués dans bon nombre d’arrêts subséquents rendus par la Cour suprême et des cours d’appel. Essentiellement, un doute raisonnable n’est pas un doute farfelu ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il repose plutôt sur la raison et le bon sens. C’est un doute qui surgit à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle à la cour, mais également sur ce qu’elle ne lui révèle pas. Le fait qu’une personne a été accusée ne constitue nullement une indication de sa culpabilité, et j’ajouterai que les seules accusations auxquelles un accusé doit répondre sont celles qui figurent dans l’acte d’accusation présenté à la cour.

 

[24]           Au paragraphe 242 de l’arrêt R c Starr, [2000] 2 RCS 144, la Cour suprême a déclaré :

 

[...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités [...]

 

[25]           Par contre, il faut se rappeler qu’il est presque impossible d’apporter une preuve conduisant à une certitude absolue. La poursuite n’est pas tenue de le faire. La certitude absolue n’est pas une norme de preuve en droit. La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de l’accusé, en l’occurrence, le caporal Kent, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit l’acquitter, car la preuve d’une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[26]           Qu’entend‑on par la preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles de personnes appelées à témoigner sur ce qu’elles ont vu ou fait. Il peut s’agir de documents, de photographies, de cartes ou d’autres éléments de preuve matérielle présentés par les témoins, de témoignages d’experts, d’aveux judiciaires quant aux faits par la poursuite ou la défense ou d’éléments dont la cour prend judiciairement connaissance.

 

[27]           Il n’est pas rare que des éléments de preuve présentés à la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents des événements. La cour doit déterminer quels éléments de preuve sont crédibles.

 

[28]           La crédibilité n’est pas synonyme de vérité et l’absence de crédibilité n’est pas synonyme de mensonge. La cour doit tenir compte de nombreux facteurs pour évaluer la crédibilité d’un témoignage. Par exemple, elle évaluera la possibilité qu’a eue le témoin d’observer ou les raisons qu’il a de se souvenir. Elle se demandera, par exemple, si une chose en particulier a aidé le témoin à se souvenir des détails d’un événement qu’il a décrit, si les faits étaient remarquables, inhabituels et frappants ou au contraire, insignifiants et, par conséquent, tout naturellement plus difficiles à se remémorer. Elle doit aussi se demander si le témoin a un intérêt dans l’issue du procès; en d’autres termes, s’il a une raison de favoriser la poursuite ou la défense ou s’il est impartial. Ce dernier facteur s’applique aussi, mais de façon différente, à l’accusé. Bien qu’il soit raisonnable de présumer que l’accusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption d’innocence ne permet pas de conclure qu’il mentira lorsqu’il décide de témoigner.

 

[29]           Un autre facteur qui doit être pris en compte dans l’appréciation de la crédibilité d’un témoin est son apparente capacité à se souvenir. L’attitude du témoin quand il témoigne est un facteur pouvant servir à évaluer sa crédibilité : le témoin était‑il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumentait‑il sans cesse? Enfin, son témoignage était‑il cohérent en lui‑même et compatible avec les faits qui n’ont pas été contestés?

 

[30]           De légères contradictions peuvent se produire, et cela arrive en toute innocence; elles ne signifient pas nécessairement que le témoignage devrait être écarté. Il en va tout autrement, par contre, d’un mensonge délibéré. Un tel mensonge est toujours grave et il pourrait vicier l’ensemble du témoignage.

 

[31]           La cour n’est pas tenue d’accepter le témoignage d’une personne à moins que celui‑ci ne lui paraisse crédible. Cependant, elle jugera un témoignage digne de foi à moins d’avoir une raison de ne pas le croire.

 

[32]           Le paragraphe 86(1) du Code criminel est ainsi libellé :

Commet une infraction quiconque, sans excuse légitime, utilise, porte, manipule, expédie, transporte ou entrepose une arme à feu, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui.

 

[33]           Les éléments essentiels de la manipulation, sans excuse légitime, d’un pistolet de calibre 9 millimètres d’une manière négligente sont les suivants :

 

a)                  l’identité de l’accusé à titre d’auteur de l’infraction;

 

b)                  la date et le lieu de l’infraction alléguée dans l’acte d’accusation;

 

c)                  le fait que l’accusé a entreposé ou manipulé une arme à feu;

 

d)                 le fait que l’accusé a entreposé ou manipulé l’arme à feu d’une manière négligente;

 

e)                  l’absence d’excuse légitime quant à la manière dont l’accusé a entreposé ou manipulé l’arme à feu.

 

[34]           Une arme à feu est un fusil, une arme pourvue d’un canon qui permet de tirer un plomb, une balle ou un autre projectile et peut causer de graves blessures corporelles à une autre personne, voire son décès.

 

[35]           Pour prouver que le caporal Kent a manipulé une arme à feu, le procureur de la poursuite n’est pas tenu d’établir que l’accusé a tiré un coup de feu à l’aide de l’arme, ni qu’il a blessé ou avait l’intention de blesser qui que ce soit. Il n’est pas nécessaire non plus que l’arme ait été chargée ou pointée en direction de qui que ce soit.

 

[36]           Pour prouver cet élément, le procureur de la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable, à tout le moins, que le caporal Kent portait une arme à feu sur lui et qu’il l’a sortie et l’a tenue dans la main d’une manière ou d’une autre. Aucune preuve supplémentaire n’est nécessaire, mais aucune preuve moindre ne suffira.

 

[37]           L’entreposage et la manipulation d’armes à feu sous‑entendent l’exercice d’un contrôle sur un objet susceptible de mettre en danger la vie des personnes ou de causer des blessures. Le droit criminel accorde une attention spéciale aux personnes qui exercent un contrôle sur des objets comme des armes à feu. Nous nous attendons à ce que les personnes qui acceptent volontairement d’exercer un contrôle sur des armes agissent d’une façon démontrant qu’elles se soucient des dangers potentiels inhérents que représentent ces armes à feu.

 

[38]           Le mot « entreposage » n’est pas défini dans le Code criminel. Après avoir lu les définitions des mots « storage » (entreposage) et « store » (entreposer) qui figurent dans le Concise Oxford Dictionary ainsi que les décisions Bludau, [1994] OJ no 2537, au paragraphe 11, R c Joe, 192 AR 99, au paragraphe 26, Bickford, 2000 ABPC 60, aux paragraphes 23 à 26, et R c  Carlos, 2002 CSC 35, je conclus que, selon son sens ordinaire, le mot « entreposer » signifie « réserver ou mettre de côté pour un usage ultérieur ».

 

[39]           Pour déterminer si le caporal Kent a entreposé ou manipulé l’arme à feu d’une manière négligente, la cour n’est pas tenue de chercher à savoir ce que le caporal Kent avait en tête au moment où il a entreposé ou manipulé l’arme à feu en question. La négligence est l’absence de l’état mental correspondant à la diligence requise. Pour trancher cette question, la cour doit examiner ce que le caporal Kent a fait et n’a pas fait, comment il l’a fait et ce qu’il a dit et n’a pas dit.

 

[40]           La cour doit examiner toutes les circonstances, y compris les caractéristiques personnelles du caporal Kent qui l’ont empêché d’avoir l’état mental correspondant à la diligence requise dans les circonstances.

 

[41]           L’entreposage ou la manipulation d’une arme à feu d’une manière négligente est une conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnablement prudente respecterait dans les mêmes circonstances. Si la cour doute raisonnablement du fait que la façon dont le caporal Kent a entreposé ou manipulé l’arme à feu constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnablement prudente respecterait dans les mêmes circonstances, ou que le caporal Kent a pris des précautions raisonnables pour respecter cette norme de diligence, cet élément n’aura pas été établi.

 

[42]           Le fait d’entreposer ou de manipuler une arme à feu d’une manière négligente ne constitue pas toujours une infraction. Cependant, la personne qui entrepose ou manipule l’arme à feu de cette manière sans avoir d’excuse légitime à cet égard commet une infraction.

 

[43]           Une excuse légitime est une excuse qui est reconnue en droit et que la loi prévoit. La conduite est excusée non pas parce qu’elle est approuvée en droit, mais parce qu’elle n’est pas considérée comme un crime dans la loi dans les circonstances.

 

[44]           L’article 129 de la Loi sur la défense nationale prévoit notamment ce qui suit :

 

(1) Tout acte, comportement ou négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

(2) Est préjudiciable au bon ordre et à la discipline tout acte ou omission constituant une des infractions prévues à l’article 72, ou le fait de contrevenir à :

 

a) une disposition de la présente loi,

 

b) des règlements, ordres ou directives publiés pour la gouverne générale de tout ou partie des Forces canadiennes;

 

c) des ordres généraux, de garnison, d’unité, de station, permanents, locaux ou autres.

 

[45]           Les éléments essentiels de l’infraction que constitue la négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline aux termes de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale sont les suivants :

 

a)                  l’identité de l’accusé à titre de contrevenant;

 

b)                  la date et le lieu de l’infraction;

 

c)                  le fait que l’omission alléguée dans l’acte d’accusation a réellement eu lieu;

 

d)                 le fait que l’omission constituait une négligence blâmable, ce qui comprend aussi une preuve du fait que :

 

                                               (i)                  l’accusé devait respecter une norme de diligence;

 

                                             (ii)                  l’omission reprochée à l’accusé concernait la norme de diligence à respecter;

 

                                           (iii)                  l’omission reprochée à l’accusé constituait un manquement à la norme de diligence;

 

                                           (iv)                  l’omission reprochée à l’accusé constituait une négligence, ce qui signifie que les actes ou omissions reprochés à l’accusé ont constitué un écart marqué par rapport à la norme de diligence attendue;

 

e)                  le préjudice causé au bon ordre et à la discipline, ce qui comprend la preuve :

 

                                               (i)      de la norme de comportement exigée;

 

                                             (ii)      du fait que l’accusé savait ou aurait dû savoir quel était le comportement attendu de lui;

 

                                           (iii)      du fait que l’omission reprochée à l’accusé constituait une contravention à la norme de comportement.

 

[46]           En ce qui a trait à l’élément essentiel de la négligence, la cour doit décider si la poursuite a présenté des éléments de preuve au sujet du comportement de l’accusé en soi, qui constitue l’actus reus, et au sujet de l’élément mental requis, soit la mens rea.

 

[47]           D’abord, le concept de négligence visé à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale doit être considéré comme un concept pénal, comme je l’ai déjà mentionné dans les décisions que j’ai rendues dans Gardiner, 2008 CM 3021, et dans Nauss, 2013 CM 3008. En général, la conduite qui constitue un écart par rapport à la norme attendue d’une personne raisonnablement prudente forme la base tant de la négligence civile que de la négligence pénale. Cependant, contrairement à la négligence civile, qui s’intéresse à la répartition de la perte, la négligence pénale vise à sanctionner un comportement blâmable. Suivant les principes fondamentaux de la justice militaire, les règles relatives à la négligence pénale doivent tenir compte non seulement du comportement dérogeant à la norme, mais également de l’état mental de l’auteur de l’infraction. Selon les observations formulées au paragraphe 7 de l’arrêt R c Beatty, 2008 CSC 5, le critère objectif modifié établi dans R c Hundal, [1993] 1 RCS 867, reste le critère approprié pour déterminer la mens rea requise dans le cas des infractions militaires fondées sur la négligence qui sont prévues au Code de discipline militaire.

 

[48]           L’actus reus doit être défini en fonction de la norme applicable et du fait que le comportement de l’accusé dérogeait à cette norme.

 

[49]           En ce qui a trait à la mens rea applicable à la négligence en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, les remarques que la Cour suprême du Canada a formulées aux paragraphes 48 et 49 de l’arrêt R c Beatty, 2008 CSC 5, sont très pertinentes en l’espèce. Après avoir lu ces paragraphes, j’en arrive toujours à la conclusion, comme ce fut le cas dans Gardiner et Nauss, que pour prouver une infraction de négligence au sens de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, il suffit d’établir la présence d’une mens rea objective et qu’il n’est pas nécessaire de prouver une mens rea subjective.

 

[50]           Il est vrai que l’accusé a témoigné pour lui‑même en l’espèce. Cependant, il ne s’agit pas ici d’un cas où il faut appliquer le raisonnement que la Cour suprême du Canada a exposé dans R c W (D) au sujet de l’appréciation de la crédibilité et de la fiabilité. Les faits relatés par tous les témoins, y compris l’accusé, ne sont pas controversés. La crédibilité et la fiabilité de l’accusé ne sont pas en jeu. La preuve présentée par la poursuite a confirmé ce que l’accusé a dit à la cour. La question à trancher en l’espèce concerne davantage la façon d’appliquer le droit aux faits mis en preuve.

 

[51]           D’abord, la cour estime que la poursuite a établi hors de tout doute raisonnable, comme elle devait le faire, l’identité de l’accusé ainsi que la date et le lieu de l’infraction. D’ailleurs, le témoignage de l’accusé et la preuve présentée par la poursuite appuient indéniablement cette conclusion.

 

[52]           En ce qui concerne la première accusation, la cour doit décider s’il a été établi hors de tout doute raisonnable que l’accusé a entreposé une arme à feu et l’a fait d’une manière négligente.

 

[53]           Les faits mis en preuve en l’espèce n’ont pas révélé une situation où le caporal Kent a entreposé son arme de service. Le caporal Kent n’a, à aucun moment, mis de côté ou réservé son arme de service pour un usage ultérieur. Il a retiré toutes les munitions de son pistolet Sig Saur P225 avant de remettre celui‑ci à l’enfant, mais il a surveillé l’arme de près en suivant l’enfant dans la maison. Il ne s’est pas éloigné de l’arme ni n’a eu l’intention de s’en séparer à quelque moment que ce soit.

 

[54]           En conséquence, la cour en arrive à la conclusion que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que le caporal Kent avait entreposé une arme à feu.

 

[55]           Eu égard à l’ensemble de la preuve concernant cet élément essentiel de l’infraction, la cour conclut que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que le caporal Kent a entreposé une arme à feu d’une manière négligente, contrairement à l’article 86 du Code criminel.

 

[56]           En ce qui concerne la deuxième accusation, la cour estime que la poursuite a établi hors de tout doute raisonnable que le caporal Kent a manipulé une arme à feu. Il a pris son arme Sig Saur dans ses mains et l’a indéniablement manipulée. Il a également dit à la cour que, ce jour‑là, il n’avait aucune raison de croire que son pistolet ne serait pas capable de tirer.

 

[57]           Sur ce dernier point, j’aimerais préciser que la preuve de la poursuite en soi était troublante. Si l’accusé n’avait pas confirmé que son arme pouvait faire pareille chose, la cour aurait eu en main simplement la preuve du fait qu’une arme a été saisie, mais au sujet de laquelle il n’aurait pu être établi hors de tout doute raisonnable qu’il s’agissait de celle que l’accusé a utilisée le jour de l’incident, compte tenu du temps écoulé entre celui‑ci et la date de la saisie, du manque de renseignements sur le déplacement de l’arme entre le 17 et le 30 janvier 2013 et de l’impossibilité pour la poursuite de relier clairement l’arme en question à l’accusé au moyen d’un numéro de série ou d’un autre fait. Bref, cette preuve montre l’existence d’une arme qui était en bon état de fonctionnement, mais au sujet de laquelle il n’a pas été établi hors de tout doute raisonnable qu’il s’agissait de l’arme saisie qui a été vérifiée, eu égard au changement de numéro de série qui est survenu pendant la saisie et que la poursuite n’a pu expliquer.

 

[58]           La poursuite a‑t‑elle établi hors de tout doute raisonnable que le caporal Kent a manipulé son arme d’une manière négligente? À cette fin, la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable la norme de preuve applicable et le fait que la façon dont le caporal Kent a manipulé son arme à feu constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnablement prudente respecterait dans les mêmes circonstances.

 

[59]           En ce qui a trait à la norme de diligence, la poursuite a soutenu que l’arme à feu devait rester dans l’étui, sauf si la personne qui la portait avait une raison de l’utiliser. La preuve a également révélé à ce sujet que les membres de la PM sont formés pour savoir comment utiliser leur arme dans des situations menaçantes, mais tel n’était pas le cas en l’espèce. De plus, il y a des cas où les membres de la PM doivent prendre ou retirer leur pistolet de l’étui, par exemple, lorsqu’ils interrogent un suspect dans une salle d’entrevue, lorsqu’ils se rendent dans un établissement correctionnel ou, simplement, lorsqu’ils nettoient leur arme.

 

[60]           Sauf lorsqu’ils se trouvent dans ces situations précises ou qu’un ensemble particulier de faits les oblige à sortir leur arme, les membres de la police militaire laissent habituellement celle‑ci dans son étui lorsqu’ils sont en service. L’arme est chargée et prête à être utilisée et le fait de la sortir crée un danger, notamment le risque qu’elle soit utilisée en fin de compte contre le membre de la police militaire.

 

[61]           La cour en arrive donc à la conclusion que la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable la norme de diligence applicable à la manipulation d’une arme de service par un membre de la police militaire en service; selon cette norme, l’arme à feu doit rester dans son étui, sauf s’il existe une raison précise de l’utiliser.

 

[62]           La question qui se pose est maintenant est de savoir si la façon dont le caporal Kent a manipulé son arme à feu constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnablement prudente respecterait dans les mêmes circonstances. Comme l’a souligné le juge militaire en chef Dutil dans Sharp, 2008 CM 1003, au paragraphe 29, commentaires auxquels je souscris sans hésiter :

 

[...] une personne ayant reçu une formation au sujet de l’utilisation de cette arme et ayant la compétence voulue pour l’utiliser, dans des circonstances où la personne ciblée est également un membre de la police militaire ayant reçu le même degré de formation et possédant le même degré d’expérience [...]

 

[63]           La cour est d’avis que la façon dont le caporal Kent a manipulé son arme constituait un écart par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnablement prudente respecterait dans les mêmes circonstances, mais non un écart marqué.

 

[64]           Il est évident que ce que le caporal Kent a fait était inapproprié dans les circonstances. Cependant, la façon dont il a agi ne constituait pas un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnablement prudente respecterait dans les mêmes circonstances. Le caporal Kent envisageait le danger possible lorsqu’il a montré et remis son arme entre les mains d’un enfant d’environ trois ans dans une maison privée. Il était parfaitement conscient de la possibilité qu’un coup de feu provenant de l’arme soit tiré et blesse, voire tue une personne. Afin de réduire ce risque à zéro, il a retiré correctement toutes les cartouches du pistolet et les a tenues éloignées de l’enfant. Il a également suivi l’enfant de très près lorsque celui‑ci a décidé de marcher et de montrer aux personnes qui se trouvaient dans la salle à manger ce qu’il avait entre les mains. Il n’y avait aucune activité susceptible de constituer un danger dans la maison. En fait, l’environnement était sûr.

 

[65]           La cour parvient donc à la conclusion que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que la façon dont le caporal Kent a manipulé son arme à feu constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnablement prudente respecterait dans les mêmes circonstances.

 

[66]           En conséquence, eu égard à l’ensemble de la preuve concernant le fait que le caporal Kent aurait manipulé une arme à feu d’une manière négligente, la cour conclut que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que le caporal Kent a manipulé une arme à feu de manière négligente, contrairement à l’article 86 du Code criminel.

 

[67]           En dernier lieu, en ce qui concerne la troisième accusation, le caporal Kent a‑t‑il omis d’utiliser en toute sécurité (« secure ») son arme de service? Le verbe « secure » signifie, selon son sens ordinaire, protéger ou mettre à l’abri des menaces ou manipuler de façon sécuritaire, comme le prévoit le Concise Oxford Dictionary. Il a également été mis en preuve que les membres de la police militaire reçoivent la formation voulue pour utiliser leur arme de façon sécuritaire, notamment quant aux précautions à prendre lorsqu’ils la manipulent.

 

[68]           La poursuite a également prouvé, au moyen du témoignage de l’adjudant Strain, que, sauf pour les raisons précises mentionnées plus haut, les membres de la police militaire ne peuvent retirer leur arme de service de son étui, afin de ne pas créer de danger pour autrui.

 

[69]           La cour en arrive donc à la conclusion que la poursuite a établi cet élément essentiel hors de tout doute raisonnable.

 

[70]           L’omission en question constituait‑elle une négligence blâmable? La cour conclut qu’il a été établi hors de tout doute raisonnable que l’accusé devait se conformer à une certaine norme de diligence, c’est‑à‑dire qu’il devait veiller à ce que l’arme à feu demeure dans son étui, sauf s’il avait une raison de l’utiliser, que l’omission de l’accusé était liée à la norme de diligence et qu’elle constituait un manquement à la norme de diligence requise.

 

[71]           L’omission de l’accusé était‑elle de la négligence, ce qui signifie que les actes ou omissions de l’accusé constituaient un écart marqué par rapport à la norme de diligence attendue? Pour des raisons identiques à celles qu’elle a invoquées au sujet de la même question relativement à la deuxième accusation, la cour conclut que la poursuite a établi un écart, mais non un écart marqué par rapport à la norme de diligence attendue. Le caporal Kent envisageait le danger possible lorsqu’il a retiré son arme de son étui. La façon dont il a agi et le contexte montrent qu’il était conscient des dangers liés au fait de sortir son arme de service. L’accusé est resté avec l’enfant en tout temps et l’environnement était sûr.

 

[72]           Eu égard à l’ensemble de la preuve, la cour conclut que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que l’omission du caporal Kent constituait une négligence blâmable qui représentait une négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[73]           J’aimerais également commenter la question de la négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline. De l’avis de la cour, la poursuite n’a pas réussi à établir cet élément essentiel hors de tout doute raisonnable. Aucun préjudice réel n’a été prouvé, ni même un risque de préjudice. L’incident s’est déroulé dans un laps de temps très court et peu de personnes en ont été témoins. Il n’a eu aucune incidence sur l’unité ou pour les membres du détachement de police. Il ne s’agit pas d’une situation où un préjudice peut être déduit des circonstances ou à titre de conséquence naturelle de l’acte établi.

 

[74]           En conséquence, eu égard à l’ensemble de la preuve, la poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels de la manipulation et de l’entreposage, sans excuse légitime, d’un pistolet Sig Saur P225 d’une manière négligente, contrairement à l’article 86 du Code criminel, ainsi que de l’omission d’utiliser en toute sécurité un pistolet Sig Saur, contrairement à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[75]           DÉCLARE le caporal Kent non coupable des première, deuxième et troisième accusations énoncées dans l’acte d’accusation.


 

 

Avocats :

 

Major A.‑C. Samson, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du caporal Kent

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