Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 13 juin 2011

Endroit : Manège militaire Colonel Gaétan Côté, 64 rue Belvédère sud, Sherbrooke (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2): Art. 115 LDN, a recélé un bien obtenu par la perpétration d'une infraction d'ordre militaire, sachant qu'il a été ainsi obtenu.
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1): Art. 130 LDN, recel (art. 355 C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Une suspension d'instance.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende de 1500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Nadeau, 2011 CM 4016

 

Date: 20110613

Dossier: 201120

 

Cour martiale permanente

 

Manège Colonel Gaétan Côté

Sherbrooke, Québec, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté La Reine

 

- et -

 

Caporal M.J.E. Nadeau, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G. Perron, J.M.

 


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]        Caporal Nadeau, ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité au premier chef d'accusation, je vous trouve maintenant coupable de ce chef d'accusation soit d'avoir recélé un bien obtenu par la perpétration d'une infraction d'ordre militaire, sachant qu'il a été ainsi obtenu. Je dois maintenant imposer une peine appropriée et cette peine se doit d'être la peine minimale requise dans les circonstances de l'affaire pour assurer les fins de la discipline.

 

[2]        La Cour d'appel de la cour martial du Canada nous indique aux paragraphes 30 à 33 de l'arrêt Le soldat R.J. Tupper et Sa Majesté La Reine, 2009 CACM 5 qu'un juge militaire doit tenir compte des objectifs fondamentaux de la détermination de la peine qui figurent aux articles 718 et suivants du Code criminel[1]. La peine doit aussi être « proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant »[2] et elle doit être « semblable à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »[3]. Un délinquant ne devrait pas être privé de sa liberté lorsque les circonstances justifient l'imposition de sanctions moins contraignantes. L'article 718 du Code criminel indique que le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

            a) dénoncer le comportement illégal;

 

            b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

            c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

            d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

            e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; et

 

            f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[3]        La procureure de la poursuite et votre avocat m'ont présenté une soumission commune relativement à la sentence et me recommandent d'imposer une réprimande et une amende de 1500 dollars payable en trois versements mensuels de 500 dollars. La décision ultime d'en arriver à une sentence adéquate incombe au juge qui a le droit de rejeter la proposition conjointe des avocats. Par contre, je dois accepter la soumission commune des avocats à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice. Pour déterminer ce qui constitue en l'espèce la sentence appropriée, j'ai pris en compte les circonstances qui ont entourées la commission de l'infraction telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité. J'ai également considéré la preuve qui a été déposée, la jurisprudence et les plaidoiries des avocats. J'ai analysé ces divers éléments à la lumière des objectifs et des principes applicables en matière de la détermination de la peine.

 

[4]        Le 9 octobre 2009, le peloton de police militaire de Valcartier a été contacté par une personne qui a refusé de s'identifier et qui a indiqué que vous aviez fièrement mentionné au cours de l'été que vous étiez en possession de bombes fumigènes et de cartouches de type militaire. Un policier militaire vous a rencontré le 9 novembre 2009. Lors de cette entrevue, vous avez librement et volontairement admis être en possession de pièces pyrotechniques et de munitions militaires. Vous conserviez ces biens à titre de trophées. Vous avez déclaré n'avoir aucune intention malicieuse relative à l'usage de ces biens. Vous aviez amassé ces biens lors d'exercices avec votre unité et lors de l'entraînement de la Force opérationnelle 01-09.  Vous n'aviez pas respecté la déclaration verbale de munition que vous aviez fait à la fin de chaque exercice à l'effet que vous n'aviez aucune balle, aucune douille ou aucun explosif en votre possession. Vous avez aussi indiqué avoir utilisé des fusées parachutes et un simulateur d'artillerie chez votre grand-père, pour en faire la démonstration aux membres de votre famille.

 

[5]        Le 9 novembre 2009, ce policier militaire accompagné d'un policier du service de police de la Ville de Sherbrooke, vous ont demandé l'autorisation d'effectuer une perquisition à votre résidence. Vous avez accepté et avez signé les documents autorisant la perquisition sans mandat de votre résidence. Lors de la perquisition, les policiers ont trouvé : une (1) grenade fumigène à main C8; une (1) fusée parachute C7; dix (10) pétards C1A1; quatre-vingt-onze (91) cartouches à blanc de calibre 5.56 mm; vingt-six (26) cartouches à blanc de calibre 7.62 mm; soixante-seize (76) cartouches réelles de calibre 7.62 mm; et une (1) cartouche réelle de calibre 0.5 pouce. Ces objets se trouvaient à l'intérieur d'un bureau de votre chambre à coucher. Tous ces biens publics appartiennent au ministère de la Défense nationale.  La valeur de ceux-ci est de 196 dollars.  Les engins explosifs et la munition saisis lors de cette perquisition n'ont pas et n'avaient pas été manipulés, transportés et entreposés conformément aux directives précises formulées dans le « Manuel de Sécurité, Munitions et explosifs, Volume 1, Entreposage et Transport »[4] publié avec l'autorisation du Chef d'état-major de la Défense nationale.

 

[6]        Ayant résumé les principaux faits de cette cause, je vais maintenant me concentrer sur la détermination de la peine dans cette cause.  Donc, en considérant quelle sentence serait appropriée, j'ai pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants.  Je débute avec les facteurs qui atténuent la peine :

 

Vous avez avoué votre culpabilité. Vous avez aussi coopéré immédiatement avec les policiers militaires. Un aveu de culpabilité et coopération avec l'enquête policière démontrent habituellement un certain remords. De plus, ce plaidoyer permet à l'État d'économiser d'importantes sommes d'argent en plus d'éviter d'appeler de nombreux témoins. Cette coopération du tout début de l'enquête policière est un facteur atténuant important.

 

Votre jeune âge au moment de l'infraction, soit 21 ans, est aussi un facteur atténuant dont je tiens compte.  Vous n'avez pas de fiche de conduite ou d'antécédents judiciaires.

 

Les accusations ont été portées par la voie du procès-verbal de procédure disciplinaire le 11 janvier 2011.  La demande à l'autorité de renvoi de connaître des accusations était reçue le 21 février 2011.  Les policiers étaient en possession d'une déclaration complète du caporal Nadeau où il avouait avoir commis l'infraction de recel et avaient effectué un fouille et avaient récupéré les biens du ministère de la Défense nationale en date du 9 novembre 2009. Il s'agit donc d'un délai pré-accusatoire de 14 mois et d'un délai post-accusatoire de cinq mois.  Il est vrai de dire que le délai post-accusatoire n'est pas extraordinaire. Par ailleurs , la cour ne croit pas que le délai pré-accusatoire doit passer sous silence. Aucune explication ne fut donnée à la cour pour expliquer ce délai sauf que l'unité aurait attendu un certain temps avant de porter des accusations. Je ne sais pas quelles accusations furent portées le 11 janvier 2011 et je suis pleinement conscient que toute conclusion doit être appuyée par la preuve présentée lors du procès. Ceci dit, il m'appert que les choix faits par les autorités dans ce dossier ne favorisent ni la discipline, ni les intérêts du caporal Nadeau.

 

Il s'agit d'un dossier relativement simple. Le caporal Nadeau avait avoué ses actes lors de sa première rencontre avec le policier militaire. Les biens étaient sous le contrôle de la police militaire à partir du 9 novembre 2009. Il va de soi qu'un rapport d'enquête de police pouvait être complété en peu de temps et être remis à l'unité. Des accusations pouvaient être ensuite rédigées et portées aussi en peu de temps. Tout dépendant du type d'accusation portée contre le caporal Nadeau, un procès par voie sommaire aurait pu avoir lieu car un commandant a la compétence de juger sommairement un accusé qui a commis une ou des infractions énumérées à l'article 108.07 des ORFC si le procès sommaire commence dans l'année qui suit la perpétration de l'infraction reprochée; voir le paragraphe 1.1 de l'article 163 de la Loi sur la défense nationale.  Alors, par exemple, le commandant aurait pu juger sommairement le caporal Nadeau si ce dernier avait été accusé de vol, article 114 de la Loi sur la défense nationale, de recel, article 115, de négligence dans la manutention de matières dangereuses, article 127, ou d'une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, article 129, si ce procès avait débuté avant le 9 novembre 2010. Compte tenu de la coopération du caporal Nadeau avec l'enquête policière et de son plaidoyer de culpabilité, il est fort probable qu'il aurait consenti à être jugé sommairement par son commandant. Un procès par voie sommaire au sein de l'unité quelque temps après l'infraction est habituellement beaucoup plus bénéfique pour la discipline au sein d'une unité et pour le contrevenant qu'un procès par cour martiale 19 mois plus tard. Je considère donc ce délai comme un facteur atténuant important.

 

Les lettres de rendement qui se trouvent à la pièce 10 indiquent que vous aviez donné un excellent rendement alors que vous étiez employé à la cuisine du camp Vimy à Valcartier au cours de la période du 10 mai au 1er septembre 2010. Je note aussi certains commentaires qui se trouvent dans votre rapport d'appréciation du personnel lors de votre déploiement en Afghanistan du mois d'avril au mois de septembre 2009 qui se trouve à la pièce 9. On trouve à la section 4, rendement, les commentaires suivants : « Jeune et avec peu d'expérience, il a fait preuve de maturité et de professionnalisme lors de la vie sur le camp et lors des patrouilles. » et « À plusieurs reprises, sous contact avec l'ennemi, il a bien réagi en conservant son calme. En somme, le cpl Nadeau est un militaire efficace et professionnel en qui nous pouvons avoir confiance. » Aussi, je prends note des commentaires suivants de la section 5, potentiel : « Au cours de cette période d'évaluation, le cpl Nadeau a démontré un potentiel dans la norme pour son grade. Avec l'expérience acquise depuis le début de la rotation, il commence à participer et à prendre des décisions au niveau de section. Son expérience acquise sur le tour va lui être grandement profitable dans le futur.... Advenant qu'il désire joindre la Force régulière, c'est sans hésitation que je supporte sa candidature. »

 

Je note aussi que toutes les pièces pyrotechniques sauf celles que vous avez utilisées chez votre grand-père et les munitions furent récupérées.

 

[7]        Je vais maintenant discuter des facteurs aggravants :

 

La nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur. La peine maximale pour cette infraction consiste de l'emprisonnement de sept ans.  Il s'agit d'une infraction objectivement sérieuse puisque seulement 21 de 60 infractions militaires se trouvant aux articles 73 à 129 de la Loi sur la défense nationale ont une peine maximale plus sévère que celle qui se trouve à l'article 115.

 

Subjectivement, il s'agit aussi d'une infraction sérieuse. Vous avez menti à votre chaîne de commandement à maintes reprises pour ainsi commettre cette infraction. Vous bénéficiez d'approximativement quatre ans d'expérience au sein du Régiment des Fusiliers de Sherbrooke quand vous avez commis cette infraction. Vous deviez savoir très bien l'importance que nous portons à la manutention des munitions et des pièces pyrotechniques ainsi que l'importance que nous attachons à l'honnêteté de nos soldats lors de la conduite de champs de tir et d'exercices. Vous avez gardé ces pièces pyrotechniques, soit une grenade fumigène à main C8, une fusée parachute C7, dix pétards C1A1, des cartouches à blanc et des cartouches réelles dans un bureau dans votre chambre à coucher dans votre appartement. Il s'agit d'une quantité importante de munitions.

 

Vous avez fait montre d'un grand manque de maturité en prenant illégalement ces biens et en les conservant dans votre demeure et en utilisant des fusées parachutes et un simulateur d'artillerie chez votre grand-père. Bien que je n'aie aucune preuve que vos actions représentaient un risque pour autrui, on n'a pas besoin d'être un génie pour comprendre que garder des pièces pyrotechniques dans sa chambre à coucher peut représenter des risques de blessures et de dommages matériels.

 

Caporal Nadeau, veuillez vous lever.

 

[8]        Caporal Nadeau, votre manque de maturité vous coûte cher aujourd'hui. Il s'agit bien plus que cette sentence.  Vos procédures d'adoption internationale devront être mises de côté pour une certaine période de temps car vous aurez maintenant un casier judiciaire. Vous désirez demeurer au sein des Forces canadiennes. Compte tenu des commentaires se retrouvant dans votre rapport annuel de rendement, il me semble que vous pouvez devenir un militaire productif si vous pouvez conserver la même maturité et le même sérieux que vous avez déjà démontré au cours de votre déploiement en Afghanistan et au cours de l'été suivant à Valcartier. C'est à vous de prouver à votre chaîne de commandement que cette infraction n'est qu'une erreur de jeunesse et que vous en avez appris les bonnes leçons.

 

[9]        Je suis en accord avec la recommandation de la procureure de la poursuite qu'il n'est pas nécessaire pour la sécurité du contrevenant ou pour celle d'autrui de rendre une ordonnance selon l'article 147.1 de la Loi sur la défense nationale interdisant au contrevenant d'avoir en sa possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives.

 

[10]      Compte tenu des faits particuliers de cette cause, je considère que la peine que je vais maintenant prononcer incorpore adéquatement les principes de détermination de la peine et qu'elle constitue la sentence la plus minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline dans les circonstances.  La dénonciation de l'acte reproché doit être considérée tout comme la réhabilitation du contrevenant.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[11]      PRONONCE un verdict de culpabilité à l'égard du 1er chef d'accusation.

 

[12]      ORDONNE une suspension d'instance à l'égard du 2e chef d'accusation.

 

ET

 

[13]      CONDAMNE le caporal Nadeau à une réprimande et une amende de 1500 dollars.  Cette amende sera payée comme suit : 500 dollars le 30 juin; 500 dollars le 31 juillet; et 500 dollars le 31 août 2011.

 


Avocats :

Major A. St-Amant, Service canadien des poursuites militaires

Capitaine M.J.M. Côté, Bureau du juge-avocat adjoint, garnison Valcartier

Avocates de la poursuivante

Capitaine de corvette P. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de la défense pour le caporal M.J.E. Nadeau



[1] L.R.C. 1985, CH. C-46

[2] Voir l'article 718.1 du C.cr.

[3] Alinéa 7182b) du C.cr.

[4] C-09-153 001/TS-000

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