Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 20 juin 2011

Endroit : BFC Esquimalt, Édifice 30-N, Victoria (CB)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.
•Chef d'accusation 3 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 3 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Coupable, avec un verdict spécial pour la période d'absence sans permission est de 11 h 30 le 11 janv 11 à 07 h 30 le 12 janv 11.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 10 jours et une amende au montant de 1000$. L'exécution de la peine d'emprisonnement a été suspendue.

Contenu de la décision

Cour martiale

 

Référence : R c Weldam-Lemire, 2011 CM 4017

 

Date : 20110622

Dossier : 201107

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Colombie-Britannique, Canada

 

ENTRE :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-Matelot de 3e classe S. Weldam-Lemire, demandeur

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS CONCERNANT LA DEMANDE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L’ARTICLE 9 DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS POUR DÉTENTION ARBITRAIRE

 

 

 

[1]        Le demandeur, l’ex-Matelot de 3e classe Weldam-Lemire, est accusé d’avoir désobéi au commandement légitime d’un supérieur et de s’être absenté sans permission. Le demandeur a présenté une demande en vertu de l’alinéa 112.05(5)e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, alléguant qu’il a été détenu arbitrairement en violation des droits qui lui sont garantis par l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le demandeur plaide qu’en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, la réparation appropriée pour cette violation est la mitigation de la peine si l’ex-Matelot de 3e classe Weldam-Lemire est déclaré coupable. La défenderesse reconnaît qu’il y a eu détention arbitraire en violation de l’article 9 de la Charte et convient que la réparation appropriée est la mitigation de la peine.

 

[2]        La demande a été présentée après la présentation de la preuve au procès. Suivant la suggestion des deux avocats, la cour a décidé de rendre sa décision immédiatement avant de prononcer son verdict pour chaque chef d’accusation. La preuve était composée du témoignage du Premier maître de 1re classe Price, du Matelot‑chef Hussey, du Maître de 2e classe Guitare, du Lieutenant(N) Erickson, du Maître de 2e classe Hopkinson, de l’Adjudant Kelcey, du Matelot de 1re classe Schlauch et du Caporal Gagnon. La cour a pris judiciairement connaissance des faits suivant l’article 15 des Règles militaires de la preuve. Le demandeur a présenté trois pièces et le défendeur en a présenté deux.

 

[3]        Premièrement, j’examinerai les faits de la présente affaire. L’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire était un membre de l’équipage du NCSM CALGARY au moment des infractions reprochées. Il est accusé de s’être absenté sans permission de 7 h 30 le 12 décembre 2010 jusqu’à approximativement 12 h 45 le 12 décembre 2010. Le 10 janvier 2011, le Premier maître de 1re classe Price a porté une accusation d’absence sans permission. Ce jour-là, il a informé à 11 h l’ex-Matelot de 3classe Weldam‑Lemire de son droit d’être jugé devant une cour martiale et il lui a ordonné de se présenter à son bureau à 11 h 30 le 11 janvier 2011 pour qu’il lui fasse part de sa décision[1].

 

[4]        À approximativement 7 h 30 le 11 janvier 2011, l’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire était en poste à bord du NCSM CALGARY et il a demandé au capitaine d’arme en service, le Maître de 2e classe Hopkinson, la permission d’aller subir un examen médical. Le Maître de 2e classe Hopkinson lui a dit de se rendre à la clinique, de revenir au navire et de lui rapporter sa fiche médicale. L’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire s’est rendu à la clinique de la base, mais n’est pas retourné au navire. Le CO du NCSM CALGARY a délivré un mandat d’arrêt contre l’ex‑Matelot de 3classe Weldam-Lemire le 11 janvier 2011 dans lequel il était allégué que l’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire s’était absenté sans permission[2]. L’ex‑Matelot de 3classe Weldam-Lemire a été arrêté par le Caporal Gagnon, un membre du détachement de la police militaire de la BFC Esquimalt, à 10 h 40 le 13 janvier 2011 au 945, Portage Rd, Esquimalt (Colombie-Britannique)[3].

 

[5]        L’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire a été conduit au poste de garde par le Caporal Gagnon. Il a été tenu sous garde jusqu’à ce qu’il soit libéré par un officier réviseur. Le Caporal Gagnon a témoigné qu’il n’avait pas remis en liberté l’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire parce qu’il l’avait arrêté en vertu d’un mandat d’arrestation.

 

[6] Les dispositions pertinentes de la Charte canadienne des droits et libertés qui s’appliquent à la présente affaire sont l’article 9 et le paragraphe 24(1). L’article 9 dispose :

 

9. Chacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires.

 

Le paragraphe 24(1) est ainsi libellé :

 

Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

 

Le paragraphe 158(1) de la Loi sur la défense nationale prévoit ce qui suit :

 

Dès que les circonstances le permettent, la personne effectuant une arrestation sous le régime de la présente loi est tenue de remettre en liberté la personne arrêtée, sauf si elle a des motifs raisonnables de croire que cela est contre‑indiqué dans les circonstances à cause, notamment :

 

a) de la gravité de l’infraction reprochée;

 

b) de la nécessité d’établir l’identité de la personne arrêtée;

 

c) de la nécessité de recueillir ou conserver des éléments de preuve afférents à cette infraction;

 

d) de la nécessité d’assurer la comparution de la personne arrêtée devant le tribunal militaire ou civil pour qu’elle soit jugée selon la loi;

 

e) de la nécessité de prévenir la continuation ou la répétition de l’infraction ou la perpétration de toute autre infraction;

 

f) de la nécessité d’assurer la sécurité de la personne arrêtée ou de toute autre personne.

 

[7]        Le Caporal Gagnon a reçu ses attestations de policier militaire en septembre 2009. C’est la première fois qu’il effectuait une arrestation en vertu d’un mandat d’arrêt délivré par un CO. Il n’a pas considéré la question de savoir si les conditions énumérées à l’article 158 étaient présentes pour justifier le maintien de la détention de l’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire. Il a manqué à son obligation prévue à l’article 158 de la Loi sur la défense nationale.

 

[8] La liberté est un droit fondamental au Canada et les membres des Forces canadiennes jouissent également de ce droit. Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont déclaré ce qui suit dans l’arrêt R c Grant, 2009 CSC 32, au par. 54 :

 

La garantie contre la détention arbitraire énoncée à l’art. 9 est une manifestation du principe général, énoncé à l’art. 7, selon lequel il ne peut être porté atteinte à la liberté qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Comme notre Cour l’a indiqué : « Cette garantie exprime une des normes les plus fondamentales de la primauté du droit. L’État ne peut pas détenir une personne arbitrairement. Une personne ne peut être mise en détention qu’en conformité avec le droit » (Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350, par. 88). L’article 9 a pour objet de protéger la liberté individuelle contre l’ingérence injustifiée de l’État. Une détention autorisée par la loi n’est pas arbitraire au sens de l’art. 9 (Mann, par. 20) à moins que la loi elle‑même ne le soit. À l’inverse, la détention qui n’est pas légalement autorisée est arbitraire et elle viole l’art. 9.

 

[9]        La détention de l’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire suivant son arrestation était arbitraire parce que le Caporal Gagnon n’a pas appliqué les dispositions de l’article 158 de la Loi sur la défense nationale, comme c’était son devoir de le faire. L’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire aurait dû être remis en liberté dès que les circonstances l’auraient permis, sauf si le Caporal Gagnon avait des motifs raisonnables de croire que cela était contre-indiqué dans les circonstances eu égard aux critères énoncés à l’article 158.

 

[10]      J’ai examiné attentivement la jurisprudence citée et au vu de la preuve soumise à notre cour, je conviens qu’une suspension des procédures n’est pas appropriée en l’espèce. Rien ne prouve que les actions du Caporal Gagnon ont porté préjudice au droit de l’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire de présenter une défense pleine et entière. On ne m’a fourni aucun élément de preuve pouvant m’amener à conclure que la continuation de la poursuite causerait à l’intégrité du système de justice militaire un préjudice irréparable.

 

[11]      Pour ces motifs, la cour accueille la demande présentée en vertu de l’alinéa 112.05(5)e) et elle conclut que la réparation appropriée en l’espèce est la mitigation de la peine en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés si l’ex-Matelot de 3classe Weldam-Lemire est déclaré coupable. La présente instance en vertu de l’alinéa 112.05(5)e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes est terminée.

 


 

Avocats :

 

Major G.T. Rippon, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Bernsten, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat pour l’ex-Matelot de 3classe S. Weldam-Lemire



[1] Voir la pièce 4

[2] Voir la pièce 5

[3] Voir la pièce 6

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