Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 22 janvier 2010.

Endroit : BFC Gagetown, édifice J-10, Oromocto (NB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, possession d’une substance explosive, sans excuse légitime (art. 82(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 2 : Art. 114 LDN, vol.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 600$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence :  R. c. Cole, 2010 CM 4003

 

Date :  20100122

Dossier :  200953

 

Cour martiale permanente

 

Bases des Forces canadiennes Gagetown

Oromocto (Nouveau‑Brunswick) Canada

 

Entre :

Sa Majesté la Reine

 

– et –

 

Soldat C.A. Cole, contrevenant

 

 

En présence du Lieutenant‑colonel J-G Perron, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Soldat Cole, ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité à l’égard du deuxième chef d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de ce chef d’accusation porté en vertu de l’art. 114 de la Loi sur la défense nationale. Vous vous êtes avoué coupable d’avoir volé des explosifs C4, une mèche lente et un cordeau détonant. Le premier chef d’accusation a été retiré par la poursuite. La cour doit maintenant fixer la sentence juste et appropriée en l’espèce.

 

[2]               L’exposé des circonstances, dont vous avez formellement admis que les faits qui y sont énoncés constituent une preuve concluante de votre culpabilité, et votre témoignage fournissent à la cour les circonstances entourant la perpétration de l’infraction. Votre avocat a présenté deux pièces durant l’étape de la détermination de la sentence de la présente instance.

 

[3]               Les avocats de la poursuite et de la défense ont recommandé conjointement une sentence consistant en une amende de 600 $ payable le prochain jour de paye. Le poursuivant n’a pas demandé à la cour de rendre une ordonnance interdisant au contrevenant de posséder une arme en l’espèce.

 

[4]               Les principes de détermination de la peine, qui sont communs aux cours martiales et aux tribunaux civils ayant compétence en matière pénale au Canada, ont été énoncés de diverses manières. En règle générale, ils sont fondés sur le besoin de protéger le public, y compris les Forces canadiennes. Le principe premier est celui de la dissuasion, qui comprend la dissuasion spécifique, c’est-à-dire l’effet dissuasif sur vous personnellement, ainsi que la dissuasion générale, c’est-à-dire l’effet dissuasif sur d’autres personnes qui seraient tentées de commettre des infractions similaires. Les principes comprennent également celui de la dénonciation du comportement et, le dernier mais non le moindre, celui de la réadaptation et de la réinsertion sociale du contrevenant.

 

[5]               La cour doit déterminer si la protection du public serait mieux assurée par la dissuasion, la réinsertion sociale, la dénonciation ou une combinaison de ces facteurs.

 

[6]               La cour a examiné les lignes directrices établies aux art. 718 à 718.2 du Code criminel du Canada. Les objectifs de la détermination de la peine figurant dans ces articles visent à dénoncer le comportement illégal, à dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre des infractions, à isoler, au besoin, le contrevenant du reste de la société, à favoriser la réinsertion sociale des contrevenants, à assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité et à susciter la conscience de leurs responsabilités, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[7]               Lorsqu’elle fixe la sentence, la cour doit suivre les directives énoncées à l’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, qui l’oblige à tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence, et imposer une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant.

 

[8]               La cour doit infliger la sentence la moins sévère nécessaire pour maintenir la discipline. Le dernier objectif de la détermination de la peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire. La discipline est cette qualité que doit posséder chaque membre des Forces canadiennes, qui lui permet de faire passer les intérêts du Canada et ceux des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels. Cette qualité est nécessaire, car les membres des Forces canadiennes doivent obéir spontanément et rapidement à des ordres légitimes qui peuvent entraîner des conséquences très graves sur eux, comme des blessures ou même la mort. Je définis la discipline comme une qualité, car, au bout du compte, bien qu’elle représente une conduite que les Forces canadiennes développent et encouragent par l’instruction, l’entraînement et la pratique, elle est une qualité intérieure et l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée.

 

[9]               Vous avez joint les Forces canadiennes en septembre 2007. Vous étiez affecté à l’École du génie militaire des Forces canadiennes en décembre 2007 et étiez candidat au cours de génie de combat (PP1) au moment de l’infraction. Durant ce cours, vous avez appris comment manipuler des explosifs C4. Durant la période du 20 juin au 6 juillet 2008, vous avez volé 0,21 livre, soit 94,92 grammes, d’explosifs C4, 0,76 mètre de mèche lente et un mètre de cordeau détonant. Le 6 juillet 2008, votre colocataire a rapporté à la chaîne de commandement qu’il avait vu ces articles dans vos effets personnels.

 

[10]           Vous avez été arrêté ce jour‑là et ces articles ont été récupérés. Vous avez entièrement collaboré avec la police militaire chargée de l’enquête et avez avoué avoir volé ces articles à deux occasions différentes. Vous avez reconnu l’irresponsabilité et l’illégalité de vos actes. Bien que vous ayez volé ces articles, vous avez déclaré que vous n’aviez aucun explosif en votre possession.

 

[11]           Vous avez été expulsé du cours le 7 juillet et n’étiez pas autorisé à terminer votre diplôme. Vous êtes resté parmi le personnel en attente d’instruction à l’EGMFC, où vous avez été affecté à des fonctions générales et occupiez le poste de conducteur. Bien que votre conduite soit demeurée acceptable à ce moment‑là, la procédure menant à votre libération obligatoire en vertu du motif 5f) avait été engagée, et vous interjetez appel de cette procédure parce que vous désirez rester au sein des Forces canadiennes.

 

[12]           Vous avez déclaré et informé la cour que vous êtes maintenant marié et que votre femme accouchera au début du mois de mars cette année. Vous avez demandé un congé parental pour la période du 6 mars au 5 juin 2010. Lorsque votre avocat vous a demandé d’expliquer pourquoi vous aviez volé, vous lui avez dit qu’il n’y avait pas de raison, que vous aviez manqué de jugement et que vous le regrettiez.

 

[13]           J’énoncerai maintenant les circonstances aggravantes et atténuantes dont j’ai tenu compte pour fixer la sentence appropriée en l’espèce. J’estime que les circonstances suivantes sont aggravantes :

 

            Le vol est objectivement une infraction grave selon le Code de discipline militaire. La nature du matériel volé est aussi subjectivement grave; le vol de tout explosif des Forces canadiennes ne peut être pris à la légère. Vous avez volé des explosifs C4, une mèche lente et un cordeau détonant. La preuve soumise à la cour n’indique pas que vous aviez toutes les composantes nécessaires pour causer une explosion, mais l’exposé des circonstances (la pièce 6) indique que ce matériel suffit à blesser des gens et à endommager des biens de façon significative. Par conséquent, la nature même du matériel volé représente un facteur aggravant. Ceci dit, il semble que la quantité d’explosifs C4 est assez petite.

 

            Bien que vous n’ayez pas volé de biens publics alors que vous en aviez la garde ou le contrôle, j’estime que, par vos actes, c’est‑à‑dire en faisant une fausse déclaration et en volant du matériel durant votre formation, vous avez abusé de la confiance qui vous était accordée par les Forces canadiennes.

 

Les circonstances atténuantes sont les suivantes :

 

            Vous n’avez pas de fiche de conduite et vous en êtes à votre première infraction. Vous aviez presque 28 ans au moment de l’infraction et vous étiez membre des Forces canadiennes depuis moins d’un an. Bien que je considère votre manque d’expérience dans les Forces canadiennes comme un facteur atténuant, je ne vous considère pas comme un jeune contrevenant. Vous aviez presque 28 ans, et non 18, 19 ou 20. Vous étiez assez vieux pour savoir que vous n’auriez pas dû voler des explosifs d’un champ d’entraînement des Forces canadiennes.

 

            Vous vous êtes avoué coupable et avez pleinement collaboré avec la police militaire chargée de l’enquête. Selon la jurisprudence canadienne, le contrevenant qui avoue sa culpabilité rapidement et qui collabore avec la police démontre généralement qu’il regrette ses actes et qu’il assume la responsabilité de ses actes illégaux et du préjudice qu’il a causé.

 

            Par conséquent, une telle collaboration avec la police et un aveu de culpabilité rapide seront généralement considérés comme des facteurs atténuants. Bien que la doctrine puisse être divisée à ce sujet, cette approche n’est généralement pas perçue comme étant contraire aux droits de l’accusé de garder le silence et de s’attendre à ce que le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable l’accusation portée contre lui. En effet, elle est plutôt perçue comme un moyen pour les tribunaux d’infliger une peine moins sévère, car l’aveu de culpabilité signifie habituellement que les témoins n’ont pas à témoigner, ce qui réduit de beaucoup les coûts associés aux procédures judiciaires. De plus, l’aveu de culpabilité signifie généralement que l’accusé désire assumer la responsabilité de ses actes illégaux.

 

            Lors de votre témoignage et de votre interrogatoire par la police militaire, vous éprouviez des remords. La cour reconnaît que vous regrettez vos actes et que vous assumez la responsabilité de cette infraction.

 

            Vous pourriez être libéré des Forces canadiennes en vertu du motif 5f), mais rien dans la preuve qui m’a été présentée n’indique qu’il s’agit d’un fait accompli. Dans leur lettre de recommandation respective (les pièces 7 et 8), le Sergent Innes et le Caporal‑chef Taylor vous décrivent comme un membre professionnel et fiable des Forces canadiennes. Ils sont tous deux d’avis que vous pouvez devenir un excellent soldat si on vous accorde une seconde chance. Cette décision revient à votre chaîne de commandement et aux autorités compétentes du Quartier général de la Défense nationale.

 

            J’ai l’impression que vous réalisez parfaitement avoir pris des décisions insensées en 2008. Vous devez maintenant vivre avec les conséquences de ces décisions. Les pièces 7 et 8 semblent indiquer que, si on vous accorde une seconde chance, vous pouvez prouver que vous méritez d’être membre des Forces canadiennes.

 

[14]           Soldat Cole, veuillez vous lever. Vous avez assumé l’entière responsabilité de vos actes.

 

[15]           Pour fixer la sentence appropriée en l’espèce, la cour a tenu compte des circonstances entourant la perpétration de l’infraction, de la situation du contrevenant, de la preuve présentée durant l’étape de la détermination de la sentence, des circonstances atténuantes et aggravantes, de la preuve présentée par le poursuivant, des observations formulées par la poursuite et par votre avocat, ainsi que des principes applicables de détermination de la peine.

 

[16]           Je conviens avec la poursuite que la sentence doit principalement procéder du principe de la dissuasion générale, mais doit également tenir compte de la réinsertion sociale.

 

[17]           La Cour d’appel de la cour martiale a clairement énoncé que le juge prononçant la sentence ne doit pas aller à l’encontre de la recommandation conjointe, à moins que la sentence ainsi proposée ait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou soit d’une autre façon contraire à l’intérêt public.

 

[18]           Je suis persuadé que ces mesures disciplinaires vous feront comprendre, à vous et à quiconque se familiarisera avec elles, que le vol d’explosifs constitue un manquement grave au Code de discipline militaire. La présente sentence reflète le fait que vous avez collaboré avec la police militaire, que vous vous êtes avoué coupable et que vous avez éprouvé des remords tout au long de l’instance.

 

[19]           Après avoir examiné la jurisprudence présentée par le poursuivant, j’estime que la sentence proposée s’inscrit dans les sentences les moins sévères. Cela dit, je tiens compte des commentaires de l’avocat de la défense quant aux facteurs dont lui et le poursuivant ont tenu compte pour en arriver à cette recommandation conjointe. Par conséquent, je conclus que la recommandation conjointe, bien qu’elle soit assez clémente, n’aurait pas pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou n’est pas d’une autre façon contraire à l’intérêt public.

 

[20]           Soldat Cole, je vous condamne à payer une amende de 600 $ à la fin du mois de janvier 2010.

 

[21]           J’ai examiné les dispositions de l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale. Après avoir examiné la nature de la présente infraction et les circonstances de sa perpétration, je conclus qu’il n’est pas nécessaire pour la sécurité d’autrui de rendre une ordonnance vous interdisant d’avoir en votre possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou l’un ou plusieurs de ces objets. Je ne rendrai donc pas une telle ordonnance.

 

[22]           L’instance devant la Cour martiale permanente à l’égard du Soldat Cole est terminée.

 


 

Avocats :

 

Major J. Caron, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Lieutenant-colonel T. Sweet, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Soldat C.A. Cole

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