Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 539 - Appel accordé en partie

Date de l'ouverture du procès : 1 février 2010

Endroit : 3e Escadre Bagotville, Édifice 81, Alouette (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

Référence : R. c. LeBlanc, 2010 CM 4004

Date : 20100201

Dossier : 200956

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Bagotville

Bagotville, Québec, Canada

Entre :

Sa Majesté la Reine

- et -

Caporal A.E. LeBlanc, requérant

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.


MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA REQUÊTE EN VERTU DE L'ARTICLE 11 d)  DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS VISANT L'IMPARTIALITÉ ET L'INDÉPENDANCE DU TRIBUNAL MILITAIRE.

 

(Oralement)

 

INTRODUCTION

 

[1]               L’accusé, le caporal LeBlanc, a présenté une requête aux termes du sous-alinéa 112.05 (5) e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, ORFC, pour l’obtention d’un arrêt des procédures en vertu de l’article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, et ce en raison de la violation alléguée des droits de l'accusé prévus à l'article 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

LA PREUVE

 

[2]               La preuve devant la cour est constituée des faits et des questions du domaine de la connaissance judiciaire prévus aux termes de l'article 15 des Règles militaires de la preuve et de deux pièces présentées par le requérant sous consentement de l'intimé. La pièce R1-3 se veut une chronologie des décisions, l'évolution législative et de décrets en conseil. La pièce R1-4 est composée de cinq parties, soit des articles 101.15, 101.16, 101.17 et 101.175 des ORFC, d'une liste de décrets en conseil, d'une partie du projet de loi C-7, d'une partie du projet de loi C-45 et d'une page tirée du site internet de la Chambre des Communes.

 

LA POSITION DES PARTIES

 

Le requérant

 

[3]               Le requérant est accusé d'une infraction punissable aux termes de l'article 124 de la Loi sur la défense nationale, soit d'avoir été négligent dans l'exécution de ses tâches. Le requérant désire obtenir une déclaration que cette Cour martiale permanente n'est pas un tribunal indépendant et impartial conformément à l'article 11 d) de la Charte et n'a pas la compétence pour juger le requérant ainsi qu'une ordonnance visant l'arrêt des procédures en vertu de l'article 24 (1) de la Charte et une ordonnance déclarant les articles 101.15, 101.16 et 101.17 des ORFC invalides et inopérants en vertu de l'article 52(1) de la Charte car ces articles enfreignent l'article 11 d) de la Charte.

 

L'intimée

 

[4]               L'intimée soumet que la nomination des juges militaires pour un mandat de cinq ans n'enfreint pas l'article 11 d) de la Charte et que les articles 101.15, 101.16 et 101.17 sont aussi compatibles avec l'article 11 d) de la Charte.

 

DÉCISION

 

[5]               L'article 11 d) de la Charte se lit comme suit :

 

11. Tout inculpé a le droit :

 

d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable;

 

[6]               Tel que souligné par le requérant et l'intimé au cours de leurs plaidoiries, la question à savoir si la nomination d'un juge militaire selon un mandat de cinq ans enfreint l'article 11 d) fut débattue devant plusieurs cours martiales au cours des années précédentes. Je considère que les décisions R. c. Caporal Nguyen 2005 CM 57, R. c. ex-Matelot de 1ere classe Lasalle 2005 CM 46, et R. c. Caporal Joseph 2005 CM 41 ont tranché cette question.

 

[7]               Je suis en accord avec la décision du colonel Dutil dans R. c. Matelot-chef Middlemiss, 2008 CM 1018 quand à l'effet de ces décisions sur les dispositions législatives en question. Tel qu'indiqué par la juge Gonthier au nom de la Cour suprême du Canada au paragraphe 28 de l'arrêt Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54 :

 

L'invalidité d'une disposition législative incompatible avec la Charte découle non pas d'une déclaration d'inconstitutionnalité par une cour de justice, mais plutôt de l'application du paragraphe 52 (1). Donc, en principe, une telle disposition est invalide dès son adoption, et l'obtention d'un jugement déclaratoire à cet effet n'est qu'un moyen parmi d'autres de protéger ceux et celles qui en souffent préjudice.  En ce sens, la question de la constitutionnalité est inhérente à tout texte législatif en raison du paragraphe 52 (1). Les tribunaux judiciaires ne doivent pas appliquer des règles de droit invalides, et il en va de même pour tout niveau ou organe de gouvernement, y compris un organe administratif de l'État.

 

[8]               J'en viens donc à la conclusion que les mots « pour un mandat de cinq ans » furent retranchés du paragraphe 165.21 (2) de la Loi sur la défense nationale et qu'il se lit maintenant ainsi :

 

Un juge militaire est nommé à titre inamovible, sous réserve de révocation motivée par le gouverneur en conseil sur recommandation d'un comité d'enquête établi par règlement du gouverneur en conseil.

 

[9]               De plus, j'en conclu que le paragraphe 165.21 (3) fut déclaré invalide et inopérant. Alors, je suis en accord avec le requérant quand ce dernier affirme que les articles 101.15, 101.16 et 101.17 des ORFC n'ont pas de fondement législatif.

 

[10]           Le requérant allègue que, suite aux modifications apportées à ces articles et au renouvellement du juge Lamont, une personne raisonnable pourrait se demander si le juge désigné pour présider le procès actuel sera aussi renouvelé par un Décret en Conseil. Il plaide que l'incertitude créée par la décision du juge Lamont dans R. c. Caporal Parsons, 2005 CM 16 et les décisions du juge Dutil dans Nguyen, Lasalle et Joseph crée une perception d'un manque d'indépendance et que cette incertitude est renchérie par le renouvellement du juge Lamont.

 

[11]           L'état du droit sur cette question est clair et on le retrouve au paragraphe 28 de l'arrêt Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54. Les actions prises par tout organe du gouvernement, sauf la voie législative en certains cas, ne peuvent modifier l'état du droit. Un tribunal compétent a déclaré que certaines dispositions législatives enfreignaient la Charte et ce tribunal a déterminé quelles actions étaient nécessaires pour remédier à cette situation. La Cour suprême du Canada nous indique clairement l'effet juridique de cette décision. De plus, dans R. c. Dunphy et R. c. Parsons, 2007 CACM 1, bien qu'elle n'avait pas à se pencher sur la constitutionnalité des paragraphes 165.21 (2) et (3), la Cour d'appel des cours martiales indique clairement dans un obiter dictum aux paragraphes 18 à 23 qu'elle est en accord avec le concept que les juges militaires soient nommés à titre amovible jusqu'à leur retraite.

 

[12]           Le requérant est d'avis que le paragraphe 165.21 (2) de la Loi sur la défense nationale tel que modifié et la déclaration d'invalidité du paragraphe 165.21 (3) par les décisions discutées précédemment rendent ainsi cette loi conforme à l'article 11 d) de la Charte. Le requérant n'a présenté aucune preuve pour soutenir son argument sur le sujet de la perception possible de manque d'indépendance et d'impartialité sauf le décret de renouvellement du juge Lamont et les modifications apportées aux articles 101.15, 101.16 et 101.17 des ORFC.

 

Décision

 

[13]           Compte tenu de l'état du droit tel que décrit ci-haut et du manque de preuve quant à la perception du manque d'indépendance et d'impartialité, la cour n'en vient pas à la conclusion qu'il existe une perception qu'un juge militaire qui préside une Cour martiale permanente ou toute autre cour martiale ne jouit pas d'une inamovibilité suffisante à lui permettre de juger les affaires qui lui sont soumises sur le fond sans intervention d'aucune personne de l'extérieur dans la façon dont le juge mène l'affaire et rend sa décision.

 

[14]           Donc, la requête pour l'obtention d'un arrêt des procédures en vertu de l'article 24 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés, et ce en raison de la violation alléguée des droits prévus à l'article 11 d) de la Charte est donc rejetée.


Avocats :

Major E. Charland, Direction du service d’avocats de la défense
Capitaine de corvette P. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense
Avocats de la défense du caporal A.E. LeBlanc (requérant)

Major J. Caron, Service canadien des Poursuites militaire
Capitaine E. Carrier, Service canadien des Poursuites militaire
Avocats de la poursuite (répondante)

 

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