Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 23 septembre 2013.

Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 114 LDN, a commis un vol, étant, par son emploi, chargé de la distribution de l’objet volé.
•Chef d’accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Valcour, 2013 CM 3027

 

Date : 20130923

Dossier : 201356

 

Cour martiale permanente

 

Salle d’audience du centre Asticou

Gatineau (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal M.C. Valcour, contrevenant

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Caporal Valcour, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du second chef d’accusation, la cour vous déclare coupable de ce chef d’accusation. Compte tenu du fait que le premier chef d’accusation a été retiré, la cour n’a pas d’autre chef d’accusation à traiter. Il est de mon devoir, à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale permanente, de déterminer la peine.

 

[2]               Le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir toute inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C'est grâce à la discipline que les Forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, de manière fiable et confiante. Le système assure également le maintien de l'ordre public et veille à ce que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[3]               La Cour suprême du Canada a reconnu, dans l'arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 RCS 259, à la page 293, que :

 

Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

Elle a souligné que, dans le contexte particulier de la justice militaire :

 

Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil.

 

Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une peine qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute peine infligée par un tribunal doit être adaptée au contrevenant et représenter l’intervention minimale nécessaire, puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[4]               En l’espèce, le procureur de la poursuite et l’avocate de la défense ont formulé une suggestion commune au sujet de la peine à infliger. Ils ont recommandé que la Cour vous inflige une amende de 200 $. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s’écarter de la suggestion commune que lorsqu’il a des raisons convaincantes de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine n'est pas adéquate, qu'elle est déraisonnable, qu'elle déconsidérerait l’administration de la justice ou qu’elle irait à l'encontre de l'intérêt public, comme la Cour d’appel de la cour martiale l’a indiqué dans R c Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21.

 

[5]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en imposant des sanctions ayant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         la protection du public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)         la dénonciation du comportement illégal;

 

c)         la dissuasion du contrevenant et de quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)         l’isolement, au besoin, des contrevenants du reste de la société;

 

e)         la réhabilitation et la réadaptation des contrevenants.

 

[6]               Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le tribunal militaire doit également prendre en compte les principes suivants :

 

a)                  la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b)                  la peine doit être proportionnelle à la responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui-ci;

 

c)                  la peine doit être semblable aux peines imposées à des contrevenants similaires relativement à des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d)                 le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort, comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

 

e)                  et finalement, toute peine qui compose une sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction et à la situation du contrevenant.

 

[7]               J’en suis venu à la conclusion que, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, la peine doit surtout viser les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.

 

[8]               En l’espèce, la cour traite d’une infraction militaire, soit le fait d’avoir été en état d’ébriété en service et d’avoir eu une conduite indisciplinée. Vous deviez fournir un service général, ce qu’on appelle communément un SG, au Bal de l’Armée, le 14 avril 2012. Il y avait des sacs-cadeaux à remettre aux invités et, si j’ai bien compris, vous avez consommé de l’alcool jusqu’à être en état d’ébriété pendant votre service alors que vous deviez vous acquitter d’autres tâches.

 

[9]               Pour déterminer une peine qu’elle considère comme juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs atténuants et aggravants suivants :

 

[10]           pour commencer, la cour considère comme un facteur aggravant :

 

 

a)                  la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé d’une infraction aux termes de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale qui est punissable par une peine d’emprisonnement de moins de deux ans ou par une punition moindre;

 

b)                  la gravité subjective de l’infraction. Il y a aussi deux éléments dont j’aimerais parler :

 

                                                  i.      premièrement, votre expérience. Il ne fait aucun doute que, à ce moment-là, vous aviez accumulé quatre années de service et que vous aviez une certaine expérience du grade. Vous aviez probablement déjà été en SG dans d’autres situations avant cela. Vous saviez ce que vous deviez faire, et vous avez décidé de vous comporter différemment. Je considère donc que le fait que vous aviez une certaine expérience est un facteur aggravant;

 

                                                ii.      de plus, le deuxième facteur, selon moi, concerne votre fonction. Le fait d’être en SG n’est peut-être pas considéré comme quelque chose de très intéressant, mais, non pas dans les circonstances, mais quelles que soient les circonstances, les tâches qu’on vous confie sont tout de même importantes. En fait, des gens comptaient sur vous pour que vous vous acquittiez d’une tâche qui exigeait une interaction avec des membres du public. Votre comportement au Bal de l’Armée, un événement public, en présence d’autres militaires, peu importe le grade, est encore plus grave compte tenu des circonstances. Des gens comptaient sur vous, et vous n’avez pas été fiable en consommant trop d’alcool.

 

[11]           J’ai aussi tenu compte des facteurs atténuants suivants :

 

a)                  premièrement, votre plaidoyer de culpabilité. À la lumière des faits qui lui ont été présentés, en l’espèce, la cour doit considérer votre plaidoyer de culpabilité comme un signe clair et véritable de remords et une volonté sincère de rester un élément utile au sein des Forces canadiennes. Ce plaidoyer témoigne aussi du fait que vous reconnaissez la pleine responsabilité de vos actes;

 

b)                  je dois aussi tenir compte du fait que, au bout du compte, votre comportement n’a pas eu de conséquences fâcheuses. On m’a bien sûr dit que d’autres personnes en SG ont dû s’acquitter de certaines tâches pendant que vous n’étiez pas là, mais, d’après ce que j’ai compris, rien n’indique que le fait que vous avez trop bu et que vous soyez parti a porté à conséquence;

 

c)                  votre âge. Comme l’a mentionné votre avocate, vous êtes en début de carrière et vous avez amplement le temps de poursuivre une carrière au sein des Forces canadiennes. Vous pouvez devenir un atout très utile et positif pour les Forces canadiennes et la société canadienne en général, compte tenu du fait que vous êtes aussi un réserviste. Ce que j’essaie de dire, c’est que vous faites au sein de l’armée se reflète aussi dans la société;

 

d)                 votre rendement. D’après ce que j’en comprends, vous avez un très bon rendement au sein des Forces canadiennes. Jusqu’à la journée en question, en 2012, vous étiez considéré comme un excellent soldat, et je crois que vous l’êtes encore, non pas seulement parce que vous êtes un bon tireur, mais en raison de votre attitude générale. Et votre unité vous apprécie beaucoup. Et, dans les circonstances, je considère qu’il s’agit d’un facteur atténuant;

 

e)                  je dois aussi tenir compte du fait que vous avez dû vous présenter devant une cour martiale. Votre infraction peut être considérée comme mineure par certaines personnes, tout comme l’incident, mais il y a tout de même des gens ici. C’est probablement bien connu au sein de votre unité que vous vous retrouvez devant une cour martiale pour cette raison. C’est donc quelque chose dont la cour doit tenir compte puisque cela peut avoir un effet dissuasif sur vous, et sur d’autres personnes au sein de votre unité ou d’autres militaires en général qui envisageraient d’adopter un comportement semblable;

 

f)                   il s’agit d’un incident isolé qui ne vous ressemble pas. C’est donc votre première infraction, et ce n’est pas quelque chose que vous faites souvent. Je n’ai aucune preuve à cet égard. Par conséquent, pour moi, cela ne se reproduira pas à l’avenir. C’est donc un facteur atténuant;

 

g)                  enfin, votre déclaration de culpabilité figurera sur votre fiche de conduite et y restera pendant au moins un an si j’accepte la suggestion. Il est donc important, selon moi, de tenir compte du fait que vous ne ferez pas l’objet d’une vérification, pas par votre unité du moins, en raison de cette déclaration de culpabilité qui figure sur votre fiche de conduite. Ce sera remis à  l’année prochaine;

 

h)                  de plus, comme l’autre avocate l’a souligné, on oublie parfois que, en raison de votre déclaration de culpabilité d’aujourd’hui, vous aurez un casier judiciaire. Il faut donc en tenir compte.

 

[12]           Selon moi, vous êtes un excellent soldat et vous avez fait une erreur. C’est pour cette raison que vous êtes ici aujourd’hui. Cependant, vous pouvez apprendre de cette erreur et vous allez probablement devenir un leader au sein des Forces canadiennes. Il vous reste encore du travail à faire, mais, plus tard, vous pourriez être considéré comme un leader. On vous pressentira peut-être pour un cours en leadership afin de vous nommer caporal-chef, et votre progression pourrait ne pas s’arrêter là. Par conséquent, je crois qu’il y a une leçon à tirer, et vous pouvez montrer aux autres le bon exemple et les avertir de ne pas faire des choses comme cela. Prenez-le ainsi, parce que vous êtes au début de votre carrière, et cela ne signifie pas que vous êtes une mauvaise personne ou un mauvais soldat. Les gens font des erreurs, c’est ce qui vous est arrivé. Vous en subissez actuellement les conséquences et vous pourrez tourner la page et continuer à offrir le rendement dont vous rêvez.

 

[13]           En conséquence, la cour accepte la suggestion commune des avocats de vous infliger une amende de 200 $ étant donné que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[14]           VOUS DÉCLARE coupable à l’égard du second chef d’accusation figurant à l’acte d’accusation relativement à une infraction aux termes de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.

 

[15]           VOUS CONDAMNE à une amende de 200 dollars payable immédiatement.


Avocats :

 

Major E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocate du Caporal M.C. Valcour

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.