Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 28 août 2013.

Endroit : Manège militaire Lieutenant-colonel George Taylor Denison III, 1 chemin Yukon, Toronto (ON).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
•Chef d’accusation 2 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Khan, 2013 CM 3020

 

Date : 20130828

Dossier : 201341

 

Cour martiale permanente

 

Manège militaire Lieutenant-colonel George Taylor Denison III

Toronto (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal O. Khan, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Caporal Khan, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du seul et unique chef d’accusation, la cour vous déclare coupable de ce chef d’accusation.

 

[2]               Il est de mon devoir, à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale permanente, de déterminer la peine.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir toute inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C'est grâce à la discipline que les Forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, de manière fiable et confiante. Le système assure également le maintien de l'ordre public et veille à ce que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               La Cour suprême du Canada a reconnu, dans l'arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 RCS 259, à la page 293, que :

 

Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

Elle a souligné que, dans le contexte particulier de la justice militaire dans la même décision :

 

Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil.

 

Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une peine qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute peine infligée par un tribunal doit être adaptée au contrevenant et représenter l’intervention minimale nécessaire, puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[5]        L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en imposant des sanctions ayant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a.       la protection du public, y compris les Forces canadiennes;

 

b.      la dénonciation du comportement illégal;

 

c.       la dissuasion du contrevenant et de quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d.      l’isolement, au besoin, des contrevenants du reste de la société;

 

e.       la réhabilitation et la réadaptation des contrevenants.

 

[6]        Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le tribunal militaire doit également prendre en compte les principes suivants :

 

a.       la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b.      la peine doit être proportionnelle à la responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui-ci;

 

c.       la peine doit être semblable aux peines imposées à des contrevenants similaires relativement à des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d.      le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort, comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

 

e.       et finalement, toute peine qui compose une sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction et à la situation du contrevenant.

 

[7]        J’en suis venu à la conclusion que, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, la peine doit surtout viser les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.

 

[8]        En l’espèce, la cour traite d’une infraction militaire, soit  la désobéissance à un ordre légitime.

 

[9]        En avril et mai 2012, alors qu’il était affecté au 2e Régiment de police militaire de la Force régulière, le Caporal Khan a eu un certain nombre de limitations professionnelles de nature médicale et a dû se rendre à de nombreux rendez-vous chez le médecin.

 

[10]      Il prenait part à l’exercice READY WATCHDOG dans la Base des Forces canadiennes Borden. Le 27 avril et le 4 mai 2012, le Capitaine Collings a indiqué au Caporal Khan que celui-ci devait laisser un membre de l’unité le reconduire à tous ses rendez-vous chez le médecin, compte tenu du fait qu’il prenait des médicaments et qu’il ne devait pas conduire un véhicule pour cette raison. Cependant, on ne lui a pas interdit de conduire quelque véhicule que ce soit.

 

[11]      Le 7 mai 2012, l’Adjudant-maître Ebel a demandé au Caporal Khan de l’informer immédiatement de tous ses rendez-vous chez le médecin et a ajouté qu’un transport allait lui être fourni à cette fin durant l’exercice. Le 15 mai 2012, le Caporal Khan a quitté l’emplacement de l’exercice READY WATCHDOG, Blackdown Park, dans la BFC Borden, et, contrairement à l’ordre reçu, s’est rendu lui-même en voiture à son rendez-vous chez le médecin à Toronto. En outre, le Caporal Khan n’avait pas pris soin d’informer sa chaîne de commandement de son rendez-vous comme il devait le faire.

 

[12]      Le respect des ordres est fondamental dans toute force armée, et ce type d’infraction concerne les obligations éthiques des membres des Forces canadiennes, comme la responsabilité. Par conséquent, pour un militaire du rang, comme pour un officier, être fiable et responsable en tout temps est plus qu’essentiel à la réalisation des tâches ou des missions des Forces armées, quelle que soit la fonction ou quel que soit le rôle qu’il faut assumer, surtout durant un exercice, comme c’est le cas en l’espèce.

 

[13]      Pour en arriver à ce qu’elle considère être une peine juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs atténuants et des facteurs aggravants suivants :

 

a.       premièrement, la cour considère comme un facteur aggravant la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé, conformément à l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement à vie ou d’une peine moindre;

 

b.      deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction :

 

                                                                          i.      compte tenu de votre expérience et de votre grade, vous auriez dû agir différemment dans cette situation et peu importe ce qui vous a poussé à agir de cette façon, vous aviez reçu des instructions claires pour des raisons précises. Malgré le fait que vous saviez qu’il est important d’obéir aux ordres, vous avez décidé de votre propre chef de conduire pour vous rendre à votre rendez-vous chez le médecin. Dans ce contexte, il faut considérer votre expérience et votre grade comme un facteur aggravant;

 

                                                                        ii.      votre fonction en tant que membre de la police militaire doit aussi être considérée comme un facteur aggravant. Puisque vous êtes une personne qui peut appliquer la loi, vous devez savoir à quel point il est important que les soldats des Forces canadiennes respectent la loi.

 

[14]      J’ai aussi tenu compte des facteurs atténuants suivants :

 

a.       premièrement, il y a votre plaidoyer de culpabilité. À la lumière des faits qui lui ont été présentés, en l’espèce, la cour doit considérer votre plaidoyer de culpabilité comme un signe clair et véritable de remords et une volonté sincère de rester un élément utile de la société. Ce plaidoyer témoigne aussi du fait que vous reconnaissez la pleine responsabilité de vos actes;

 

b.      je dois aussi tenir compte du fait qu’il n’y a eu aucune conséquence à vos actes, ce qui fait en sorte qu’il n’y a aucune preuve selon laquelle votre comportement a eu impact durant l’exercice, et cela est donc un facteur atténuant aussi;

 

c.       votre fiche de conduite ne contient aucune mention d’une infraction ou d’une infraction semblable;

 

d.      votre carrière. D’après ce que j’ai pu voir dans la preuve dont je suis saisi, vous avez mené une bonne carrière jusqu’à présent au sein de la police militaire et vous êtes apprécié par votre superviseur pour votre engagement et le professionnalisme dont vous faites preuve;

 

e.       il y a aussi le fait que vous avez dû comparaître devant la cour martiale, ce qui, j’en suis convaincu, a déjà eu un certain effet dissuasif sur vous et aussi sur d’autres personnes;

 

f.       comme on l’a souligné, j’entends cette affaire avec un peu de retard, et je dois aussi considérer cela comme un facteur atténuant.

 

[15]      Comme votre avocate l’a mentionné, il est vrai que le contexte et les circonstances de l’espèce m’amènent à penser que cette infraction se situe dans la partie inférieure de la fourchette de gravité des infractions, comme l’a mentionné le juge Lamont dans R c MacDonald, 2012 CM 2005, au paragraphe 10 :

 

[…] je considère que cette infraction se situe dans la partie inférieure de la fourchette de gravité des infractions.

 

[16]      Qui plus est, si la cour accepte la suggestion des avocats, cette peine demeurera sur votre fiche de conduite, à moins que vous n’obteniez une réhabilitation suspendant le casier judiciaire qui vous est aujourd’hui attribué. Dans les faits, votre condamnation entraînera une conséquence qui est souvent ignorée, c'est-à-dire que vous aurez désormais un casier judiciaire, ce qui n’est pas négligeable.

 

[17]      Je suis convaincu que vous comprenez bien ce qui se passe aujourd’hui et ce que vous avez fait. Je crois aussi que vous le garderez à l’esprit et que vous en tirerez une leçon pour l’avenir. Compte tenu de votre âge, il vous reste beaucoup à faire au niveau personnel et au sein de la société, et je crois bien ne plus vous revoir devant un tribunal. Il s’agissait d’une situation spéciale, d’un incident isolé. Je dirais que cela ne vous ressemble guère compte tenu de ce que disent vos supérieurs et le contenu des différents rapports. En outre, vous pourrez tourner la page et passer à autre chose après votre présence devant la cour martiale.

 

[18]      En conséquence, la cour accepte la suggestion commune des avocats de vous infliger une amende de 500 $ étant donné que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[19]      VOUS DÉCLARE coupable à l’égard du seul et unique chef d’accusation figurant à l’acte d’accusation relativement à une infraction aux termes de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale.

 

[20]      VOUS CONDAMNE à une amende de 500 dollars payable en cinq versements mensuels de 100 $ à compter du 1er septembre 2013.

 


 

Avocats :

 

Lieutenant-colonel K.A. Lindstein, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S.L. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocate du Caporal O. Khan

 

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