Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 26 septembre 2011

Endroit : Casernes Wolseley, 50 chemin Sir William Otter, London (ON)

Chefs d'accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
•Chefs d’accusation 3, 4, 5, 6 : Art. 130 LDN, abus de confiance par un fonctionnaire public (art. 122 C. cr.).

Résultats :
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 4, 5, 6 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Non coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de neuf mois.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Wilks, 2011 CM 4029

 

Date :  20111212

Dossier :  201124

 

Cour martiale permanente

 

Navire canadien de Sa Majesté Prevost

London (Ontario), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-Maître de 2e classe J.K. Wilks, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Restriction à la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser, de quelque façon que ce soit, tout renseignement permettant d’établir l’identité des personnes décrites dans le présent jugement comme étant les plaignantes.

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Ex-Maître de 2e classe Wilks, à la conclusion du procès, la cour vous a déclaré coupable d’une accusation d’agression sexuelle et de quatre accusations d’abus de confiance par un fonctionnaire public. La cour doit maintenant vous imposer une peine juste et appropriée.

 

[2]               Lors des infractions, vous étiez un Maître de 2e classe employé comme technicien médical. Vous deviez effectuer des examens médicaux d’enrôlement dans le cadre de vos fonctions. Vous avez effectué des examens médicaux d’enrôlement sur la personne des trois victimes.

 

[3]               Au cours d’un examen, vous avez dit à la candidate, la Matelot de 2e classe E.C., d’enlever ses vêtements, sauf sa culotte. Aucun short ou jaquette ne lui a été fourni. Vous êtes sorti de la salle d’examen lorsqu’elle s’est changée et vous êtes ensuite revenu dans la pièce. Vous lui avez dit de faire différents gestes afin de pouvoir examiner l’amplitude de ses mouvements. Vous avez quitté la pièce pendant qu’elle mettait son soutien-gorge, puis vous êtes retourné pour poursuivre l’examen.

 

[4]               Vous avez dit à Mlle A.D. d’enlever ses vêtements, sauf son soutien-gorge et sa culotte, et de passer une jaquette lorsqu’elle s’est soumise à son examen médical d’enrôlement le 4 novembre 2009. Elle ne s’attendait pas à devoir enlever ses vêtements et portait un string ce jour-là. Aucun short ne lui a été fourni. Vous lui avez demandé d’exposer son sein gauche et vous avez examiné son sein gauche avec vos doigts. Vous lui avez ensuite dit d’exposer son sein droit et vous avez examiné son sein droit. Vous avez exercé une pression sur ses mamelons avec vos doigts. Vous avez examiné ses seins de cette façon les 4 et 20 novembre 2009. Le 20 novembre, vous lui avez dit d’enlever simplement sa blouse et son soutien-gorge et de passer une jaquette. Le 4 novembre 2009, alors que vous vous teniez debout derrière elle, vous lui avez dit de se pencher, parce que vous vouliez examiner la courbe de sa colonne vertébrale. Mlle A.D. se sentait très mal à l’aise dans cette position, parce qu’elle portait uniquement un string ce jour-là.

 

[5]               Vous avez dit à Mlle Robi Williams d’enlever ses vêtements, sauf son soutien-gorge et sa culotte, et de passer une jaquette lorsqu’elle s’est présentée à son examen médical d’enrôlement. Aucun short ne lui a été fourni. Vous avez examiné ses seins avec le bout de vos doigts alors qu’elle portait encore son soutien-gorge. Vous lui avez ensuite dit d’enlever son soutien-gorge et de montrer un sein, puis l’autre. Vous lui avez ensuite demandé de lever les bras et sa jaquette a alors glissé jusqu’à la taille de manière à exposer ses seins. Vous ne lui avez pas touché les seins après qu’elle eut enlevé son soutien-gorge.

 

[6]               Vous n’étiez pas autorisé à examiner les seins dans le cadre de l’examen médical d’enrôlement. Les candidats devaient être habillés de façon que leur dignité et leur intimité soient préservées en tout temps. Vous deviez vous assurer que chaque candidate portait ses sous-vêtements, son soutien-gorge et sa culotte, un short et une jaquette ou un tee-shirt.

 

[7]               Comme la Cour d’appel de la cour martiale l’a souligné, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé où le juge du procès a l’avantage d’avoir vu et entendu tous les témoins; il s’agit sans doute de l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit remplir (voir R c Tupper 2009 CACM 5, paragraphe 13).

 

[8]               La Cour d’appel de la cour martiale a également mentionné en toutes lettres (voir le paragraphe 30 de la décision qu’elle a rendue dans Tupper) que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine qui sont énoncés dans le Code criminel du Canada s’appliquent dans le contexte du système de justice militaire et qu’un juge militaire doit examiner ces objectifs lors de la détermination de la peine. L’article 718 du Code criminel énonce que le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer « au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre », par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  dénoncer le comportement illégal;

 

b)                  dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c)                  isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d)                  favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e)                  assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f)                    susciter la conscience de leur responsabilité chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[9]               Les dispositions du Code criminel liées à la détermination de la peine, soit les articles 718 à 718.2, prévoient un processus individualisé selon lequel la cour doit prendre en considération non seulement les circonstances de l’infraction, mais aussi la situation particulière du contrevenant (voir R c Angelillo, 2006 CSC 55, au paragraphe 22). Une peine doit également respecter le principe de l’harmonisation des peines (voir R c L.M., 2008 CSC 31, au paragraphe 17).

 

[10]           Le principe de proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine (voir R c Nasogaluak, 2010 CSC 6, au paragraphe 41). La Cour suprême du Canada précise que le principe de la proportionnalité signifie que la sanction ne doit pas dépasser ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction.

 

[11]           Cependant, à cette optique correspond également une approche relative à la philosophie du châtiment fondée sur le « juste dû ». Cette dernière approche vise à garantir que les contrevenants sont tenus responsables de leurs actes et que les peines infligées reflètent et sanctionnent adéquatement le rôle joué dans la perpétration de l’infraction ainsi que le tort qu’ils ont causé. En d’autres termes, la détermination de la peine représente également une forme de censure judiciaire et sociale. Toutefois, le degré de censure requis pour exprimer la réprobation de la société à l’égard de l’infraction demeure dans tous les cas contrôlé par le principe selon lequel la peine infligée à un délinquant doit correspondre à sa culpabilité morale et non être supérieure à celle-ci. Par conséquent, les deux optiques de la proportionnalité confluent pour donner une peine qui dénonce l’infraction et qui punit le délinquant sans excéder ce qui est nécessaire (voir le paragraphe 42 de l’arrêt Nasogaluak).

 

[12]           Le juge doit soupeser les objectifs de détermination de la peine qui reflètent les circonstances précises de l’affaire. Il appartient au juge qui prononce la sanction de déterminer s’il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs. La peine sera par la suite ajustée dans la fourchette des peines appropriées pour des infractions similaires, selon l’importance des circonstances atténuantes ou aggravantes (voir Nasogaluak, aux paragraphes 43 et 44).

 

[13]           De plus, avant d’envisager la privation de liberté, il faut examiner la possibilité de peines moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient. Cette règle générale de détermination de la peine, créée par la jurisprudence canadienne, se trouve maintenant à l’article 718.2 du Code criminel (voir R c Gladue, [1999] 1 RCS 688, au paragraphe 40).

 

[14]           Une seule sentence est prononcée à l’endroit d’un contrevenant, que celui‑ci soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut prévoir plusieurs peines.

 

[15]           La Cour d’appel de la cour martiale a également mentionné que le contexte précis du système de justice militaire peut, dans des circonstances appropriées, justifier et, à l’occasion, exiger une peine qui favorisera l’atteinte des objectifs militaires (voir Tupper, au paragraphe 34). Dans la grande majorité des affaires jugées par la cour martiale, l’infliction d’une peine dans le contexte militaire vise, en bout de ligne, à rétablir la discipline chez le contrevenant et dans les rangs de la société militaire. La cour doit donc infliger une peine équivalant au minimum nécessaire pour maintenir la discipline. Dans la présente affaire, la détermination de la peine ne vise pas uniquement à rétablir la discipline. Vous êtes coupable d’agression sexuelle et d’abus de confiance par un fonctionnaire public. Ces infractions sont prévues au Code criminel et, bien qu’elles aient été commises dans un établissement de la défense, les victimes n’étaient pas membres des Forces canadiennes. En conséquence, bien que le maintien de la discipline soit toujours important, la peine à infliger en l’espèce doit s’harmoniser avec celles qui sont imposées dans des affaires criminelles similaires.

 

[16]           Le procureur de la poursuite a proposé une peine d’emprisonnement de 12 mois, compte tenu d’une fourchette de peines allant de neuf à 18 mois. Il fait valoir qu’une condamnation avec sursis ne convient pas en l’espèce. À son avis, une ordonnance autorisant le prélèvement d’échantillons d’ADN sur le contrevenant aux termes de l’article 196.14 de la Loi sur la défense nationale est nécessaire en l’espèce. Le procureur de la poursuite a également demandé que la cour rende une ordonnance enjoignant à l’ex-Maître de 2e classe Wilks de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Il n’a pas demandé d’ordonnance interdisant au contrevenant d’avoir une arme en sa possession en l’espèce.

 

[17]           Pour sa part, l’avocat de la défense affirme qu’un blâme assorti d’une amende de 10 000 $ est la peine qui convient en l’espèce. Il ajoute que, si la cour estime qu’une peine d’emprisonnement est appropriée, une période de détention de 90 jours serait suffisante.

 

[18]           Je conviens avec le procureur de la poursuite que les principes de dénonciation et de dissuasion générale sont les principes de détermination de la peine les plus importants en l’espèce.

 

[19]           J’examinerai d’abord les facteurs aggravants dans la présente affaire.

 

[20]           L’agression sexuelle est une infraction très grave sur le plan objectif, puisque la peine maximale dont son auteur est passible est une peine d’emprisonnement de dix ans. L’abus de confiance par un fonctionnaire public est également une infraction grave, puisqu’il s’agit d’un acte criminel aux termes du Code criminel dont l’auteur est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans comme peine maximale.

 

[21]           Comme je l’ai déjà souligné dans mon verdict, vous aviez un rôle important à jouer dans le processus d’enrôlement. Vous deviez faire un examen médical des candidats pour veiller à ce que les Forces canadiennes enrôlent des personnes qui sont capables d’exécuter les tâches qui leur seront imposées. Vous deviez effectuer ces examens conformément aux directives que vous aviez reçues de vos supérieurs. Ces directives visaient à faire en sorte que les examens médicaux soient effectués de manière à répondre aux besoins des Forces canadiennes tout en préservant la dignité et l’intimité des candidats. Les victimes ont déclaré qu’elles avaient confiance en vous lorsque vous avez effectué l’examen médical et qu’elles ont présumé que vous faisiez ce que vous étiez censé faire. Toute personne raisonnable s’attendrait à ce qu’une personne se trouvant dans la position que vous occupiez lors des infractions accomplisse ses tâches conformément à ces directives, en respectant la dignité et l’intimité des candidats.

 

[22]           Vous avez examiné la Matelot de 2e classe E.C. et Mlle Robi Williams d’une façon qui vous a permis de voir leurs seins nus. Vous avez touché les seins nus de Mlle A.D. avec vos mains à deux occasions. Vous avez également examiné Mlle A.D. le 4 novembre 2009 d’une façon qui l’a rendue mal à l’aise lorsque vous lui avez demandé de se pencher alors qu’elle portait uniquement un string.

 

[23]           Vous avez dit aux victimes que vous deviez examiner leurs seins. Elles ont acquiescé à cette demande, parce qu’elles pensaient que cet examen faisait partie de l’examen médical d’enrôlement. Vous avez été malhonnête à l’endroit des candidates et vous avez abusé de leur confiance.

 

[24]           De plus, vous étiez en position d’autorité à l’endroit de chaque candidate. Vous participiez au processus de recrutement officiel. Chaque candidate devait se présenter à vous pour se soumettre à un examen médical dans le cadre du processus de recrutement.

 

[25]           Mlle Robi Williams était âgée de 17 ans lorsque vous l’avez examinée. Je suis d’avis que votre conduite à l’endroit de Mlle Robi Williams constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans, ce qui représente un facteur aggravant.

 

[26]           Votre conduite a produit des effets négatifs sur Mlle A.D. et Mlle Robi Williams. Il semblerait que la Matelot de 2e classe E.C. n’ait pas été touchée par votre comportement criminel et inacceptable. MlleA.D. est une mère célibataire de trois enfants. Au cours de son témoignage, elle a déclaré qu’en raison de votre conduite, elle a perdu son rêve de joindre les rangs des Forces canadiennes. Elle souhaite faire partie des Forces canadiennes, mais elle est effrayée à l’idée de subir un autre examen dans le cadre du processus de recrutement; elle craint que ce type d’incident ne se reproduise. Elle sait qu’elle doit trouver une façon de surmonter cette crainte. Elle a vu un conseiller pour l’aider à composer avec son angoisse et elle a souligné que sa mère lui avait été d’un grand secours. Ces incidents ont grandement touché l’amour-propre et l’estime de soi de Mlle A.D. Même si elle a dit qu’elle avait l’intention de parler à un avocat au sujet de la possibilité d’intenter des poursuites civiles, je considère encore son témoignage comme un témoignage crédible et valable.

 

[27]           Mlle Robi Williams. a dit qu’elle se sentait dégoûtée et qu’elle ne pouvait pas se regarder dans le miroir après l’incident. Elle a également éprouvé des problèmes de sommeil après l’incident et a fait des cauchemars. Elle a affirmé que l’incident l’avait empêchée de terminer ses études secondaires. Elle pense encore à l’incident et se reproche d’avoir permis que cela se produise. Elle se sent mal à l’aise en présence de médecins et dentistes de sexe masculin et a perdu confiance à l’endroit des hommes. Elle n’a consulté aucun professionnel, mais elle a parlé à des amis et à des membres de sa famille et a participé à une suerie.

 

[28]           Mlle Robi Williams s’était présentée à un examen médical parce qu’elle avait fait une demande d’adhésion au Programme d’emploi pour jeunes Autochtones Raven. Le Programme Raven est un programme de sensibilisation conçu pour tisser des liens entre les collectivités autochtones du Canada et pour faire connaître aux jeunes Autochtones les différentes possibilités de carrières civiles ou militaires qui s’offrent à eux au ministère de la Défense nationale. Elle a pensé que c’était le bon cheminement de carrière pour elle, étant donné que des membres de sa famille avaient déjà fait partie de l’armée. Elle souhaitait présenter une demande d’adhésion au programme depuis 2006. Elle a échoué le test physique qu’elle devait passer dans le cadre du processus de recrutement du Programme Raven. Elle a expliqué qu’elle se sentait mal à l’aise avec les évaluateurs. À son avis, cet échec était une conséquence indirecte de son examen médical.

 

[29]           Je suis également d’avis que le fait d’avoir abusé à maintes reprises de votre position d’autorité et de la confiance de ces femmes constitue un facteur aggravant, puisqu’il ne s’agissait pas d’un incident isolé, mais d’un comportement criminel calculé et répété.

 

[30]           J’examinerai maintenant les facteurs atténuants. Les circonstances atténuantes sont peu nombreuses en l’espèce. L’avocat de la défense n’a présenté aucun élément de preuve à la cour lors de la partie du procès relative à la détermination de la peine.

 

[31]           Selon la pièce 8 produite au cours du procès, qui est votre sommaire des dossiers personnels des militaires (SDPM), vous vous êtes d’abord enrôlé à la Force régulière en juin 1978 à titre d’élève-officier et vous avez été libéré en août 1978. Vous vous êtes enrôlé à nouveau en 1984 et vous avez travaillé comme adjoint médical jusqu’à ce que vous deveniez technicien médical en 2002. Vous avez été promu au grade de Maître de 2e classe en avril 2001. Vous n’avez été affecté à aucune opération internationale, mais vous avez déclaré au cours du procès que vous aviez servi à bord d’un navire, bien qu’aucun détail n’ait été présenté à la cour au sujet de la durée et des circonstances de cette affectation.

 

[32]           Vous êtes âgé de 51 ans et vous avez servi dans les Forces canadiennes pendant 27 ans, jusqu’à votre libération pour raisons médicales (motif 3b) le 19 avril 2011. Vous êtes célibataire et vous n’avez aucune personne à votre charge. Le procureur de la poursuite m’a informé que vous n’aviez pas de fiche de conduite ni d’antécédents judiciaires; en conséquence, vous êtes un délinquant primaire.

 

[33]           J’examinerai maintenant la jurisprudence présentée à la cour lors de l’étape de la détermination de la peine. Le procureur de la poursuite a présenté six décisions et l’avocat de la défense, une seule. Je suis d’avis que les décisions concernant les agressions sexuelles commises par un médecin à l’endroit d’un patient sont les décisions qu’il convient d’examiner pour déterminer la peine à infliger en l’espèce. La décision que l’avocat de la défense a invoquée portait sur des infractions de harcèlement et de conduite déshonorante et ne m’apparaît donc pas très utile.

 

[34]           Dans R c Naghara, [1995] O.J. 1030, le contrevenant a été déclaré coupable d’agression sexuelle. Le toucher intentionnel d’une victime, une patiente, par un médecin à des fins non médicales a été considéré comme un abus de confiance grave qui mérite généralement une peine dénonciatrice. La Cour d’appel de l’Ontario a réduit la peine d’emprisonnement de 18 mois à six mois. Aucun autre renseignement n’a été présenté à la cour martiale au sujet de cette affaire.

 

[35]           Dans R c Cameron, [1995] P.E.I.J. no 163, un médecin a agressé sexuellement trois patientes pendant qu’il les examinait. Le contrevenant a examiné les seins de la première victime au cours de deux examens et il a pénétré le vagin de la victime avec le doigt au cours d’un examen. Il a touché les seins de la deuxième victime pendant un examen. Il a aussi examiné les seins de la troisième victime lors de deux examens. La Cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard a réduit la peine de 23 mois à 12 mois d’emprisonnement tout en soulignant l’obligation de loyauté due envers les patients.

 

[36]           À mon avis, ces deux décisions constituent les décisions les plus pertinentes dont la cour peut s’inspirer pour déterminer une sentence appropriée. L’ex-Maître de 2e classe Wilks n’était pas médecin à la date des infractions. Cependant, il était un technicien médical responsable de l’examen médical d’enrôlement des trois victimes. Les Forces canadiennes et les victimes s’attendaient à ce qu’il accomplisse ses tâches d’une façon professionnelle et respectueuse. Il devait respecter l’intimité et l’intégrité physique des victimes. Les trois victimes lui faisaient confiance et ont obéi à ses instructions tout au long des examens, parce qu’elles ont cru qu’elles devaient le faire aux fins du processus de recrutement. Mlle A.D. a dit au cours de son témoignage qu’elle aurait tout fait à l’époque pour joindre les rangs des Forces canadiennes.

 

[37]           Ex-Maître de 2e classe Wilks, vous avez utilisé votre position d’autorité pour satisfaire vos désirs. Vous avez demandé aux trois victimes de se déshabiller, alors que ce n’était pas nécessaire, afin de pouvoir examiner leurs seins nus. Vous avez également touché les seins de Mlle A.D. en prétextant qu’il s’agissait d’un examen médical. Vous avez abusé de la confiance qu’elles avaient placée en vous. Vous vous êtes également rendu coupable d’un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans.

 

[38]           Peu de facteurs atténuants ont été présentés à la cour en l’espèce. Les facteurs aggravants, les circonstances entourant la perpétration des infractions et la responsabilité morale du contrevenant m’incitent à croire que la cour doit imposer une peine qui enverra un message clair, à vous et aux autres, et qui vous aidera à assumer la responsabilité des infractions que vous avez commises.

 

[39]           Votre avocat a soutenu qu’une peine de détention de 90 jours serait appropriée en l’espèce. Elle ne l’est pas. La détention est une forme d’incarcération dont l’objet précis est de redonner au contrevenant l’habitude d’obéir dans un cadre militaire structuré. Une fois la peine de détention purgée, le contrevenant est normalement renvoyé à son unité sans que sa carrière en souffre à long terme (voir la note A de l’article 104.09 des ORFC). Cette sanction ne peut être envisagée dans le cas d’un contrevenant qui a été libéré des Forces canadiennes.

 

[40]           Ex-Maître de 2e classe Wilks, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, la jurisprudence et les observations du procureur de la poursuite et de votre avocat, j’en suis venu à la conclusion que la sanction appropriée en l’espèce est une peine d’emprisonnement. J’ai examiné attentivement les dispositions des articles 227, 227.01 et 227.02 de la Loi sur la défense nationale. Je rends une ordonnance enjoignant à l’ex‑Maître de 2e classe Wilks de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pour une période de 20 ans. J’ai également examiné les dispositions des articles 196.11 et 196.14 de la Loi sur la défense nationale. Je rends une ordonnance autorisant le prélèvement d’échantillons d’ADN sur le contrevenant.

 

[41]           J’ai examiné les dispositions de l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale. Eu égard à la nature des infractions et aux circonstances entourant leur perpétration, j’en suis venu à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire, pour la sécurité d’autrui, de rendre une ordonnance vous interdisant d’avoir en votre possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées et armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou l’un ou plusieurs de ces objets.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[42]           VOUS CONDAMNE à une peine d’emprisonnement de neuf mois.

 

[43]           REND une ordonnance vous enjoignant de vous conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pendant une période de 20 ans.

 

ET

 

[44]           REND une ordonnance autorisant le prélèvement d’échantillons d’ADN sur le contrevenant.


 

Avocats :

 

Major D. Kerr, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Hodson, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex-Maître de 2e classe J.K. Wilks

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