Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 551 - Appel abandonné

Date de l'ouverture du procès : 14 novembre 2011

Endroit : BFC Gagetown, Édifice F-1, Oromocto (NB)

Chefs d'accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.
•Chef d’accusation 2 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129(1) LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d'accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 129(1) LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 4 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable. Chef d’accusation 3 : Non coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 5000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Day, 2011 CM 4027

 

Date : 20111128

Dossier : 201147

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Gagetown (Nouveau-Brunswick), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine T. Day, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel J-G Perron, J.M.


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Capitaine Day, à l’issue d’un procès complet, la cour vous a déclaré coupable de l’accusation n2 et a ordonné une suspension d’instance dans le cas des accusations nos 1 et 4. Dans le cas de l’accusation no 1, la cour a ordonné une suspension d’instance parce qu’elle estimait que la règle énoncée dans l’arrêt Kienapple s’appliquait aux accusations nos 1 et 2. Les accusations nos 2 et 4 avaient été déposées à titre d’accusations subsidiaires. Après vous avoir déclaré coupable de ces deux accusations, la cour a ordonné une suspension d’instance dans le cas de l’accusation no 4. Vous avez été déclaré non coupable de l’accusation no 3. La cour vous a toutefois déclaré coupable de l’infraction de négligence dans l’exécution de tâches militaires. La cour doit maintenant vous imposer une peine juste et appropriée.

 

[2]               Le capitaine Day a été déclaré coupable de négligence dans l’exécution de tâches militaires à titre d’officier de service au poste de commandement de la Base d’opérations avancée (BOA) Ma’Sum Ghar. Le capitaine Day a omis de maintenir sa connaissance de la situation en ce qui a trait à des forces amies menant des opérations dans le rayon d’action de sa principale plateforme de défense du camp et dans une zone qui avait été le site de lancement de nombreuses attaques à la roquette et au mortier contre la BOA Ma’Sum Ghar.

 

[3]               Le capitaine Day avait été alerté par les membres de l’équipage de char occupant la position d’intervention 3B de la présence d’une patrouille amie à la coordonnée de quadrillage 3181 9322 et ils avaient demandé des renseignements plus détaillés, mais le capitaine Day n’a pas pris les mesures nécessaires pour fournir à 3B les renseignements en question auxquels il avait facilement accès. Environ trois heures plus tard, il a omis à nouveau de surveiller le système de communications qui le prévenait que la patrouille d’infanterie initialement observée par 3B était sur le point de mener une opération de destruction sur place à la coordonnée de quadrillage 3271 9473. Ces deux endroits se trouvent dans la zone d’influence de la BOA Ma’Sum Ghar et dans la région générale du lancement d’attaques à la roquette. Le capitaine Day n’a pas prévenu l’équipage du char occupant la position d’intervention 3B de cette opération.

 

[4]               L’équipage du char occupant la position d’intervention 3B a cru à tort que l’opération de destruction sur place était le lancement d’une roquette contre la BOA Ma’Sum Ghar et s’est engagé sur le site de l’explosion en lançant un obus à explosif brisant antichar de 120 millimètres. Bien que des éclats d’obus soient tombés près de nombreux soldats, personne n’a été blessé.

 

Principes généraux de la détermination de la peine

 

[5]               Comme la Cour d’appel de la cour martiale l’a souligné, la détermination de la peine est un processus fondamentalement subjectif et individualisé où le juge du procès a l’avantage d’avoir vu et entendu tous les témoins; il s’agit sans doute de l’une des tâches les plus difficiles que le juge du procès doit remplir (voir R c Tupper 2009 CMAC 5, paragraphe 13).

 

[6]               La Cour d’appel de la cour martiale a également mentionné en toutes lettres, au paragraphe 30 de la décision qu’elle a rendue dans Tupper, que les objectifs fondamentaux de la détermination de la peine qui sont énoncés dans le Code criminel du Canada s’appliquent dans le contexte du système de justice militaire et qu’un juge militaire doit examiner ces objectifs lors de la détermination de la peine. L’article 718 du Code criminel énonce que le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer « au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre », par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         dénoncer le comportement illégal;

 

b)         dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c)         isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d)         favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e)         assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f)         susciter la conscience de leur responsabilité chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[7]               Les dispositions du Code criminel liées à la détermination de la peine, soit les articles 718 à 718.2, prévoient un processus individualisé selon lequel il faut prendre en considération non seulement les circonstances de l’infraction, mais aussi la situation particulière du contrevenant (voir R c Angelillo, 2006 CSC 55, au paragraphe 22). Une peine doit également respecter le principe de l’harmonisation des peines (voir R c L.M., 2008 CSC 31, au paragraphe 17). Le principe de proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine (voir R c Nasogaluak, 2010 CSC 6, au paragraphe 41). Au paragraphe 42 de cette dernière décision, la Cour suprême du Canada précise que le principe de la proportionnalité signifie que la sanction ne doit pas dépasser ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction. Cependant, la détermination de la peine représente également une « forme de censure judiciaire et sociale ». Une peine proportionnée exprime, dans une certaine mesure, les valeurs et les préoccupations que partagent les Canadiens.

 

[8]               Le juge doit soupeser les objectifs de détermination de la peine qui reflètent les circonstances précises de l’affaire. Il appartient au juge qui prononce la sanction de déterminer s’il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs. La peine sera par la suite ajustée dans la fourchette des peines appropriées pour des infractions similaires, selon l’importance des circonstances atténuantes ou aggravantes (voir Nasogaluak, aux paragraphes 43 et 44).

 

[9]               La Cour d’appel de la cour martiale a également mentionné que le contexte précis du système de justice militaire peut, dans des circonstances appropriées, justifier et, à l’occasion, exiger une peine qui favorisera l’atteinte des objectifs militaires (voir Tupper, au paragraphe 31). Cependant, il faut se rappeler que l’infliction d’une peine dans le contexte militaire vise essentiellement le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs de la société militaire. La cour doit infliger une peine équivalant au minimum nécessaire pour maintenir la discipline. Une seule sentence est prononcée à l’endroit d’un contrevenant, que celui-ci soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut prévoir plusieurs peines.

 

[10]           De l’avis de la poursuite, les principes suivants s’appliquent dans la présente affaire : la dénonciation, la dissuasion générale et spécifique et la nécessité de susciter la conscience de leur responsabilité chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité. La poursuite a soutenu que la peine minimale à imposer en l’espèce est un blâme assorti d’une amende de 6 000 $ et a cité trois décisions au soutien de cette affirmation. L’avocat de la défense fait valoir qu’un blâme assorti d’une amende de 2 000 $, payable au moyen de versements mensuels de 400 $, représenterait une peine appropriée en l’espèce. Il ajoute que le seul principe de détermination de la peine qui s’applique à la présente affaire est celui de la nécessité de susciter la conscience de leur responsabilité chez les délinquants.

 

[11]           J’examinerai maintenant les facteurs atténuants dans la présente affaire. Vous n’avez pas de fiche de conduite et il s’agit de votre première infraction. Vous étiez âgé de 28 ans lors de l’infraction. Vous vous êtes joint à la Force régulière en août 2005 et avez été promu au grade de deuxième lieutenant en août 2005. Vous êtes devenu qualifié à titre d’officier des blindés en août 2007. Vous avez été promu au grade de lieutenant en septembre 2007 et vous avez joint le régiment du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) à Edmonton en octobre 2007, à titre de commandant de troupe. Vous avez été déployé en Afghanistan en septembre 2008 et, au cours du même mois, vous avez été promu au grade que vous détenez actuellement. Vous étiez un officier subalterne relativement peu expérimenté, puisque vous aviez agi en qualité de commandant de troupe pendant un an seulement avant d’être affecté en Afghanistan. Vous n’aviez à peine un an d’expérience comme officier avant d’être promu au grade que vous détenez actuellement. En conséquence, je considérerai ce manque d’expérience comme un facteur atténuant.

 

[12]           Après avoir passé en revue votre sommaire des dossiers du personnel militaire qui se trouve à la pièce 25, je comprends que vous vous êtes joint pour la première fois à la Force de réserve en 1999 et que vous avez alors été fantassin. Je comprends également à la lumière de la pièce 25 que vous avez participé à un déploiement sous la SFOR.

 

[13]           J’ai examiné attentivement la pièce 27, qui se compose de quatre rapports d’appréciation du rendement (RAR). Vous y êtes décrit comme un officier très astucieux et dévoué qui est capable de former une équipe unie avec ses sous‑officiers supérieurs et ses troupes. Selon votre RAR pour la période allant d’avril 2008 à mars 2009, qui couvre votre affectation en Afghanistan, vous avez démontré de bonnes qualités d’exécution. Le commandant du groupe tactique du 3 RCR a fait l’éloge de votre capacité de fournir des plans bien réfléchis. Vous possédez actuellement un potentiel supérieur à la moyenne pour accéder au grade de major.

 

[14]           Vous avez exercé votre droit de plaider non coupable. Vous avez été déclaré coupable par la cour au terme d’un procès complet. L’exercice de ce droit ne peut être considéré négativement, pas plus qu’il ne peut constituer un facteur aggravant. La jurisprudence canadienne considère généralement le fait de plaider coupable rapidement et de collaborer avec la police comme des signes tangibles que le contrevenant éprouve du remords de ses actes et qu’il assume la responsabilité de ses gestes illicites et du préjudice qui en a découlé. Par conséquent, une telle collaboration avec la police et un aveu de culpabilité rapide seront généralement considérés comme des facteurs atténuants. Bien que la doctrine puisse être divisée sur ce sujet, cette démarche n’est généralement pas considérée comme étant incompatible avec le droit au silence et le droit d’exiger du ministère public qu’il prouve hors de tout doute raisonnable les accusations pesant contre l’accusé. On y voit plutôt un moyen pour les tribunaux d’imposer une peine plus clémente, parce que le plaidoyer de culpabilité signifie généralement que les témoins n’auront pas à témoigner et que les frais liés à la procédure judiciaire seront considérablement réduits. De plus, on interprète généralement le plaidoyer de culpabilité comme une reconnaissance du fait que l’accusé entend assumer la responsabilité de ses actes illégaux.

 

[15]           Un accusé qui plaide non coupable ne peut pas s’attendre à recevoir la même considération de l’appareil judiciaire. Cela ne veut pas dire que la peine sera plus sévère parce que l’accusé a été déclaré coupable après avoir plaidé non coupable, mais bien seulement que la circonstance atténuante que représente un plaidoyer de culpabilité ne pourra pas jouer favorablement sur la détermination de sa peine. Même si vous avez admis votre erreur au Capitaine Vincent après l’incident, je ne crois pas que cet échange ait le même poids comme facteur atténuant que le plaidoyer de culpabilité relatif à une accusation. Je n’ai été saisi d’aucun élément de preuve montrant que vous reconnaissez vraiment votre responsabilité par suite de votre négligence et des conséquences qu’elle a entraînées.

 

[16]           Le procureur de la poursuite m’informe que vous avez le soutien de votre chaîne de commandement. J’accepte ce fait, mais je ne puis lui accorder autant d’importance que je l’aurais fait si j’avais été saisi d’éléments de preuve au soutien de cette allégation, notamment des témoignages ou des lettres d’appui.

 

[17]           Votre avocat fait valoir qu’un stigmate sera rattaché à cette déclaration de culpabilité et que votre réputation professionnelle pourrait bien être ternie en permanence. Comme je viens de le souligner, il semble que vous ayez le soutien de votre chaîne de commandement. Comme tout procès, les instances devant la cour martiale servent, il faut le souhaiter, à dissuader et à dénoncer la conduite du contrevenant. Cela étant dit, je n’ai devant moi aucun élément de preuve établissant que vous souffrirez d’un stigmate spécial ou que vous subirez toute votre vie des conséquences spéciales associées à cette déclaration de culpabilité, exception faite des conséquences normales découlant de toute déclaration de culpabilité. En conséquence, je n’accorde aucune importance à ce risque de stigmate spécial comme facteur atténuant.

 

[18]           J’ai également examiné les facteurs aggravants suivants. L’article 139 de la Loi sur la défense nationale est ainsi libellé :

 

Les infractions d’ordre militaire sont passibles des peines suivantes, énumérées dans l’ordre décroissant de gravité :

*                   a) emprisonnement à perpétuité;

*                   b) emprisonnement de deux ans ou plus;

*                   c) destitution ignominieuse du service de Sa Majesté;

*                   d) emprisonnement de moins de deux ans;

*                   e) destitution du service de Sa Majesté;

*                   f) détention;

*                   g) rétrogradation;

*                   h) perte de l’ancienneté;

*                   i) blâme;

*                   j) réprimande;

*                   k) amende;

*                   l) peines mineures.

 

[19]           L’infraction prévue à l’article 124 de la LDN, soit l’exécution négligente d’une tâche ou mission militaire, est une infraction grave sur le plan objectif, puisqu’elle est passible, au maximum, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

[20]           J’estime également que cette infraction est grave sur le plan subjectif. La conséquence directe de votre négligence réside dans l’attaque de troupes canadiennes par un char canadien. Contrairement à ce que l’avocat de la défense a soutenu, je ne crois pas qu’il soit hypothétique de dire que des personnes ont été exposées à un risque pour leur vie et je pense que les membres de la patrouille d’infanterie vers lesquels la roquette de 120 millimètres a été tirée ainsi que le commandant de l’équipage du char seraient d’accord avec moi. Vous devriez vous estimer chanceux que personne n’ait été blessé par les éclats de l’obus de la roquette antichar à tête explosive de 120 millimètres tirée par le char Leopard 2 en direction de soldats de l’infanterie canadienne.

 

[21]           Les dommages causés au village par les éclats d’obus ont également entraîné des préjudices inutiles pour les Afghans locaux et nui aux bonnes relations que les troupes canadiennes avaient avec eux.

 

[22]           La confiance que le Caporal-chef Dickison avait à l’endroit du poste de commandement a été minée par votre négligence. Le Caporal-chef a en effet perdu la confiance qu’il avait envers le poste de commandement et a ressenti de nombreuses émotions associées à l’idée qu’il aurait pu tuer des soldats. Les soldats du peloton d’infanterie sont également devenus méfiants à l’égard des chars et leur commandant a dû changer son itinéraire de sortie et emprunter une route plus dangereuse pour éviter de demeurer à vue de l’équipage de la position d’intervention 3B. Plusieurs soldats de l’infanterie ont continué à avoir besoin de se faire rassurer par le commandant de leur peloton au sujet du rôle des chars lors d’opérations subséquentes. Votre négligence a eu des conséquences défavorables pour de nombreux soldats; fort heureusement, aucun d’eux n’a subi de blessures corporelles.

 

[23]           Bien que les conséquences de votre négligence constituent un élément de l’infraction prévue à l’article 129, vous êtes condamné à l’égard de votre négligence aux termes de l’article 124 de la Loi sur la défense nationale. En conséquence, j’estime que les conséquences de votre négligence peuvent être considérées comme un facteur à prendre en compte pour déterminer votre peine.

 

[24]           L’infraction en question a été commise en Afghanistan, qui est un théâtre actif d’opérations. C’est là un facteur aggravant, étant donné que la vie de nos soldats est constamment en jeu; chaque militaire doit s’assurer qu’il s’acquitte de ses fonctions au mieux de ses compétences afin d’assurer le succès de la mission et, élément tout aussi important, la sécurité de nos soldats. Il s’agit d’une responsabilité de commandement. Vous n’avez pas exécuté vos tâches de la façon qui était attendue de vous et vous avez donc mis en danger la vie de soldats canadiens.

 

[25]           J’ai examiné les décisions que le procureur de la poursuite m’a citées. Dans la décision que la cour martiale permanente a rendue dans l’affaire du Caporal‑chef Elliott (R c Elliott 2010 CM 3019), l’accusé avait plaidé coupable à une infraction prévue à l’article 124 de la LDN.

 

[26]           Les facteurs aggravants dans cette affaire-là étaient la gravité objective de l’infraction et la gravité subjective, dans des circonstances où l’accusé avait nettoyé son pistolet de 9 mm dans sa chambre, l’avait négligemment chargé avec des munitions réelles, l’avait pointé dangereusement et avait tiré sur un soldat, mais la blessure n’a pas entraîné d’incapacité permanente. L’accusé avait déjà été déclaré coupable, trois ans plus tôt, d’une infraction prévue à l’article 129, soit le maniement avec négligence d’un pistolet de 9 mm. L’insouciance et l’imprudence dont il a fait preuve étaient difficilement conciliables avec une personne ayant son grade et son expérience.

 

[27]           Les facteurs atténuants dans cette même affaire étaient le plaidoyer de culpabilité de l’accusé et son efficacité dans le service militaire, le fait qu’il a dû comparaître devant la cour martiale, le fait qu’il avait gardé la confiance de ses supérieurs dans la chaîne de commandement et, enfin, son état pathologique. Le juge qui a prononcé la sentence a accepté la recommandation conjointe, soit une détention de dix jours et une amende de 5 000 $.

 

[28]           Dans la décision que la cour martiale permanente a rendue dans l’affaire de l’Adjudant Thibault (R c Thibault 2010 CM 3022), l’accusé a plaidé coupable à deux accusations portées sous le régime de l’article 124. Alors qu’il était déployé en Afghanistan, l’Adjudant Thibault était responsable d’un champ de tir. Pendant qu’un caporal-chef tirait avec un fusil d’assaut C-7, l’Adjudant Thibault a lancé une grenade de type « sound and flash grenade » au pied du tireur. La détonation vise habituellement à désorienter l’ouïe et la vue des tireurs, et c’est ce qui s’est produit, mais le tireur a réussi à garder le contrôle de son arme. La même journée, sans aucune supervision, l’Adjudant Thibault a saisi un lance-roquettes M-72 et a effectué un premier tir sur une palette de bois qui se trouvait dans le champ de tir, et il l’a même fait à une deuxième reprise sans s’assurer que l’endroit était dégagé selon les normes de sécurité applicables, soit environ 250 mètres. Il y avait des personnes qui se trouvaient à environ 30 mètres de la cible.

 

[29]           Les facteurs aggravants étaient la gravité objective de l’infraction, la gravité subjective, soit l’insouciance téméraire dont l’Adjudant Thibault a fait preuve dans les circonstances, le fait que l’infraction a été commise dans un théâtre opérationnel et le degré de responsabilité du contrevenant, étant donné qu’il était responsable du champ de tir.

 

[30]           Les facteurs atténuants étaient le plaidoyer de culpabilité de l’accusé, l’absence d’infraction similaire sur sa fiche de conduite, les conséquences administratives qui ont découlé de l’incident et le fait qu’il avait été rapatrié au Canada, la nature isolée de l’incident, l’absence de conséquence réelle et fâcheuse et l’obligation pour lui de faire face à la cour martiale. Le juge qui a prononcé la sentence a accepté la recommandation conjointe, selon laquelle la peine devait se composer d’un blâme et d’une amende de 2 000 $.

 

[31]           Dans l’affaire du Capitaine Leslie, entendue devant la cour martiale permanente (R c Capitaine J.D. Leslie, 2008 CM 2015), l’accusé a plaidé coupable à une infraction prévue à l’article 124 de la LDN. Le Capitaine Leslie était l’officier du poste de commandement et l’officier technique supérieur d’artillerie à une position d’artillerie qui appuyait une compagnie de soldats canadiens qui, avec leurs alliés afghans, combattaient les insurgés talibans dans la province de Kandahar, en Afghanistan.

 

[32]           Lorsque les combattants talibans ont commencé à se retirer, des tirs d’artillerie ont été utilisés pour leur barrer la route. À cause d’une série d’erreurs commises par le contrevenant, notamment des erreurs de jugement, les tirs de l’une des armes utilisées ont été mal dirigés et trois projectiles sont tombés près des soldats canadiens. Aucun d’entre eux n’a été grièvement blessé. Le contrevenant, qui a immédiatement fait enquête, a déterminé la cause de l’incident et a aussitôt reconnu sa responsabilité. Le Capitaine Leslie a renoncé à ses droits, signé une déclaration écrite, avoué ses erreurs et accepté l’entière responsabilité de ses actes.

 

[33]           Le procureur de la poursuite a proposé comme peine la perte d’une année d’ancienneté assortie d’une amende de 4 000 $. Pour sa part, l’avocat de la défense a plutôt recommandé une réprimande et une amende de 2 000 $. Le juge qui a prononcé la peine a condamné l’accusé à un blâme et à une amende de 4 000 $.

 

[34]           Votre avocat a soutenu que l’affaire du Capitaine Leslie est la seule cause présentée dont les faits s’apparentent à ceux de la présente affaire. À son avis, le Capitaine Leslie a commis une série d’erreurs qui ne sont pas présentes en l’espèce.

 

[35]           Je conviens avec votre avocat que l’affaire du Capitaine Leslie est l’affaire qui s’apparente le plus à la présente instance, mais je ne crois pas que la série d’erreurs qui ont été commises dans l’affaire Leslie ne soient pas présentes en l’espèce.

 

[36]           Vous avez été prévenu par l’équipage de la position d’intervention 3B qu’une patrouille amie effectuait des manoeuvres à proximité de votre rayon d’action et à une distance visible dudit équipage. Vous n’avez pas tenu compte de ce renseignement. Vous avez plus tard été prévenu, par l’intermédiaire du MIRC, que cette patrouille amie effectuerait une opération de destruction sur place dans une zone qui était très importante pour la BOA Ma’Sum Ghar. Encore là, vous n’avez pas tenu compte de ce renseignement. Vous avez également eu de nombreuses occasions de vous informer de la présence de cette patrouille et d’aviser l’équipage de la position d’intervention 3B, mais vous ne l’avez pas fait.

 

[37]           Le Capitaine Leslie a accepté l’entière responsabilité de ses gestes et des conséquences de ceux-ci à compter du moment de l’incident jusqu’à son procès. Même si vous avez peut-être dit au Capitaine Vincent que vous acceptiez l’entière responsabilité de vos gestes, vous ne l’avez pas fait devant la cour. Il s’agit là d’une différence majeure entre la présente affaire et celle du Capitaine Leslie dont la cour martiale a été saisie. Le fait que personne n’a été blessé constitue également une différence importante entre la présente affaire et celle du Capitaine Leslie, bien que ce soit là uniquement une question de chance.

 

[38]           Capitaine Day, levez-vous. J’estime que la peine à infliger en l’espèce doit être axée principalement sur la dénonciation de la conduite du contrevenant et sur la nécessité de susciter la conscience de sa responsabilité chez lui, notamment par la reconnaissance du tort qu’il a causé aux victimes et à la collectivité.

 

[39]           Pour déterminer la peine appropriée en l’espèce, la cour a tenu compte des circonstances entourant la perpétration de l’infraction, des circonstances atténuantes et aggravantes invoquées par votre avocat et par celui de la poursuite, des observations des deux avocats ainsi que des principes applicables en matière de détermination de la peine. La cour doit infliger une peine qui enverra un message clair au contrevenant et à toute autre personne et qui vous aidera à accepter la responsabilité de cette infraction.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[40]           CONDAMNE le Capitaine Day à une réprimande et à une amende de 5 000 $, laquelle sera payée en versements mensuels de 400 $ à compter du 15 décembre 2011.

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette D.T. Reeves, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Capitaine T. Day

 

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