Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 16 septembre 2013.

Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, Petawawa (ON).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).

Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 30 jours.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Déry, 2013 CM 3026

 

Date : 20130920

Dossier : 201307

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario) Canada

 

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat J.C. Déry, requérant

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


 

Restriction à la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser, de quelque façon que ce soit, tout renseignement permettant d’établir l’identité de la personne décrite dans le présent jugement comme étant la plaignante.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

(Oralement)

[1]               Le soldat Déry, le contrevenant dans cette affaire, a présenté une demande de mise en liberté pendant l'appel et une audition a eu lieu en fin d'après-midi, début de soirée. Sa demande a été présentée en vertu de l'article 248.1 de la Loi sur la défense nationale.

[2]               Le contrevenant a soumis comme preuve une série de documents qui vont de LPA-2 à LPA-8 qui étaient les pièces 8 à 14 dans le procès principal et qui donnent essentiellement des informations sur lui-même. Il y a aussi un sommaire conjoint des faits, une lettre de référence, les conditions qui ont été fixées pour sa mise en liberté suivant son arrestation le 25 octobre 2011 ainsi qu'un PDR. Il a soumis aussi comme preuve son propre témoignage. Il a témoigné devant la cour.

[3]               Les critères applicables en vertu de l'article 248.3 de la Loi sur la défense nationale et qui servent essentiellement à déterminer si la cour doit ordonner la remise en liberté de l'auteur de la demande. Les critères sont : un, qu'il a l'intention d'interjeter appel; deux, lorsqu'il s'agit d'un appel de la sentence seulement, ici ça ne trouve pas application; le troisième critère, qu'il se livrera lui-même quand l'ordre lui en sera donné; et finalement, que sa détention ou son emprisonnement ne s'impose pas dans l'intérêt du public ou celui des Forces canadiennes. Le fardeau de preuve repose sur le requérant qui est ici le contrevenant, le soldat Déry, et qu'il a rencontré ces critères par prépondérance de preuve.

[4]               J'aimerais souligner que la gravité de l'infraction ne constitue pas une fin de non recevoir dans le cadre de cette requête. Par contre, c'est quelque chose dont la cour doit tenir compte à la lumière des autres critères analysés. Il faut aussi rappeler qu'à ce stade-ci, le requérant ne bénéficie plus de la présomption d'innocence.

[5]               J'aimerais référer à la décision de Delisle c R du 6 juillet 2012, 2012 QCCA 1250, une décision de la Cour d'appel du Québec, qui est très utile en enseignement dans ce genre d'affaire. Alors que la cour analysait une demande de remise en liberté en attendant l'appel dans le cadre de l'article 679 du Code criminel qui est similaire jusqu'à un certain point à nos propres dispositions. Donc au paragraphe 16 de cette décision la Cour dit et je cite :

À cet égard, il est pertinent de souligner que la perte de confiance des citoyens dans l'administration de la justice n'est pas seulement tributaire d'une mise en liberté inopportune, mais peut très bien découler d'un refus injustifié de remettre un accusé en liberté en attendant le sort de son pourvoi. En effet, le droit de porter en appel les décisions prises en première instance est intégré à nos mœurs judiciaires et nos règles de droit fondamentales. Le droit de se pourvoir permet aux citoyens de garder confiance envers le système de justice pénale et criminelle en autant qu'ils ont l'intime conviction que la réformation d'une erreur de fait ou de droit, en appel, pourra se traduire dans l'intervalle par une mise en liberté salutaire dans les cas qui le permettent.

[6]               Comme je l'ai mentionné dans le cadre des plaidoiries des avocats, ici ce que je veux illustrer, c'est le fait que de maintenir quelqu'un en détention et qui se doit de purger sa peine doit être aussi évalué par rapport à son droit de se pourvoir en appel des décisions qui pourraient être injustifiées et la cour se doit de soupeser le tout correctement. On ne doit pas donner moins d'importance à l'un ou à l'autre. Et c'est un exercice d'équilibre et de balance des intérêts dans les circonstances.

[7]               Donc en ce qui a trait au premier critère, à l'effet qu'il a l'intention d'interjeter appel, j'en viens plutôt à la conclusion que le requérant a prouvé par prépondérance de preuve son intérêt par le simple fait de son témoignage dont la cour n'a pas raison de douter dans les circonstances.

[8]               Quant au deuxième critère, la cour est aussi d'avis que le requérant a fait une démonstration par prépondérance de preuve qu'il se livrera lui-même aux autorités lorsque requis. Dans les faits, le soldat Déry respecte depuis deux ans, des conditions de remise en liberté qui ont faites suite à son arrestation, les a toujours respecté et s'est toujours présenté, à ce que je comprends, aux procédures reliées à cette cour martiale ou au système de justice militaire qui a traité cette cour martiale, il s'est présenté à la date et à l'heure, que ce soit aux ajournements ou à tout autre moment devant cette cour, et la cour n'a aucune indication qu'il ne respectera pas ce critère. Dans les faits, par prépondérance de preuve il a démontré clairement à la cour qu'il se livrera dans les circonstances.

[9]               Maintenant, concernant le troisième critère, que sa détention, son emprisonnement ne s'impose pas dans l'intérêt public ou celui des Forces canadiennes. Comme je l'ai mentionné auparavant, il y a deux décisions que je garde à l'esprit : d'abord la décision de la Cour d'appel de la cour martiale dans Wilcox c R, 2009 CMAC 7 et la décision aussi de Délisle.

[10]           Donc ce critère d'intérêt public, se divise en deux sous-critères et ils sont premièrement, la protection et la sécurité du public; et deuxièmement, la confiance du public à l'endroit du système de justice militaire.

[11]           Quant à la protection et la sécurité du public, j'en viens à la conclusion que le requérant a démontré par prépondérance de preuve que la sécurité du public n'est pas compromise ni sa protection. Il est clair qu'en raison de son comportement depuis deux ans, son utilisation à l'unité, le fait que l'unité continue à lui faire confiance, il est dans une unité avec qui il accomplit ses tâches comme militaire sans aucun problème, il se déploie avec cette unité-là; et au cours des deux dernières années, il n'y a eu aucun autre incident qui s'est produit dans des circonstances différentes ou même similaires aux circonstances de cette affaire donc la cour en vient à la conclusion que ce sous-critère est rencontré.

[12]           En ce qui a trait à la confiance du public à l'endroit du système de justice militaire, j'aimerais citer la décision de la J.V. c R, 2008 QCCA 2157, plus particulièrement le paragraphe 7, où on y discute de la notion de public, et je cite :

Le public dont il est question est celui qui connaît les règles de droit et qui est, comme l'écrit le juge Chamberland, « au fait de tous les tenants et aboutissants du dossier » : R. c. Do, REJB 1997-03809 (C.A.), et un public, comme le rappelait le juge Fish, alors à la Cour, « fully appreciative of the rules applicable under our system of justice » : Pearson c R., AZ-90011560. Il s'agit donc d'un public qui est en mesure de se former une opinion éclairée, ayant pleinement connaissance des faits de la cause et du droit applicable, et qui n'est pas mû par la passion, mais bien par la raison.

 

[13]           Il est vrai que l'infraction pour laquelle le soldat Déry a été reconnu coupable par cette cour, est une infraction qui est quand même grave qui objectivement est passible d'une sentence maximale de dix ans d'emprisonnement. D'un autre côté, comme l'a souligné son avocat, il s'agit d'un incident isolé, d'un incident qui est inhabituel et qui clairement ne s'est pas reproduit au cours des deux dernières années. La sentence à laquelle a été condamné le soldat Déry par la cour est une courte sentence d'emprisonnement, 30 jours, quand on compare ça à 10 ans c'est très court. Est-ce que le fait de ne pas purger sa peine ferait en sorte que la confiance du public à l'égard du genre d'infraction et des circonstances dans lesquels ça c'est produit ferait en sorte que le public perdrait confiance dans le système de justice militaire? Ma conclusion est que non dans la mesure où on regarde les circonstances de l'affaire, parce que c'est isolé, je pense que, comme je le disais un peu plus tôt, il faut soupeser la question de purger la peine versus le droit d'appeler des erreurs d'un tribunal. Et si on veut donner vraiment effet dans les circonstances de cette cause à ce dernier droit, j'en viens à la conclusion qu'il est important qu'on y donne effet parce que la confiance du public serait minée, si, au contraire, la cour n'accordait pas la demande du requérant.

[14]           Le sens même de faire un appel deviendrait presque caduc si la cour gardait en prison le requérant pour une période de 30 jours et le droit de faire un appel serait toujours là mais quel serait exactement le sens de ce droit dans les circonstances? Il s'agit quand même d'une première condamnation et avec tous les éléments qui ont été présentés à la cour, et, je crois que le public qui serait raisonnablement informé dans les circonstances, connaissant tout les tenants et aboutissants de cette affaire et le système de justice militaire perdrait confiance si le requérant demeurait détenu pour subir ou pour purger sa peine.

[15]           Donc dans ces circonstances, j'arrive à la conclusion que le requérant, le soldat Déry, a démontré par prépondérance de preuve que sa détention ou son emprisonnement ne s'impose pas dans l'intérêt du public ou celui des Forces canadiennes. Je me dois aussi de souligner que le soldat Déry a pris connaissance de la recommandation de sa chaîne de commandement de son unité à l'effet qu'il soit libéré des Forces canadiennes. Je n'ai aucune idée dans combien de temps ça va prendre effet, mais déjà ça indique une orientation. Alors c'est une circonstance additionnelle qui fait en sorte que sa détention ou son emprisonnement ne s'impose pas dans l'intérêt du public. Et je garde à l'esprit la décision de Wilcox de la Cour d’appel de la cour martiale où on a dit dans la mesure où quelqu'un qui serait libéré ou qui est libéré des Forces canadiennes, il y a encore moins d'intérêt à garder cette personne en incarcération parce qu'il n'est pas dans les Forces canadiennes de le faire. Il se peut, c'est une hypothèse, mais qui est quand même assez concrète, que le soldat Déry soit libéré dans un futur assez rapproché puis ça c'est une autre circonstance qui milite en faveur du troisième critère qui a été mis en preuve. Ce fait a été mis en preuve et en conséquence ça ne fait que confirmer ma conclusion.

[16]           Donc j'accueille la requête, évidemment, à la condition que le soldat Déry s'engage, signe un engagement comportant les conditions suivantes :

a)                  demeurer sous autorité militaire; sauf si les Forces canadiennes le libèrent administrativement;

b)                  se livrer quand l'ordre lui en sera donné;

c)                  s'abstenir de communiquer, directement ou indirectement, avec la plaignante;

d)                  notifier au commandant du Détachement Petawawa 2e Régiment de la Police militaire de tout changement d'adresse même dans le cas où les Forces canadiennes me libère administrativement; et

e)                  s'abstenir de consommer des boissons alcoolisées.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[17]           ACCUEILLE la requête.

[18]           ORDONNE la libération du requérant à la condition qu’il signe la formule d’ordonnance et d’engagement comportant les conditions que j’ai mentionnées dans ma décision.


 

Avocats:

 

Major A.-C. Samson, Service canadien des poursuites militaires

Major M. Pecknold, Service canadien des poursuites militaires

Avocates de la poursuivante

 

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, Service d'avocats de la défense

Avocat pour le soldat J.C. Déry

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