Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 551 - Appel abandonné

Date de l'ouverture du procès : 14 novembre 2011

Endroit : BFC Gagetown, Édifice F-1, Oromocto (NB)

Chefs d'accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.
•Chef d’accusation 2 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129(1) LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d'accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 129(1) LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 4 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable. Chef d’accusation 3 : Non coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 5000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence :  R. c. Day, 2011 CM 4026

 

Date : 20111125

Dossier : 201147

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Gagetown (Nouveau‑Brunswick) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine T. Day, accusé

 

 

En présence du Lieutenant‑colonel J.-G. Perron, J.M.


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le Capitaine Day est accusé de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire et de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[2]               La poursuite affirme que la preuve présentée devant la cour établit hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day se devait d’obtenir des renseignements sur la position de la patrouille connue sous l’indicatif d’appel 24 et de les transmettre à Run‑up 3B et qu’il a omis d’exécuter ces tâches. L’avocat de la défense soutient que la preuve présentée devant la cour ne permet pas d’établir hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day est coupable de ces infractions. De plus, l’avocat de la défense fait valoir que le principe énoncé dans Kienapple s’applique aux premier et deuxième chefs d’accusation ainsi qu’aux troisième et quatrième chefs d’accusation. 

 

[3]               Avant que la cour n’expose son analyse de la preuve et des accusations, il y a lieu d’aborder la question de la présomption d’innocence et de la norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable. Si ces principes sont bien connus des avocats, ils ne le sont peut‑être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle d’audience. 

 

[4]               Il est juste de dire que la présomption d’innocence constitue, sans aucun doute le principe fondamental par excellence de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable en est un élément essentiel. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire, comme dans celles qui relèvent du droit pénal canadien, quiconque est accusé d’une infraction criminelle est présumé innocent jusqu’à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. L’accusé n’a pas à prouver son innocence. C’est à la poursuite qu’il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’infraction. Un accusé est présumé innocent tout au long de son procès, jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu par le juge des faits.

 

[5]               La norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentée par la poursuite, mais plutôt à l’ensemble de la preuve sur laquelle la poursuite s’appuie pour établir la culpabilité de l’accusé. Le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé incombe à la poursuite, jamais à l’accusé.

 

[6]               Si, après avoir examiné tous les éléments de preuve, le tribunal a un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé, celui-ci doit être acquitté. L’expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de l’histoire et des traditions de notre système judiciaire.

 

[7]               La Cour suprême du Canada, dans R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, a proposé un modèle de directive sur le doute raisonnable. Essentiellement, un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole. Il repose sur la raison et le bon sens. C’est un doute qui surgit à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal, mais également sur ce qu’elle ne lui révèle pas. Le fait qu’une accusation soit portée contre quelqu’un ne préjuge en rien de sa culpabilité.

 

[8]               Au paragraphe 242 de l’arrêt R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

 

... une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

 

Or, il faut se rappeler qu’il est pour ainsi dire impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. D’ailleurs, la poursuite n’a aucune obligation en ce sens. La certitude absolue n’est pas une norme de preuve en droit. La poursuite doit seulement prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé, en l’occurrence le Capitaine Day. Pour mettre les choses en perspective, si la cour est convaincue que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit l’acquitter, car la preuve d’une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[9]               La preuve peut comprendre des déclarations solennelles ou faites sous serment que des témoins livrent devant la cour. Elle peut consister en des documents, des photos, des cartes ou d’autres éléments de preuve matérielle présentés par les témoins, des témoignages d’experts, des faits officiellement admis par la poursuite ou la défense ou des éléments dont la cour prend connaissance d’office.

 

[10]           Il n’est pas rare que des éléments de preuve présentés devant la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents d’un fait. La cour doit déterminer quels éléments de preuve sont crédibles. La crédibilité n’est pas synonyme de vérité et l’absence de crédibilité n’est pas synonyme de mensonge. La cour doit tenir compte de nombreux facteurs pour évaluer la crédibilité d’un témoin. La cour n’est pas tenue d’accepter le témoignage d’une personne, à moins que celui‑ci ne lui paraisse crédible. Cependant, elle jugera un témoin digne de foi, à moins d’avoir une raison de ne pas le croire. 

 

[11]           Ayant fait cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de preuve, j’examinerai maintenant les questions en litige. La preuve produite devant la cour se compose essentiellement d’éléments que la cour a admis d’office, de pièces, de faits admis par l’accusé et de témoignages. La cour admet d’office les éléments visés par l’article 15 des Règles militaires de la preuve (les Règles) et de deux publications des Forces canadiennes visées par l’alinéa 16(1)e) des Règles, à savoir B-GL-331-002/FP-002, Tâches d’état‑major dans le cadre des opérations terrestres, et B-GL-392-004/FP-002, Infanterie, volume IV, La patrouille. La poursuite a produit en preuve neuf pièces et la défense en a produit douze. La pièce 3 comporte les admissions faites par le Capitaine Day. Les témoignages du Major McDonnell, du Capitaine Corey, du Capitaine Lloyd, du Caporal‑chef Dickison, du Caporal‑chef Guilbeault, du Sergent LeClair, du Capitaine Vincent et du Major Gardnerns ont été entendus suivant l’ordre de leur comparution devant la cour. Les témoins sont réputés crédibles mais le temps qui s’est écoulé depuis les faits joue sur certains de leurs témoignages.

 

[12]           Le 23 janvier 2009, le Capitaine Day faisait partie de l’escadron A et était stationné à la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar. Il agissait à titre d’officier de service au poste de commandement de l’escadron de chars de bataille et de la base d’opérations avancée. Il était responsable d’une troupe de chars ayant l’indicatif d’appel T13. L’équipe de combat de l’escadron A a quitté la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar le matin pour participer à une opération prévue dans la zone d’opérations à l’est de Panjwayi. Son rôle dans la patrouille conjointe qu’elle menait avec la Compagnie M consistait à cerner un village. La mission avait pour but de prendre connaissance de la situation de l’ennemi et de la population locale. L’équipe de combat était formée du commandant par intérim, le Capitaine Johnson; du capitaine de bataille, le Major Gardner (Capitaine Gardner à l’époque); de deux troupes de chars; d’un peloton d’infanterie de la Compagnie M; d’une section de génie; de divers éléments de soutien (voir la pièce 18).

 

[13]           Le système mIRC est l’un des systèmes de communication utilisés par la Force opérationnelle en Afghanistan et par le groupement tactique du 3 RCR qui se veut un réseau de clavardage semblable à celui de MSN. Toutes les sous‑unités du groupement tactique du 3 RCR avaient accès à ce système. À 1156 heures (heure locale), l’indicatif d’appel 2, à savoir le poste de commandement de la Compagnie N, a diffusé sur le mIRC un message indiquant que l’indicatif d’appel 24 quittait la base d’opérations avancée Wilson pour entreprendre sa patrouille. À 1209 heures, l’indicatif d’appel 2 a diffusé un autre message indiquant que l’indicatif d’appel 24 était en position défensive laager aux coordonnées de quadrillage 3181 9313. Dix minutes plus, l’indicatif d’appel 2 a affiché sur le mIRC un message indiquant que la position de l’indicatif d’appel 24 était 3187 9329. Vers 1230 heures, le Caporal Dickison, peu après avoir pris le commandement de Run-up 3B, a noté la présence de troupes amies dans la zone et a demandé des renseignements sur cette patrouille en utilisant le réseau radio de sécurité du camp (voir la pièce 20). Quelques minutes plus tard, le poste de commandement de la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar a répondu qu’il n’avait aucun renseignement disponible sur cette patrouille.

 

[14]           Entre 1302 et 1510 heures, l’indicatif d’appel 2 a diffusé de nombreux messages sur le mIRC concernant l’indicatif d’appel 24. Aucun de ces messages ne précisait les coordonnées de quadrillage. À 1521 heures, l’indicatif d’appel 2 a demandé une zone d’opérations réglementée (ZOR) aux coordonnées de quadrillage 3271 9473 pour permettre à l’indicatif d’appel 24 de procéder à la destruction sur place (DSP) d’un obus éclairant, de caissons d’artillerie et de fournitures médicales se trouvant dans le périmètre d’intérêt. À 1523 heures, l’officier supérieur de service du groupement tactique a indiqué que la ZOR et la DSP était autorisées et a demandé d’aviser cinq minutes avant la DSP et aussi une fois la DSP terminée.

 

[15]           Vers 1529 heures, Run-up 3B a signalé sur le réseau radio de sécurité du camp une bagarre entre deux hommes âgés aux coordonnées 330 939 (voir la pièce 20). À 1535 heures, l’indicatif d’appel 2 avertissait que la DSP aurait lieu dans 5 minutes (voir la pièce 13). L’officier supérieur de service du groupement tactique a accusé réception de l’avertissement. La DSP a été effectuée. Immédiatement après la DSP, 3B a signalé une attaque à la roquette et répliqué avec une attaque dirigée vers l’endroit d’où provenaient le tir. Cet endroit correspondait en fait à la DSP et à la position de l’indicatif d’appel 24. L’indicatif d’appel 2 a ensuite transmis un ordre de halte au tir sur le réseau radio du groupement tactique.

 

[16]           Les détails de la première accusation sont les suivants : le 23 janvier 2009, ou vers cette date, à la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar, ou près de celle‑ci, dans la province de Kandahar, de la République islamiste d’Afghanistan, le Capitaine Day, qui agissait comme officier de service de l’escadron A, a omis d’obtenir, comme il se devait de le faire, des renseignements concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24. La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants de l’infraction :

 

a)      l’identité de l’accusé en tant qu’auteur de l’infraction, ainsi que la date et le lieu mentionnés dans l’acte d’accusation;

 

b)      le fait que le Capitaine Day s’était vu attribuer une tâche militaire particulière, à savoir plus précisément qu’il devait obtenir des renseignements concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24;

 

c)      le fait que le Capitaine Day savait que cette tâche lui incombait;

 

d)     le fait que le Capitaine Day devait faire preuve de diligence;

 

e)      la conduite du Capitaine Day par rapport à cette tâche militaire;

 

f)       le fait que cette conduite constituait un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable dans les circonstances;

 

g)      le fait que le Capitaine Day ne s’est pas soucié des risques et de la nécessité de faire preuve de prudence;

 

h)      le fait que le Capitaine Day avait la capacité requise pour saisir les risques découlant de sa conduite.

 

[17]           La date et le lieu de l’infraction reprochée ne sont pas en cause dans le présent procès. Le Capitaine Day était l’officier de service à la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar, dans la province de Kandahar, en Afghanistan, le 23 janvier 2009. Il savait qu’il avait été chargé d’exécuter cette tâche. Ces éléments de l’infraction ne sont contestés à l’égard d’aucune des quatre accusations.

 

[18]           Le Capitaine Day avait‑il le devoir d’obtenir des renseignements concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24? Vers 1230 heures, Run‑up 3B a communiqué avec le poste de commandement de la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar pour l’informer qu’il pouvait apercevoir une patrouille amie aux coordonnées 3181 9322 et il a demandé des détails (voir la pièce 20 et les témoignages du Caporal‑chef Dickison et du Caporal‑chef Guilbeault). Quelques minutes plus tard, le poste de commandement lui a dit qu’il n’avait aucun renseignement à lui fournir (voir le témoignage du Caporal‑chef Dickison et du Caporal‑chef Guilbeault).

 

[19]           Les pièces 4, 14, 19 et 23 ont été créées à partir de la même carte topographique. Le Major McDonnell a créé la carte de la pièce 4. Selon lui, il s’agit d’une carte militaire type que les officiers de l’armée blindée utilisent. Il l’a décrite comme étant une carte à échelle agrandie de Ma’Sum Ghar. Sa zone d’opérations couvrait la région est de Panjwayi et la zone d’opérations de la Compagnie N couvait le district de Zhari. Les deux zones étaient séparées par la rivière Arghandab. La carte utilisée au poste de commandement de Ma’Sum Ghar était similaire à la carte topographique de la pièce 4 et elle illustrait la zone d’opérations de Ma’Sum Ghar, de la Compagnie N et de la Compagnie M. Le Major Gardner a créé la carte de la pièce 23 et il a dit bien connaître cette carte et il a décrit les différentes zones d’opérations à partir de celle‑ci. Lorsqu’on lui a montré une carte semblable à celle de la pièce 4, le Capitaine Corey a déclaré que cette carte était du même type que celles qu’il utilisait depuis qu’il a joint les rangs des FC. Il a décrit à partir de cette carte les zones d’opérations de la Compagnie N et de l’escadron A. Il ressort clairement de la preuve que la carte topographique montrée aux témoins est une carte militaire type de la région de Ma’Sum Ghar et qu’elle était utilisée au poste de commandement de Ma’Sum Ghar.  

 

[20]           La position fournie par l’indicatif d’appel 3B, à savoir les coordonnées de quadrillage 3181 9322, se trouvait dans la zone d’opérations de la Compagnie N puisqu’elle était du côté nord de la rivière Arghandab, mais elle se trouvait également dans la zone d’influence de la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar parce que c’était une zone à partir de laquelle des attaques à la roquette dirigées sur Ma’Sum Ghar avaient été lancées (voir les témoignages du Major McDonnell et du Major Gardner). Le Major Gardner a déclaré dans son témoignage que Run-up 3B avait la meilleure vue de la zone des attaques à la roquette. Une zone d’influence qui est plus étendue qu’une zone d’opérations est une zone qui est susceptible d’avoir une incidence sur les opérations d’une unité ou d’une sous‑unité et d’être influencée par les opérations d’unité ou d’une sous‑unité (voir les témoignages du Major McDonnell, du Major Gardner et du Capitaine Lloyd).

 

[21]           Le Capitaine Lloyd a communiqué la position de l’indicatif d’appel 24 deux fois sur le mIRC : à 1209 heures, en mentionnant qu’il y avait formation laager à 3181 9319 et, à 1219 heures, en précisant l’état des lieux à 3187 9321. Il a ensuite demandé une ZOR pour l’indicatif d’appel 24, à 3271 9473, en vue de la DSP d’un obus éclairant. 

 

[22]           Au cours du contre‑interrogatoire, le Major McDonnell était d’accord pour dire qu’un officier de service n’avait pas à s’occuper des renseignements concernant les autres sous‑unités si elles n’entraient pas dans sa zone d’opérations. Les sous‑unités n’avaient pas l’obligation de demander des renseignements sur les autres sous‑unités, puisqu’il incombait au groupement tactique de fournir ces renseignements. Avant l’incident, il n’avait pas demandé à l’officier de service de signaler les mouvements des autres sous‑unités se trouvant dans d’autres zones d’opérations. Mais il a également dit qu’un officier de service gérait les renseignements reçus au poste de commandement et était censé transmettre les renseignements relatifs aux forces amies se trouvant dans la zone d’influence à ceux qui en avaient besoin. Il a expliqué qu’un officier de service doit transmettre les renseignements relatifs à une DSP qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur sa zone d’opérations.

 

[23]           Le Major Gardner a expliqué que la localisation des forces amies dépendait si elles étaient proches de sa zone d’opérations et si elles se trouvaient dans sa zone d’influence. Un officier de service se devait de surveiller les systèmes de communication, de transmettre les renseignements à l’état‑major supérieur et communiquer les renseignements susceptibles de donner lieu à des actions aux personnes compétentes.

 

[24]           Le Capitaine Lloyd a affirmé qu’un officier de service devait toujours connaître la situation des forces amies et des forces ennemies dans la zone d’opérations et dans la zone d’influence. Un officier de service devait être au courant des événements se déroulant à l’extérieur de la zone d’opérations s’ils étaient susceptibles d’avoir une incidence sur celle‑ci. Cette façon de faire s’applique à tous les postes de commandement et à tous les officiers de service. Un officier de service devait transmettre les renseignements pertinents à l’état‑major supérieur et à ses éléments subordonnés. Le Capitaine Lloyd a également expliqué que les renseignements relatifs à une ZOR et à une DSP sont des renseignements importants pour les sous‑unités parce qu’il s’agit d’une explosion contrôlée et que tous doivent savoir si elle sera assez proche pour être vue et entendue. Il a également expliqué pourquoi un champ de tir situé dans une autre zone d’opérations mais à proximité de sa zone d’opérations présenterait un intérêt pour lui. Il informerait ses troupes au sujet de ce champ de tir pour qu’elles ne croient pas qu’il a contact. Le Capitaine Lloyd a affirmé que les renseignements présentant un intérêt pour le groupement tactique et les unités de flanc avaient été diffusés sur le mIRC et que le mIRC n’était pas différent du réseau radio de combat. Le réseau radio de combat était utilisé principalement pour les opérations. Le Capitaine Lloyd a dit qu’il n’était jamais acceptable que le mIRC ne soit pas surveillé dans un poste de commandement, quel qu’il soit.

 

[25]           Au cours du contre‑interrogatoire, le Capitaine Lloyd a reconnu qu’il n’avait pas essayé précisément d’obtenir l’attention de T1 (l’escadron A) lorsqu’il a annoncé la ZOR et la DSP sur le mIRC et que l’escadron A aurait certes voulu être mis au courant de la ZOR et de la DSP puisqu’elles étaient dans la zone d’influence de l’escadron A, mais il a également affirmé qu’il n’avait aucune raison de croire que T1 ne verrait pas les renseignements affichés sur le mIRC. 

 

[26]           Le Capitaine Cory a affirmé qu’il avait rempli les fonctions d’officier de service au poste de commandement de Ma’Sum Ghar. La tâche la plus importante pour un officier de service consistait à rester vigilant à l’égard de la position des forces rouges et des forces bleues sur le champ de bataille et cette tâche devait être prise avec beaucoup de sérieux. Un officier de service était censé connaître la situation de tout le groupement tactique et être en mesure d’en informer son commandant. Voilà ce que l’on attendait de tout officier de service. Même s’il ne s’attendait pas à ce que le poste de commandement de Ma’Sum Ghar surveille les mouvements des forces amies dans une autre zone d’opérations, le Capitaine Corey a dit qu’il s’attendait cependant à ce que le poste de commandement de Ma’Sum Ghar s’intéresse à ce qu’elles faisaient dans sa zone d’influence puisqu’il s’agissait de la principale zone d’attaques à la roquette. 

 

[27]           Le Sergent LeClair a agi à titre d’officier de service au poste de commandement de Ma’Sum Ghar nombre de fois. Il a déclaré que, en tant que représentant du renseignement de l’escadron A, il s’occupait des avertissements relatifs à des menaces et des renseignements concernant l’ennemi pour les zones d’opération de Panjwayi et de Zhari. Il a expliqué qu’il était prudent de couvrir la zone d’opérations de Zhari parce qu’elle était très proche de leur zone d’opérations. Il a également expliqué que transmettre les renseignements en temps utile à ceux qui en avaient besoin faisait partie des responsabilités d’un officier de service.

 

[28]           Il ressort clairement de cette preuve que le Capitaine Day se devait d’obtenir des renseignements sur l’indicatif d’appel 24 lorsque Run-up 3B a communiqué avec lui. L’indicatif d’appel 24 se trouvait dans la zone d’intérêt de Ma’Sum Ghar et dans une zone présentant un intérêt particulier et une importance particulière pour Ma’Sum Ghar. 3B avait été chargé de protéger la base d’opérations avancée et avait indiqué la présence de forces amies dans cette zone. Le Capitaine Day se devait d’obtenir les renseignements pertinents quant à la position de la patrouille amie présente dans sa zone d’intérêt, particulièrement après avoir reçu une demande en ce sens de 3B. Il se devait également d’obtenir des renseignements sur la DSP et la ZOR, lorsque les messages les concernant ont été diffusés, puisqu’elles concernaient sa zone d’influence et une zone où des attaques à la roquette avaient été lancées contre la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar.

 

[29]           Le Capitaine Day savait‑il que cette tâche lui incombait? Même s’il ne se rappelait pas l’incident, le Caporal‑chef Guilbeault a affirmé que le Capitaine Day lui aurait dit quoi répondre à 3B. Selon le Caporal‑chef Guilbeault, le Capitaine Day aurait essayé de trouver des renseignements mais ses efforts ont été vains.

 

[30]           Le Major Gardner a expliqué que les officiers de service devaient lire le compte rendu journalier de la situation qui était envoyé à leur compte de courrier électronique sur TacNet sous la forme d’un document Word. L’officier de service devait lire et comprendre le contenu de la pièce 7. Il s’agit d’un document portant sur les opérations du poste de commandement qui prévoit que l’officier de service doit surveiller toutes les communications, ce qui inclut celles du mIRC. Les officiers de service devaient se tenir au courant de la situation en lisant les comptes rendus journaliers du groupement tactique et les autres comptes rendus. Le paragraphe 18 précise que l’horaire des patrouilles des Compagnies M et N pour les 24 prochaines heures est toujours présenté dans le dernier compte rendu journalier envoyé à l’officier de service par courrier électronique. Il ressort clairement de la preuve que les officiers de service avaient le devoir d’être au courant des renseignements contenus dans le compte rendu journalier du groupement tactique et, par conséquent, des activités des autres sous‑unités.

 

[31]           Le Capitaine Lloyd a expliqué que le rôle d’un officier de service consistait à se tenir informé de la situation des forces amies et des forces ennemies dans la zone d’opérations et dans la zone d’influence et à communiquer les renseignements à l’état‑major supérieur et aux éléments subordonnés.

 

[32]           Le Major McDonnell et le Major Gardner ont décrit la formation d’officier de service qu’ont reçu informellement les commandants de troupe de l’escadron A au cours de l’entraînement préalable au déploiement. Le Major Gardner a déclaré qu’aucun officier de service, le Capitaine Day inclus, n’a mis en doute ses compétences en tant qu’officier de service. Les commandants de troupe se relayent à tour de rôle toutes les semaines comme officier de service au poste de commandement. 

 

[33]           La preuve révèle clairement que le rôle d’un officier de service consistait à se tenir informé de la situation en surveillant le mIRC et les autres moyens de communication et en lisant le compte rendu journalier de la situation et que le Capitaine Day connaissait cette exigence. L’officier de service devait rester vigilant à l’égard des renseignements pertinents concernant la présence des forces amies et les activités de l’ennemi dans sa zone d’opérations et dans sa zone d’influence. Le Capitaine Day savait que Run‑up 3B avait demandé des renseignements sur une patrouille amie se trouvant dans sa zone d’influence.

 

[34]           La cour estime que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day savait qu’il avait le devoir d’obtenir des renseignements sur l’indicatif d’appel 24.

 

[35]           Quelle était la norme de diligence que le Capitaine Day devait exercer? Un officier de service devait surveiller le mIRC et les autres moyens de communication. Il devait rester vigilant à l’égard des renseignements provenant de sa zone d’opérations et de sa zone d’influence.

 

[36]           Quelle a été la conduite du Capitaine Day par rapport à sa tâche militaire? Il semblerait que le Capitaine Day surveillait le mIRC régulièrement (voir la pièce 13). À 1103 heures, il a fourni un compte rendu de situation COIC et à 1112 heures, il a fourni certains renseignements sur les véhicules Zulu de l’équipe de combat de l’escadron A. À 1156 heures, l’indicatif d’appel 2, le Capitaine Lloyd, a annoncé que l’indicatif d’appel 24 quittait la base d’opérations avancée Wilson pour aller effectuer une patrouille et, à 1209 heures, il a fourni des renseignements sur la formation laager à la position 3181 9319. À 1211 heures, l’officier supérieur de service du groupement tactique a communiqué avec T1, à savoir le poste de commandement de Ma’Sum Ghar, pour demander que Ma’Sum Ghar informe l’ADC du Commandant de la Force opérationnelle à Kandahar de la nouvelle heure à laquelle on passerait les prendre. À 1219 heures, l’indicatif d’appel 2 a donné un compte rendu de l’état des lieux où se trouvait l’indicatif d’appel 24, à la position 3187 9329, et précisé qu’il se dirigeait vers le nord-est.

 

[37]           Vers 1230 heures, Run-up 3B a communiqué avec le poste de commandement sur le réseau radio de sécurité du camp pour demander d’autres renseignements sur la patrouille effectuée par les forces amies situées aux coordonnées de quadrillage 3181 9322. À 1231 heures, le Capitaine Day a confirmé sur le mIRC l’heure à laquelle on passerait prendre le commandant (voir la pièce 13).

 

[38]           Il y a une seule ligne de texte entre l’entrée concernant la formation laager et la demande de l’officier supérieur de service concernant l’heure à laquelle on passerait prendre le commandant et il y a sept lignes de texte entre l’entrée concernant l’état des lieux et la confirmation par l’officier de service de l’heure à laquelle on passerait prendre le Commandant.

 

[39]           Le Capitaine Day ne prêtait pas attention aux renseignements transmis par les autres sous‑unités si elles ne s’adressaient pas directement à lui. Il se concentrait sur les affaires internes de l’escadron A ou s’occupait des communications avec l’état‑major supérieur.

 

[40]           Cette conduite constituait‑elle un écart marqué par rapport à celle d’une personne raisonnable dans les circonstances? L’équipe de combat de l’escadron A a quitté Ma’Sum Ghar vers 0656 heures (voir la pièce 15). Entre 0714 heures et 1536 heures, T1B ou T19B, à savoir dans les deux cas le Major Gardner, a transmis 30 messages d’information ou comptes rendus sur la situation à l’état‑major du groupement tactique (voir la pièce 15). Outre les comptes rendus de contact transmis à 1242 heures, 1246 heures et 1250 heures, le Capitaine Day n’a diffusé sur le mIRC que deux messages concernant les opérations de l’équipe de combat.

 

[41]           Run-up 3B a informé le Capitaine Day de la présence de troupes amies dans sa zone d’influence aux coordonnées de quadrillage 3181 9322 et demandé des détails. Le Capitaine Lloyd avait diffusé des renseignements concernant la formation laager de l’indicatif d’appel 24 aux coordonnées de quadrillage 3181 9319 et avait donné l’état des lieux où se trouvait l’indicatif d’appel 24 aux coordonnées de quadrillage 3187 9329 et indiqué qu’il se dirigeait vers le nord‑est. Ces coordonnées de quadrillage sont presque identiques à celles fournies par 3B. Une vérification rapide au clavardoir du mIRC lui aurait permis d’obtenir les renseignements demandés par 3B. Il semble qu’il n’a pas fait cette vérification puisqu’il aurait informé le Caporal‑chef Guilbeault qu’il n’y avait aucun renseignement à donner à Run-up 3B. La cour n’a été saisie d’aucune preuve démontrant que le Capitaine Day était occupé au point que cela l’aurait empêché de faire une recherche sur le mIRC. 

 

[42]           Le Capitaine Day se devait également de lire le compte rendu journalier sur la situation. Les pièces 17 et 18, qui présentent les comptes rendus journaliers du 3RCR pour les 21 et 22 janviers 2009, indiquent que l’indicatif d’appel 24 effectuera une patrouille à Kalachah le 23 janvier 2009. La position signalée par Run-up 3B se trouve entre la base d’opérations avancée Wilson et Kalachah (voir la pièce 4). 

 

[43]           Le contact de l’équipe de combat de l’escadron A n’était pas très important, puisque le Major Gardner, qui participait activement à cette opération, parvenait difficilement à s’en souvenir, tout comme le Sergent LeClair et le Caporal‑chef Guilbeault. Le Major Gardner a expliqué que le contact avait été rapidement mis en échec par les chars d’assaut. À 1257 heures, il a été constaté qu’il n’y avait plus de contact depuis cinq minutes (voir la pièce 16). Le contact avait duré environ 15 minutes. L’opération planifiée s’est poursuivie comme l’indiquent les comptes rendus de situation de T1B à la pièce 15. Le Major Gardner a expliqué que le réseau de l’équipe de combat était occupé comme normalement pour une opération de combat ordinaire. Il a affirmé que le rythme des activités n’était pas très intense. Le Caporal‑chef Guilbeault ne pouvait se rappeler si l’escadron A avait été attaqué, mais il se rappelait que son quart se déroulait comme d’habitude jusqu’à ce que l’incident impliquant 3B se produise. Le rythme des activités a culminé à ce moment‑là.

 

[44]           Le Major Gardner a déclaré que le réseau radio de combat n’était pas occupé ce jour‑là et que le groupement tactique préférait utiliser le mIRC s’il n’était pas engagé dans une opération. Le Capitaine Lloyd a précisé que le réseau n’avait pas été congestionné jusqu’au moment de l’incident. Il a affirmé que le réseau radio du groupement tactique n’était pas souvent utilisé mais qu’il était surveillé.

 

[45]           Même si la cour accepte la preuve des témoins selon laquelle les différents journaux ne donnent pas une image parfaite des activités se déroulant sur les différents réseaux radio ou au poste de commandement, elle doit néanmoins examiner la preuve dont elle dispose pour parvenir à une décision. L’examen des pièces 13, 15 et 22 révèle que le Capitaine Day n’était pas engagé activement dans l’opération de l’équipe de combat, même s’il devait surveiller le réseau radio de l’équipe de combat avec l’aide d’un opérateur radio. L’opérateur radio était chargé principalement de surveiller le réseau radio de l’équipe de combat. Le Capitaine Day n’utilisait pas le réseau radio du groupe tactique pour communiquer (voir les pièces 15 et 22). Seules 12 communications figurent au journal de la sécurité du camp pour la période allant de 1200 heures à 1544 heures.

 

[46]           La pièce 13 semble donner à la cour un portrait plus complet des tâches accomplies par le Capitaine Day le 23 janvier 2009. À 1521 heures, l’indicatif d’appel 2 a demandé une ZOR en vue d’une DSP aux coordonnées de quadrillage 3271 9473 pour l’indicatif d’appel 24. À 1523 heures, l’officier supérieur de service du groupement tactique a autorisé la demande et demandé un avertissement cinq minutes avant la DSP et un compte rendu après la DSP. À 1526 heures, l’officier supérieur de service a informé T1 qu’un exercice de pilotage d’hélicoptère aurait lieu et qu’il y aurait atterrissage à Ma’Sum Ghar. Le Capitaine Day a répondu 21 secondes plus tard, en demandant l’heure qui conviendrait au groupement tactique. Neuf lignes de texte figurent au journal du mIRC pour ces communications.

 

[47]           À 1533 heures, la Capitaine Day a indiqué que la FRR se dirigeait vers Ma’Sum Ghar et, à 1534 heures, il a annoncé que la COIC était rentrée à Ma’Sum Ghar. À 1535 heures, le Capitaine Lloyd a donné le préavis de cinq minutes avant la DSP et l’officier supérieur de service du groupement tactique a accusé réception du préavis. À 1537 heures, le Capitaine Day a annoncé que la FRR était rentrée à Ma’Sum Ghar. On compte sept lignes de texte dans le journal du mIRC pour ces communications. À 1541 heures, le Capitaine Day a indiqué que l’indicatif d’appel 72 avait terminé l’entraînement à NDC et il a immédiatement annoncé le signalement d’une attaque à la roquette. À 1542 heures, le Capitaine Lloyd a annoncé que la DSP avait réussi.

 

[48]           Le Capitaine Day n’était pas inondé de messages sur le mIRC lorsque Run‑up 3B lui a demandé des renseignements sur la patrouille amie et lorsqu’une ZOR en vue d’une DSP devant être effectuée par l’indicatif d’appel 24 a été demandée par l’indicatif d’appel 2. Il exécutait les tâches normales d’un officier de service. Le contact avec l’équipe de combat de l’escadron A a été bref et relativement sans conséquence. Une vérification rapide de sa carte lui aurait permis de constater que la DSP devait avoir lieu dans sa zone d’influence et pourrait être vue par Run‑up 3B. Il semble qu’il n’a pas fait cette vérification. Il n’a pas prêté attention à la communication qui s’est déroulée entre l’indicatif d’appel 2 et l’état‑major du groupement tactique.

 

[49]           Le mot « négligente » pour qualifier l’exécution d’une tâche, prévu à l’article 124 de la Loi sur la défense nationale (la LDN), signifie que le Capitaine Day a eu, soit en faisant quelque chose ou en omettant de faire quelque chose, une conduite qui constituait un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable dans toutes les circonstances de l’affaire. Pour savoir si la conduite était raisonnable, il faut placer la personne raisonnable dans la situation où se trouvait l’accusé lorsque les événements se sont produits. Quand on place la personne raisonnable dans la même situation que celle de l’accusé, la norme demeure celle de l’officier de service raisonnablement prudent, mais elle est correctement mise en contexte (voir R. c. Beatty, 2008 CSC 5, au paragraphe 40).

 

[50]           L’infraction d’exécution négligente d’une tâche militaire exige plus qu’une simple incurie de la part du Capitaine Day. Ce qu’il a omis de faire doit constituer un écart marqué par rapport à la norme de conduite prévue pour l’exécution d’une tâche militaire donnée. Un simple écart par rapport à la norme à laquelle on s’attend d’une personne raisonnable se trouvant dans des circonstances semblables ne suffit pas pour établir la responsabilité à l’égard de la négligence pénale, que nécessite l’infraction prévue à l’article 124 de la LDN. La distinction entre un simple écart et un écart marqué par rapport à la norme de conduite est une question de degré.

 

[51]           Eu égard à l’ensemble du contexte, la cour n’a pas à se demander ce que le Capitaine Day était censé faire. Elle doit plutôt se demander s’il a exécuté sa tâche d’une manière qui constituait un écart marqué par rapport à la manière suivant laquelle un officier de service raisonnablement prudent aurait exécuté cette tâche dans les mêmes circonstances.

 

[52]           Certaines activités peuvent imposer une norme qui est de fait plus élevée que celle applicable à d’autres activités. Cette exigence découle des circonstances dans lesquelles s’exerce l’activité, et non de la compétence de l’auteur de l’acte. C’est une norme uniforme qui s’applique indépendamment des antécédents, du degré d’instruction ou de l’état psychologique de l’auteur de l’acte (voir R. c. Day, 2011 CACM 3, au paragraphe 12).

 

[53]           Les circonstances de son défaut d’obtenir des renseignements sur l’indicatif d’appel 24 lorsque Run-up 3B en a fait la demande et lorsqu’une ZOR en vue d’une DSP a été demandée pour l’indicatif d’appel 24 puis accordée n’expliquent pas ou n’excusent pas son défaut d’obtenir ces renseignements. Il se trouvait dans une zone de guerre active. Sa base d’opérations avancée faisait souvent l’objet d’attaques à la roquette ou au mortier en provenance de la zone patrouillée par l’indicatif d’appel 24 et où la DSP avait été organisée. Il se devait de rester bien informé sur la situation dans sa zone d’opérations et dans sa zone d’influence pour assurer la sécurité de la base d’opérations avancée et la sécurité de ses collègues soldats des sous‑unités de flanc. Il était dans le théâtre opérationnel depuis septembre 2008 (voir la pièce 8) et il avait exécuté les tâches d’officier de service au poste de commandement de Ma’Sum Ghar à longueur de semaine, et ce, à toutes les trois ou quatre semaines depuis son arrivée en Afghanistan.

 

[54]           La plupart des témoins ont décrit la zone protégée par Run-up 3B. Le Capitaine Day aurait dû également savoir que 3B avait la responsabilité d’ouvrir le feu en cas de menace ou d’attaque en provenance de cette zone. Rester informé sur la situation des forces amies patrouillant dans le champ de tir de la principale plateforme de défense du camp, un char Leopard 2 doté d’un canon principal de 120 mm, est une tâche importante. C’est tout simplement une question de bon sens. Cela permet d’éviter qu’une troupe canadienne se fasse attaquer par une autre troupe canadienne. Autrement dit, cela sauve des vies.

 

[55]           Le Capitaine Day ne s’est pas soucié de cette tâche. Il a eu deux occasions évidentes d’obtenir des renseignements sur l’indicatif d’appel 24 et, les deux fois, il ne s’en est pas occupé. Il semblait plus occupé à confirmer l’heure à laquelle on passerait prendre le Commandant de la Force opérationnelle de Kandahar ou à signaler l’arrivée des sous‑unités à Ma’Sum Ghar. La cour est d’avis que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day a exécuté sa tâche d’une manière qui constituait un écart marqué par rapport à la manière suivant laquelle un officier de service raisonnablement prudent exécuterait cette tâche dans les mêmes circonstances.

 

[56]           Le Capitaine Day a‑t‑il omis de se soucier des risques et de la nécessité de faire preuve de prudence?

 

[57]           Run-up 3B l’avait informé de la présence de troupes amies dans sa zone d’influence. Une ZOR et une DSP avaient été autorisées dans sa zone d’influence. Il n’a pas prêté attention aux renseignements qu’il recevait de 3B et qui s’affichaient sur le mIRC. Le Sergent LeClair a affirmé que le Capitaine Day avait marmonné trois fois [TRADUCTION] « je ne l’ai pas vu » après que le Capitaine Lloyd eut ordonné la halte au tir. En consultant le mIRC, le Sergent LeClair s’est rendu compte que le Capitaine Day faisait allusion à la DSP. Le Capitaine Day n’a pas prêté attention aux renseignements importants qu’il recevait de 3B et qui s’affichaient sur le mIRC et il ne s’est pas soucié des risques possibles s’il ne surveillait pas les troupes amies présentes dans sa zone d’influence.

 

[58]           Une DSP pouvait facilement être confondue avec une attaque contre le camp. Un officier de service raisonnable aurait informé les éléments de la force de défense de son camp d’une DSP imminente afin d’éviter toute confusion possible et toute tension inutile. Run-up 3B a répondu à ce qu’il percevait comme une menace d’attaque à la roquette. Run-up 3B a exécuté les IPO et les RE comme on lui avait enseigné de le faire. Ils ont répondu en tenant compte des renseignements dont ils disposaient sur l’attaque perçue.

 

[59]           La cour est d’avis que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day ne s’est effectivement pas soucié des risques découlant de son défaut d’obtenir des renseignements sur l’indicatif d’appel 24 et de la nécessité de faire preuve de prudence.

 

[60]           Le Capitaine Day avait‑il la capacité requise pour apprécier les risques découlant de cette conduite?

 

[61]           Le Capitaine Day n’a jamais informé le Major McDonnell ou le Major Gardner qu’il ne se sentait pas compétent pour accomplir les tâches d’un officier de service. La cour n’a été saisie d’aucune preuve indiquant que, le 23 janvier 2009, il n’avait pas la capacité d’apprécier les risques découlant de sa conduite. La cour est d’avis que le Capitaine Day avait la capacité requise pour apprécier les risques découlant de sa conduite. 

 

[62]           Les détails de la deuxième accusation sont les suivants : le 23 janvier 2009, ou vers cette date, à la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar, ou près de celle‑ci, dans la province de Kandahar de la République islamiste d’Afghanistan, le Capitaine Day, qui agissait comme officier de service de l’escadron A, a omis de veiller, comme il avait le devoir de le faire, à ce que l’équipage de char à la position Run-up 3B obtienne tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24. La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants de l’infraction :

 

a)      l’identité de l’accusé en tant qu’auteur de l’infraction, ainsi que la date et le lieu mentionnés dans l’acte d’accusation;

 

b)      le fait que le Capitaine Day s’était vu attribuer une tâche militaire particulière, à savoir plus précisément qu’il devait veiller à ce que l’équipage de char à la position Run‑up 3B obtienne tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24;

 

c)      le fait que le Capitaine Day savait que cette tâche lui incombait;

 

d)     le fait que le Capitaine Day devait faire preuve de diligence;

 

e)      la conduite du Capitaine Day par rapport à cette tâche militaire;

 

f)       le fait que cette conduite constituait un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable dans les circonstances;

 

g)      le fait que le Capitaine Day ne s’est pas soucié des risques et de la nécessité de faire preuve de prudence;

 

h)      le fait que le Capitaine Day avait la capacité requise pour apprécier les risques découlant de sa conduite. 

 

[63]           Le Capitaine Day devait‑il veiller à ce que l’équipage de char à la position Run‑up 3B obtienne tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 3B? Le Major McDonnell a affirmé qu’il n’était pas acceptable pour un officier de service de ne pas transmettre des renseignements concernant des troupes se trouvant dans la zone d’influence et qu’il n’était pas acceptable pour un officier de service de ne pas se tenir au courant de la situation. Le Capitaine Lloyd a expliqué que, si des renseignements présentent un intérêt pour sa sous‑unité, il doit agir en conséquence. Cela vaut également pour les autres sous‑unités.

 

[64]           Il n’est que trop évident, si l’on tient compte de ce témoignage et des témoignages du Major Gardner, du Capitaine Corey et du Sergent LeClair, qu’un officier de service a le devoir de transmettre les renseignements en temps utile aux personnes qui en ont besoin, qu’il s’agisse de personnes faisant partie de l’état‑major supérieur ou de sa sous‑unité. Run-up 3B jouait un rôle important dans la défense de Ma’Sum Ghar. Cet équipage de char observait une zone qui avait souvent été utilisée pour lancer des attaques à la roquette contre la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar. Cette zone était située à l’intérieur de la zone d’opérations de Ma’Sum Ghar ainsi que dans la zone d’opérations de la Compagnie N. La partie à l’intérieur de la zone d’opérations de la Compagnie N était réputée faire partie de la zone d’influence de la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar. La position des forces amies dans cette zone constitue un renseignement important. 3B avait demandé des renseignements concernant les forces amies présentes dans cette zone. La DSP effectuée par l’indicatif d’appel 24 a lieu dans la zone d’influence de Ma’Sum Ghar et à l’intérieur de la distance‑limite du canon principal de calibre 120 mm de 3B.

 

[65]           La cour est d’avis que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day devait veiller à ce que l’équipage de char Run‑up 3B obtienne tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24.

 

[66]           Le Capitaine Day savait‑il que cette tâche lui incombait? Compte tenu de la preuve admise, la cour est d’avis que le Capitaine Day savait que cette tâche lui incombait.

 

[67]           Quelle norme de diligence le Capitaine Day devait-il exercer? La preuve établit clairement également que le Capitaine Day devait veiller à ce que les renseignements pertinents soient fournis en temps opportun à ceux qui en avaient besoin. Il s’agit d’une pure question de bon sens et d’une tâche essentielle dans un théâtre de guerre.

 

[68]           Quelle a été la conduite du Capitaine Day par rapport à cette tâche militaire? Le Capitaine Day n’a fourni à l’équipage de char à la position Run-up 3B aucun renseignement en rapport avec l’indicatif d’appel 24.

 

[69]           Cette conduite constituait‑elle un écart marqué par rapport à celle d’une personne raisonnable dans les circonstances? L’officier de service joue un rôle important dans la communication des renseignements provenant de sources externes aux éléments de sa sous‑unité. Ce rôle consiste à se tenir informé des activités qui se déroulent dans sa zone d’opérations et dans sa zone d’influence. À l’instar de l’état‑major supérieur auquel il incombe d’informer les sous‑unités, l’officier de service a le devoir d’informer ses éléments. Les différents modes de communication utilisés au poste de commandement et les comptes rendus journaliers de la situation lui permettent d’obtenir ces renseignements. L’officier de service doit alors transmettre ces renseignements aux éléments qui en ont besoin pour exécuter leurs tâches.

 

[70]           Comme le Capitaine Day n’avait aucun renseignement sur l’indicatif d’appel 24, il ne pouvait donc pas informer 3B de la situation. La cour a déjà conclu que la personne raisonnable dans les circonstances aurait obtenu ces renseignements. Le Capitaine Day aurait obtenu ces renseignements s’il avait fait preuve de diligence dans l’exécution de ses tâches. Un officier de service raisonnable aurait transmis à 3B les renseignements concernant les activités de l’indicatif d’appel 24 dans la zone d’influence de Ma’Sum Ghar. La cour est d’avis que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que le défaut du Capitaine Day de fournir à Run-up 3B les renseignements sur l’indicatif d’appel 24 constitue un écart marqué par rapport à la conduite de l’officier de service raisonnable dans les mêmes circonstances.

 

[71]           Le Capitaine Day a‑t‑il omis de se soucier des risques et de la nécessité de faire preuve de prudence? Le Capitaine Day n’a pas prêté attention aux renseignements concernant la présence des forces amies dans sa zone d’influence qu’il a reçus de 3B et qui étaient affichés sur le mIRC. Il n’a pas tenu compte des risques découlant de son défaut de transmettre des renseignements très importants sur les forces amies à un élément clé de la défense de la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar. Le Capitaine Day ne s’est effectivement pas soucié des risques et de la nécessité de faire preuve de prudence.

 

[72]           Le Capitaine Day avait‑il la capacité d’apprécier les risques découlant de sa conduite? Pour les mêmes motifs que ceux exposés à l’égard du premier chef d’accusation, la cour est d’avis que le Capitaine Day avait la capacité d’apprécier les risques découlant de sa conduite.

 

[73]           Les détails de la troisième accusation sont les suivants : le 23 janvier 2009, ou vers cette date, à la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar, ou près de celle‑ci, dans la province de Kandahar, de la République islamiste d’Afghanistan, le Capitaine Day, qui agissait comme officier de service de l’escadron A, a omis d’obtenir tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24. Le présent chef d’accusation est subsidiaire au premier chef d’accusation. La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants de l’infraction :

 

a)      l’identité de l’accusé en tant qu’auteur de l’infraction, ainsi que la date et le lieu mentionnés dans l’acte d’accusation;

 

b)      le fait que le Capitaine Day s’était vu attribuer une tâche militaire particulière, à savoir plus précisément qu’il devait obtenir des renseignements concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24;

 

c)      le fait que le Capitaine Day savait que cette tâche lui incombait;

 

d)     le fait que le Capitaine Day devait faire preuve de diligence;

 

e)      la conduite du Capitaine Day par rapport à cette tâche militaire;

 

f)       le fait que cette conduite constituait un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable dans les circonstances;

 

g)      le fait que le Capitaine Day ne s’est pas soucié des risques et de la nécessité de faire preuve de prudence;

 

h)      le fait que le Capitaine Day avait la capacité requise pour apprécier les risques découlant de sa conduite;

 

i)        l’atteinte portée au bon ordre et à la discipline en raison de sa négligence.

 

[74]           La cour a déjà conclu que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day a fait preuve de négligence en omettant d’obtenir les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24. La cour doit maintenant déterminer si cette négligence est préjudiciable au bon ordre et à la discipline. 

 

[75]           L’atteinte au bon ordre et à la discipline n’est pas un concept abstrait. La preuve de ce préjudice doit être faite. Elle peut être inférée des circonstances s’il existe des indications claires que le préjudice est une conséquence naturelle de l’acte établi.

 

[76]           La norme de preuve est celle de la preuve hors de tout doute raisonnable. Le préjudice n’est pas défini dans les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Dans le contexte d’une accusation portée en vertu de l’article 129 de la LDN, le préjudice s’entend d’un [TRADUCTION] « tort ou dommage qui résulte ou qui peut résulter d’un acte ou d’un jugement ».

 

[77]           Run-up 3B a tiré un obus à charge creuse (HEAT) à l’aide d’un canon de 120 mm en direction de l’endroit d’où provenait les tirs perçus comme une attaque à la roquette. L’obus a frappé le sol à une distance d’environ 50 mètres des membres de l’indicatif d’appel 24. Des éclats d’obus ont volé dans les airs avant de percuter un mur derrière le Capitaine Corey et un éclat est tombé entre les jambes d’un soldat. Heureusement, personne n’a été blessé. L’incident s’est produit parce que le Capitaine Day n’avait pas obtenu les renseignements nécessaires concernant la position de l’indicatif d’appel 24 et n’avait pas transmis ces renseignements à 3B.

 

[78]           Après l’ordre de halte au tir, le Capitaine Corey a rapidement quitté la zone. Par suite de cette attaque de la part de 3B, le Capitaine Corey a modifié son parcours de sortie pour s’assurer qu’il serait hors de la vue de 3B. Sa patrouille a traversé le village en direction nord‑est, puis les champs de raisins et les oueds. Ce parcours lui offrait moins de visibilité pour observer les menaces possibles autour de lui et il ne pouvait pas compter sur Ma’Sum Ghar pour le soutenir s’il devait faire face à l’ennemi. Il préférait généralement avoir autant de visibilité que possible, particulièrement des forces amies. Ce nouveau parcours avait une incidence négative sur la sécurité de ses troupes.

 

[79]           Il craignait pour la sécurité de ses soldats à la suite de l’incident. Aucun de ses soldats ne voulait marcher à la vue de 3B. Ses troupes étaient en colère contre les chars canadiens. Cette crainte ne s’est pas dissipée après l’incident. Le Capitaine Corey a dû prendre plus de temps pour informer ses troupes sur la position des chars et sur leurs RE. Même si certaines de ses troupes comprenaient qu’il s’agissait d’une erreur, il lui a fallu fournir plus de détails que normalement parce que ses troupes avaient besoin d’entendre ces détails.

 

[80]           Le Caporal‑chef Dickison était le chef de char de Run-up 3B. Il a expliqué que, après que l’ordre de halte au tir eut été donné par le poste de commandement, il était surpris et contrarié. Il craignait d’avoir tué un soldat canadien et il était pour le moins furieux. Son comportement à la barre des témoins a radicalement changé au cours de cette partie de son témoignage et la cour a pu constater d’emblée que cet incident le bouleversait encore. Il était en colère contre son poste de commandement et il a perdu confiance en lui pour le reste de la période d’affectation.

 

[81]           Une simple suite d’événements a donné lieu à l’incident. Le Capitaine Day a fait défaut d’obtenir les renseignements sur la position de l’indicatif d’appel 24 et il a fait défaut de fournir ces renseignements à 3B. 3B a ensuite ouvert le feu sur la position de l’indicatif d’appel 24 parce que 3B croyait que la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar faisait l’objet d’une attaque à la roquette.

 

[82]           Run-up 3B aurait‑il ouvert le feu sur la position de l’indicatif d’appel 24 s’il avait été informé qu’une DSP était imminente? Probablement que non. Or, 3B n’en avait pas été informé parce que le Capitaine Day ne lui avait pas fourni les renseignements sur cette position. Le tir d’un obus à charge creuse (HEAT) de 120 mm sur la position de l’indicatif d’appel 24 était une conséquence de la négligence du Capitaine Day à transmettre à 3B les renseignements concernant la position de l’indicatif d’appel 24 et la DSP.

 

[83]           Cet incident a jeté la consternation parmi les membres de l’indicatif d’appel 24, y compris le Caporal‑chef Dickison. Par suite de ce tir manqué de peu, le Capitaine Corey a dû conduire ses troupes en empruntant un nouveau chemin plus dangereux pour s’assurer qu’elles soient hors de la vue de 3B. À la suite de cet incident, il lui a fallu également fournir plus de détails lorsqu’il donnait des ordres et ses troupes se méfiaient des chars. Le Caporal‑chef Dickison a perdu confiance en son poste de commandement pendant le reste de la période d’affectation.

 

[84]           La confiance constitue un aspect important du bon ordre et de la discipline. Les collègues soldats doivent pouvoir se faire confiance les uns les autres. Un manque de confiance est tout à fait susceptible de mener à l’indécision et en fin de compte à l’échec. Un manque de confiance nuit au bon ordre et à la discipline.

 

[85]           La cour est d’avis que l’atteinte au bon ordre et à la discipline est une conséquence indirecte de la négligence du Capitaine Day à obtenir des renseignements concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24. Puisqu’il s’agit d’une conséquence indirecte, et non d’une conséquence naturelle, au sens de conséquence directe, la cour conclut que le Capitaine Day n’est pas coupable de cette infraction.

 

[86]           Les détails de la quatrième accusation sont les suivants : le 23 janvier 2009, ou vers cette date, à la base d’opérations avancée Ma’Sum Ghar, ou près de celle‑ci, dans la province de Kandahar, de la République islamiste d’Afghanistan, le Capitaine Day, qui agissait comme officier de service de l’escadron A, a fait défaut d’informer l’équipage de char à la position Run-up 3B en lui communiquant tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24. Le présent chef d’accusation est subsidiaire au second chef d’accusation. La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants de l’infraction :

 

a)      l’identité de l’accusé en tant qu’auteur de l’infraction, ainsi que la date et le lieu mentionnés dans l’acte d’accusation;

 

b)      le fait que le Capitaine Day s’était vu attribuer une tâche militaire particulière, à savoir plus précisément qu’il devait veiller à ce que l’équipage de char à la position Run‑up 3B obtienne tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24;

 

c)      le fait que le Capitaine Day savait que cette tâche lui incombait;

 

d)     le fait que le Capitaine Day devait faire preuve de diligence;

 

e)      la conduite du Capitaine Day par rapport à cette tâche militaire;

 

f)       le fait que cette conduite constituait un écart marqué par rapport à la conduite d’une personne raisonnable dans les circonstances;

 

g)      le fait que le Capitaine Day ne s’est pas soucié des risques et de la nécessité de faire preuve de prudence;

 

h)      le fait que le Capitaine Day avait la capacité d’apprécier les risques découlant de sa conduite;

 

i)        l’atteinte portée au bon ordre et à la discipline en raison de sa négligence.

 

[87]           La cour a déjà conclu que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que le Capitaine Day a fait preuve de négligence en ne veillant pas à ce que l’équipage de char à la position Run‑up 3B obtienne tous les renseignements pertinents concernant la position d’une patrouille canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24. La cour doit maintenant déterminer si cette négligence est préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[88]           Sur la foi de la preuve décrite à l’égard du troisième chef d’accusation, la cour conclut que la preuve établit clairement hors de tout doute raisonnable que l’atteinte portée au bon ordre et à la discipline était une conséquence naturelle de la négligence du Capitaine Day à veiller à ce que l’équipage de char à la position Run‑up 3B obtienne tous les renseignements pertinents concernant la position d’une troupe canadienne connue sous l’indicatif d’appel 24.

 

[89]           L’avocat de la défense a fait valoir que la règle énoncée dans Kienapple s’applique à la présente affaire et que le Capitaine Day ne peut être déclaré coupable à la fois des premier et deuxième chefs d’accusation ou des troisième et quatrième chefs d’accusation. Le Capitaine Day est inculpé sous deux chefs d’accusation d’exécution négligente d’une tâche militaire. Il est accusé de ne pas avoir obtenu des renseignements sur l’indicatif d’appel 24 et il est accusé de ne pas avoir fourni ces renseignements à 3B. Une accusation se rapporte à la tâche d’obtenir les renseignements et l’autre accusation se rapporte à son omission de transmettre les renseignements à 3B.

 

[90]           La jurisprudence analysée dans R. c. Prince, [1986] 2 R.C.S. 480, porte sur différentes infractions, telles que, pour ne donner que deux exemples, homicide involontaire coupable et voies de fait causant des lésions corporelles dans l’affaire Prince et chasse hors saison et chasse de nuit sans éclairage dans McKinney c. R, [1980] 1 R.C.S. 401. Même si ces différentes accusations sont fondées sur un incident particulier, les tribunaux ont considéré qu’il y avait « des causes, des choses ou des délits distincts sur lesquels pourraient être fondées des déclarations de culpabilité distinctes » (voir Prince, au paragraphe 23). Dans McKinney, l’accusé avait été pris à chassé durant la nuit et il avait donc été inculpé d’avoir chassé hors saison et d’avoir chassé la nuit sans éclairage.

 

[91]           Même si la cour a déjà examiné chacune des infractions et déterminé si la preuve les établit hors de tout doute raisonnable, il lui reste à faire un examen général de l’affaire. La cour a conclu que la preuve révèle que le Capitaine Day avait deux tâches distinctes en tant qu’officier de service, à savoir se tenir informé de la situation des forces amies dans sa zone d’opérations et sa zone d’influence et fournir les renseignements pertinents en temps utile à ceux qui en avaient besoin. La ligne de démarcation entre ces deux tâches est très mince. À quoi servirait‑il de rester informé sur la situation, sinon à transmettre les renseignements importants à ceux qui en ont besoin? Il faut considérer cette situation en tenant compte du bon sens.

 

[92]           Le litige dans la présente affaire repose sur le défaut du Capitaine Day de fournir à Run-up 3B les renseignements pertinents sur la position de l’indicatif d’appel 24. Il n’a pas fourni ces renseignements en raison de sa négligence à les obtenir entre 1200 heures et 1530 heures approximativement le 23 janvier 2009.

 

[93]           Il fait l’objet de deux accusations en vertu de l’article 124 de la LDN. Il ne s’agit pas de deux accusations distinctes prévues par la LDN ou le Code criminel comportant des éléments d’infraction différents. Les faits corroborant ces deux accusations sont étroitement liés. Ils forment une suite cohésive d’événements qui ont entraîné l’incident. Par conséquent, la cour conclut que la règle énoncée dans Kienapple s’applique effectivement aux premier et deuxième chefs d’accusation.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR

 

 

[94]           Vous DÉCLARE coupable du deuxième chef d’accusation et non coupable du troisième chef d’accusation et ordonne la suspension de l’instance en ce qui concerne les premier et quatrième chefs d’accusation. 

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette D.T. Reeves, Service canadien des poursuites militaires,

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Capitaine T. Day

 

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