Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 26 octobre 2010

Endroit : Le manège militaire Brigadier Angle, 720 avenue Lawrence, Kelowna (CB)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, agression sexulle (art. 271 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.
•Chef d'accusation 3 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Une suspension d'instance. Chef d'accusation 2 : Coupable. Chef d'accusation 3 : Retiré.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 4500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. MacDonald, 2010 CM 1018

 

Date : 20101026

Dossier : 201024

 

Cour martiale permanente

 

Manèges militaires des British Columbia Dragoons

Kelowna (Colombie-Britannique), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sergent D.G. MacDonald, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.

 


 

Sous réserve de l’article 486.4 du Code criminel et de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale, la cour a rendu une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit l’identité de la plaignante et les renseignements qui permettraient de la découvrir.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le Sergent MacDonald a plaidé coupable du deuxième chef d’accusation pour conduite déshonorante en contravention de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale. La cour a accepté et enregistré l’aveu de culpabilité et a ordonné que la procédure à l’égard de la première accusation soit suspendue. La poursuite a retiré la troisième accusation portée en vertu de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale avant l’aveu.

 

[2]               Les cours martiales qui ont précédemment statué sur des infractions visées à l’article 93 ont défini la conduite déshonorante, comme je l’ai déjà dit ce matin, de la manière suivante : l’accusé s’est comporté d’une manière qui inciterait une personne raisonnable à conclure, d’un point de vue objectif, que son comportement transgresse les normes de la collectivité au point d’être inadmissible et choquant. Comme l’a affirmé le juge en chef Strayer, alors juge en chef de la Cour d’appel de la cour martiale, dans R. c. Marsaw, 1997, CMAC-395 :

 

… [L’]accusation précise portée en vertu de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale […] fait la promotion des exigences relatives au bon ordre, au maintien du moral et à la discipline, uniques et si essentielles dans le contexte militaire.

 

[3]               Je dois maintenant imposer une sentence appropriée, juste et équitable qui assurera le maintien de la discipline militaire. Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une recommandation conjointe quant à la sentence. Ils recommandent que vous soyez condamné à un blâme et à une amende au montant de 4 500 $ payable en versements de 300 $ par mois. Bien que la cour ne soit pas liée par la recommandation conjointe, il est généralement reconnu qu’elle ne devrait déroger à une recommandation conjointe que si le fait d’y donner suite serait contraire à l’intérêt public ou déconsidérerait l’administration de la justice.

 

[4]               L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des peines qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants : la protection du public, y compris les intérêts des Forces canadiennes; la réprobation de la conduite illicite; l’effet dissuasif de la peine, non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur d’autres personnes qui pourraient être tentées de commettre des infractions semblables; et l’amendement et la réadaptation du contrevenant.

 

[5]               La sentence doit également tenir compte des principes suivants. La peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, à la réputation du contrevenant et à son degré de responsabilité; la peine devrait être semblable à celles infligées à des contrevenants ayant commis des infractions semblables dans des circonstances semblables. La cour doit aussi respecter le principe selon lequel le contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent être justifiées dans les circonstances. Autrement dit, les peines d’incarcération devraient constituer une sanction de dernier recours. Enfin, la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[6]               Pour fixer la sentence, j’ai examiné l’ensemble des circonstances entourant la perpétration des infractions telles qu’elles sont révélées par l’exposé des circonstances que vous avez accepté comme preuve concluante et par la preuve documentaire accablante, fournie à la cour concernant le service militaire du contrevenant et la preuve de moralité. Les faits entourant l’espèce ont été énoncés en détail dans l’exposé des circonstances, que je répéterai en entier pour les besoins du dossier et qui sont rédigés comme suit :

 

[traduction]

 

« Énoncé des circonstances

 

1.         Les événements se sont produits à la BFC Shilo le 30 juin 2009. Le Sergent MacDonald est un commis SGR de la Force régulière et la plaignante, âgée de 26 ans, est une commis SGR de la Force de réserve au grade de caporal‑chef. Le Sergent MacDonald et la plaignante se préparaient tous deux à un déploiement en Afghanistan dans le cadre de la Force opérationnelle 3-09. Ils ont commencé à travailler ensemble au milieu de mars 2009 lorsque le Sergent MacDonald a été assigné comme commis‑chef de la salle des rapports (SR) de l’équipe provinciale de reconstruction (EPR). La plaignante était son commandant adjoint (cmdtA). La plaignante et le Sergent MacDonald travaillaient bien ensemble, et cette dernière le considérait comme un mentor, bénéficiant de sa vaste expérience comme commis SGR. Le Sergent MacDonald lui a montré comment être un meilleur chef, et elle avait beaucoup de respect pour lui.

 

2.         Le 29 juin 2009, à la fin de la journée, la plaignante et un de ses collègues masculins du même grade ont chacun acheté une caisse de six bières. Ils ont décidé d’aller dans la chambre du Sergent MacDonald sur la base pour discuter et boire. La plaignante portait un short, un t‑shirt et un manteau léger. Durant la soirée, la plaignante a bu environ quatre ou cinq bières, et en a donné quelques‑unes au Sergent MacDonald. Pendant ce moment, ils ont parlé du travail, de ce qui s’était passé durant la journée et d’histoires liées à des exercices en campagne.

 

3.         À environ minuit, comme ils n’avaient plus de bières, le Sergent MacDonald a affirmé qu’il en fallait d’autres. Ils sont allés au module de la plaignante, toujours sur la base, où il y avait d’autres boissons alcoolisées. Ils se sont tous assis à une table de pique‑nique à l’extérieur, ont commencé à discuter et ont bu les boissons alcoolisées. La plaignante et le caporal-chef ont commencé à parler de boxe, puisqu’elle venait de commencer un entraînement de boxe. Alors qu’ils parlaient tous deux de boxe, ils faisaient également des mouvements de boxe et s’échangeaient des coups avec l’équipement de boxe du caporal‑chef. Peu après, la plaignante et le Sergent MacDonald ont recommencé à parler du travail.

 

4.         À environ 1 h 30 le 30 juin 2009, le caporal-chef, ennuyé par la conversation liée au travail du Sergent MacDonald et de la plaignante, a quitté les lieux et est retourné dans sa chambre. Le Sergent MacDonald et la plaignante ont continué de parler du travail pendant un moment. Lorsque la plaignante a commencé à se sentir très fatiguée et à ressentir les effets de l’alcool, elle est rentrée seule à l’intérieur, dans la chambre commune de son module, et a décidé de dormir sur le sofa. Sa chambre était située à un niveau supérieur et il faisait généralement trop chaud pour dormir confortablement. Après s’être endormie sur le dos pendant une période indéterminée, la plaignante a été légèrement réveillée par une personne qui déplaçait ses jambes sur ses genoux et les frottait, et qui touchait sa poitrine et son thorax par-dessus son manteau. Elle a senti que la personne défaisait la fermeture éclair de son manteau et a senti des mains frotter de haut en bas son torse et son ventre. La personne n’arrêtait pas de frotter ses jambes et son corps et la touchait par‑dessus son short près de son vagin. Pendant ce temps, alors qu’elle n’était toujours pas complètement réveillée et était encore confuse, la plaignante continuait de repousser les mains.

 

5.         La plaignante a alors entendu le Sergent MacDonald lui demander si elle voulait qu’il lui frotte les jambes et la [traduction] « chatte ». Au même moment, elle a senti ses mains aller sous son short et ses sous‑vêtements et a senti ses doigts à l’extérieur de son vagin. Réalisant maintenant ce qui se passait, complètement réveillée et en état de choc, la plaignante s’est rapidement assise pour repousser les mains du Sergent MacDonald et lui a demandé ce qu’il venait tout juste de dire. Il a répété sa demande et ce faisant, le Sergent MacDonald a tenté de bouger sa main avec plus de force cette fois, vers son vagin sous son short. La plaignante l’a immédiatement frappé durement à la tête avec son poing droit, s’est levée d’un bond et s’est enfuie en montant les escaliers vers sa chambre.

 

6.         Pendant que la plaignante se sauvait, le Sergent MacDonald lui a crié qu’on allait la renvoyer à son unité, qu’elle allait perdre son grade et qu’elle était [traduction] « finie ». Une fois en haut dans sa chambre, elle a verrouillé la porte. Réalisant maintenant ce qui s’était passé, elle s’est mise à pleurer. La plaignante a tenté de trouver le cellulaire qu’on lui avait donné pour son travail, mais s’est rendu compte qu’il était en bas. Elle a attendu dans sa chambre pendant un instant et a ensuite entendu la porte du module se fermer. Elle a ouvert la porte et a descendu lentement, essayant de voir si le Sergent MacDonald était toujours là. Puisqu’il n’était pas là, elle a attrapé son cellulaire et a couru dans sa chambre où elle a appelé son capitaine‑adjudant. Le capitaine‑adjudant lui a dit d’appeler la PM pour rapporter ce qui s’était passé. Elle a ensuite appelé la PM immédiatement et a attendu dans sa chambre qu’elle arrive.

 

7.         La plaignante s’est sentie trahie par son superviseur, à qui elle pensait qu’elle pouvait faire confiance. Selon ses propres mots, elle a dit à l’enquêteur qu’avant le 30 juin 2009, elle lui faisait confiance au point de mettre sa vie entre ses mains. Dans le cadre de son travail, elle voulait être la meilleure cmdtA et avait énormément de respect pour lui. À un point tel qu’elle n’a jamais vu venir les événements du 30 juin 2009. La plaignante avait peur d’être jugée par ses pairs et par sa chaîne de commandement et de perdre sa bonne réputation.

 

8.         En plus des événements stressants du 30 juin 2009, la plaignante avait peur de ne pas être déployée auprès de l’EPR en Afghanistan. Finalement, la chaîne de commandement a pris la décision de retirer le Sergent MacDonald de l’entraînement pour le déploiement et de garder la plaignante au sein de l’équipe déployée. »

 

Voilà qui conclut les circonstances entourant l’infraction.

 

            J’ai également tenu compte des observations des avocats. Aussi, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes qu’auront les conclusions de la cour et la peine qu’elle infligera sur le Sergent MacDonald.

 

[7]               Je conviens avec la poursuite que la peine en l’espèce devrait viser principalement les objectifs de la dissuasion générale, de la dissuasion spécifique, de la réprobation de la conduite, et j’ajouterais de la réadaptation. En l’espèce, la cour doit statuer sur une infraction militaire précise, soit pour conduite déshonorante. Les détails accablants fournis dans l’exposé des circonstances démontrent clairement, vous savez, que cette conduite est déshonorante. L’infraction est liée à l’une des principales qualités que chaque membre des Forces canadiennes doit posséder, c’est‑à‑dire le respect de la dignité de toute personne. Le militaire qui ne respecte pas ses pairs commet une grave infraction pouvant avoir des répercussions sur la relation de confiance et d’honnêteté qui doit exister en tout temps entre les membres des forces armées dans l’exécution d’une tâche ou d’une mission. Cette situation est toutefois amplifiée et aggravée lorsqu’un superviseur se conduit d’une manière déshonorante envers un de ses subordonnés.

 

[8]               En l’espèce, la cour doit féliciter les avocats pour leur professionnalisme. Leur recommandation conjointe est l’une des plus remarquables et des plus rigoureuses que l’on m’a présentées depuis les dernières années. Non seulement les avocats ont présenté leur position d’une manière précise et complète, mais leurs observations étaient réfléchies et extrêmement utiles à la cour.

 

[9]               La cour endosse entièrement les observations des avocats. Comme il s’agit objectivement d’une infraction grave, les circonstances de la perpétration de l’infraction sont aggravantes, particulièrement puisque la victime était une subordonnée immédiate, avait beaucoup d’estime pour le contrevenant et le considérait comme un mentor. L’abus de confiance a également eu lieu alors que la victime était dans une position vulnérable puisqu’elle était endormie et intoxiquée. Enfin, la situation précise du contrevenant doit également aggraver la peine. Le Sergent MacDonald était un militaire du rang supérieur très expérimenté qui occupait les fonctions de commis‑chef.

 

[10]           Toutefois, les circonstances atténuantes sont également importantes. Premièrement, il est reconnu que l’aveu de culpabilité permet à la plaignante en l’espèce de ne pas avoir à témoigner de son expérience traumatisante en public. De plus, le contrevenant a avoué sa culpabilité dès le départ. Deuxièmement, l’un des principaux éléments atténuants en l’espèce est que le Sergent MacDonald s’est excusé publiquement ce matin. Il s’est excusé auprès de la plaignante, auprès de sa famille et auprès de sa chaîne de commandement au complet. Je dois souligner qu’au cours de ma longue expérience à titre de juge militaire, j’ai rarement vu un contrevenant faire une excuse si sincère, complète et qui vient du fond du cœur. Troisièmement, la preuve documentaire est également très importante. Que l’on examine les lettres de remerciements, les lettres concernant sa réputation ou les rapports d’appréciation du personnel, ils pointent tous dans la même direction : le Sergent MacDonald est un membre des FC remarquable ayant une carrière très impressionnante. Plus important encore, il était perçu comme un mentor exceptionnel et comme un chef qui se soucie du bien‑être de ses subordonnés. Les avocats des deux parties l’ont clairement indiqué d’emblée : le Sergent MacDonald est un bon citoyen et un excellent membre des FC qui a commis une erreur grave. Il ne faut pas se surprendre que les circonstances d’une telle erreur ou d’un tel manque de jugement soient exacerbées par le fait que les personnes impliquées avaient toutes consommé de l’alcool. Cet incident n’est pas seulement surprenant, compte tenu de la preuve soumise à la cour; il s’agit d’un égarement de la part d’une bonne personne qui n’avait aucun dossier avant aujourd’hui. Enfin, sa situation familiale stable et solidaire ainsi que sa situation financière doivent également servir à atténuer la sentence. Par conséquent, la cour n’a aucune raison de ne pas se fier au bon jugement des avocats présents à la cour aujourd’hui compte tenu de leur analyse complète de l’espèce.

 

[11]           Par conséquent, Sergent MacDonald, veuillez vous lever. La cour vous déclare coupable du deuxième chef d’accusation, confirme que l’instance à l’égard de la première accusation est suspendue et vous condamne à un blâme et à une amende de 4 500 $ payable en versements de 300 $ par mois sur une période de 15 mois à compter du 15 novembre 2010.


 

Avocats :

Lieutenant-Colonel M. Trudel, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette P. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Sergent D.G. MacDonald

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