Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 6 novembre 2007.
Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, 2e étage, Victoria (CB).
Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 6 : Art. 130 LDN, fraude (art. 380(1) C. cr.).
•Chefs d’accusation 2, 7 : Art. 130 LDN, un faux (art. 367 C. cr.).
•Chefs d’accusation 3, 8 : Art. 130 LDN, emploi d’un document contrefait (art. 368(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 5) : Art. 117b) LDN, a irrégulièrement accepté une rétribution pour l’accomplissement d’un devoir militaire.
•Chef d’accusation 5 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 4, 6, 8 : Non coupable. Chefs d’accusation 2, 5, 7 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Le Capitaine A.M. Cooper, 2007 CM 4029
Dossier : 200726
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
COLOMBIE-BRITANNIQUE
BASE DES FORCES CANADIENNES ESQUIMALT
Date: Le 6 novembre 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE CAPITAINE A.M. COOPER
(contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Capitaine Cooper, ayant accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité aux accusations nos 2, 5 et 7, la cour vous déclare maintenant coupable de ces accusations. Plus précisément, vous avez plaidé coupable à deux accusations de faux déposées en application de l’article 367 du Code criminel du Canada et de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale et à une accusation d’avoir commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline déposée en application de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.
[2] Le sommaire des circonstances, dont vous avez officiellement reconnu les faits en tant que preuve concluante de votre culpabilité, éclaire la cour quant au contexte dans lequel vous avez commis les infractions. Vous avez sciemment fait un faux document, à savoir une demande de bourse, à deux occasions en 2002 et en 2003, afin d’obtenir des bourses de l’Université de Western Ontario. Vous avez reçu la somme de 4 300 $ la première fois, mais non la bourse de 4 400 $ qui avait été approuvée à la deuxième occasion. Vous avez aussi reconnu avoir accepté un paiement contrairement à l’alinéa 29a de l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes 9‑63.
[3] Les principes de détermination de la peine, qui sont les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de juridiction criminelle au Canada, ont été énoncés de différentes manières. En général, ces principes s’appuient sur le besoin de protéger le public, lequel comprend évidemment les Forces canadiennes. Le principe fondamental est la dissuasion, qui comprend aussi bien l’effet dissuasif produit sur vous que l’effet dissuasif général produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre des infractions du même genre. Les principes comprennent également le principe de la dénonciation du comportement et, le dernier mais non le moindre, le principe de l’amendement et de la réadaptation du contrevenant.
[4] La cour doit déterminer si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, par la réadaptation, par la dénonciation ou par une combinaison de ces principes. L’infliction d’une peine a pour but de dénoncer le comportement illégal; de dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre des infractions; d’isoler, au besoin, le contrevenant du reste de la société; de favoriser la réinsertion sociale des contrevenants; d’assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; de susciter la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
[5] Lorsqu’elle inflige une peine, la cour doit suivre les directives de l’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux qui lui impose de tenir compte de toutes les conséquences indirectes de son verdict ou de la peine qu’elle prononce et d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant. Elle doit aussi tenir compte du fait que les peines infligées à des contrevenants qui commettent des infractions comparables dans des circonstances similaires ne doivent pas être disproportionnées.
[6] En outre, la cour doit infliger seulement la peine qui est nécessaire pour maintenir la discipline. Le but ultime de l’infliction d’une peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs de l’armée.
[7] La poursuite et votre avocat ont proposé conjointement un blâme et une amende de 2 000 $. La Cour d’appel de la cour martiale a affirmé clairement que le juge appelé à prononcer une peine ne peut rejeter la recommandation conjointe des avocats que si la peine proposée est de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou n’est pas dans l’intérêt public.
[8] La poursuite fait valoir que les principes de la dénonciation générale et de la dénonciation spécifique sont les plus importants en l’espèce. Votre avocat soutient que la dissuasion spécifique découle des graves conséquences financières et professionnelles des actes illégaux que vous avez commis. Votre avocat a souscrit à l’exposé des facteurs atténuants et des facteurs aggravants de la poursuite.
[9] Les montants en cause dans les accusations de faux sont importants. Vous avez commis plus d’une fois la même infraction au cours d’une période de deux ans. Bien que je ne dispose d’aucune preuve à ce sujet, vos actes ont probablement terni quelque peu la réputation des Forces canadiennes ou, à tout le moins, la réputation du service des soins dentaires aux yeux des responsables de l’Université de Western Ontario. Je ne considère pas que le fait que vous étiez un officier au moment de la perpétration des infractions est un facteur aggravant étant donné que vous n’étiez membre des Forces canadiennes que depuis quelques années et que vous aviez terminé seulement, si je comprends bien, votre cours élémentaire d’officier. Vous étiez donc toujours un étudiant au moment des infractions. Cela étant dit, j’espère que vous comprenez maintenant parfaitement votre rôle et vos responsabilités en tant qu’officier des Forces canadiennes. Votre devoir est d’assurer le bien‑être, l’efficacité et la discipline de tous vos subordonnés. Vous devez accomplir ce devoir en leur montrant l’exemple.
[10] Vous n’aviez jamais commis d’infraction auparavant. Votre plaidoyer de culpabilité et votre témoignage sont habituellement considérés comme une manifestation concrète de remords pour vos actes illégaux. Vos excuses semblent sincères et montrent que vous avez réellement des remords. Bien que l’on ne puisse pas dire que vous avez plaidé coupable dès le début de la procédure disciplinaire, vos plaidoyers de culpabilité ont allégé considérablement le fardeau de la poursuite.
[11] Vous avez remis toutes les sommes, plus des intérêts de 6 p. 100, à l’Université de Western Ontario. Je constate cependant que vous l’avez fait à la suite d’une audition tenue sous le régime du code de conduite des étudiants. Comme je l’ai dit dans l’affaire du Capitaine Thornton, on peut présumer que vous aviez intérêt à restituer ces sommes si vous vouliez obtenir votre diplôme de l’école de médecine dentaire de l’Université ou d’une autre école semblable. Quoi qu’il en soit, vous avez restitué les sommes et cela doit constituer un facteur atténuant. Je répète cependant que j’accorde à ce facteur moins d’importance que si la restitution avait été faite par un contrevenant qui n’y était pas pratiquement forcé ou qui ne l’aurait pas fait dans son propre intérêt.
[12] Je ne m’étendrai pas sur la question de la période de temps qui s’est écoulée avant l’instruction de la présente affaire étant donné que la poursuite et votre avocat ne m’ont présenté aucune preuve à ce sujet, ni n’ont essayé d’y accorder une grande importance. Aussi, je me contenterai de dire qu’il s’agit d’un facteur atténuant, auquel cependant on ne peut accorder que peu d’importance dans les circonstances.
[13] Je comprends que vous avez subi des conséquences professionnelles et financières directes à cause des infractions pour lesquelles la cour doit maintenant vous infliger une peine. Ces conséquences auront probablement un effet dissuasif sur les personnes qui les connaîtront. Comme je l’ai dit dans l’affaire du Capitaine Thornton, je ne crois pas cependant qu’elles peuvent remplacer l’effet dissuasif qu’une instance disciplinaire et la sentence qui en résulte ont sur le contrevenant et sur l’armée, ou avoir un effet dissuasif plus important.
[14] J’ai examiné les pièces 7, 8 et 9. Ces documents ‑ un rapport d’appréciation du rendement, un rapport de notations du personnel et une lettre d’appréciation ‑ décrivent de manière très positive votre rendement et vos perspectives de carrière au sein des Forces canadiennes.
[15] Capitaine Cooper, veuillez vous lever. La fabrication de faux et la commission d’un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline sont des infractions graves. La première est passible d’un emprisonnement maximal de 10 ans aux termes du Code criminel. Vous avez pris des décisions très peu judicieuses lorsque vous étudiiez à l’Université de Western Ontario. Vous n’avez pas expliqué les motifs de ces décisions et n’avez pas essayé de trouver des excuses pour les justifier. J’espère que l’on peut considérer que ces décisions ne concordent pas avec votre comportement habituel et que vous avez appris de ces erreurs.
[16] Après avoir examiné la jurisprudence présentée par votre avocat ainsi que l’ensemble de la preuve, je souscris à la recommandation conjointe de la poursuite et de votre avocat.
[17] Capitaine Cooper, je vous condamne à un blâme et à une amende de 2 000 $. L’amende est payable immédiatement. Vous pouvez sortir, Capitaine Cooper. L’instance de la présente cour martiale concernant le Capitaine Cooper est terminée.
Lieutenant-colonel J.-G. Perron, J.M.
Avocats :
Le Major B.J.A. McMahon, Poursuites militaires régionales (Centre)
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Lieutenant de vaisseau J.D.M. McKee, JAGA CEM
Co‑procureur de Sa Majesté la Reine
Le Capitaine de corvette J.M. McMunagle, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Capitaine Cooper