Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 505 - Appel rejeté

Date de l’ouverture du procès : 26 juin 2007.

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, méfait public (art. 140 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chefs d’accusation 3, 4 : Art. 114 LDN, vol.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 4 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Une suspension d’instance.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2500$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Maître de 1re classe A.E. Libby, 2007 CM 4024       

 

Dossier : 2006105     

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA                                                                             

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

NAVIRE CANADIEN DE SA MAJESTÉ HALIFAX

 

 

Date : 30 juin 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G. PERRON, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.                    

MAÎTRE DE 1RE CLASSE A.E. LIBBY

(Accusé)

 

 

VERDICT

(Rendu de vive voix)            

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    Le maître de 1re classe Libby C69 532 249 est accusé davoir commis quatre infractions. Le maître de 1re classe Libby fait toujours lobjet dune accusation aux termes de larticle 130 de la Loi sur la défense nationale pour avoir commis un méfait public, en contravention de larticle 140 du Code criminel du Canada; dune accusation aux termes de larticle 129 de la Loi sur la défense nationale pour avoir menti à un policier militaire; et de deux accusations aux termes de larticle 114 de la Loi sur la défense nationale pour avoir volé de lessence aux Forces canadiennes.

 

[2]                                         La poursuite soutient que la preuve présentée à la cour prouve hors de tout doute raisonnable chaque élément des infractions présumées. La poursuite prétend que le maître de 1re classe Libby a commis les infractions présumées en utilisant, pour son usage personnel, une carte pour lessence appartenant au ministère de la Défense nationale. La poursuite soutient aussi que laccusé aurait menti à un policier militaire à propos de son identité afin que son manège ne soit pas découvert. Laccusé fait valoir que la preuve présentée à la cour na pas permis de prouver hors de tout doute raisonnable quil est bel et bien lauteur de toutes ces infractions.


[3]                                         La preuve produite devant la présente cour martiale est formée essentiellement déléments dont la cour a pris judiciairement connaissance, de témoignages et de pièces. La cour a pris judiciairement connaissance des éléments énumérés à larticle 15 des Règles militaires de la preuve. La cour a entendu, dans lordre, les témoignages de lélève-officier Gaudet, du matelot-chef St. Cœur; du premier maître de 2e classe Birks; du premier maître de 1re classe Wood; de M. Miles; et des commissionnaires House, Stewart et Keddy. Dix pièces ont été produites en preuve par la poursuite, sur consentement, et une pièce a été déposée en preuve par lavocat de la défense, sur consentement.

 

[4]                                         Avant que la cour ne procède à lanalyse juridique des accusations, il convient de traiter de la présomption dinnocence et de la preuve hors de tout doute raisonnable, une norme de preuve qui est inextricablement liée aux principes fondamentaux applicables à tous les procès criminels. Ces principes sont bien connus des avocats, mais peut-être pas des autres personnes qui se trouvent dans cette salle daudience. Il est juste de dire que la présomption dinnocence est le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption dinnocence. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire comme dans celles qui relèvent du droit pénal, toute personne accusée dune infraction criminelle est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve pas sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un accusé na pas à prouver quil est innocent. Cest à la poursuite quil incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de linfraction. Un accusé est présumé innocent tout au long de son procès, et ce, jusquà ce quun verdict soit rendu par le juge des faits.

 

[5]                                         La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne sapplique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentée par la poursuite, mais plutôt à lensemble de la preuve sur laquelle cette dernière sappuie pour établir la culpabilité de laccusé. Le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité dun accusé incombe à la poursuite, jamais à laccusé. Un tribunal doit déclarer un accusé non coupable sil a un doute raisonnable quant à sa culpabilité après avoir considéré lensemble de la preuve.

 


[6]                                         Lexpression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques. Dans larrêt R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives pour le doute raisonnable. Les principes décrits dans cet arrêt ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des cours dappel. Essentiellement, un doute raisonnable nest pas un doute farfelu ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il repose sur la raison et le bon sens. Cest un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal mais également sur ce quelle ne lui révèle pas. Le fait quune personne ait été accusée nest absolument pas une indication quelle est coupable.

 

[7]                                         Dans larrêt R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a statué que :

 

[...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer quelle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. [...].

 

Par contre, il faut se rappeler quil est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. La poursuite na pas à le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui nexiste pas en droit. La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de laccusé, en lespèce le maître de 1re classe Libby, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue, ou si elle lavait été, que laccusé est probablement ou vraisemblablement coupable, alors laccusé serait acquitté car la preuve dune culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[8]                                         Quentend-on par preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles de personnes appelées à témoigner sur ce quelles ont vu ou fait. Elle peut consister en documents, en photographies, en cartes ou en dautres éléments de preuve matérielle présentés par les témoins, en témoignages dexperts, en aveux judiciaires quant aux faits par la poursuite ou la défense ou en des éléments dont la cour prend judiciairement connaissance.

 


[9]                                         Il nest pas rare que des éléments de preuve présentés à la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents dun fait. La cour doit déterminer quels éléments de preuve sont crédibles. La crédibilité nest pas synonyme de dire la vérité et labsence de crédibilité nest pas synonyme de mentir. De nombreux facteurs doivent être pris en compte dans lévaluation que la cour fait de la crédibilité dun témoin. Par exemple, la cour évaluera la possibilité qua eue le témoin dobserver, les raisons dun témoin de se souvenir et lexistence éventuelle dun élément précis qui ait aidé le témoin à se souvenir des détails de lévénement quil a décrit. Elle se demandera, par exemple, si les faits valaient la peine dêtre notés, sils étaient inhabituels et frappants, ou relativement sans importance et, par conséquent, à juste titre plus faciles à oublier. Le témoin a-t-il un intérêt dans lissue du procès; en dautres termes, a-t-il une raison de favoriser la poursuite ou la défense, ou est-il impartial? Ce dernier facteur sapplique dune manière quelque peu différente à laccusé. Bien quil soit raisonnable de présumer que laccusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption dinnocence ne permet pas de conclure que laccusé mentira lorsquil décide de témoigner. Un autre élément dans la détermination de la crédibilité dun témoin est son apparente capacité à se souvenir. Lattitude du témoin quand il témoigne est un facteur dont on peut se servir pour évaluer sa crédibilité : le témoin était-il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumentait-il sans cesse? Enfin, son témoignage était-il cohérent en lui-même et compatible avec les faits qui nont pas été contestés? De légères contradictions peuvent se produire, et cela arrive en toute innocence; elles ne signifient pas nécessairement que le témoignage devrait être écarté. Cependant, il en est autrement dans le cas dun mensonge délibéré. Cela est toujours grave et peut vicier le témoignage en tout ou en partie. La cour nest pas tenue daccepter le témoignage dune personne à moins que celui-ci ne lui paraisse crédible. Cependant, elle jugera un témoignage digne de foi à moins davoir une raison de ne pas le croire.

 

[10]                                     Laccusé na présenté aucun élément de preuve en lespèce. Par conséquent, la cour doit centrer son attention sur le troisième élément du critère énoncé dans larrêt R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742. Dans cet arrêt, la Cour suprême a établi le critère suivant :

 

Premièrement, si vous croyez la déposition de l'accusé,  manifestement vous devez prononcer l'acquittement.

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l'acquittement.

Troisièmement, même si n'avez pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l'accusé.

 


[11]                                     Ayant procédé à cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de preuve, jexaminerai maintenant les questions en litige en lespèce. Tout dabord, jaborderai la question des trois chefs daccusation afférents aux événements présumés du 17 février 2006. Dans le cadre de son interrogatoire principal, lélève-officier Gaudet a déclaré sêtre rendu à Willow Park vers 17 h, le 17 février 2006, pour remplir le réservoir dessence de sa voiture de police militaire, parce quil finissait son quart de travail. À ce moment-là, il était de service et portait sa tenue de patrouille opérationnelle, savoir des pantalons noirs, une chemise noire et un gilet pare-balles. Il conduisait un véhicule dinterception policière Ford Crown Victoria portant linscription « police militaire » et des gyrophares. En arrivant aux pompes à essence, il a remarqué un véhicule civil qui était à côté de la pompe numéro trois; il sest donc stationné à côté de la pompe numéro deux. Selon sa propre description, les pompes à essence se trouvent sur un îlot en ciment, qui est surélevé à un pied du sol. Daprès ce quil a pu constater, la pompe numéro trois se trouve du côté gauche de la pompe et la pompe numéro deux du côté droit de la pompe. Il pensait que la pompe numéro un était une pompe pour le diesel. Lélève-officier Gaudet a déclaré quil était fréquent, et non inhabituel, que des véhicules civils se trouvent aux pompes à essence. Il croyait connaître la personne dont le véhicule était stationné à la pompe numéro trois; il a donc commencé à lui parler. Cette personne avait de la difficulté à activer la pompe avec sa carte pour lessence, et lélève-officier Gaudet a cherché à laider. Ils ont chacun mis de lessence dans leur voiture en même temps. Lélève-officier Gaudet a déclaré quils ont parlé ensemble pendant trois à cinq minutes environ et quils se tenaient à une distance de quelque quatre ou cinq pieds lun de lautre. Il a déclaré que cette personne parlait beaucoup, était exagérément polie et semblait nerveuse. Bien que cette personne ait déclaré à lélève-officier quelle était le commandant du NCSM KINGSTON et que lélève-officier Gaudet avait travaillé pour elle sur un dossier de vol décran, lorsque lélève-officier Gaudet lui a censément demandé où ils sétaient déjà rencontrés, lélève-officier Gaudet na pas réagi à cette information à ce moment-là. Ils ont tous deux fini de mettre de lessence dans leur voiture presque en même temps.

 

[12]                                     Lélève-officier Gaudet a déclaré que la personne conduisait un véhicule Ford Ranger de couleur rouge. Lélève-officier Gaudet la ensuite vu quitter la station-service pour partir vers le nord. Il a déclaré dans son témoignage quil avait trouvé cela étrange, parce que la sortie était située au sud de la station-service. Lélève-officier Gaudet a alors stationné son véhicule à la sortie et a attendu que la personne sorte de Willow Park. Lorsque la personne est sortie de Willow Park au volant de sa voiture, lélève-officier Gaudet  a noté le numéro de la plaque dimmatriculation. Le véhicule était immatriculé en Nouvelle-Écosse, sous le numéro CAE 691. Une fois que la personne a eu quitté Willow Park, lélève-officier Gaudet est retourné à la pompe numéro trois pour prendre en note la quantité dessence que la personne avait mise dans sa voiture, soit 37,35 litres.

 

[13]                                     Lélève-officier Gaudet est ensuite retourné à la section de la police militaire à Windsor Park pour chercher à savoir qui était le commandant du NCSM KINGSTON en appelant le téléphoniste de la base. Il a déclaré avoir obtenu des renseignements peu fiables de la part du téléphoniste de la base. Il a ensuite fait appel au personnel du Centre d'information de la police canadienne (CIPC) pour obtenir lidentité du propriétaire du véhicule immatriculé en Nouvelle-Écosse, sous le numéro CAE 691. Selon les renseignements obtenus du CIPC, le véhicule était immatriculé au nom de M. Andrew Libby. Lélève-officier Gaudet aurait ensuite fait une recherche dans le logiciel de courriel Outlook du ministère de la Défense nationale pour déterminer si M. Libby travaillait dans la région dHalifax. La recherche a permis détablir quun certain Andrew Libby était maître de 1re classe sur le NCSM HALIFAX. Lélève-officier Gaudet a ensuite déclaré que cest à ce moment précis de son enquête, lorsquil a lu le nom de la personne en question, quil a réalisé quil avait déjà travaillé avec le maître de 1re classe Libby. Dans son témoignage, il a déclaré quen 1997, après avoir suivi un entraînement de recrue à Saint-Jean, il avait été affecté à Halifax, en attendant de suivre un autre entraînement, et quil avait travaillé à Cape Scott sous la supervision du maître de 1re classe Libby, qui était alors matelot-chef.

 


[14]                                     Le lendemain, lélève-officier Gaudet a communiqué avec le NCSM HALIFAX pour confirmer que le maître de 1re classe Libby faisait bien partie de cette unité et pour vérifier sil manquait une carte pour lessence. On lui a dit que toutes les cartes pour lessence du NCSM HALIFAX étaient bien comptabilisées. Lélève-officier Gaudet a déclaré quil enquêtait sur la raison pour laquelle le maître de 1re classe Libby avait fait le plein de son véhicule personnel à Willow Park, car il semblait inexplicable que le maître de 1re classe Libby se serve en essence pour sa voiture personnelle avec une carte pour lessence appartenant au ministère de la Défense nationale. Lélève-officier Gaudet  a pris des dispositions pour rencontrer le maître de 1re classe Libby à Windsor Park, le 20 février 2006, afin que ce dernier puisse sidentifier de manière appropriée et faire une déclaration. Le 20 février, le répartiteur a informé lélève-officier Gaudet quune personne lattendait dans le hall dentrée de la section de la police militaire. Dans son témoignage, lélève-officier Gaudet a déclaré avoir observé la personne avec attention à travers le vitrail de la porte menant au hall dentrée et avoir reconnu que cette personne était celle quil avait vue à Willow Park le 17 février 2006. Dans son témoignage, lélève-officier Gaudet a déclaré avoir reconnu que cétait cette personne parce quil avait déjà travaillé avec elle par le passé et quelle avait les mêmes caractéristiques physiques, cest-à-dire grande, avec une moustache, de carrure mince, athlétique, tout comme la personne rencontrée le 17 février 2006.                                                                              

 

Premier chef daccusation : méfait public

 

[15]                                     La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de cette infraction, plus précisément :

 

Le fait que laccusé est lauteur de linfraction et la date et le lieu des infractions qui sont allégués dans lacte daccusation.

 

Le fait que laccusé ait déclaré au caporal Gaudet A82 591 616 quil était le commandant du NCSM KINGSTON.

 

Le fait que laccusé ait voulu induire en erreur le caporal Gaudet.

 

Le fait que le caporal Gaudet était un agent de la paix.            

 

Le fait que laccusé ait fait cette déclaration pour détourner les soupçons de lui-même.

 


[16]                                     Jappliquerai maintenant le critère énoncé dans larrêt R. c. W.(D.), cité plus haut. Plus précisément, la première chose que je dois me demander, en me fondant sur les éléments de la preuve que jaccepte en fait, consiste à savoir si je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que laccusé est lauteur de linfraction. Les éléments de preuve présentés par lélève-officier Gaudet, pour ce qui est des événements survenus entre le 17 et le 20 février 2006, ne sont pas contestés et ne sont pas non plus contredits par laccusé. Comme il a été précisé dans son contre-interrogatoire, les inscriptions enregistrées par lélève-officier Gaudet dans le Système dinformation - Sécurité et police militaire (SISEPM) au cours de la fin de semaine du 18 et du 19 février 2006 ont la teneur suivante :

 

Une personne que lélève-officier Gaudet croyait reconnaître a essayé dutiliser la pompe numéro trois pour mettre de lessence dans une Ford Ranger rouge, mais elle avait eu quelques problèmes avec la pompe.

 

Lélève-officier Gaudet a engagé la conversation avec cette personne et lui a demandé où ils sétaient déjà rencontrés.

 

La personne en question lui a répondu quelle était le commandant du NCSM KINGSTON.

 

La personne en question semblait un peu nerveuse et était exagérément polie.

 

Plus tard, au cours du contre-interrogatoire, lavocat de la défense a semblé citer des parties de la rencontre enregistrée sur bande, qui avait eu lieu au poste de la police militaire, le 20 février 2006, entre lélève-officier Gaudet et le maître de 1re classe Libby lorsquil avait demandé à lélève-officier Gaudet de confirmer avoir dit au maître de 1re classe Libby quil lavait déjà vu avant et que le maître de 1re classe Libby lui aurait répondu quelque chose, ce à quoi lélève-officier Gaudet aurait répliqué : [TRADUCTION] « Cest sans doute vrai, jai tellement rencontré de gens dans ma vie, cest votre cas aussi, jen suis sûr. »

 


Bien que lélève-officier Gaudet ne se soit pas souvenu davoir dit exactement cela, il a reconnu avoir pu le dire. Bien que lavocat de la défense ait soutenu que, si le fait que lélève-officier Gaudet connaissait le maître de 1re classe Libby ne se trouve pas dans ses notes ou dans ses inscriptions enregistrées dans le SISEPM, cest que cela a été déclaré pour la première fois devant la cour, je constate que lavocat de la défense na pas mis en doute la déclaration de lélève-officier Gaudet sur ce point au cours de son contre-interrogatoire.

 

Lavocat de la défense a également cité une partie de linscription enregistrée dans le SISEPM en ce qui concerne lentrevue, plus précisément : [TRADUCTION] « Il ne fait aucun doute, pour le caporal Gaudet, que cest bien la même personne quil avait vue en train de mettre de lessence dans la Ford Ranger rouge. » Bien quil nait pu se souvenir des mots exacts employés, lélève-officier Gaudet a répondu que cétait une déclaration correcte.

 

[17]                                     Cet élément de preuve, présenté par lélève-officier Gaudet au cours de son interrogatoire principal et de son contre-interrogatoire, permet détablir avec certitude que celui-ci connaissait laccusé avant de le voir le 17 février 2006. En effet, il aurait côtoyé laccusé pendant une période allant de quelques jours à deux semaines en 1997 et avait dit quil était alors matelot-chef. Lélève-officier avait observé la personne pendant environ deux à cinq minutes au moment où elle se trouvait à la station-service de Willow Park, vers 17 h, le 17 février 2006. Il ny avait aucun élément de preuve sur la luminosité ou la visibilité au moment de cette rencontre. Il ny avait aucun élément de preuve de quoi que ce soit qui aurait obstrué la vue que lélève-officier Gaudet avait sur laccusé au cours de cette rencontre. Lélève-officier Gaudet se trouvait alors à quelque quatre à cinq pieds de laccusé, ce qui correspond bien à la distance entre deux personnes qui mettent de lessence dans leur véhicule en même temps, dun côté et de lautre dune même pompe à essence. Il ny a eu aucun élément de preuve selon lequel lattention de lélève-officier Gaudet aurait été détournée de la personne en cause, au cours de cette rencontre du 17 février 2006; au contraire, il était en conversation avec cette personne et cherchait à établir pourquoi il croyait la connaître. Il avait cherché à aider cette personne à se servir de la pompe à essence. Du fait de linformation quil avait reçue, précisément que la personne était le commandant du NCSM KINGSTON et que lélève-officier Gaudet avait travaillé pour elle sur un dossier de vol décran, lélève-officier Gaudet avait commencé à se poser des questions sur lidentité de ce prétendu commandant du NCSM KINGSTON. La réaction initiale quil a eue à la déclaration de laccusé quant à son identité et le fait que ce dernier soit parti en direction opposée à la barrière ont conduit lélève-officier Gaudet à aller à la barrière pour voir quand laccusé quitterait Willow Park et pour noter le numéro de la plaque dimmatriculation du véhicule quil conduisait.

 


[18]                                     La pièce 12 est le registre du contrôle daccès de la BFC Halifax pour Willow Park, relativement au vendredi 17 février 2006. Elle ne contient aucune inscription quant à lentrée à Willow Park ou à la sortie de Willow Park dun véhicule civil avec une plaque dimmatriculation CAE 691 à cette date. Le commissionnaire Stewart a déclaré que les membres des Forces canadiennes et des employés du ministère de la Défense nationale qui entrent à Willow Park pendant la semaine et pendant les heures de travail nétaient pas inscrits au registre et que tous les véhicules nétaient inscrits au registre que pour la période en dehors des heures de travail. La pièce 12 précise que la période en dehors des heures de travail a commencé à 17 h, le 17 février 2006. Cette omission ne soulève pas de doute, et je veux dire par omission labsence dinscription pour la plaque dimmatriculation CAE 691, quant au fait que lélève-officier Gaudet a effectivement noté le numéro de plaque dimmatriculation CAE 691 du véhicule conduit par laccusé à Willow Park, le 17 février 2006. Il est raisonnable de déduire, à partir du témoignage de lélève-officier Gaudet, que le maître de 1re classe Libby est entré à Willow Park avant 17 h ce jour-là et que, de ce fait, son véhicule navait pas été inscrit au registre par le commissionnaire.

 

[19]                                     Les actes de lélève-officier Gaudet au cours de la fin de semaine du 18 et du 19 février, ainsi que sa conversation avec laccusé, le 20 février 2006, concordent avec les impressions quil a eues à la suite de sa rencontre initiale avec la personne inconnue, le 17 février 2006. Quand il a vu la personne assise dans le hall dentrée, lélève-officier Gaudet a pu affirmer quil sagissait de la personne quil avait rencontrée le 17 février 2006. Cet avis a été clairement exprimé dans linscription enregistrée dans le SISEPM le 20 février 2006. Bien que lexplication exacte de leur rencontre antérieure semble avoir été donnée pour la première fois dans cette salle daudience, linscription enregistrée dans le SISEPM, ainsi que les deux conversations de lélève-officier avec laccusé, le 17 et le 20 février 2006, montrent clairement que lélève-officier Gaudet avait rencontré laccusé avant le 17 février 2006. Il aurait certes été préférable que lélève-officier Gaudet inscrive dans son bloc-notes ou enregistre dans le SISEPM des renseignements plus étoffés sur les caractéristiques physiques de la personne quil avait rencontrée le 17 février 2006; la cour estime toutefois que les éléments de preuve présentés par lélève-officier Gaudet concordent et ne sont pas contestés. Ses explications sont tout à fait plausibles, compte tenu des événements survenus entre le 17 et le 20 février 2006 et de sa relation de travail antérieure avec laccusé. La cour est convaincue hors de tout doute raisonnable que lélève-officier Gaudet a effectivement vu laccusé utiliser la pompe numéro trois vers 17 h 03, le 17 février 2006.

 


[20]                                     Il ressort aussi clairement du témoignage de M. Miles que Willow Park fait partie de la BFC Halifax et est situé à Halifax (Nouvelle-Écosse). Il est également manifeste, daprès les éléments de preuve non contestés présentés par lélève-officier Gaudet, que ce dernier a ouvert une enquête le 17 février 2006, parce quil doutait de la véracité des déclarations faites par le maître de 1re classe Libby. Ce que le maître de 1re classe Libby a déclaré à propos de son identité, soit quil était le commandant du NCSM KINGSTON, ainsi que la réponse quil a donnée à lélève-officier Gaudet, soit que lélève-officier Gaudet avait déjà travaillé pour lui dans le cadre dun dossier de vol décran, ont semé le doute dans lesprit de lélève-officier Gaudet à propos de cette personne et il a alors commencé son enquête sur cette situation douteuse.

 

[21]                                     Il ne fait aucun doute que le maître de 1re classe Libby pouvait savoir que lélève-officier Gaudet était un policier militaire du fait que ce dernier portait la tenue de patrouille habituelle et conduisait une voiture de police militaire clairement identifiée comme telle. Lélève-officier Gaudet a déclaré dans son témoignage quil est un policier militaire qualifié et quil est titulaire des diplômes exigés. Au moment où linfraction a été commise, il occupait le poste de patrouilleur à la section de la police militaire de la Formation. Il a donc été établi que lélève-officier Gaudet est un agent de la paix de par lapplication de larticle 2 du Code criminel , selon la définition d’« agent de la paix » à lalinéa g), et de larticle 156 de la Loi sur la défense nationale. Le maître de 1re classe Libby na pas été honnête avec lélève-officier Gaudet lorsquil lui a fourni des renseignements erronés sur son identité. Il ressort clairement du témoignage du premier maître de 1re classe Wood que le maître de 1re classe Libby était membre de léquipage du NCSM HALIFAX au moment où linfraction a été commise. Il na pas été honnête parce quil se servait dune carte pour lessence du ministère de la Défense nationale pour remplir son véhicule personnel avec de lessence appartenant aux Forces canadiennes.

 

[22]                                     Daprès les témoignages du matelot-chef St. Cœur et du premier maître de 2e classe Birks, il y aurait eu, au début de février 2005, une déclaration de perte de la carte pour lessence délivrée pour le NCSM SUMMERSIDE. Les éléments de preuve présentés par M. Miles montrent que la carte pour lessence 1080 avait été délivrée au NCSM SUMMERSIDE en 1999. La pièce 5 précise que la carte pour lessence 1080 avait servi à la pompe numéro trois vers 17 h 03, le 17 février 2006, et que 37,35 litres dessence sans plomb avaient été pompés. Selon les éléments de preuve présentés par lélève-officier Gaudet, 37,35 litres dessence avaient été pompés à la pompe numéro trois par le maître de 1re classe Libby, le 17 février 2006, vers 17 h 03. Ce nombre de litres exactement avait été noté par lélève-officier dans son bloc-notes, à 17 h 09, le 17 février 2006. Selon les témoignages de M. Miles et du premier maître de 2e classe Birks, ces cartes pour lessence servent aux unités pour faire le plein des véhicules des Forces canadiennes ou des véhicules loués par les Forces canadiennes. Il ressort de ces éléments de preuve que le maître de 1re classe Libby savait, ou aurait dû savoir, quil ne pouvait pas utiliser cette carte pour son propre usage. La cour estime quelle peut raisonnablement présumer, à partir de la preuve quelle a acceptée, que le maître de 1re classe Libby a fourni des renseignements erronés à lélève-officier Gaudet afin de lui faire croire quil était autorisé à se servir dune carte pour lessence délivrée par le ministère de la Défense nationale et quil a ainsi cherché à détourner les soupçons de lui.

 


Deuxième chef daccusation : conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline

 

[23]                                     La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de cette infraction, plus précisément :

                                                                      

Le fait que laccusé est lauteur de linfraction et la date et le lieu des infractions qui sont allégués dans lacte daccusation.

 

Le fait que laccusé ait déclaré à un policier militaire être le commandant du NCSM KINGSTON.

 

Le fait que laccusé savait quil faisait une fausse déclaration.

 

Le fait que laccusé ait délibérément fait cette déclaration.

 

Latteinte portée au bon ordre et à la discipline découlant de ce comportement.

 

[24]                                     Pour les motifs exposés dans le cadre du premier chef daccusation, je conclus que lidentité de laccusé et la date et le lieu des infractions ont été prouvés hors de tout doute raisonnable.

 

[25]                                     Lélève-officier Gaudet a, dans son témoignage, déclaré que la personne à qui il avait parlé à la station-service de Willow Park, le 17 février 2006, et quil avait identifiée comme étant le maître de 1re classe Libby le 20 février 2006, sétait présentée comme étant le commandant du NCSM KINGSTON. Cet élément de preuve na pas été contesté par lavocat de la défense. Il a été confirmé au cours du contre-interrogatoire de lélève-officier Gaudet, lorsque lavocat de la défense a lu des parties des inscriptions enregistrées dans le SISEPM par lélève-officier Gaudet, le18 ou le 19 février 2006. Comme il a déjà été mentionné dans le cadre du premier chef daccusation, il a été prouvé que le maître de 1re classe Libby pouvait facilement savoir que lélève-officier Gaudet était un policier militaire. Cet élément de preuve prouve hors de tout doute raisonnable que le maître de 1re classe Libby avait effectivement déclaré à un policier militaire quil était le commandant du NCSM KINGSTON.

 


[26]                                     Dans son témoignage, le premier maître de 1re classe Wood a identifié le maître de 1re classe Libby comme étant maître de 1re classe et un membre de léquipage du NCSM HALIFAX, ce qui prouve hors de tout doute raisonnable que le maître de 1re classe Libby savait quil faisait une fausse déclaration. Est-ce que le maître de 1re classe Libby a délibérément fait cette déclaration? Il faut examiner les paroles et les actes du maître de 1re classe Libby au moment où linfraction présumée a été commise pour déterminer quelle était alors son intention. Le maître de 1re classe Libby a eu une conversation qui pourrait être qualifiée de sociale avec lélève-officier Gaudet le 17 février 2006, il essayait alors dutiliser une carte pour lessence appartenant au ministère de la Défense nationale pour mettre de lessence dans sa voiture personnelle. La preuve montre clairement quil a effectivement fait cette déclaration de façon délibérée.

 

[27]                                     Enfin, est-ce que le fait davoir déclaré à un policier militaire quil était le commandant du NCSM KINGSTON, tout en sachant que cétait faux, constitue une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline? Le premier maître de 1re classe Wood est le capitaine darmes du NCSM HALIFAX et, à ce titre, lune de ses principales responsabilités consiste à veiller au bien-être de léquipage et à la discipline sur le navire. Il a déclaré que la police militaire avait un rôle à jouer dans le maintien de la discipline lorsque léquipage nest plus à bord du navire. Il a convenu que le fait de donner de faux renseignements à un policier militaire aurait un effet préjudiciable sur la capacité de la police militaire de laider à maintenir la discipline. Il croyait aussi que les gens seraient surpris si un tel incident se produisait, car cela nétait pas fréquent.

 

[28]                                     Le premier maître de 1re classe Wood a aussi déclaré dans son témoignage quun maître de 1re classe devait être honnête, fiable et intègre pour être un chef efficace et quil devait conseiller ses subalternes dans les aptitudes au leadership. Les subalternes qui sont membres de léquipage du navire ont du respect pour ce grade et sattendent à ce que le titulaire soit honnête et fiable. Le premier maître de 1re classe Wood a expliquer que le fait de mentir à un policier militaire pouvait constituer un manquement aux attentes et avoir une incidence néfaste sur la discipline de ces subalternes. Il a ajouté que, si le militaire du rang le plus ancien dans le grade le plus élevé mentait à un policier militaire, cela naurait certainement pas un effet favorable. Il a aussi dit que cette conduite pourrait avoir une incidence néfaste sur la discipline et le moral de ses subalternes directs. Le premier maître de 1re classe Wood a aussi expliqué, dans son témoignage, que les infractions présumées en cause nétaient pas connues à bord du navire du fait quil avait bien pris soin de garder le secret. Le premier maître de 1re classe Wood a attesté bien connaître laccusé depuis 2001. Par conséquent, il semblerait que les événements à lorigine de ces chefs daccusation ne soient pas encore connus de léquipage du NCSM HALIFAX, ce qui est conforme à la présomption dinnocence tant que la culpabilité nest pas établie. Léquipage sera tôt ou tard au courant de ces événements. Les allégations restent des allégations tant quun tribunal na pas jugé quelles ont été prouvées hors de tout doute raisonnable.

 


[29]                                     Le juge Ewaschuk, dans larrêt R. c. Latouche (2000) 147 C.C.C. (3d) 420 CACM, a qualifié linfraction de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline de la façon suivante :

[TRADUCTION]

... « crime lié au résultat », dans la mesure où la conduite en cause de laccusé doit être préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[30]                                     Dans larrêt R. c. Jones (2002) CACM 11, la Cour dappel de la cour martiale déclare que, si elle comprend bien, le juge Ewaschuk affirme que :

 

pour que soit établie une infraction au paragraphe 129(1), la preuve doit être établie quil y a eu préjudice au bon ordre et à la discipline puisque le paragraphe interdit tout « comportement » préjudiciable.

 

[...]

 

[7] La preuve du préjudice peut [...] être déduite des circonstances si la preuve montre clairement quun préjudice sest produit comme conséquence naturelle dun fait prouvé. [...] la norme de preuve est celle de la preuve au-delà de tout doute raisonnable.

 

[31]                                     Comme la constaté le colonel Carter dans la décision  R. c. Le Capitaine McKöena de la cour martiale permanente :

 

Les Ordonnances et règlements royaux ne définissant pas la conduite préjudiciable ...

 

Les Ordonnances et règlements royaux nous demandent de nous reporter au Concise Oxford Dictionary dans ces cas-là. Jadopterai aussi la définition suivante pour ce qui est du terme « préjudice » :

 

[TRADUCTION] tort ou préjudice qui résulte ou peut (« may ») résulter dun acte ou dun jugement.

 


[32]                                     Le premier maître de 1re classe Wood semblait très fier lorsquil a déclaré que le degré de bon ordre et de discipline était exceptionnel au sein de léquipage du NCSM HALIFAX. Il a précisé que les premiers maîtres et les maîtres travaillaient en collaboration pour favoriser un excellent moral et une bonne discipline à bord du navire. Comme cest le cas dans toutes les équipes, la conduite dune seule personne pourrait nuire aux efforts que font les membres de léquipage du navire pour promouvoir le bien-être, ainsi que le bon ordre et la discipline. Le maître de 1re classe Libby fait partie de cette équipe. Bien que sa conduite personnelle du 17 février 2006, qui fait lobjet de la décision rendue par la présente cour martiale, ne soit pas encore connue de léquipage du navire, elle le sera une fois que la présente cour martiale aura rendu son verdict.

 

[33]                                     La présente cour a conclu que le maître de 1re classe Libby avait menti à un policier militaire lorsquil sétait présenté comme étant le commandant du NCSM KINGSTON. Léquipage du NCSM HALIFAX, ainsi que les autres membres des Forces canadiennes, seront au courant de ce fait sous peu. Le premier maître de 1re classe Wood a déclaré que le fait de mentir à un policier militaire pouvait constituer un manquement aux attentes élevées que les subalternes ont des militaires du rang les plus anciens dans le grade le plus élevé (et je devrais également préciser des sous-officiers supérieurs), ce qui risquerait davoir une incidence néfaste sur la discipline de ces subalternes. Il a ajouté quune telle conduite pourrait avoir une incidence néfaste sur la discipline et le moral de ses subalternes directs.

 

[34]                                     La conduite du maître de 1re classe Libby ne peut pas avoir eu dincidence sur la discipline qui règne au sein de léquipage du navire puisque léquipage nen est pas informé à ce stade. La question quil faut se poser est de savoir si la conduite sera préjudiciable au bon ordre et à la discipline de léquipage du navire lorsquil en sera informé. Dans un cas comme lespèce, il ny a pas de préjudice à lheure actuelle parce que léquipage du navire nest pas informé de cette conduite, mais le premier maître de 1re classe Wood fait savoir dans son témoignage quune fois que cette conduite sera connue de léquipage du navire, elle aura un effet préjudiciable sur la discipline. Je conclus quau vu de la preuve, la cour peut en arriver à conclure hors de tout doute raisonnable que la conséquence logique de cette conduite sera préjudiciable au bon ordre et à la discipline de ses subalternes et des autres membres de léquipage du navire. Cette conduite de la part dun sous-officier supérieur aura un effet néfaste, car il est chargé de conseiller ses subalternes dans les aptitudes au leadership, ce qui veut dire le respect de la loi, des règles et des règlements, et sur la confiance qui doit régner entre les membres des unités de combat et les navires de combat, autant daspects qui seront minés par la conduite du maître de 1re classe Libby.

 

 

Troisième chef daccusation : vol

 

[35]                                     La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de cette infraction, plus précisément :

 


Le fait que laccusé est lauteur de linfraction et la date et le lieu des infractions qui sont allégués dans lacte daccusation.

 

Le fait que laccusé ait pris, frauduleusement ou sans apparence de droit, 37,35 litres dessence, dune valeur de 31,37 $.

 

Le fait que lessence était la propriété des Forces canadiennes et que laccusé avait lintention de priver les Forces canadiennes de cette essence.

 

[36]                                     Pour les motifs exposés dans le cadre du premier chef daccusation, je conclus que lidentité de laccusé et la date et le lieu des infractions ont été prouvés hors de tout doute raisonnable. Daprès la preuve constituée par la pièce 5 et celle qua  présentée lélève-officier Gaudet, il est clair que le maître de 1re classe Libby a mis 37,35 litres dessence sans plomb dans son véhicule personnel à la pompe numéro trois de Willow Park. Il la fait avec une carte pour lessence appartenant au ministère de la Défense nationale. La carte pour lessence quil avait en sa possession a été identifiée comme étant la carte pour lessence 1080 à partir des témoignages de lélève-officier Gaudet, du matelot-chef St. Cœur et de M. Miles, ainsi quà partir de la pièce 5.

 

[37]                                     Il est manifeste, daprès le témoignage de M. Miles et celui de lélève-officier Gaudet, que ces pompes à essence doivent être utilisées pour alimenter en carburant les véhicules appartenant au ministère de la Défense nationale ou loués par celui-ci. Il est également manifeste, daprès le témoignage de M. Miles, que lessence distribuée à Willow Park appartient au ministère de la Défense nationale. Le véhicule dans lequel le maître de 1re classe Libby a mis 37,35 litres dessence à la pompe numéro trois portait une plaque dimmatriculation avec le numéro CAE 691. Selon la vérification effectuée auprès du CIPC par lélève-officier Gaudet, le 17 février 2006,  cette plaque dimmatriculation était au nom dAndrew Libby. Il ny a pas eu délément de preuve soumis à la cour qui indique que le maître de 1re classe Libby était en quoi que ce soit autorisé à remplir son véhicule personnel à lune des pompes à essence appartenant au ministère de la Défense nationale. Par conséquent, le fait que laccusé se soit rendu à Willow Park pour mettre 37,35 litres dessence sans plomb dans son véhicule personnel constitue une preuve concluante quil avait lintention de priver le ministère de la Défense nationale de cette essence.

 

Quatrième chef daccusation : vol

 


[38]                                     Jaborderai maintenant le quatrième chef daccusation. La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de cette infraction, plus précisément :

 

Le fait que laccusé est lauteur de linfraction et la date et le lieu des infractions qui sont allégués dans lacte daccusation.

 

Le fait que laccusé ait pris, frauduleusement ou sans apparence de droit, 295,65 litres dessence, dune valeur de 281,91 $.

 

Le fait que lessence était la propriété du ministère de la Défense nationale et que laccusé avait lintention de priver le ministère de la Défense nationale de cette essence.

 

[39]                                     Bien que je convienne avec lavocat de la défense que cette affaire soulève de nombreuses questions sur la perte de la carte pour lessence 1080, sur les actes ou le manque de mesures appropriées de la part des personnes responsables de la gestion des ressources du ministère de la Défense nationale et sur la conduite de lenquête de la police militaire en ce qui concerne lutilisation non autorisée de cette carte, il ne faut pas perdre de vue lobjet du procès. La cour doit établir si la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable que laccusé est coupable des infractions qui figurent sur lacte daccusation. Pour ce faire, la cour doit utiliser la preuve présentée au procès, laquelle peut être directe ou circonstancielle. Comme la fait remarquer le procureur de la poursuite, la preuve circonstancielle joue un rôle important dans cette quatrième accusation. La poursuite doit prouver que les faits étaient tels quils étaient incompatibles avec toute autre conclusion rationnelle si ce nest que laccusé était le coupable. Comme il a été énoncé dans larrêt R. v. McIver, [1965] 1 C.C.C. 210, Haute Cour de justice de lOntario; confirmé à [1965] 4 C.C.C. 182, Cour dappel; et confirmé par [1966] 2 C.C.C. 289, Cour suprême du Canada :

 

[TRADUCTION]

La règle dit clairement que laffaire doit être tranchée en se fondant sur les faits, cest-à-dire les faits ayant été prouvés et que les conclusions autres que la culpabilité de laccusé doivent être des conclusions rationnelles fondées sur des déductions faites à partir de faits avérés. Pour quune conclusion soit rationnelle, elle doit être fondée sur des éléments de preuve, autrement ce serait une conclusion qui relève de la conjecture ou de limagination mais pas une conclusion rationnelle.

 


[40]                                     Dans larrêt R. v. Torrie, [1967] 3 C.C.C. 303, Cour dappel de lOntario; et suivi dans R. v. Wild, [1970] 1 C.C.C  67, Cour dappel de lAlberta; confirmé par [1970] 4 C.C.C. 40, Cour suprême du Canada, la Cour dappel de lOntario sest exprimée dans les termes suivants :

 

[TRADUCTION]

Jai reconnu quil incombe à la Couronne détablir la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable, mais je nentends pas par cette proposition que la Couronne doive réfuter toute conjecture éventuelle, quel quen soit le caractère irrationnel ou fantaisiste, qui pourrait être compatible avec linnocence de laccusé.

 

[41]                                     Comme il est dit dans louvrage Canadian Criminal Evidence de McWilliams, un certain fondement probatoire doit être fourni pour que la cour puisse en arriver à une conclusion rationnelle autre que la culpabilité de laccusé. Ce fondement ne doit pas nécessairement provenir déléments de preuve présentés à la cour pendant le procès, mais il doit toujours être présent dans ces éléments. 

 

[42]                                     Lélève-officier Gaudet a déclaré dans son témoignage quil navait pas pu identifier un autre véhicule que celui du maître de 1re classe Libby ou un autre conducteur que ce dernier, qui se serait trouvé à Willow Park lorsque la carte pour lessence 1080 a été utilisée. Lélève-officier Gaudet aurait utilisé le registre du contrôle daccès pour Willow Park afin didentifier le maître de 1re classe Libby à ces occasions. Dans son contre-interrogatoire, lélève-officier Gaudet a affirmé quil navait pas fait enquête sur tous les numéros matricules possibles des Forces canadiennes parce quune personne pouvait saisir nimporte quel numéro à la pompe. Il avait concentré son enquête sur les moments où la carte 1080 avait été utilisée à Willow Park, quand le maître de 1re classe Libby était inscrit comme étant présent à Willow Park.

 

[43]                                     Lorsquelle tente de rendre un verdict pour la quatrième infraction, la cour doit répondre à la question suivante : la cour peut-elle, à partir de la preuve quelle accepte, en arriver à une conclusion rationnelle ou à une inférence rationnelle selon laquelle le maître de 1re classe Libby a utilisé la carte pour lessence 1080 aux dates alléguées par la poursuite pour voler de lessence au ministère de la Défense nationale? La cour a déjà accepté que les éléments de preuve prouvent hors de tout doute raisonnable que le maître de 1re classe Libby était en possession de la carte pour lessence 1080, le 17 février 2006. La pièce 5 prouve que la carte pour lessence 1080 a été utilisée à Willow Park pour prendre de lessence sans plomb à la pompe numéro trois, aux dates et aux heures suivantes : 

 

Le 22 mai 2005, 15 h 54, 64,58 litres;

 


Le 14 juin 2005, 19 h 47, 67,01 litres;

 

Le 2 juillet 2005, 16 h 47, 46,84 litres;

 

Le 12 août 2005, 19 h 14, 52,26 litres;

 

Le 24 décembre 2005, 13 h 32, 61,61 litres;

 

Le 14 janvier 2006, 16 h 16, 48,95 litres.

 

[44]                  Les pièces 7, 8, 9, 10, 11 et 13 sont des registres de contrôle daccès pour Willow Park. Les commissionnaires House, Stewart et Keddy ont expliqué comment ils saisissaient les renseignements dans les registres de contrôle daccès. Selon leur témoignage, ils prenaient lheure sur leur montre ou sur une horloge dans la cabane des commissionnaires à la barrière. Dans leur témoignage, ils ont aussi précisé que leur horloge nétait pas branchée au système informatique des pompes à essence. La destination leur était donnée par le conducteur, ils examinaient la plaque dimmatriculation du véhicule et ils demandaient une pièce didentité, une carte didentité des FC ou un permis de conduire, afin de saisir un nom, sauf sils connaissaient la personne. Aucun dentre eux na déclaré dans son témoignage quil connaissait le maître de 1re classe Libby. La façon dont la section des remarques était remplie différait dun commissionnaire à lautre.

 

[45]                                     La pièce 9 est datée du 22 mai 2005 et indique quun dénommé Libby, au volant dun véhicule portant la plaque numéro CAE 691, est entré à Willow Park à 15 h 59 et est parti à 16 h 04. La pièce 5 montre que de lessence sans plomb a été prise à la pompe numéro trois à 15 h 54. 

 

[46]                                     La pièce 13 est datée du 14 juin 2005 et indique quun certain maître de 1re classe Libby, au volant dun véhicule portant la plaque numéro CAE 691, est entré à Willow Park à 19 h 49 et est parti à 19 h 59. La pièce 5 montre que de lessence sans plomb a été prise à la pompe numéro trois à 19 h 47.

 

[47]                                     La pièce 8 est datée du 14 janvier 2006 et indique quun dénommé Libby, au volant dun véhicule portant la plaque numéro CAE 691, est entré à Willow Park à 16 h 19 et est parti à 16 h 23.  La pièce 5 montre que de lessence sans plomb a été prise à la pompe numéro trois à 16 h 16. 


[48]                                     Bien quil semble, selon la pièce 5, quà ces trois dates la pompe numéro trois a été utilisée avant que le maître de 1re classe Libby ne soit entré dans Willow Park, la cour accepte les éléments de preuve qui ont été présentés par la poursuite pour expliquer lécart entre les heures et la cour estime que les heures sont suffisamment rapprochées pour lui permettre de déduire raisonnablement des éléments de preuve présentés par les commissionnaires, et de ceux qui se trouvent dans les pièces 5, 8, 9 et 13, que le maître de 1re classe Libby était à Willow Park lorsque la carte 1080 a été utilisée à la pompe numéro trois, le 22 mai 2005, le 14 juin 2005 et le 14 janvier 2006.

 

[49]                                     La pièce 10 est datée du 2 juillet 2005 et indique quun dénommé Libby, au volant dun véhicule portant la plaque numéro CAE 691, est entré à Willow Park à 16 h 47 et est parti à 16 h 52. La pièce 5 montre que de lessence sans plomb a été prise à la pompe numéro trois à 16 h 47.

 

[50]                                     La pièce 11 est datée du 12 août 2005 et indique quun dénommé « Libbey », jépelle, L-i-b-b-e-y, au volant dun véhicule portant la plaque numéro CAE 691, est entré à Willow Park à 19 h 13 et est parti à 19 h 20. La pièce 5 montre que de lessence sans plomb a été prise à la pompe numéro trois à 19 h 16.

 

[51]                                     La pièce 7 est datée du 24 décembre 2005 et indique quun dénommé Libby, au volant dun véhicule portant la plaque numéro CAE 691, est entré à Willow Park à 13 h 30 et est parti à 13 h 36.  La pièce 5 montre que de lessence sans plomb a été prise à la pompe numéro trois à 13 h 32.

 

[52]                                     La case de la destination des pièces 7, 8, 9, 10, 11 et 13 contient partout la même entrée pour Libby, numéro de plaque CAE 691. Cette destination est soit WL-22 ou W-22.  La section des remarques contient des renseignements différents à chaque fois. 

 

[53]                                     La cour fait remarquer que la mention « MSE », en anglais, figure dans la colonne des remarques de la pièce 9. Bien quil ait été avancé par lavocat de la défense que lacronyme anglais MSE pouvait désigner du matériel mobile de soutien, la cour sait aussi que le premier maître de 1re classe Wood a dit dans son témoignage que le maître de 1re classe Libby faisait partie du service de génie de systèmes de marine à bord du NCSM HALIFAX.  Lacronyme pour le génie de systèmes de marine, en anglais, peut aussi être « MSE » (Marine System Engineering), bien que la cour fasse remarquer quaucun élément de preuve na été présenté sur la signification de lacronyme MSE.

 


[54]                                     Les pièces 7, 8, 9, 10, 11 et 13 fournissent des éléments de preuve qui nont pas été contredits par aucune autre preuve et selon lesquels, à quatre reprises, un dénommé Libby, jépelle L-i-b-b-y, est entré à Willow Park à ces dates, au volant d un véhicule portant une plaque dimmatriculation numéro CAE 691, enregistrée au nom de laccusé. Puis, il est arrivé une fois quun certain maître de 1re classe Libby, jépelle L-i-b-b-y, est entré à Willow Park à ces dates, au volant dun véhicule portant une plaque dimmatriculation numéro CAE 691 et, une fois, quun dénommé Libbey, jépelle L-i-b-b-e-y, est entré à Willow Park à ces dates, au volant dun véhicule portant une plaque dimmatriculation numéro CAE 691. La cour estime que cette dernière inscription concorde avec les autres et la qualifie de simple faute dorthographe de la part du commissionnaire.

 

[55]                                     Il existe certains éléments de preuve selon lesquels la plaque dimmatriculation portant le numéro CAE 691 aurait été en possession dun dénommé M. Nickerson au mois de juin 2006.  Aucun renseignement na été donné à la cour qui montrerait quand le maître de 1re classe Libby aurait perdu le contrôle sur cette plaque dimmatriculation. La cour nestime pas que ces renseignements soient utiles ou pertinents en lespèce puisque les éléments de preuve révèlent que la carte pour lessence 1080 avait été désactivée en février 2006 et que la vérification effectuée par le CIPC le 17 février 2006 a montré que la plaque dimmatriculation portant le portant le numéro CAE 691 était enregistrée au nom de laccusé.

 

[56]                                     La cour a également fait remarquer que la pompe numéro trois avait été utilisée les six fois qui sont précisées dans la quatrième accusation. Le numéro matricule des Forces Canadiennes qui a été inscrit à ces occasions est un numéro à quatre ou un numéro à  trois chiffres, qui sont très semblables, sauf un chiffre. Il sagit du 4077, qui a été saisi quatre fois, du 477 qui a été saisi une fois et du 2257 qui a été saisi une fois. La cour conclut que les éléments de preuve quelle a acceptés en ce qui concerne lidentité du maître de 1re classe Libby et selon lesquels il est la personne qui avait utilisé la carte pour lessence 1080, le 17 février 2006 à la pompe numéro trois à Willow Park, combinés avec ceux qui indiquent que le maître de 1re classe Libby était présent à Willow Park les six fois où la carte pour lessence 1080 a servi pour prendre de lessence sans plomb à la pompe numéro trois, peuvent lautoriser à déduire de façon rationnelle que le maître de 1re classe Libby est la personne qui a utilisé la carte pour lessence 1080 à six reprises pour prendre de lessence sans plomb à la pompe numéro trois. 

 


[57]                                     La poursuite a donc prouvé hors de tout doute raisonnable lidentité de laccusé comme étant lauteur de linfraction contenue dans la quatrième accusation.  Les éléments de preuve tirés de la pièce 5 et des pièces 7, 8, 9, 10, 11 et 13 montrent que le maître de 1re classe Libby a effectivement mis 357,26 litres dessence dans son véhicule personnel à partir de la pompe numéro trois à Willow Park. Il la fait en utilisant une carte pour lessence du ministère de la Défense nationale.  Cette carte pour lessence a été identifiée comme étant la carte pour lessence 1080, selon les éléments de preuve contenus dans la pièce 5. Il est clair daprès le témoignage de M. Miles et de lélève-officier Gaudet que ces pompes à essence doivent être utilisées pour remplir de carburant les véhicules appartenant au ministère de la Défense nationale ou loués par celui-ci.  Il est aussi clair daprès les éléments de preuve présentés par M. Miles que lessence à Willow Park appartient au ministère de la Défense nationale .

 

[58]                                     Le véhicule dans lequel le maître de 1re classe Libby a mis 357,26 litres dessence en provenance de la pompe numéro trois portait une plaque dimmatriculation numéro CAE 691. Selon la vérification du CIPC faite par lélève-officier Gaudet, le 17 février 2006, la plaque dimmatriculation était enregistrée au nom dAndrew Libby, laccusé. Aucun élément de preuve na été présenté à la cour qui montre que le maître de 1re classe Libby ait eu une autorisation de remplir son véhicule personnel à une pompe à essence du ministère de la Défense nationale.  Par conséquent, le fait que laccusé soit allé à Willow Park pour mettre 357,26 litres dessence sans plomb dans son véhicule personnel constitue une preuve concluante quil avait lintention de priver le ministère de la Défense nationale de cette essence.

 

[59]                                     La pièce 5 montre que la carte pour lessence 1080 a été utilisée 41 fois entre février 2005 et février 2006. Cette pièce montre que la carte 1080 a été utilisée 29 fois à Willow Park, sept fois à Shearwater et cinq fois à Dock Yard. Elle na pas été utilisée au cours des mois de septembre, doctobre et de novembre 2005. Elle a été utilisée à Willow Park de la façon suivante :

 

25 fois pour prendre de lessence sans plomb à la pompe numéro trois;

 

une fois pour prendre de lessence sans plomb à la pompe numéro deux;

 

trois fois pour prendre du diesel à la pompe numéro un.

 

Douze codes différents ont été saisis à titre de numéro matricule des Forces canadiennes au cours de ces 41 utilisations de la carte 1080. Trois de ces douze entrées sont des nombres de cinq chiffres qui ressemblent à un numéro matricule des Forces canadiennes.

 


[60]                                     Les éléments de preuve nexpliquent ni qui est la personne qui a utilisé la carte 1080 les 35 autres fois ni à quelles fins. Selon la preuve contenue dans la pièce 5, la carte 1080 na pas été utilisée au cours des mois de septembre, doctobre et de novembre 2005. Le premier maître de 1re classe Wood a affirmé dans son témoignage que le NCSM HALIFAX avait été déployé en mer Méditerranée pendant cette période et que le maître de 1re classe Libby faisait partie du déploiement. Bon nombre de questions sont encore sans réponse en ce qui concerne lutilisation illégale éventuelle de cette carte. Il y a bon nombre de questions auxquelles il faut répondre pour savoir pourquoi il a été permis quune telle situation se produise après que la perte de cette carte eut été signalée aux autorités compétentes. Il y a aussi bon nombre de théories qui peuvent être formulées en ce qui concerne lidentité de la personne qui aurait pu utiliser cette carte. 

 

[61]                                     La poursuite avait lobligation de présenter à la cour des éléments de preuve qui prouvent hors de tout doute raisonnable la culpabilité de laccusé en ce qui concerne les accusations devant cette cour. La cour estime que la poursuite sest acquittée de cette tâche. 

 

[62]                                     Maître de 1re classe Libby, veuillez vous lever. Maître de 1re classe Libby, la cour vous déclare coupable de linfraction visée par laccusation no un; ordonne la suspension de linstance relativement au troisième chef daccusation; vous déclare coupable de linfraction visée par laccusation no trois et vous déclare coupable de linfraction visée par laccusation no quatre, sous réserve dun verdict annoté portant que vous avez volé 357,26 litres dessence dune valeur de 281,68 $. Vous pouvez vous asseoir. 

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL J-G. PERRON, J.M.

 

Avocats :

 

Major S.D. Richards, Procureur militaire régional, Atlantique

Procureur de Sa Majesté la Reine

Capitaine de corvette P. Lévesque, Direction du service davocats de la défense

Avocat du maître de 1re classe A.E. Libby

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.