Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 26 avril 2010

Endroit : BFC Valcartier, Édifice 534, l'Académie, Courcelette (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 4) : Art. 130 LDN, importation non autorisée d'armes à feu, de dispositifs prohibés et de munitions prohibées (art. 104(1)a) C. cr.).
•Chefs d'accusation 2, 3 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main.
•Chef d'accusation 4 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 3 : Coupable. Chefs d'accusation 2, 4 : Retirés.
•SENTENCE : Détention pour une période de 10 jours et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Faucher, 2010 CM 1010

 

Date : 20100426

Dossier : 201009

 

Cour martiale permanente

 

Garnison Valcartier

Courcelette, Québec, Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal S.M. Faucher, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.

 


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Oralement)

[1]               Caporal Faucher, la cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au 1er chef d'accusation, une infraction punissable aux termes de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale contrairement à l'alinéa 104(1)(a) du Code criminel, soit d'avoir tenté d'importer sans autorisation des armes à feu, des dispositifs prohibés ou des munitions prohibés, ainsi que votre plaidoyer de culpabilité au 3e chef d'accusation contrairement au paragraphe 125(a) de la Loi sur la défense nationale, soit d'avoir volontairement fait une fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main, la cour vous trouve coupable de ces chefs d'accusation.  La poursuite avait préalablement retiré les 2e et 4e chefs d'accusation.

[2]               Il m'incombe maintenant de déterminer la sentence qui doit être imposée dans cette affaire.  Les procureurs en présence ont présenté à la cour une suggestion commune relativement à la sentence que cette cour devrait imposer.  Les procureurs recommandent à la cour d'infliger une peine de 10 jours de détention assortie d'une amende de 2000 dollars payable en quatre versements mensuels égaux à compter d'aujourd'hui.  Malgré une telle suggestion commune, il faut comprendre que l'obligation d'en arriver à une sentence adéquate incombe au tribunal qui a le droit de la rejeter, mais seuls des motifs incontournables peuvent permettre au tribunal de s'écarter de la proposition commune.  Ainsi, le juge devrait accepter la suggestion commune des avocats à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice, par exemple si elle tombe à l'extérieur du spectre des sentences qui auraient été précédemment infligées pour des infractions semblables.  En contrepartie, les avocats sont tenus d'exposer au juge tous les faits à l'appui de cette proposition commune.

[3]               L'imposition d'une sentence est la tâche la plus difficile d'un juge.  La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'arrêt R. c. Généreux que « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. »  Elle a souligné que dans le contexte particulier de la justice militaire : « Les manquements à la discipline devraient être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. »  Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l'affaire.  Entre d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit être individualisée et représenter l'intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

[4]               Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables quoiqu'ils varient légèrement d'un cas à l'autre.  La cour a examiné la suggestion commune  des procureurs à la lumière de l'ensemble de la preuve présentée durant la partie de l'audition portant sur la détermination de la sentence, y compris le sommaire des circonstances entourant la commission des infractions, et ce en fonction des principes applicables en matière de détermination de la peine, y compris les objectifs et les principes contenus aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel lorsqu'ils sont compatibles avec les éléments suivant, soit : d'une part, les exigences impératives pour garantir le maintien d'une force armée disciplinée, opérationnelle et efficace; et d'autre part, le régime de détermination de la sentence aux termes de la Loi sur la défense nationale.

[5]               La cour a également pris en compte toute conséquence indirecte du verdict et de la sentence sur le contrevenant.  Finalement, la cour a examiné l'ensemble de ces divers éléments à la lumière de la plaidoirie des avocats.

[6]               Les faits entourant cette affaire se résument comme suit :  Caporal Faucher est un membre des Forces canadiennes depuis le 10 août 2004.  Il est fantassin.  Au moment des événements, il était membre du 3 e Bataillon du Royal 22e Régiment à Valcartier.  Le 28 juillet 2007, le caporal-chef Leclerc, alors commis à la salle des rapports du camp Nathan Smith en Afghanistan sur la rotation 4, a informé le peloton de la police militaire du camp qu'il venait de découvrir plusieurs armes à feu étrangères lors du remballage d'un colis postal non conforme adressé au caporal Faucher.  La déclaration de douane apposée sur le colis indiquait que ce colis appartenait au caporal Faucher et que celui-ci le faisait parvenir à sa résidence au Canada.  Le caporal Faucher ayant déjà quitté l'Afghanistan au terme de sa mission.  La tâche de remballer le colis non conforme fut confiée au caporal-chef Leclerc qui, en présence d'un témoin, a procédé à l'ouverture du colis dans les locaux de la salle des rapports du CNS.  Il a découvert dans le colis une mitraillette de type AK-47 et une boîte métallique.  À l'intérieur de la boîte métallique, il a trouvé un pistolet semi-automatique de marque TOKAREV, et un pistolet semi-automatique de marque MAKAROV avec un chargeur dans lequel se trouvait une cartouche.  Le colis contenait également une vareuse identifiée au nom du caporal Faucher qui était enroulée autour de la mitraillette.  De plus, en poursuivant la fouille du colis, la police militaire appelée sur les lieux a découvert huit cartouches de différents calibres et définis comme de la munition prohibée, ainsi que deux chargeurs pour mitraillette de type AK-47, avec plusieurs autres items.  Le formulaire des douanes qui accompagnait le colis sur lequel il était indiquait que le colis appartenait au caporal Faucher et comportait également l'inscription suivante : « Vase » et « Military Kit (Clothes) ».  Cette déclaration n'indiquait pas la présence des armes à feu et aucun vase ne figurait à la liste des objets trouvés dans le colis.  À l'hiver 2007-2008, à Valcartier, le caporal Faucher a eu une conversation avec le caporal Larochelle, un membre de sa section.  Lors de cette discussion, le caporal Faucher a admis s'être fait envoyer un colis alors qu'il se trouvait en mission en Afghanistan dans lequel se trouvait entre autres, sa vareuse militaire et une arme à feu.  Il lui expliquait également qu'il n'avait toujours pas reçu le colis et qu'il espérait ne jamais le recevoir.  Le 21 janvier 2008, le caporal Faucher a signé de sa main un document officiel pour des fins militaires appelé : rapport de pertes diverses (QOA 24-6), dans lequel il déclarait  les faits suivants: « J'ai oublié ma vareuse en Afghanistan.  Je l'avais laissé sur un lit et j'ai oublié de la rapporter.  J'accepte la responsabilité de cette perte. »  Il a volontairement signé cette déclaration sachant que les informations fournies étaient fausses.  En ce qui a trait aux armes, le rapport d'expertise en balistique révèle que toutes les armes et les dispositifs saisis étaient fonctionnels.

[7]               Dans le contexte de la justice militaire, les objectifs et principes de la détermination de la peine ou de la sentence sont généralement les suivants :

premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

quatrièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

cinquièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

sixièmement, l'harmonisation des peines;

septièmement, le recours à une peine privative de liberté qui est justifiée seulement lorsque la cour est satisfaite qu'il s'agit de la peine de dernier ressort; et

finalement, la cour prendra en compte les circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées aux circonstances de l'affaire et à la situation du contrevenant.

[8]               La cour croit que les éléments suivants doivent, soit atténuer ou aggraver la sentence.  Elle considère comme aggravant :

Premièrement, la gravité objective des infractions commises par le contrevenant.  L'importation non autorisée d'armes à feu et autres objets prohibés visés à l'article 104 du Code criminel est passible d'un emprisonnement de cinq ans; alors que le fait de volontairement faire une fausse déclaration dans un document officiel aux termes de l'article 125 de la Loi sur la défense nationale est passible d'un emprisonnement de trois ans.  Il s'agit là d'infractions relativement sérieuses.

Deuxièmement, la gravité subjective des infractions en fonction du contexte dans lequel elles ont été commises.  Vous vous êtes servi de votre situation, en tant que militaire en service actif en théâtre opérationnel, pour mettre la main sur des armes et dispositifs prohibés, y compris une arme automatique AK-47 et des pistolets, de même que des chargeurs et quelques munitions.  Même si le fondement des gestes reprochés reposait sur votre désir d'importer ces armes sans autorisation d'Afghanistan dans un but de les ramener en tant que souvenirs et de trophées, par opposition à une importation commise dans un dessein criminel futur; il demeure que vous saviez que ces gestes étaient hautement répréhensibles comme vous en avez témoigné vous-même lors de votre témoignage plus tôt ce matin.

Troisièmement, la planification de vos gestes.  Alors que vous étiez en Afghanistan, vous avez soigneusement choisi d'acheminer par la poste des armes prohibées par l'envoi d'un colis adressé à vous-même et d'avoir rempli pour l'occasion un formulaire de déclaration de douane sous prétexte que vous y expédiez un vase et une vareuse au Canada, et ce sachant que votre colis contenait des armes prohibées et que vous n'aviez aucune autorisation à cet effet.  Ces gestes sont aux antipodes de ce que décrit l'adjudant Caron dans une lettre de référence déposée à la cour en mitigation : « Le caporal Faucher était une personne extrêmement fiable et mature sur qui on pouvait se fier.  Il écoutait bien les directives et savait prendre des décisions judicieuses. »  Si la cour accepte de considérer vos gestes comme une grave erreur de jugement, telle que suggérée par les procureurs en présence, force est de constater que l'adjudant a pris soin d'utiliser l'imparfait plutôt que l'indicatif présent lorsqu'il a pris le soin de décrire vos qualités.

Quatrièmement, le fait qu'il ne s'agit pas de vos premiers démêlés avec la justice militaire, même si votre condamnation antérieure est de nature mineure et différente de la présente affaire.

[9]               Par contre, la cour considère les éléments suivants comme atténuant la sentence :

Premièrement, le fait que vous avez reconnu votre culpabilité aux infractions qui vous étaient reprochées et en acceptiez l'entière responsabilité.

Deuxièmement, la conclusion de la cour que vos gestes sont le fruit d'une grave erreur de jugement et non d'un acte criminel préparatoire à la commission éventuelle d'autres actes criminels.

Troisièmement, le fait que vos évaluations de rendement jusqu'à présent indiquent que vous êtes normalement un militaire du rang fiable, honnête, respectueux et loyal dont le rendement a notamment dépassé la norme lors de votre séjour en Afghanistan.  Vos supérieurs reconnaissant aussi que vous avez le potentiel pour gravir d'autres échelons durant votre carrière militaire.

Quatrièmement, la cour prend acte que votre situation financière et familiale sont stables et que votre couple attend la venue de votre premier enfant dans un avenir rapproché.

Et cinquièmement, le fait qu'il s'agisse d'un geste isolé et que le risque de récidive semble peu probable.

[10]           Même s'il existe peu de cas d'importation d'armes à feu prohibées et de matériel prohibé par des militaires dans le but de rapporter des souvenirs à la suite d'une participation à un conflit, il est évident que de tels gestes doivent être sévèrement réprimés et dénoncés.  Il ne fait aucun doute qu'une peine comportant l'incarcération constitue la peine minimale dans le contexte de la présente affaire pour dénoncer la gravité du geste et mettre l'emphase sur l'aspect dissuasif général et spécifique qui est requis dans ce genre de situations.  Aucune combinaison de peines ne pourrait correctement satisfaire les exigences propres au maintien de la discipline militaire en l'absence d'une peine d'incarcération.  La suggestion commune des procureurs constitue donc la peine minimale dans les circonstances, même si elle avait pu être plus sévère.

[11]           Pour ces raisons, la cour condamne le caporal Faucher à la détention pour une période de 10 jours et à une amende de 2000 dollars payable en quatre versements mensuels égaux de 500 dollars à compter d'aujourd'hui.  Si le contrevenant était libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l'amende infligée par la cour, le solde de cette amende deviendra exigible immédiatement avant la date de sa libération.


Avocats :

Major A. St-Amant, Service canadien des Poursuites militaires

Avocate de la poursuivante

Major B.L.J. Tremblay, Direction du service d’avocats de la défense                       Avocat de la défense pour le caporal S.M. Faucher

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