Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 22 mai 2007.

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, 2e étage, Victoria (CB).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. La Matelot de 2e classe S.A. Fenwick-Wilson, 2007 CM 4022

 

Dossier : 200673

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

COLOMBIE-BRITANNIQUE

BASE DES FORCES CANADIENNES ESQUIMALT

 

Date : Le 1er août 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LA MATELOT DE 2E CLASSE S.A. FENWICK-WILSON

(accusée)

 

VERDICT

(Prononcé de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    La Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson C60 573 673 est accusée davoir fait usage de marijuana, contrairement à larticle 20.04 des ORFC. La poursuite soutient que la preuve présentée à la cour établit hors de tout doute raisonnable chaque élément de linfraction alléguée. Laccusée prétend quant à elle que la preuve ne démontre pas hors de tout doute raisonnable quelle a effectivement fumé de la marijuana comme il est allégué dans laccusation.

 

LA PREUVE

 

[2]                    La cour a pris judiciairement connaissance des éléments énumérés à larticle 15 des Règles militaires de la preuve. La preuve dont dispose la cour est décrite dans lexposé conjoint des faits, lequel constitue la pièce 3.

 

LE DROIT APPLICABLE

 


[3]                    Avant que la cour ne prononce son verdict, il convient de traiter de la présomption dinnocence et de la preuve hors de tout doute raisonnable, une norme de preuve qui est inextricablement liée aux principes fondamentaux de justice applicables à tous les procès criminels. Ces principes sont bien connus des avocats, mais peut‑être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle daudience.

 

[4]                    Il est juste de dire que la présomption dinnocence est fort probablement le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption dinnocence. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire comme dans celles qui relèvent du droit pénal canadien, toute personne accusée dune infraction criminelle est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve pas sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un accusé na pas à prouver quil est innocent. Cest à la poursuite quil incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de linfraction. Un accusé est présumé innocent tout au long de son procès, jusquà ce quun verdict soit rendu par le juge des faits.

 

[5]                    La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne sapplique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentés par la poursuite, mais plutôt à lensemble de la preuve sur laquelle cette dernière sappuie pour établir la culpabilité de laccusé. Le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité dun accusé incombe à la poursuite, jamais à laccusé.

 

[6]                    Un tribunal doit déclarer un accusé non coupable sil a un doute raisonnable quant à sa culpabilité après avoir considéré lensemble de la preuve. Lexpression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques.

 

[7]                    Dans larrêt R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives pour le doute raisonnable. Les principes établis dans cet arrêt ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des cours dappel. Essentiellement, un doute raisonnable nest pas un doute farfelu ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il repose sur la raison et le bon sens. Cest un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal, mais également sur ce quelle ne lui révèle pas. Le fait quune personne a été accusée nest absolument pas une indication quelle est coupable.

 

[8]                    Dans larrêt R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a statué, au paragraphe 242, que :

 

[...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer quelle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. [...]

 


Par contre, il faut se rappeler quil est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. La poursuite na pas à le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui nexiste pas en droit. La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de laccusé, en lespèce la Matelot de 2e classe Fenwick‑Wilson, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue que laccusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit lacquitter car la preuve dune culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[9]                    Quentend-on par preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles faits devant la cour par des personnes appelées à témoigner sur ce quelles ont vu ou fait. Elle peut consister en des documents, des photographies, des cartes ou dautres éléments présentés par les témoins, en des témoignages dexperts, des aveux judiciaires quant aux faits par la poursuite ou la défense ou des éléments dont la cour prend judiciairement connaissance. La cour doit déterminer quels éléments de preuve sont crédibles. Elle jugera un témoignage digne de foi à moins davoir une raison de ne pas le croire.

 

[10]                  Pour déterminer la peine quil convient dinfliger en lespèce, la cour doit sattarder au troisième volet du critère établi par la Cour suprême du Canada dans larrêt R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742. Le critère est formulé dans les termes suivants à la page 758 de cet arrêt :

 

Premièrement, si vous croyez la déposition de laccusé, manifestement vous devez prononcer lacquittement.

 

Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de laccusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer lacquittement.

 

Troisièmement, même si navez pas de doute à la suite de la déposition de laccusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de laccusé.

 

LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE LACCUSATION

 

Les faits

 


[11]                  Ayant procédé à cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de preuve, jexaminerai maintenant les questions en litige. La preuve de la poursuite est contenue dans lexposé des faits constituant la pièce 3. Laccusée a admis les faits exposés dans la pièce 3 conformément à lalinéa 37b) des Règles militaires de la preuve. Elle a été interrogée par un enquêteur du SNEFC le 27 avril 2005 parce quun autre membre des Forces canadiennes qui avait été interrogé par le même enquêteur lavait impliquée dans lusage de drogues illicites.

 

[12]                  Laccusée a été parfaitement informée de ses droits avant son entrevue avec lenquêteur et elle a clairement indiqué quelle les comprenait. Elle a choisi de rencontrer lenquêteur sans discuter des possibilités qui soffraient à elle avec un avocat. Elle na pas contesté la nature volontaire des déclarations quelle a faites à lenquêteur du SNEFC.

 

[13]                  La Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson a admis quelle connaissait la politique des Forces canadiennes sur les drogues au moment de linfraction et quelle savait que les drogues illicites nétaient pas tolérées dans les Forces canadiennes. Elle a reconnu quelle avait fumé de la marijuana pendant la période de Noël 2004 et également après le compte à rebours précédant lannée 2005. Elle a affirmé navoir jamais fait usage de drogues auparavant.

 

[14]                  Lorsque lenquêteur lui a demandé si la drogue dont elle avait fait usage était de la marijuana, la Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson a répondu « oui ». Elle a admis avoir fumé un joint en prenant un verre à la fête qui sétait déroulée dans une maison privée située à environ 20 minutes de sa ville natale de Penticton (Colombie‑Britannique). Lorsquon lui a demandé ce quelle avait pris à cette fête, elle a répondu « de la marijuana ».

 

[15]                  La poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants de linfraction : lidentité de laccusée ainsi que la date et le lieu de linfraction tels quils sont allégués dans lacte daccusation; le fait que laccusée a fait usage dune drogue sans autorisation; le fait que la drogue était de la marijuana; le fait que laccusée savait que la drogue était de la marijuana.

 

[16]                  Lavocat de la défense prétendait que la cour ne devait pas accorder une grande importance au témoignage de laccusée sur la nature exacte de la substance quelle avait fumée la veille du jour de lAn 2005. Il prétendait que la cour devait hésiter à considérer que cette preuve était digne de foi parce que laccusée était en état débriété au moment où elle aurait fait usage de marijuana, quelle navait jamais fait usage de marijuana auparavant et quaucune preuve corroborante navait été produite. Selon lui, la cour devait avoir un doute raisonnable quant à la nature exacte de la substance que la Matelot de 2e classe Fenwick‑Wilson avait effectivement fumée à cette occasion.

 


[17]                  La preuve ne révèle pas le degré dintoxication de la Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson au moment où elle aurait fait usage de marijuana et ne décrit pas avec précision les circonstances dans lesquelles elle a fumé de la marijuana pendant la fête. Elle ne révèle pas non plus la nature et le nombre de boissons alcoolisées que la Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson a consommées au cours de la soirée. La Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson a répondu franchement aux questions de lenquêteur du SNEFC et ne semblait pas avoir de la difficulté à se rappeler les faits survenus ce soir‑là ou ce quelle avait fait. Aussi, jestime la cette preuve ne révèle pas un degré élevé dintoxication.

 

[18]                  Bien que la preuve de linfraction alléguée soit relativement mince, les déclarations de la Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson au sujet de sa consommation de marijuana ne sont pas approximatives ou ambiguës. La preuve indique quelle navait jamais fait usage de marijuana auparavant, mais non que cétait la première fois quelle était exposée au monde de la drogue, ni quelle connaissait bien les drogues ou, à tout le moins, la marijuana. Par conséquent, la cour ne peut pas être daccord avec lavocat de la défense lorsquil affirme qu[traduction« une seule exposition nest pas suffisante pour permettre à laccusée de savoir ce quelle fume ». Je ne crois pas que la preuve étaie cette affirmation.

 

[19]                  La Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson a décidé sciemment et volontairement davouer à lenquêteur du SNEFC quelle avait fait usage de marijuana lors dune fête la veille du jour de lAn 2005 et quelle connaissait la politique des Forces canadiennes interdisant un tel usage. Elle a répondu aux questions avec franchise. Elle a décrit les événements comme elle se les rappelait. La preuve ne révèle pas quelle avait atteint un degré dintoxication qui pourrait amener la cour à avoir des doutes concernant la fiabilité de ses aveux.

 

[20]                  Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson, veuillez vous lever. Jestime que la preuve qui a été admise par la cour prouve hors de tout doute raisonnable chaque élément de linfraction dont vous êtes accusée. Je vous déclare coupable de cette infraction.

 

 

 

 

Lieutenant-colonel J.-G. Perron, J.M.

 

Avocats :

 

Le Capitaine T. Bussey, Poursuites militaires régionales (Ouest)

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le Capitaine N. Weigelt, Direction du service davocats de la défense

Avocat de la Matelot de 2e classe Fenwick-Wilson

 

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