Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 10 novembre 2008

Endroit : Peterson Air Force Base, the Staff Judge Advocate courtroom, Colorado Springs, Colorado

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.
•Chef d'accusation 3 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Matelot-chef R.J. Middlemiss, 2009 CM 1001

 

Dossier : 200857

 

 

 

 

COUR MARTIALE GÉNÉRALE

UNITÉ DE SOUTIEN DES FORCES CANADIENNES DE COLORADO SPRINGS

COLORADO SPRINGS, COLORADO

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

 

Date : 6 janvier 2009

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, JMC

 

 

MATELOT-CHEF R.J. MIDDLEMISS

(Requérant)

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

(Intimée)

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE FONDÉE SUR LE FAIT QUE LE PROCESSUS DE SÉLECTION DES MEMBRES DE LA COUR MARTIALE GÉNÉRALE ET LA COMPOSITION DU COMITÉ CONTREVIENNENT AUX DROITS DE L’ACCUSÉ EN VERTU DE L’ARTICLE 7 ET DE L’ALINÉA 11d) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

 

(Prononcée de vive voix)

 

 

INTRODUCTION

 

[1]                    Le requérant a présenté une requête relativement à la question de droit visant à établir la cour martiale générale, créée en vertu des articles 166 à 168 de la Loi sur la défense nationale, et la méthode qu’utilise l’administrateur de la cour martiale pour choisir et nommer les membres du comité devant servir à la cour martiale générale, portent atteinte aux droits qu’une personne accusée d’une infraction militaire a entendu par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable conformément à l’article 7 et à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et que la justification de ces atteintes ne peut être démontrée aux termes de l’article premier. Dans ses observations écrites, le requérant a aussi invoqué qu’il y aurait eu atteinte au droit que lui confère l’article 15 de la Charte, mais il n’a présenté aucun argument de fond oralement ou par écrit à l’appui de cette atteinte. Le requérant affirme que la somme des violations oblige le tribunal à interrompre les poursuites de la cour martiale générale ou à ordonner tout autre redressement qu’il juge approprié. Le tribunal a entendu la requête dans une salle d’audience militaire située à Gatineau, au Québec, les 12, 13 et 14 novembre ainsi que les 15 et 16 décembre 2008 en l’absence d’un comité de la cour martiale. Les activités de cette cour reprennent maintenant à la Peterson Air Force Base de Colorado Springs.

 

LA PREUVE

 

[2]   La preuve soumise à cette cour se compose essentiellement des faits suivants :

 

(1)        les faits et les affaires dont le tribunal a pris connaissance d’office en vertu de l’article 15 des Règles militaires de la preuve, y compris la Loi sur la défense nationale, le volume I (Administration) et le volume II (Discipline) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes; les Ordonnances administratives des Forces canadiennes (OAFC), 2-8 (Force de réserve - Organisation, commandement et obligation de servir); l’OAFC 11-9 (Programme d’intégration - Officiers sortis du rang); l’OAFC 11-6 (Règles régissant la remise du brevet et les promotions - Officiers de la Force régulière); et l’OAFC 49-4 (Politique en matière de carrières militaires du rang - Force régulière);

 

(2)        le témoignage devant le tribunal de Mme Simone Morrisey, administratrice de la cour martiale nommée conformément à l’article 165.18 de la Loi sur la défense nationale;

 

(3)        le témoignage du Premier maître de 2e classe (PM 2) Larivée de la Direction de la gestion de l’information des ressources humaines - produits d’extrants (DGIRH) au sein du groupe du sous-ministre adjoint (gestion de l’information); et

 

(4)        les pièces présentées au tribunal avec le consentement des parties uniquement pour les fins énoncées par les parties, notamment :

 

a.         M2-3 : exemple de document non daté de S. J. Blythe, administrateur de la cour martiale, servant à choisir les membres du comité pour une cour martiale générale, adressé au bureau d’aide de la DGIRH;

 

b.         M2-4 : document non daté intitulé « CMA Guidelines on Selection of Panel Members for General and Disciplinary Court Martial » rédigé par S. J. Blythe, administrateur de la cour martiale;

 

c.         M2-5 : document en date du 11 octobre 2006 intitulé « Aide Memoire on Selection of Panel Members for General Courts Martial or Disciplinary Courts Martial » par M. Cotter, administrateur de la cour martiale;

 

d.         M2-6 : demande de Simone Morrissey à la DGIRH concernant un rapport ad hoc comprenant une liste des inclusions et des exclusions en septembre 2008;

 

e.         M2-7 : deux listes de 25 membres provenant d’une liste aléatoire comprenant 9 863 officiers et 5 345 militaires du rang relativement à la présente cour martiale générale;

 

f.          M2-8 : administrateur de la cour martiale, « Court Martial Panel Member Selection Criteria Worksheets » préparé pour les membres et les remplaçants choisis en vue de faire partie de la cour martiale générale;

 

g.         M2-9 : un rapport sommaire sur l’effectif en date du 30-09-2008, préparé par le PM 2 Larivée à la demande de l’avocat de la défense et utilisé pendant son témoignage;

 

h.         M2-10 : un CD-ROM comprenant les diverses lois provinciales et territoriales sur le jury;

 

i.          M2-11 : rapport du Juge-avocat général (JAG) pour 2006-2007;

 

j.          M2-12 : une publication des Forces canadiennes intitulée « Servir avec honneur : la profession des armes au Canada », 2003;

 

k.         M2-14 : un document intitulé « Justice militaire au procès sommaire », B-GG-005-027/AF-011, modifié le 14 septembre 2001;

 

l.          M2-15 : un document intitulé « Le militaire du rang des Forces canadiennes au 21e siècle (Le corps des MR en 2020) », janvier 2003;

 

m.        M2-16 : un document intitulé « Le leadership militaire canadien au XXIe siècle (l’officier en 2020) », janvier 2003;

 

n.         M2-17 : DOAD 5031-8, (Perfectionnement professionnel au sein des Forces canadiennes);

 

o.         M2-22 : un document intitulé « Clause by Clause Analysis »qui présente une justification de l’article 42 du projet de loi C-25, qui est devenu la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, 1998, chapitre 35, entrée en vigueur le 1er septembre 1999, comprenant les articles 166 et 167, qui font référence à la compétence et à la composition de la cour martiale générale;

 

p.         M2-23 : le rapport du Juge-avocat général pour la période du 1er septembre 1999 au 31 mars 2000.

 

q.         M2-24 : le guide du système d’appréciation du personnel des Forces canadiennes (SAPFC);

 

r.          M2-25 : le livret illustré du SAPFC;

 

s.          M2-26: un document intitulé « Description de groupe professionnel militaire », A-PD-055-002/PP-002, 29 octobre 2003;

 

t.          M2-27 : Instr Pers Mil des FC 20/04 - Politique administrative pour le service de réserve de classe « A », de classe « B » et de classe « C », 1er décembre 2004, modification 5 et 18 septembre 2008; et,

 

u.         M2-28 : rapport du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d’enquête de la police militaire pour le premier ministre, 25 mars 1997, ci-après le « Rapport Dickson I ».

 

[3]        Le témoignage de Mme Morrissey a permis de recueillir les renseignements suivants. Elle travaille pour le Cabinet du juge militaire en chef. Elle a indiqué que son rôle prévu par la loi est de convoquer la cour martiale ainsi que de choisir et de nommer les membres du comité de la cour martiale générale au besoin. Mme Morrissey a affirmé qu’elle agit, en quelque sorte, à titre de chef du personnel et de contrôleur pour le compte du juge militaire en chef en plus de s’acquitter des autres fonctions réglementaires à l’intérieur du cadre législatif. Elle a témoigné au sujet de ses connaissances des Forces canadiennes, y compris les aspects administratifs et juridiques, résultant de sa vaste carrière d’officier dans le domaine des ressources humaines. Elle a déclaré que ses fonctions imposées par la loi occupent 50 à 60 pour cent de son temps, et que ses autres fonctions remplissent le reste de son horaire. Mme Morrissey a indiqué que sa fonction d’administratrice de la cour martiale ne requiert aucune formation spécialisée, mais qu’elle a trouvé utile d’avoir des connaissances dans le domaine des ressources humaines et de l’administration. Elle a décrit sa longue carrière comme militaire du rang, puis comme officier dans les Forces canadiennes jusqu’à sa retraite en 2007, ainsi que sa nomination en tant que civile au poste d’administratrice de la cour martiale le 14 mars 2007. Elle a expliqué la méthode qu’elle utilise pour choisir les membres du comité dans le cas de la cour martiale générale. Premièrement, elle demande, deux fois par année, à voir une liste de membres du personnel des Forces canadiennes choisis de façon aléatoire par l’entremise de la Direction de la gestion de l’information des ressources humaines (DGIRH) en fonction d’une série de critères d’inclusion et d’exclusion qu’elle fournit. La liste aléatoire de membres, générée par la DGIRH au moyen des critères d’exclusion, comprend un numéro de rangée pour chaque membre obtenu au moyen d’une formule dans Microsoft Excel. Elle a précisé que sa population cible comprend tous les membres actifs de la Force régulière ainsi que le personnel du service de réserve de classes « B » et « C » ayant au moins le grade de capitaine ainsi que les militaires du rang ayant au moins un grade d’adjudant. Les membres suivants du personnel sont exclus : les avocats militaires et les officiers de la police militaire, les élèves-officiers, le personnel ayant moins d’une année de service appartenant au service de réserve de classe « A » ou au CIC, le personnel participant à des programmes d’échange à l’étranger ou des opérations de déploiement à l’extérieur du Canada, le personnel inexercé, les militaires non actifs, les auxiliaires non actifs, le personnel en congé de fin de service ou en congé autorisé ainsi que le personnel reconnu coupable par un tribunal civil ou militaire. Elle a affirmé que la liste générée par la DGIRH répond aux exigences en matière d’admissibilité des membres du régime juridique actuel. La liste comprend des membres issus de trois milieux partout au Canada : l’Armée de terre, la Force aérienne et la Marine, sans distinction fondée sur le sexe, l’âge, la religion, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, la race ou la couleur. Elle compte environ 700 pages de données et établit une liste de plus de 15 000 membres admissibles au comité qui ne sont identifiés qu’au moyen d’un numéro. Les numéros n’ont aucune signification pour elle. À ce sujet, elle a fait référence à l’annexe C de la pièce M2-5, un aide-mémoire servant à la sélection des membres du comité pour la cour martiale générale et la cour martiale disciplinaire qui a été conçu et utilisé par son prédécesseur en octobre 2006. Elle a expliqué qu’elle était généralement d’accord avec les politiques et les pratiques élaborées par ses prédécesseurs Blythe et Cotter‒‒en faisant référence aux pièces M2-3 à M2-5‒‒ à l’exception du fait qu’elle inclut maintenant le personnel du service de réserve de classe « B », car ils servent à plein temps. Mme Morrissey considère les documents rédigés par ses prédécesseurs comme un guide, mais elle a reconnu qu’ils sont désuets. Elle a expliqué qu’elle associe les numéros générés au hasard inscrits sur la première liste aux numéros de rangée de la liste de personnes générée par la DGIRH afin de créer une nouvelle liste de membres. Mme Morrissey inscrit ensuite les coordonnées de chaque personne sur sa liste en commençant généralement par celles qui y figurent en tête. Par la suite, elle procède à une entrevue téléphonique individuelle en utilisant un document de travail lui permettant de prendre des notes concernant l’entrevue. Lorsqu’elle rejoint une personne, elle mène l’entrevue afin de déterminer si son interlocuteur est en mesure de participer au comité de la cour martiale en utilisant le document de travail comprenant les critères de sélection des membres de ce comité (Court Martial Panel Member Selection Criteria Worksheet), qui se trouve à l’annexe C de la pièce M2-5. Si elle n’obtient pas de réponse, elle téléphone à la personne suivante sur la liste. Elle explique d’abord à la personne son rôle et ses fonctions à titre d’administratrice de la cour martiale et pourquoi elle contacte les membres directement et non par l’entremise de leur chaîne de commandement. Elle procède ensuite à l’entrevue au moyen du document de travail. En réponse à l’avocat du requérant, elle a fait savoir  qu’elle ne demande pas à un membre potentiel du comité s’il connaît le juge militaire assigné à la cour martiale ou l’avocat de la poursuite ou de la défense. Mme Morrissey a certifié que cette question pouvait être abordée en cour. Elle a aussi souligné qu’elle ne demande pas si un membre potentiel connaît les témoins possibles parce qu’elle ne possède pas cette information et qu’elle ne demande pas non plus à la personne si elle a présidé un procès sommaire. Dans ce cas particulier, les documents de travail ont été produits en preuve par le truchement de la pièce M2-8. La première page du document de travail mentionne 13 circonstances permettant d’exclure une personne et conférant le pouvoir de le faire. Le document mentionne également à l’utilisateur, en l’occurrence l’administratrice de la cour martiale, les moyens mis à sa disposition pour vérifier les exclusions, c.-à-d. la méthode de sélection aléatoire électronique, l’entrevue téléphonique ou les deux. L’administratrice de la cour martiale inscrit les résultats de sa vérification sur le document de travail. La seconde page du document de travail énumère six raisons supplémentaires pour lesquelles un membre potentiel peut être exempté de ses devoirs. Encore une fois, l’administratrice de la cour martiale inscrit les résultats de l’entrevue sur le document et indique ses conclusions à savoir si la personne est acceptée ou exclue. Si une personne est acceptée, elle est désignée à titre de membre du comité ou de remplaçant. Ce document peut être consulté à la demande de l’avocat. Mme Morrissey a attesté que, dans ce cas précis, elle avait exclu le premier nom de la liste aléatoire, soit le Colonel O’Rourke, parce qu’elle savait qu’il avait été membre du comité d’une cour martiale au cours des 24 derniers mois. Elle ne l’a pas appelé personnellement, mais elle a mis une note sur la liste afin de refléter ce fait. Elle n’a exclu aucun autre membre potentiel du comité. L’ordre de convocation en date du 9 octobre 2008, constituant la pièce 1 de l’audience, indique que l’administratrice de la cour martiale a nommé les personnes suivantes : le Colonel Shaw comme membre le plus haut gradé du comité et le Major Brodhagen, le Capitaine Wright, le Premier maître de 2e classe Chippa ainsi que l’Adjudant Smith en tant que membres du comité. Elle a aussi désigné deux membres remplaçants, le Capitaine Morrison et l’Adjudant Hunter.

 

[4]        Interrogée par l’avocat du requérant au sujet des raisons expliquant l’exclusion du personnel du service de réserve de classe « A » ou du personnel du Cadre des instructeurs de cadets (CIC), Mme Morrissey a fait valoir qu’ils ne servent pas à plein temps et qu’il lui est impossible de les contacter facilement sans l’aide de leur chaîne de commandement. Elle a affirmé que les membres du service de réserve de classe « A » ne peuvent être contraints à faire partie du comité de la cour martiale puisqu’ils ne servent que sur une base volontaire et à temps partiel. Elle a également expliqué qu’à sa connaissance, les réservistes de la classe « A » sont surtout des étudiants, des personnes ayant un emploi régulier ou des retraités qui n’ont pas l’intention de travailler à plein temps pour les Forces canadiennes. Finalement, elle a ajouté n’avoir aucun budget pour rémunérer les membres du service de réserve de classe « A » qui accepteraient d’être membres du comité de la cour martiale et que cette somme devrait être assumée par leur unité. Elle a aussi justifié certaines exclusions fournies à la DGIRH pour le processus de génération de la liste aléatoire. Par exemple, Mme Morrissey a expliqué que les personnes en mission à l’étranger sont exclues, car leur nomination pourrait nuire aux opérations, qu’elles ne seraient pas disponibles au moment opportun et que leurs fonctions sont suffisamment urgentes et importantes pour garantir leur exclusion. Cependant, ces personnes sont de nouveau admissibles à leur retour de mission. En ce qui a trait à l’exclusion des membres ayant été déclarés coupables d’une infraction, elle a affirmé que son intention était d’inclure ceux n’ayant reçu que des sanctions mineures. Elle n’a pas donné d’autres précisions à ce sujet.

 

[5]        Le PM 2 Larivée a également témoigné au cours de cette requête. Dans son témoignage, le PM 2 Larivée a corroboré celui de Mme Morrissey relativement à la demande reçue, généralement deux fois par année, de générer une liste aléatoire de membres du personnel pour la sélection du comité de la cour martiale fondée sur les renseignements et les paramètres d’exclusion précis fournis par l’administratrice de la cour martiale. Il a expliqué comment les listes sont générées et souligné qu’il n’exerçait aucun pouvoir discrétionnaire dans le cadre du processus. Le PM 2 Larivée a fait savoir qu’il produit les rapports comprenant l’information demandée et les transmet à l’administratrice de la cour martiale. Il a affirmé que sa direction peut fournir divers renseignements, car il est possible de formuler les demandes de nombreuses façons différentes, y compris sous la forme d’une liste comprenant les membres du service de réserve de classe « A ». À la demande de l’avocat du requérant, il a préparé un document le 30 septembre 2008 intitulé « Rapport sommaire sur l’effectif » déposé à titre de pièce M2-9. Le document présente, sous forme numérique, l’effet qu’a l’exclusion des membres selon les instructions fournies par l’administratrice de la cour martiale. Parmi les exemples significatifs se trouve l’exclusion du personnel du service de réserve de classe « A », qui réduit le nombre de membres potentiels pour le comité de 2 561 personnes. Toutefois, le Premier maître de 2e classe Larivée n’a pu qu’affirmer que ces membres font partie de l’effectif de l’unité, mais il ne pouvait pas certifier qu’ils ont bien défilé avec leur unité, ce qui pourrait influencer négativement le chiffre avancé. Il a aussi dit que le nombre de membres exclus pour avoir commis des infractions, peu importe lesquelles, s’élevait à 3 085 personnes. Détail important, le nombre de personnes déployées réduit aussi le bassin de candidats potentiels de 880 personnes. L’essentiel du témoignage du Premier maître de 2e classe Larivée figure dans la pièce M2-9. Ceci résume la preuve entendue lors de la requête. Voici maintenant la position des parties relativement à cette requête.

 

POSITION DES PARTIES

 

Le requérant

 

Introduction

 

[6]        Le requérant soutient que son droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable, comme le garantit l’alinéa 11d) de la Charte, n’a pas été respecté en raison de la méthode de sélection des membres du comité utilisée par l’administratrice de la cour martiale et exigée en vertu des dispositions pertinentes de la Loi sur la défense nationale et des ORFC en ce qui a trait à la cour martiale générale. Subsidiairement, il invoque l’article 7 de la Charte puisque cette affaire concerne : (1) une atteinte possible à sa liberté; (2) les principes de justice fondamentale exigeant l’équité de la procédure dans le cadre de la sélection des membres du comité et, de façon plus générale, un procès équitable; et (3) l’atteinte qui s’ensuit nécessairement à ces principes.

 

Exclusion inappropriée du bassin de candidats

 

[7]        Premièrement, le requérant affirme que le bassin de membres admissibles selon le paragraphe 111.03(3) des ORFC est réduit de manière inappropriée parce qu’un membre du personnel administratif, dans le cas présent le PM 2 Larivée, à titre de chef des opérations, a utilisé de façon automatique et arbitraire les produits d’extrant de la DGIRH alors qu’il n’est pas membre du bureau de l’administratrice de la cour martiale et qu’il n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’exclure des membres, lequel est uniquement accordé à l’administratrice de la cour martiale[1]. Il présente deux exemples de ce problème, à savoir que des membres admissibles de la Force de réserve‒‒surtout des membres du service de réserve de classe « A », mais aussi des Rangers et des officiers du CIC‒‒sont automatiquement exclus et que les membres du personnel en affectation ou en mission à l’extérieur du Canada sont également tenus à l’écart du comité, apparemment sans que quiconque évalue s’ils seront disponibles ou non au moment du procès ou s’ils souhaitent faire partie du comité, et sans avoir recours aux alinéas 111.03(4)a) ou f) des ORFC. De plus, il affirme que l’administratrice de la cour martiale outrepasse les pouvoirs que lui confère la loi en appliquant des politiques et des pratiques principalement conçues par ses prédécesseurs pour des raisons d’efficacité et des aspects pratiques ainsi que pour perturber le moins possible les opérations des Forces canadiennes en dérogeant au cadre de réglementation. Le requérant prétend également que des membres potentiels du comité sont injustement exclus en raison d’infractions mineures d’ordre militaire inscrites sur leur fiche de conduite, alors que seuls les membres ayant commis des infractions militaires équivalant à des actes criminels devraient être exclus des comités, comme c’est le cas pour les jurés potentiels partout au Canada. Cependant, il indique que les personnes ayant suivi la formation d’officier présidant au procès sommaire et les officiers qui ont présidé de tels procès doivent être exclus, puisqu’ils sont des juges en bonne et due forme ou qu’ils possèdent des connaissances spécialisées ne convenant pas aux membres du comité.

 

[8]        Le requérant stipule que, même si un comité militaire n’est pas un jury, ses membres ressemblent aux jurés et devraient mettre à contribution la nouveauté de l’approche qui constitue un des avantages du système de jury. Il affirme que le but de l’article 111.03 des ORFC est d’obtenir un échantillon représentatif de la société, constitué honnêtement et équitablement comme le décrit la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Church of Scientology of Toronto[2].

 

[9]        Il soutient aussi que les anciens points de vue concernant les procès devant le comité exprimés par la Cour d’appel de la cour martiale dans les affaires R. c. Brown[3], R. c. Lunn[4] et R. c. Deneault[5] ne sont pas pertinents aux fins du débat en cours. Les critères utilisés dans ces cas pour différencier les comités des jurys sont dépassés. Les caractéristiques considérées comme semblables‒‒par exemple, que les membres sont les seuls juges des faits et qu’ils doivent accepter les directives du juge‒‒persistent; et les différences, censées démontrer la présence d’un système sui generis‒‒comme le verdict de la majorité, le prononcé de la sentence et l’obligation que les membres du comité soient des officiers‒‒sont absentes. Le requérant invoque plutôt le paragraphe 7(2) de la décision de la Chambre des lords dans l’affaire R. C. Boyd, [2002] UKHL 31, pour illustrer ce qu’est vraiment le rôle moderne des comités de la cour martiale du Canada.

 

[10]      Le requérant soutient que la représentativité, qui est essentielle dans un jury, ne découle pas de la composition des douze membres du jury en question, mais du bassin à partir duquel ils ont été choisis. Le même principe devrait s’appliquer aux membres du comité de la cour martiale. Pour appuyer cet argument, le requérant se fonde sur les remarques de la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt R. c. Sherratt[6], à la p. 525 :

 

L'importance perçue du jury et du droit, conféré par la Charte, à un procès avec jury n'est qu'illusoire en l'absence d'une garantie quelconque que le jury va remplir ses fonctions impartialement et représenter, dans la mesure où cela est possible et indiqué dans les circonstances, l'ensemble de la collectivité. De fait, sans les deux caractéristiques de l'impartialité et de la représentativité, un jury se verrait dans l'impossibilité de remplir convenablement un bon nombre des fonctions qui rendent son existence souhaitable au départ. La représentativité est garantie par la législation provinciale, du moins dans le cas du tableau initial.

 

[11]      Le requérant fait valoir que le procès ne peut avoir lieu si des membres potentiels sont injustement exclus, comme les membres du service de réserve de classe « A », en particulier parce que leur inclusion permettrait d’augmenter de plus de 2 000 personnes le bassin de candidats disponibles, ce qui est substantiel. À ce stade, le niveau de représentativité requis n’est plus atteint et le bassin de candidats est privé de son caractère aléatoire. Le requérant établit ensuite un parallèle avec la situation dans la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire R. c. Butler[7], où un nouveau procès a été ordonné après qu’il est devenu évident que des personnes autochtones pouvaient avoir été injustement exclues du bassin de candidats.

 

[12]      Le requérant fait valoir que les membres potentiels du comité doivent uniquement faire partie des Forces canadiennes et qu’ils ne sont pas tenus de servir dans la Force régulière ou dans le service de réserve de classe « A ». Il avance qu’il n’est pas obligatoire que les membres du comité travaillent à temps plein et qu’ils puissent être en mesure de participer à la cour martiale, ce qui rend la disposition relative à l’INSTR 20/04 PERS MIL DES FC et l’obligation de servir stipulée dans les OAFC 2-8 (Force de réserve - Organisation, commandement et obligation de servir) non pertinentes. Le requérant juge important que l’administrateur de la cour martiale soit un civil n’ayant aucun pouvoir conféré par des traditions régissant la vie militaire ou une loi permettant d’ordonner aux membres du comité de prendre part à un procès devant la cour martiale, même lorsqu’ils font partie de la Force régulière.

 

[13]      Le requérant soutient aussi que le procès ne peut avoir lieu lorsque la composition du comité n’est pas représentative du bassin de candidats exigé aux termes de l’article 111.03 des ORFC ainsi que des articles 167 et 168 de la LDN, qui doit être composé de tous les officiers et militaires du rang des Forces canadiennes possédant le grade requis selon l’article 167 de la LDN. D’après le requérant, un membre ne peut être exclu que pour les raisons suivantes :

 

            a.         il sert présentement, a servi au moment de la prétendue perpétration de l’infraction ou servira au cours de la période pendant laquelle il est prévu que la cour martiale aura lieu, au sein de l’unité de l’accusé (ORFC 111.03(3)b));

 

b.         il relève immédiatement d’un officier ou militaire du rang qui a été choisi pour agir à titre de membre de la cour martiale (ORFC 111.03(3)c));

 

c.         il sera inscrit sur la liste des effectifs non disponibles pour raisons de santé ou il sera en congé de fin de service au cours de la période pendant laquelle il est prévu que la cour martiale aura lieu (ORFC 111.03(3)d)); et,

 

d.         il a été déclaré coupable d'une infraction d’ordre militaire ou d'un acte criminel sous le régime du Code criminel ou de toute autre loi fédérale, sauf si l’officier ou le militaire du rangs s’est vu accorder une réhabilitation (ORFC 111.03(3)e)).

 

Composition du comité de la cour martiale et inhabilité à siéger (articles 167 et 168 de la Loi sur la défense nationale)

 

[14]      Le second thème abordé par le requérant dans sa plaidoirie est axé sur la composition fondée sur le grade du comité de la cour martiale générale et l’inhabilité à siéger de certaines personnes en raison de leur grade (articles 167 et 168 de la Loi). Le requérant affirme que la pratique des Forces canadiennes est désormais si semblable à celle du système civil de sélection du jury que, par conséquent, les mêmes principes devraient s’appliquer. Il répète que la précédente justification permettant de valider la nécessité des procès devant un comité exprimée par la Cour d’appel de la cour martiale dans les affaires R. c. Brown[8], R. c. Lunn[9] et R. c. Deneault[10] ne s’applique plus dans le contexte de l’évolution récente du système de justice militaire. Les critères utilisés dans ces affaires pour différencier les comités des jurys auraient été dépassés par les événements au point que ces dispositions violeraient directement les droits garantis à une personne accusée en vertu de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la Charte. Les caractéristiques considérées comme semblables‒‒par exemple, que les membres sont les seuls juges des faits et qu’ils doivent accepter les directives du juge‒‒persistent; et les différences, censées démontrer la présence d’un système sui generis‒‒comme le verdict de la majorité, le prononcé de la sentence et l’obligation que les membres du comité soient des officiers‒‒sont absentes. Il souligne toutefois que, malgré certaines similitudes, la cour martiale ne prévoit pas de récusations péremptoires et impose des critères d’admissibilité beaucoup plus restrictifs. Pour ces motifs, contrairement au comité militaire, la composition d’un jury civil demeure la même, sans égard pour la classe, la situation, la scolarité ou l’importance de l’accusé. Le requérant prétend que les différences entre la sélection des membres d’un comité et celle des membres d’un jury doivent être analysées et qu’il est essentiel de trouver une raison militaire si aucune loi en soi ne justifie ce système. Il affirme aussi que le but de la présente requête n’est pas de déroger à l’alinéa 11f) de la Charte, mais plutôt de le rendre conforme à la doctrine en vigueur. L’évolution du système de justice militaire a contrecarré la nature sui generis du système, examinée dans la jurisprudence antérieure par la Cour d’appel de la cour martiale, et des comités ressemblant à des jurys de cinq personnes composent maintenant les cours martiales générales.

 

[15]      Le requérant mentionne aussi que l’article 167 de la Loi sur la défense nationale et les articles 111.03 et 111.04 des ORFC sont inconstitutionnels, puisque les officiers dont le grade est inférieur à celui de capitaine et les militaires du rang n’ayant pas au moins le grade d’adjudant sont injustement exclus pour des raisons qui n’ont aucune justification militaire de nos jours ou encore, parce qu’aucune raison logique ou militaire ne justifie la modification de la composition du comité en raison du grade de l’accusé. Le requérant s’appuie sur les remarques du regretté Juge en chef du Canada qui, dans le cadre de l’examen de l’article 165.14 de la Loi sur la défense nationale, contenu dans Le premier examen indépendant du très honorable Antonio Lamer (Rapport Lamer), a affirmé :

 

Le fait que le grade de l’accusé fasse partie des facteurs déterminant le type de cour martiale qui doit être convoquée est contraire au principe moderne de l’égalité devant la loi. Il faut que ce traitement différent soit justifié par une raison militaire suffisamment importante.

 

[16]      Le requérant ne voit aucune raison logique pour que les officiers accusés soient jugés par des comités dont les membres possèdent un grade se rapprochant davantage du leur que les militaires du rang. Le régime actuel fondé sur le grade des membres du comité et sur le grade des accusés donne l’impression qu’il existe deux systèmes de justice : les officiers sont plus importants et reçoivent donc des avantages réservés aux plus hauts gradés de la population militaire, alors que les militaires du rang ne sont représentés que par une minorité de leurs homologues au sein du comité. Il soutient que les membres qui sont actuellement exclus des comités des cours martiales pourraient faire partie du jury pour un tribunal criminel devant statuer sur des affaires semblables, particulièrement en ce qui concerne les poursuites en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale pour des infractions criminelles habituelles. En invoquant la nouvelle doctrine des Forces canadiennes‒‒voir en particulier les pièces M2-12, M2-15 et M2-17‒‒ le requérant ne peut trouver aucune raison logique expliquant l’exclusion du comité de la cour martiale d’un militaire du rang dont le grade est inférieur à celui d’adjudant, étant donné que tous les membres des Forces canadiennes doivent posséder un ensemble de compétences établies, peu importe leur statut ou leur grade, qu’ils servent dans la Force régulière ou le service de réserve.

 

[17]      Le requérant prétend que les membres du comité ne sont plus que des juges des faits et qu’ils n’assument aucune fonction de leader en tant que tel dans ce rôle particulier. Leur rôle n’est pas d’imposer des mesures disciplinaires, mais de s’assurer que justice soit faite. Il ajoute que, dans la mesure où les juges militaires considèrent que leur rôle s’harmonise de plus en plus à celui des juges civils des cours supérieures de juridiction criminelle, l’accusé peut maintenant choisir le type de procès et les comités ressemblent de plus en plus à des jurys. Il souligne que, pendant ce temps, le rôle des militaires du rang dans les Forces canadiennes a aussi évolué. Essentiellement, le comité de la cour martiale générale devrait maintenant être composé de personnes issues d’un bassin comprenant tous les membres des Forces canadiennes. Autrement, les droits que l’alinéa 11d) garantit à un accusé ne sont pas respectés.

 

La sélection des membres du comité devrait être effectuée en présence de l’accusé

 

[18]      Le dernier thème important soulevé par le requérant concerne la violation des droits de l’accusé, parce que le processus actuel ne comprend aucun mécanisme permettant à cette personne de prendre part à la sélection du comité de la cour martiale. Le requérant affirme que les pouvoirs conférés à l’administrateur de la cour martiale en vertu du paragraphe 111.03(4) des ORFC sont inconstitutionnels puisqu’ils ne sont pas exercés en présence de l’accusé. Il prétend que le processus de sélection aléatoire des membres du comité est directement analogue à celui des membres d’un jury. Il a été décidé que ce dernier processus devait faire partie du procès, ce qui a une incidence directe sur les intérêts vitaux de l’accusé, malgré le fait qu’à toutes fins pratiques, le procès ne soit pas officiellement commencé à ce moment. Le requérant s’appuie sur les arrêts ci-après de la Cour suprême du Canada pour illustrer son point de vue : R. c. Barrow (1987), 38 C.C.C. (3d) 193 (C.S.C.); Basarabas et Spek c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 730, aux pages 8 et 9; et Tran c. La Reine, [1994] 2 R.C.S. 951. Il affirme que, tout comme un accusé ne devrait pas avoir à compter sur la conduite exemplaire du poursuivant pour assurer la protection de ses droits fondamentaux, il ne devrait pas être nécessaire de compter sur la conduite exemplaire de l’administrateur de la cour martiale. Par conséquent, l’accusé doit être présent pendant le processus de sélection, en particulier dans le contexte où l’administratrice de la cour martiale affirme qu’elle est aussi chef d’état-major du juge militaire en chef, qui désigne les juges pour les procès et qui peut même juger un procès. Dans sa plaidoirie écrite, le requérant soutient qu’il est essentiel que l’administrateur de la cour martiale ne soit pas en mesure de prendre des décisions pouvant porter atteinte aux intérêts de l’accusé, directement ou indirectement, à l’extérieur de la salle d’audience, en l’absence de l’accusé et dans une situation où aucun dossier public n’est obligatoirement rédigé concernant les mesures prises par le juge militaire en chef.

 

Réparations demandées

 

[19]      Le requérant réclame plusieurs mesures de réparation au tribunal. Il demande que ce dernier accorde diverses formes de réparation constitutionnelle en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle relativement aux articles 167 et 168 de la Loi sur la défense nationale et à l’article 111.03 des ORFC. De plus, il exige que le tribunal mette fin à l’instance devant la présente cour martiale pour les mêmes raisons qu’un procès peut être déclaré nul, puisque le comité sélectionné ne peut participer à la cour martiale et qu’il n’y a pas d’outils permettant d’en choisir correctement un autre. Cependant, le requérant affirme qu’il réclame une suspension de l’instance si ce tribunal conclut que les articles 166 à 168 de la Loi sur la défense nationale et l’article 111.03 des ORFC ne répondent pas aux exigences de l’alinéa 11d) ou de l’article 7 de la Charte et que la correction des problèmes pourrait aller à l’encontre de la séparation des pouvoirs et usurper le rôle au Parlement.

 

[20]      Finalement, le requérant réclame une ordonnance prévoyant que toute disposition censée autoriser la dispense d’un membre potentiel d’un comité sur une base facultative ne soit utilisée que devant un tribunal, en la présence de l’accusé. Subsidiairement, une ordonnance portant que les dispositions autorisant l’administrateur de la cour martiale à dispenser des membres potentiels d’un comité sur une base discrétionnaire doivent être parfaitement documentées et que les documents en question doivent être transmis à l’avocat avant le début de chaque procès.

 

L’intimée

 

Introduction

 

[21]      La cour entendra maintenant la plaidoirie de l’intimée. L’intimée affirme que la requête devrait être rejetée. Elle limite les arguments du requérant à trois questions :

 

1.         Est-ce que la manière qu’utilise l’administratrice de la cour martiale pour désigner les membres du comité de la cour martiale va à l’encontre de l’article 7 ou de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés?

 

2.         Est-ce que la disposition prévue à l’alinéa 111.03(3)e) des ORFC, qui interdit à l’administratrice de la cour martiale de nommer une personne déclarée coupable comme membre d’un comité de la cour martiale, contrevient à l’article 7 ou à l’alinéa 11d) de la Charte?

 

3.         Est-ce que les dispositions concernant le grade des membres du comité de la cour martiale indiquées aux articles 167 et 168 de la Loi sur la défense nationale contreviennent aux articles 7 ou 15 ou à l’alinéa 11d) de la Charte?

 

[22]      L’intimée affirme que la façon dont l’administratrice de la cour martiale nomme les membres du comité de la cour martiale ne contrevient pas à l’article 7 ou à l’alinéa 11d) de la Charte. Pour chaque cour martiale générale, l’administratrice de la cour martiale choisit les membres du comité en tenant compte des dispositions pertinentes des ORFC. Elle exclut toutes les personnes qui doivent l’être. En outre, elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de manière appropriée pour exclure certaines personnes qui peuvent l’être et inclure toutes celles qui peuvent raisonnablement être prises en considération. Avant tout, l’intimée fait valoir qu’elle choisit les membres du comité en utilisant une méthode aléatoire, sans manifester de partialité ou de favoritisme. En résumé, la façon dont l’administratrice de la cour martiale désigne les membres d’un comité est telle que le comité en question peut raisonnablement être perçu comme indépendant et impartial.

 

[23]      L’intimée soutient aussi que la disposition des ORFC interdisant à l’administratrice de la cour martiale de nommer une personne déclarée coupable à titre de membre du comité de la cour martiale ne contrevient pas à l’article 7 ni à l’alinéa 11d) de la Charte. À cet égard, l’intimée fait référence à des dispositions semblables de lois provinciales sur le jury et au fait que l’absence de personnes déclarées coupables au sein des comités de la cour martiale ne peut objectivement être considérée comme un manque d’impartialité par une personne raisonnable et bien informée.

 

[24]      Finalement, elle fait valoir que les dispositions de la LDN concernant le grade des membres du comité de la cour martiale ne contreviennent pas aux articles 7 ou 15 ou à l’alinéa 11d) de la Charte, puisque les personnes jugées devant un tribunal militaire n’ont pas le droit de bénéficier d’un procès devant jury conformément à l’alinéa 11f) de la Charte. L’intimée affirme que les comités de la cour martiale ne visent pas à ce qu’une personne soit jugée par ses pairs. Les membres du comité sont plutôt des officiers et des militaires du rang expérimentés dont la formation vise à assurer qu’ils sont sensibles à la nécessité de la discipline, de l’obéissance et du sens du devoir de la part des Forces armées, ainsi qu’à l’exigence d’efficacité militaire. Elle ajoute que contrairement à ce qui se passe dans la société civile contemporaine, les divisions fondées sur le grade continuent de jouer un rôle important dans la culture militaire et qu’elles sont inhérentes à la structure hiérarchique des Forces canadiennes. Encore une fois, elle souligne que des personnes raisonnables et bien informées évaluant parfaitement les réalités de la vie militaire concluraient sans doute que les comités de la cour martiale axés sur le grade ne constituent pas un manque d’impartialité.

 

[25]      L’intimée prétend que le requérant tente de convaincre le tribunal d’accorder un droit qui n’est pas stipulé dans la Charte, c’est-à-dire le droit de l’accusé à un procès devant jury. Elle affirme que les observations du requérant équivalent à dire que tout processus différent du processus de sélection d’un jury est inconstitutionnel. L’intimée fait valoir que l’alinéa 11d) ne peut prévaloir sur l’alinéa 11f), qui exclut expressément la possibilité d’accorder au requérant un procès civil devant jury. Elle exprime clairement que la Cour d’appel de la cour martiale a reconnu pendant de nombreuses années le fait qu’un procès militaire comportant un comité n’a pas pour but, dans un contexte militaire, d’équivaloir à un procès devant jury dans un contexte civil. Elle invite le tribunal à examiner les décisions de la Cour d’appel dans les affaires R. c. Lunn (1993) 5 RCACM 157; R. c. Deneault (1994), 5 RCACM182; et R. c. Trepanier, 2008 CACM 3 relativement à cette question.

 

Processus de sélection des membres du comité

 

[26]      Selon l’intimée, l’argument du requérant concernant l’alinéa 11d) et les décisions qu’il cite sont associés au droit d’un civil canadien à un jury représentatif. Elle indique aussi que si le tribunal accepte le fait qu’il existe des aspects semblables entre un comité militaire et un jury, il doit reconnaître qu’il existe certaines limites pratiques appropriées quant à l’inclusion de tous les membres des Forces canadiennes à titre de membres potentiels du comité. L’intimée fait référence au témoignage de Mme Morrissey concernant les déploiements et les missions à l’extérieur du pays ainsi qu’aux  limites relatives aux membres de la Force de réserve assujettis aux conditions de service de la classe « A », dont la plupart servent les soirs et les fins de semaine tout en occupant un emploi régulier ou en allant à l’école, et qui constituent des limites pratiques. Elle souligne qu’il serait inapproprié pour les Forces canadiennes d’espérer pouvoir contacter ses membres partout dans le monde pour qu’ils prennent part à une cour martiale générale. L’intimée fait valoir que l’obligation pour les membres de revenir au Canada afin de siéger au comité d’une cour martiale aurait une incidence négative sur les opérations militaires semblables à celles menées en Afghanistan.

 

[27]      L’intimée a indiqué que l’administratrice de la cour martiale a rempli ses fonctions conformément à l’article 165.19 de la Loi sur la défense nationale et au chapitre 111 des ORFC. Elle affirme que la liste des exclusions nécessaire à la création d’une liste aléatoire fournie à la DGIRH est assujettie à la Loi et aux règlements applicables. En particulier, elle renvoie à la liste d’exclusions constituant la pièce M2-6, qui ont toutes un lien avec des dispositions législatives ou réglementaires. L’intimée mentionne aussi que l’administratrice de la cour martiale ne peut déléguer aucun pouvoir. Elle allègue que le témoignage du Premier maître de 2e classe Larivée ainsi que les preuves documentaires montrent que la DGIRH produit un simple rapport conformément aux directives fournies par l’administratrice de la cour martiale. L’administratrice de la cour martiale est la seule à pouvoir exercer un pouvoir discrétionnaire.

 

[28]      En ce qui a trait à la prétendue exclusion irrégulière des membres du service de réserve de classe « A », l’intimée affirme que les membres de la Force de réserve ne sont ni « admissibles » ni « illégalement exclus ». Elle fait référence au témoignage de Mme Morrissey qui certifiait qu’elle n’a pas le pouvoir de contraindre les membres du service de réserve de classe « A » et qu’elle les exclut donc de la liste générée par la DGIRH. L’intimée soutient qu’ils ne servent que lorsqu’ils y consentent, à temps partiel et qu’ils occupent généralement un emploi civil régulier ou sont étudiants. L’intimée indique que puisqu’il est interdit de les contraindre à accomplir certaines fonctions en vertu de l’article 33 de la Loi sur la défense nationale, les membres du service de réserve de classe « A » ne sont pas admissibles comme membres du comité.

 

[29]      En ce qui concerne l’observation du requérant portant que la cour martiale exclut illégalement le personnel en mission, l’intimée affirme que l’administratrice de la cour martiale applique correctement son pouvoir discrétionnaire pour exclure ces personnes, puisqu’elles doivent « remplir des fonctions suffisamment urgentes et importantes pour empêcher [leur] nomination » au comité d’une cour martiale comme le stipulent les alinéas 111.03(4)a) et 111.03(4)f) des ORFC. Ces membres ne sont exclus de la liste que pour la durée de leur mission et par conséquent, leur exclusion n’est que temporaire.

 

[30]      L’intimée répond aux allégations du requérant concernant le fait qu’il est inapproprié d’inclure dans le bassin de candidats les officiers qualifiés pour présider. Elle dit que la formation d’officier présidant permet uniquement d’obtenir une accréditation du Juge-avocat général quant à la capacité d’un commandant ou d’un officier délégué à exécuter les fonctions d’officier présidant. La formation ne confère aucun statut au bénéficiaire. Le pouvoir de présider un procès sommaire est fondé sur la nomination en tant que commandant, commandant supérieur ou officier délégué. La formation et l’accréditation offrent au commandant ou à l’officier délégué les connaissances et les compétences nécessaires pour exécuter les fonctions liées à l’administration du Code de discipline militaire pendant un procès sommaire. Elle affirme aussi qu’étant donné que bon nombre de membres du comité sont susceptibles d’avoir complété la formation d’officier présidant à un moment de leur carrière, le risque qu’ils abusent de leur influence est minime. L’intimée souligne qu’il faut aussi se rappeler que la cour martiale sert à faire appliquer la discipline au sein des Forces canadiennes, que le comité de la cour martiale est composé de membres responsables de son application et que les membres doivent donc posséder les connaissances requises en ce qui a trait au Code de discipline militaire. Elle fait également valoir qu’en empêchant tous les membres qui ont complété la courte formation d’officier présidant de participer à un comité de cour martiale, une partie importante du corps des officiers deviendrait inadmissible de façon permanente. L’intimée considère que cet élément constitue une différence cruciale entre une cour martiale et un procès devant jury.

 

Exclusion des membres ayant un dossier de condamnation

 

[31]      L’intimée répond aussi au requérant relativement à l’exclusion des membres ayant un dossier de condamnation et affirme que ces personnes sont exclues à juste titre en vertu de la loi; toutefois, il ne s’agit pas d’une exclusion permanente. Elle indique que l’exclusion s’applique uniquement jusqu’à ce que le dossier de condamnation soit effacé, au moyen d’une réhabilitation ou d’une opération stipulée dans la DAOD 7006-1 (Établissement et tenue des fiches de conduite). Elle souligne les différences évidentes entre les diverses lois provinciales et territoriales sur le jury pour illustrer le fait que ces exclusions ne se limitent généralement pas qu’aux personnes reconnues coupables d’actes criminels.

 

La composition du comité fondée sur le grade

 

[32]      L’intimée a aussi fait remarquer que les articles 166 et 167 de la Loi sur la défense nationale respectent les critères constitutionnels. Elle affirme que contrairement aux observations du requérant, il existe une raison militaire justifiant l’exclusion des officiers ayant un grade inférieur à celui de capitaine et des militaires du rang ayant un grade inférieur à celui adjudant des comités : les lieutenants et les sergents n’ont tout simplement pas la formation et l’expérience nécessaires pour prendre des décisions justifiées et éclairées en matière de justice militaire. Pour appuyer son point de vue, elle invoque les remarques du juge en chef Lamer dans l’arrêt R. c. Généreux[11], relativement aux membres du comité de la cour martiale :

 

Leur formation vise à assurer qu'ils sont sensibles à la nécessité de la discipline, de l'obéissance et du sens du devoir de la part des Forces armées, ainsi qu'à l'exigence d'efficacité militaire. La cour martiale traduit inévitablement, dans une certaine mesure, les préoccupations des personnes responsables de la discipline et du moral des troupes.

 

En outre, l’intimée affirme qu’étant donné le degré de hiérarchie au sein des Forces canadiennes, il serait contre-intuitif d’imaginer que des subalternes devraient juger leurs supérieurs. Elle conclut qu’il est essentiel et logique, d’un point de vue militaire, que la composition d’un comité dépende du grade de la personne accusée.

 

[33]      Enfin, l’intimée répond aux allégations du requérant selon lesquelles les membres des Forces canadiennes n’ayant pas un grade suffisant sont exclus des comités, même s’ils peuvent être jurés dans un procès civil relatif au même type d’accusations, ce qui va à l’encontre de l’article 15 de la Charte. Elle affirme que si le requérant prétend que certains membres sont privés de leur droit de participer au comité d’une cour martiale, il s’agit là d’un droit personnel et que comme le requérant n’a pas revendiqué le statut de membre d’une « minorité discrète et isolée » afin d’être visé par le paragraphe 15(1) de la Charte, cette plainte doit être rejetée.

 

DÉCISION

 

Analyse juridique

 

[34]      Le tribunal abordera les points soulevés dans la requête en examinant les questions suivantes :

 

4.         Est-ce que les dispositions des articles 167 et 168 de la Loi sur la défense nationale concernant la composition du comité de la cour martiale générale axée sur le grade de l’accusé et l’inadmissibilité des officiers ayant un grade inférieur à celui de capitaine ainsi que des militaires du rang ayant un grade inférieur à celui d’adjudant à devenir membre du comité contreviennent aux articles 7 ou 15 ou à l’alinéa 11d) de la Charte? Dans l’affirmative, constituent-elles des limites raisonnables dans une société démocratique libre et sont-elles justifiées en vertu de l’article premier de la Charte?

 

5.         Est-ce que la procédure établie dans l’article 111.03 des ORFC ainsi que les méthodes et les pratiques utilisées par l’administratrice de la cour martiale pour désigner les membres et les remplaçants du comité d’une cour martiale générale contreviennent à l’article 7 ou à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés? Dans l’affirmative, s’agit-il d’une limite raisonnable dans une société démocratique libre et est-elle justifiée en vertu de l’article premier de la Charte?

 

6          Si la réponse à la seconde question est négative, est-ce que le fait d’exclure certaines catégories de personnes qui ne sont pas expressément mentionnées, comme les membres du service de réserve de classe « A », du bassin de candidats admissibles à une sélection aléatoire par l’administratrice de la cour martiale, s’inscrit dans la portée de l’article 111.03 des ORFC? Si la réponse à cette question est non, est-ce que ces exclusions constituent un abus de pouvoir ou une utilisation inappropriée du pouvoir discrétionnaire de l’administratrice de la cour martiale qui viole les droits du Matelot-chef Middlemiss en vertu de l’article 7 ou de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés?

 

Composition de la cour martiale générale fondée sur le grade de l’accusé et impossibilité pour les officiers ayant un grade inférieur à capitaine ainsi que les militaires du rang ayant un grade inférieur à adjudant de faire partie du comité en tant que membres (articles 167 et 168 de la Loi sur la défense nationale).

 

[35]      Il n’est pas contesté que beaucoup d’aspects du système de justice militaire et du système des cours martiales dans le droit militaire canadien ont évolué de façon considérable au cours des dernières années et qu’ils continueront d’évoluer au sein du système juridique canadien plus étendu de cours et de tribunaux. Cette évolution respecte les valeurs établies dans la Charte et est susceptible de refléter, dans une certaine mesure, l’évolution du droit pénal canadien. La présente requête remet en question une des particularités de la cour martiale générale qui n’a pas encore été harmonisée étroitement aux règles applicables aux tribunaux criminels canadiens, comme le fait que les décisions du comité relatives à un verdict de culpabilité ou de non-culpabilité doivent être unanimes[12]. Ce n’est qu’en 1998, année où les articles 167 et 168 sont entrés en vigueur, que la Loi sur la défense nationale a permis aux militaires du rang d’un grade égal ou supérieur à celui d’adjudant de faire partie du comité. Cette modification a été précipitée, du moins en partie, par l’intention du gouvernement du Canada d’exiger que les comités de la cour martiale représentent mieux le personnel afin de favoriser la discipline, l’efficacité et le moral des troupes[13].

 

[36]      Le requérant affirme que la composition d’un comité de la cour martiale fondée sur le grade contrevient au droit d’une personne accusée de voir sa cause entendue par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable conformément à l’alinéa 11d), puisque le niveau de représentativité en ce qui a trait au rôle et aux fonctions des membres du comité de la cour martiale n’est pas suffisant étant donné que le comité est désormais, à toutes fins pratiques, un jury composé de cinq personnes. Il requête au tribunal d’annuler les décisions de la Cour d’appel de la cour martiale validant des décisions rendues au cours de procès devant un comité avant 1998, c.-à-d. R. c. Brown[14], R. c. Lunn[15] et R. c. Deneault[16].

 

[37]      Dans l’arrêt R. c. Généreux[17], le juge en chef Lamer, a fait les remarques suivantes relativement à la nature des tribunaux militaires et au lien obligatoire unissant la hiérarchie militaire et les tribunaux militaires aux pages 294 et 295 :

 

Comme je vais l'expliquer plus en détail ci-après, les membres d'une cour martiale, qui sont les juges des faits, et le juge-avocat, qui préside l'instance à peu près de la même manière qu'un juge, sont choisis parmi les militaires. Les membres de la cour martiale sont aussi des supérieurs hiérarchiques ayant au moins le grade de capitaine. Leur formation vise à assurer qu'ils sont sensibles à la nécessité de la discipline, de l'obéissance et du sens du devoir de la part des Forces armées, ainsi qu'à l'exigence d'efficacité militaire. La cour martiale traduit inévitablement, dans une certaine mesure, les préoccupations des personnes responsables de la discipline et du moral des troupes. À mon avis, une personne raisonnable pourrait bien considérer que l'appartenance aux Forces armées des personnes qui composent une cour martiale influera sur sa façon d'aborder les affaires qui lui sont soumises.

 

Cela n'est pas suffisant en soi pour constituer une violation de l'al. 11d) de la Charte. À mon avis, la Charte ne vise pas à miner l'existence d'organismes qui veillent eux-mêmes au maintien d'une discipline, comme, par exemple, les Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale du Canada. L'existence d'un système parallèle de droit et de tribunaux militaires, pour le maintien de la discipline dans les Forces armées, est profondément enracinée dans notre histoire et elle est justifiée par les principes impérieux analysés plus haut. C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter le droit d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial que garantit à l'accusé l'al. 11d) de la Charte.

 

                Il a ensuite poursuivi à la page 296 et a donné son opinion au sujet de l’interaction entre les alinéas 11d) et 11f) de la Charte :

 

À mon avis, toute interprétation de l'al. 11d) doit se faire dans le contexte des autres dispositions de la Charte. Sous ce rapport, j'estime qu'il est approprié que l'al. 11f) de la Charte indique que le contenu de certaines garanties juridiques pourra varier selon l'institution en cause:

 

11.          Tout inculpé a le droit :

 

. . .

 

f)             sauf s'il s'agit d'une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d'un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l'infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave;

 

Puis il a poursuivi :

 

L'alinéa 11f) révèle, à mon sens, que la Charte prévoit l'existence d'un système de tribunaux militaires ayant compétence sur les affaires régies par le droit militaire. C'est donc en ayant cela à l'esprit qu'il faut interpréter les garanties de l'al. 11d). Le contenu de la garantie constitutionnelle d'un tribunal indépendant et impartial peut très bien différer selon qu'il s'agit du contexte militaire ou de celui d'un procès criminel ordinaire. Toutefois, un tel système parallèle est lui-même assujetti à un examen fondé sur la Charte et, si son organisation mine les principes fondamentaux de l'al. 11d), il ne peut survivre à moins que les atteintes soient justifiables en vertu de l'article premier.

 

[38]      Le présent tribunal est d’avis que ces remarques sont toujours pertinentes pour statuer sur la requête du requérant. Dans l’affaire R. c. Brown[18], le juge Hugessen, exprimant les motifs de la Cour d’appel de la cour martiale, a insisté de nouveau sur le fait que les tribunaux militaires devant un comité ne sont pas des procès devant jury dans le contexte d’une atteinte présumée à la présomption d’innocence en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte lorsque la décision de la cour martiale n’est pas unanime. Il a indiqué aux pages 290 et 291 :

 

Quelle que soit la position constitutionnelle adoptée en ce qui concerne la règle de l'unanimité du verdict rendu par un jury, et que cette règle soit ou non protégée par la Charte, il est clair qu'une cour martiale n'est pas un jury et que sa fonction et son rôle sont différents de ceux d'un jury. Dans l'arrêt R. c. Lunn9 9 (1993), 5 C.A.C.M. 157, le juge en chef Mahoney, au nom de la Cour, s'est exprimé de la façon suivante :

 

La cour martiale disciplinaire ne partage pas les caractéristiques d’un procès criminel civil devant jury; les membres sont les seuls juges des faits et ils doivent accepter les directives du Juge-avocat quant aux lois. Elle est aussi très différente à bien des égards. Par exemple, comme nous le verrons, les membres peuvent prendre connaissance d’office d’éléments propres à leur communauté dans une mesure importante, ce qui n’est pas accordé aux jurés; ils déclarent l’accusé coupable ou innocent en fonction d’un vote majoritaire et ce sont eux, non le Juge-avocat, qui prononcent la sentence. Lorsqu’il est question d’un procès devant jury, il est juste d’affirmer que l’accusé a le droit d’être reconnu coupable par un jury composé de ses pairs. Les membres de cours martiales sont traditionnellement des officiers de direction; les personnes qu’ils jugent ne sont pas nécessairement des pairs. Il serait inutile d’essayer de dénombrer toutes les similitudes et les différences. Les cours martiales sont sui generis. Les procès de la cour martiale disciplinaire n’équivalent pas, dans un contexte militaire, à un procès devant jury dans un contexte civil. [Page 164]

 

Même si les remarques du juge en chef concernaient précisément la cour martiale disciplinaire, il est impossible d’établir une distinction valable à ces fins entre les cours martiales disciplinaires et générales...

 

[39]      Ces remarques mettent en évidence plusieurs aspects importants du rôle et de la fonction du comité militaire qui diffèrent de ceux d’un jury dans le cadre d’un procès criminel et qui ne sont plus valables de nos jours. Sauf en ce qui concerne les affaires où le comité peut prendre connaissance d’office d’éléments auxquels un jury n’a pas accès, les comités des cours martiales générales comportent maintenant des militaires du rang dont le grade est égal ou supérieur à celui d’adjudant pour le procès d’un militaire du rang, bien qu’il ne s’agisse pas nécessairement de ses pairs; le juge militaire détermine la sentence et le comité décide du verdict de façon unanime. De plus, je tiens à souligner que l’accusé a désormais le droit de choisir le type de cour martiale qu’il préfère d’une manière qui ressemble beaucoup au régime prévu dans le Code criminel[19]. Ces modifications plus récentes à la Loi sur la défense nationale résultent directement de la décision de la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt R. c. Trepanier[20], rendue le 24 avril 2008. Au cours de cette affaire, le juge d’appel Létourneau a prononcé le jugement unanime de la cour à savoir que l’article 165.14 et le paragraphe 165.19(1) de la Loi sur la défense nationale et leur équivalent, le paragraphe 111.02(1) des ORCF qui accordent à la poursuite le pouvoir exclusif de choisir unilatéralement le type de cour martiale devant laquelle le procès aura lieu, contreviennent à l’article 7 ainsi qu’au droit à un procès équitable garanti à l’alinéa 11d) de la Charte et il a déclaré non valides les dispositions contestées. Dans l’affaire Trepanier[21], le tribunal a donné des renseignements concernant le système juridique militaire canadien aux paragraphes 23 à 26 :

 

[23]         Le système de justice militaire au Canada a pris l’orientation opposée et s’est développé au fil des ans. Premièrement, sans égard à sa nature dérogatoire et au droit de toute personne à l’égalité devant la loi et dans l’application de la loi suivant l’article 15 de la Charte, sa légitimité constitutionnelle et sa validité ont été confirmées par la Cour suprême du Canada dans R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259. 

 

[24]         Deuxièmement, même la Charte a reconnu l’existence des cours martiales dès lors que, à l’alinéa 11f), elle refusait à l’accusé jugé devant un tribunal militaire pour une infraction de droit militaire le droit à un procès devant.

 

[25]         Troisièmement, à un certain moment, la compétence des cours martiales dépendait clairement du caractère militaire de l’instance. En d’autres mots, l’infraction devait être « par sa nature et par les circonstances de sa perpétration, à ce point reliée à la vie militaire qu’elle serait susceptible d’influer sur le niveau général de discipline et d’efficacité des Forces armées » : voir par exemple MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370, à la page 410; Ionson c. R. (1987), Page : 12 4 C.M.A.R. 433, et Ryan c. La Reine (1987), 4 C.M.A.R. 563. De fait, dans R. c. Brown (1995), 5 C.M.A.R. 280, à la page 287, la Cour d’appel de la cour martiale a confirmé à l’unanimité qu’il était maintenant bien établi « que l’exception à la garantie d’un procès devant jury de l’alinéa 11f) est déclenchée par le caractère militaire, le cas échéant, du crime imputé ».

 

[26]         Toutefois, l’année suivante, la Cour a statué, dans R. c. Reddik (1996), 5 C.A.C.R. 485, aux pages 498 à 506, que la notion de caractère militaire est inutile lorsque la question débattue touche la séparation des pouvoirs constitutionnels. Dans ce contexte, la Cour a conclu que la notion était trompeuse et détournait l’attention de la question en litige. Enfin, dans l’arrêt R. c. Nystrom, précité, la Cour a limité la portée de la décision Reddick, et a reporté à plus tard la détermination de la nécessité d’un caractère militaire qui, selon l’affaire Brown, semble être un prérequis pour l’application de l’alinéa 11f) de la Charte. Nous nous empressons d’ajouter que l’existence du caractère militaire n’est pas contestée en l’espèce.

 

[40]      Comme dans bien d’autres affaires relatives aux droits d’un accusé militaire en vertu de la Charte, il est non seulement approprié, mais souvent essentiel, de présenter au tribunal des analogies et d’établir des comparaisons utiles avec le système juridique criminel civil. Encore une fois, dans Trepanier[22], l’avocat de l’intervenant a fait une comparaison que la cour considérait comme utile relativement aux procès avec jury devant les tribunaux civils, avant que le juge d’appel Létourneau ne fasse rapidement la remarque suivante, aux paragraphes 73 et 74 :

 

[73]         Sur ce point, l’avocat de l’intervenant a fait une comparaison utile avec les procès avec jury devant les tribunaux civils. Précisons que notre Cour a statué à maintes reprises que les procès devant les cours martiales disciplinaires ou générales, qui siègent en comité, ne sont pas des procès avec jury : voir R. c. Nystrom, précité; R. c. Brown, précité. Dans Lunn, précité, bien que le juge en chef Mahoney ait reconnu que la cour martiale disciplinaire partage certaines des caractéristiques d’un procès criminel civil devant jury, il a indiqué les différences substantielles suivantes : contrairement aux jurés, les membres d’un comité peuvent prendre connaissance d’office des affaires propres à leur communauté, acquitter ou condamner par un vote majoritaire, et ils ne sont pas des pairs au sens usuel du terme parce qu’ils sont des militaires, pour la plupart des officiers.

 

[74]         Cela étant dit, comme nous le verrons, la comparaison entre les procès devant jury et les cours martiales siégeant en comité demeure fort utile tant historiquement que pour comprendre les objectifs recherchés par le législateur. Nous débuterons par un bref historique des procès devant jury en droit criminel.

 

[41]      Après avoir mentionné les éléments précédents et mis l’accent sur l’importance des procès devant jury dans le droit pénal et l’histoire de la cour martiale au Canada, le tribunal a indiqué, au paragraphe 102 :

 

[102]      Il est bien établi en droit que les conclusions des jurés (ou d’un comité dans le système de justice militaire) sont celles qui procurent la meilleure protection à l’accusé. Dans son rapport, le juge en chef à la retraite Lamer insiste sur l’importance de cette protection. Il écrit, à la page 37 :

 

La protection qu’offrent à un accusé les délibérations des membres d’un comité de la cour martiale est de la plus haute importance.

 

Les délibérations des membres du comité sont secrètes, l’appréciation des faits relève de leur compétence exclusive et ils ne rendent que leur verdict final : voir les arrêts R. c. Ferguson, 2008 CSC 6; R. c. Krieger, [2006] 2 R.C.S 501, dans lesquels la Cour a ordonné la tenue d’un nouveau procès devant jury au motif que le juge, en imposant un verdict de culpabilité, a usurpé le rôle du jury, qui consiste à colliger et à évaluer les faits et à décider ensuite, à partir de ces faits, de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. Il se peut que la négation, à l’alinéa 11f) de la Charte, du droit de l’accusé comparaissant devant un tribunal militaire de subir un procès devant jury ait été jugée plus acceptable par le législateur en raison de l’existence, dans le système de justice militaire, d’une longue tradition de procès tenus devant un juge et un comité de membres, qui assurait une protection équivalente.

 

[42]      Les points de vue exprimés récemment par la Cour d’appel de la cour martiale dans l’affaire Trepanier montrent clairement que le principe bien établi selon lequel les cours martiales générales, composées principalement d’officiers, ne sont pas des procès devant jury s’applique toujours. En outre, il est évident que la Cour d’appel de la cour martiale considère que l’équité d’un procès devant un tribunal indépendant et impartial composé principalement d’officiers dans le contexte du droit militaire respecte la garantie constitutionnelle. Le tribunal rejette aussi l’observation du requérant à savoir que les officiers ayant reçu une formation d’officier présidant afin de présider un procès sommaire ne doivent pas être exclus du bassin de candidats admissibles. Premièrement, en empêchant tous les membres qui ont complété la courte formation d’officier présidant d’être membres des comités de la cour martiale, une partie importante du corps des officiers deviendrait inadmissible de façon permanente. Deuxièmement, ces officiers font clairement partie des personnes responsables de la discipline et du moral des militaires qui rendent la cour martiale générale sui generis. Les officiers qui ont suivi la formation d’officier présidant ne sont pas légalement formés de manière à ne pas pouvoir être membres d’un jury. Cet argument est sans fondement.

 

[43]      Malgré son intérêt véritable d’un point de vue académique et juridique dans le contexte d’une violation de l’alinéa 11d) de la Charte, l’observation du requérant à l’effet que désormais, un comité de la cour martiale ressemble tellement au jury d’un tribunal criminel que tous les principes s’appliquant aux procès devant jury devraient s’appliquer à la composition du comité n’est pas convaincante et elle constitue principalement ce que la Cour d’appel de la cour martiale considère comme étant une tentative inutile de dénombrer les similitudes et les différences qui existent entre la cour martiale générale et un procès devant jury.

 

[44]      Le requérant invoquait aussi l’article 7 de la Charte dans sa requête. En ce qui concerne la remise en question de l’équité de son procès devant la cour martiale générale, le tribunal ne croit pas que l’article 7 offre une meilleure protection, en particulier dans ce contexte, que les droits garantis en vertu de l’alinéa 11d), étant donné que les observations du requérant sont clairement visées par l’alinéa 11d). Par conséquent, son argument n’est pas appuyé par le libellé plus général de l’article 7.

 

[45]      Le requérant a timidement allégué une violation de ses droits en vertu de l’article 15 de la Charte dans ses observations écrites. Comme je l’ai dit précédemment, il n’a pas approfondi cette question et n’a donné aucun argument important pendant sa plaidoirie orale. L’intimée a répondu à l’allégation du requérant selon laquelle le fait que les membres des Forces canadiennes n’ayant pas un grade suffisant soient exclus, même s’ils peuvent être jurés dans un procès civil relatif au même type d’accusations, constitue une violation de l’article 15 de la Charte. Comme je l’ai déjà dit, elle a affirmé que si le requérant prétend que certains membres sont privés de leur droit de participer au comité d’une cour martiale, il s’agit là d’un droit personnel et que comme le requérant n’a pas revendiqué le statut de membre d’une « minorité discrète et isolée » afin d’être concerné par l’article 15 de la Charte, cette plainte doit être rejetée. Je suis d’accord. Le requérant n’a pas démontré que la loi limitant la composition d’un comité fondée sur le grade entraîne une distinction fondée sur des motifs énumérés ou analogues ayant pour effet de perpétuer un désavantage ou un préjugé, ou d’imposer un désavantage fondé sur l’application de stéréotypes.

 

[46]      Toutefois, cela ne signifie pas qu’il est impossible d’améliorer le cadre actuel régissant la composition d’un comité de la cour martiale générale ou d’élargir le bassin d’officiers et de militaires du rang admissibles pour des raisons politiques légitimes. Le présent tribunal est d’avis que les commentaires émis par le juge d’appel Létourneau dans l’affaire Trepanier[23] sont pertinents même si certaines questions n’ont plus leur raison d’être :

 

[111]      La cour martiale générale et la cour martiale disciplinaire présentent des caractéristiques uniques. La composition du comité varie selon le statut et le grade de l’accusé. Ainsi, dans une cour martiale générale, tous les membres du comité doivent être des officiers si l’accusé a un grade d’officier. Le grade des membres composant le comité sera donc fonction du grade de l’accusé...

...

 

[113]      Au choix de la poursuite, les officiers subalternes des Forces canadiennes méritent-ils moins de protection, subissant un procès devant un comité formé de trois membres ou devant un juge seul sans aucun comité, que les officiers supérieurs qui comparaissent devant un comité formé de cinq officiers supérieurs? Convient-il que les officiers subalternes, au choix du poursuivant, soient exposés à ne pas avoir droit, devant la loi et dans l’application de la loi, à un traitement égal à celui des officiers de grade supérieur? Il est préoccupant qu’en 2008 ces questions puissent encore être posées et que ces possibilités continuent d’exister sous le régime de la LDN, alors que notre Charte, qui protège l’égalité de tous devant la loi et dans l’application de la loi, a été adoptée en 1982 et, sur ce point précis, est entrée en vigueur en 1985, voilà déjà 23 ans.

 

Je comprends que certaines questions sont désormais sans objet, mais je juge que ces commentaires de la Cour d’appel de la cour martiale sont pertinents.

 

Est-ce que la procédure établie dans l’article 111.03 des ORFC et utilisée par l’administratrice de la cour martiale pour désigner les membres du comité et les remplaçants contrevient à l’article 7 ou à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés? Dans l’affirmative, s’agit-il d’une limite raisonnable dans une société démocratique libre et est-elle justifiée en vertu de l’article premier de la Charte?

[47]      La seconde question importante de la présente requête concerne la légalité de la procédure établie dans l’article 111.03 des ORFC et utilisée par l’administratrice de la cour martiale pour désigner les membres du comité et les remplaçants d’une cour martiale générale. La cour croit que ce vaste sujet nécessite de déterminer si l’accusé devrait être présent à chaque étape du processus de sélection des candidats admissibles à titre de membres ou de remplaçants au sein du comité d’une cour martiale.

 

[48]      La Loi sur la défense nationale n’établit pas le processus de sélection et de nomination des membres de la cour martiale générale. Le paragraphe 165.19(1) énonce simplement :

 

165.19 (1)             L’administrateur de la cour martiale exerce les fonctions prévues aux articles 165.191 à 165.193 et, s’il convoque une cour martiale générale, en nomme les membres.

 

[49]      La preuve indique que le processus de sélection des membres du comité d’une cour martiale générale est décrit au chapitre 111 (Convocation des cours martiales et administration préliminaire des procès) des ORFC. Il est aussi axé sur des pratiques antérieures et des politiques conçues par l’administratrice de la cour martiale ou ses prédécesseurs[24]. Elle utilise aussi son pouvoir discrétionnaire et son jugement lorsqu’elle suit la procédure que prévoit expressément l’article 111.03 (Procédure de nomination des membres de la cour martiale) dont voici les termes :

 

111.03 – PROCÉDURE DE NOMINATION DES MEMBRES DE LA COUR MARTIALE

 

(1)           L’administrateur de la cour martiale choisit, en utilisant une méthode fondée sur le hasard, en nombre suffisant des officiers et, le cas échéant, des militaires du rang, habilités à siéger en vue d’agir en cour martiale à titre de membres et de substituts dans la langue choisie par l’accusé

 

(2)           L’administrateur de la cour martiale nomme les officiers et militaires du rang qui ont été choisis en application de l’alinéa (1).

 

(3)           L’administrateur de la cour martiale ne nomme pas un officier ou militaire du rang qui a été choisi en application de l’alinéa (1) si l’officier ou le militaire du rang se trouve dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

 

a)            il est une personne visée par l’article 168 de la Loi sur la défense nationale;. (18 juillet 2008)

 

b)            il sert présentement, a servi au moment de la prétendue perpétration de l’infraction ou servira au cours de la période pendant laquelle il est prévu que la cour martiale aura lieu, au sein de l’unité de l’accusé;

 

c)         il relève immédiatement d’un officier ou militaire du rang qui a été choisi pour agir à titre de membre de la cour martiale;

 

d)         il sera inscrit sur la liste des effectifs non disponibles pour raisons de santé ou il sera en congé de fin de service au cours de la période pendant laquelle il est prévu que la cour martiale aura lieu; ou

 

e)         il a été déclaré coupable d’une infraction d’ordre militaire ou d’un acte criminel sous le régime du Code criminel ou de toute autre loi fédérale, sauf si l’officier ou le militaire du rang s’est vu accorder une réhabilitation.

 

(4)           L’administrateur de la cour martiale peut dispenser d’agir en cour martiale un officier ou militaire du rang choisi en application de l’alinéa (1) s’il estime que l’un ou l’autre des cas suivants s’applique :

 

a)            au cours de la période pendant laquelle il est prévu que la cour martiale aura lieu, l’officier ou le militaire du rang sera tenu d’accomplir des fonctions suffisamment urgentes et importantes pour justifier qu’il ne soit pas nommé pour agir à cette fin;

 

b)            au cours de la période pendant laquelle il est prévu que la cour martiale aura lieu, l’officier ou le militaire du rang devra suivre un cours pour lequel il est inscrit aux effectifs en formation avancée ou suivre un cours semblable qui contribuera de façon importante à son perfectionnement professionnel ou à l’avancement de sa carrière;

 

c)             l’officier ou le militaire du rang a agi à titre de membre d’une cour martiale au cours des 24 derniers mois;

 

d)            l’officier ou le militaire du rang est inapte à agir en cour martiale par suite d’une maladie ou d’une blessure;

 

e)             des raisons de famille empêchent l’officier ou le militaire du rang d’être nommé pour agir en cour martiale, notamment une maladie ou une blessure graves, ou bien un décès, dans la famille de l’officier ou du militaire du rang; ou

 

f)             la nomination de l’officier ou du militaire du rang en vue d’agir en cour martiale peut causer un préjudice grave à l’officier ou au militaire du rang ou à des tiers, ou leur faire subir une perte importante.

 

(5)           Lorsqu’un officier ou un militaire du rang qui a été choisi en application de l’alinéa (1) n’est pas nommé pour agir en cour martiale pour un motif prévu aux alinéas (3) ou (4), l’administrateur de la cour martiale consigne ce motif et choisit un remplaçant en conformité avec le présent article.

 

(6)           L’administrateur de la cour martiale nomme, sur demande du juge militaire qui préside la cour martiale, un nouveau membre en remplacement de tout membre d’une cour martiale générale s’il est fait droit à la demande de récusation d’un membre et il n’y a pas de substitut pour le remplacer. (18 juillet 2008)

 

(7)           L’administrateur de la cour martiale consigne au dossier les renseignements suivants, à l’égard de chaque cour martiale générale : (18 juillet 2008)

 

a)            le nom des officiers et militaires du rang qui ont été choisis en application de l’alinéa (1);

 

b)            le nom de tout officier ou militaire du rang qui n’a pas été nommé par application de l’alinéa (3) ou à qui une dispense a été accordée en vertu de l’alinéa (4), de même que les motifs applicables.

 

(8)           L’accusé ou le procureur de la poursuite de la cour martiale peut, sur demande, examiner le dossier visé par l’alinéa (7).

 

(9)           Le juge militaire en chef peut émettre à l’administrateur de la cour martiale les directives et les instructions qu’il juge nécessaires à la bonne administration du processus de sélection et à la nomination des membres des cours martiales générales.  (18 juillet 2008)

(G) (C.P. 2008 1319 du 4 juillet 2008 en vigueur le 18 juillet 2008)

 

[50]      En vue de nommer le nombre requis d’officiers et de militaires du rang pour agir à titre de membres du comité de la cour martiale générale, ou de remplaçants, la seule obligation positive imposée à l’administratrice de la cour martiale consiste à choisir, à l’aide d’une méthode fondée sur le hasard, un nombre suffisant d’officiers admissibles et, s’il y a lieu, de militaires du rang capables d’effectuer les tâches des membres et remplaçants de la cour martiale dans la langue choisie par l’accusé pour la tenue du procès. Toutefois, le requérant fait valoir que le principe de la représentativité applicable aux procès devant jury et qui est exigé de ce dernier tire sa source non pas de la composition des douze membres d’un jury en tant que tel, mais bien du bassin duquel il provient, et cette affirmation s’applique aux membres du comité de la cour martiale. Étant donné les raisons citées précédemment, le principe établi selon lequel les cours martiales générales composées en majeure partie d’officiers ne constituent pas des procès devant jury s’applique toujours. Le bassin à partir duquel sont choisis les membres du comité ne permet pas d’atteindre un niveau de représentativité nécessaire pour un jury composé de pairs, et n’a pas été constitué à cette fin. Non seulement le requérant a fait valoir que le bassin devrait en principe comprendre tous les membres des Forces canadiennes, il a également souligné que le bassin actuel utilisé pour choisir les membres de la cour martiale générale était restreint de manière illicite, principalement par l’exclusion du personnel du service de réserve de classe « A » ainsi que d’autres personnes pour des raisons inappropriées. La preuve montre que l’administratrice de la cour martiale a demandé à la DGIRH de générer une liste de candidats potentiels à l’aide d’une méthode aléatoire qui respecterait certains critères et exclusions. Elle fait cette demande deux fois par année. La pièce M2-7 donne à penser que la liste de numéros générée de façon aléatoire, qui correspondraient aux membres choisis, était composée de 9 863 officiers dont le grade était égal ou supérieur à celui de capitaine, et de 5 345 militaires du rang dont le grade était égal ou supérieur à celui d’adjudant. Le requérant affirme non seulement que cette liste, composée de plus de 15 000 membres, était insuffisante, mais prétend également que le simple fait d’avoir exclu de manière inappropriée certaines catégories de personnes l’avait réduite de près de 2 000 candidats. Même si le requérant a raison, le tribunal ne peut accepter le fait qu’un bassin de 15 000 membres des Forces canadiennes est insuffisant. Le caractère suffisant du personnel admissible au sein du bassin ne vise pas à établir la représentativité de la communauté militaire, mais plutôt à choisir les membres et remplaçants qui s’acquitteront d’une tâche militaire à titre de membre du comité d’une cour martiale.

 

[51]      L’administratrice de la cour martiale a expliqué le processus qu’elle utilisait pour effectuer une première sélection, de même que la façon dont elle communiquait avec les personnes choisies afin de procéder à une entrevue téléphonique pour déterminer si elles devaient être exclues de la nomination pour une ou plusieurs des raisons énumérées au paragraphe 111.03(3) des ORFC ou encore exemptées pour une ou plusieurs des raisons énumérées au paragraphe 111.(04). Contrairement au premier, ce deuxième paragraphe confère explicitement à l’administratrice de la cour martiale un important pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle choisit d’exempter une personne choisie au hasard. Elle a expliqué la façon dont elle procédait à ses entrevues avec les personnes choisies, ainsi que son utilisation du document de travail pour l’évaluation des critères de sélection[25]. La première page du document présente 13 circonstances dans lesquelles il faut obligatoirement exclure le membre choisi, de même que la référence ou le pouvoir pour ce faire en dressant une liste des dispositions applicables de la Loi sur la défense nationale ou des ORFC. Le document mentionne également à l'utilisateur, en l’occurrence l'administratrice de la cour martiale, les moyens mis à sa disposition pour vérifier les exclusions, c.-à-d. la méthode de sélection aléatoire électronique, l'entrevue téléphonique ou les deux. Dans le présent cas, l’administratrice de la cour martiale a inscrit sur chaque document de travail le résultat de sa vérification. La seconde page du document de travail énumère six raisons supplémentaires pour lesquelles un membre potentiel peut être exempté de ses devoirs envers la cour martiale si son administrateur en est convaincu. Encore une fois, l'administratrice de la cour martiale a inscrit les résultats de l'entrevue sur le document et indiqué ses conclusions à savoir si la personne est acceptée ou exclue. Les dossiers présentant le nom des personnes choisies de même que celui des personnes exclues, motifs à l’appui, étaient mis à la disponibilité de l’avocat de la défense, sur demande[26]. Le requérant a fait valoir que l’administratrice de la cour martiale avait agi de manière inadéquate lorsqu’elle avait exclu, de son propre chef, la première personne de sa liste d’officiers choisis, soit le Colonel O’Rourke. Le fait que l’administratrice de la cour martiale n’ait pas contacté personnellement le Colonel O’Rourke étant donné qu’elle savait qu’il avait été membre du comité d’une cour martiale au cours des 24 derniers mois relève expressément de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 111.03(4)c) des ORFC. Elle n’était pas tenue de l’appeler afin d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

 

[52]      Le requérant allègue fermement que le processus de sélection et de nomination des membres du comité de la cour martiale doit s’effectuer en présence de l’accusé. La procédure énoncée dans l’article 111.03 des ORFC ne prévoit pas la récusation péremptoire des membres éventuels du comité et ne permet pas la présence de l’accusé ni de la poursuite au cours du processus de sélection. Le requérant se réfère à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Barrow[27]. Il prétend également que le témoignage de Mme Morrissey à l’effet qu’elle se considérait comme chef du personnel pour le compte du juge militaire en chef constitue une autre source de préoccupation justifiant la tenue du processus de sélection en présence de l’accusé, étant donné que le juge militaire en chef désigne le juge qui préside une cour martiale, y compris lui-même. Il importe de souligner que la décision dans l’affaire Barrow n’a pas été prise selon une base constitutionnelle. L’affaire traitait de la signification du mot « procès » aux fins de l’article 577 du Code criminel relativement à la vaste question « Quand un procès devant jury commence-t-il pour les fins de l’art. 573 du Code? » Le tribunal avait conclu que l’interrogatoire des jurés éventuels sur leur impartialité notamment, auquel le juge de première instance a procédé après l’interpellation et le plaidoyer, faisait partie intégrante du procès pour les fins de l’art. 577. La cour martiale générale ne présente aucun processus du genre. Il s’agit d’une autre dissimilarité avec un procès devant jury qui n’a aucune incidence sur l’équité et l’impartialité du procès dans le contexte d’une cour martiale. En plus de ses fonctions prévues par la loi visant à convoquer les cours martiales et, dans le cas de la cour martiale générale, à nommer ses membres[28], l’administratrice de la cour martiale s’acquitte d’autres tâches prévues à l’article 101.26 des ORFC (Fonctions de l’administrateur de la cour martiale). L’un des rôles importants du titulaire de ce poste consiste à gérer le Cabinet du juge militaire en chef et à superviser le personnel de ce dernier, à l’exception des juges militaires[29]. De plus, l’administratrice en chef a fait valoir qu’elle recevait des conseils juridiques indépendants afin d’exercer ses fonctions. En l’absence de preuve à l’appui d’un acte irrégulier tangible de la part de l’administratrice de la cour martiale ou du juge militaire en chef dans cette affaire, le simple fait que la première travaille sous la supervision générale du second en vertu du paragraphe 165.19(3) de la Loi sur la défense nationale n’entraîne pas une violation des droits d’un accusé à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial. Il faut se rappeler que l’accusé peut toujours soulever une objection à l’intention du juge militaire ou d’un membre du comité pour un motif valable après le début des procédures et après avoir inscrit un plaidoyer en vertu du paragraphe 112.05(9) des ORFC dans le cas d’une objection visant un membre du comité. Le fait qu’une telle procédure doive toujours s’effectuer en présence de l’accusé constitue un principe élémentaire de droit. Une fois de plus, la fonction de l’administratrice de la cour martiale ne correspond pas à celle d’un juge en vertu du Code criminel, ce qui était le cas pour l’art. 577 et le traitement de cette question dans l’affaire Barrow. Il faut également faire attention en comparant son rôle et ses fonctions au travail d’un shérif dans le contexte d’un procès devant jury. Tout comme ceux de la cour martiale générale, le rôle et les fonctions de l’administrateur de la cour martiale s’avèrent sui generis. Le regretté juge en chef Lamer a brossé un portrait précis de la composition d’un comité pour une cour martiale générale ainsi que le rôle joué par l’administrateur de la cour martiale, qui se trouve à la page 40 de son rapport[30] :

 

Ainsi, un jury civil est composé de 12 personnes qui sont choisies à partir d’une liste et qui peuvent être récusées par la poursuite ou la défense, alors qu’un comité militaire est constitué de trois ou cinq membres qui ne peuvent être récusés. Dans les faits, l’administrateur de la cour martiale obtient une liste établie par ordinateur de toutes les personnes possédant les qualités requises pour faire partie d’un comité, et c’est à lui qu’il appartient d’en écarter certaines, soit parce qu’il y est tenu, soit parce qu’il le décide. Un jury civil est censé représenter les pairs de l’accusé, alors que la composition d’un comité est dictée par la loi (laquelle permet une certaine souplesse cependant). Je n’entends pas dresser ici la liste exhaustive des différences entre les comités militaires et les jurys civils. Qu’il me suffise de dire qu’un comité militaire n’est tout simplement pas l’équivalent d’un jury civil.

 

[53]      Le requérant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la procédure énoncée au chapitre 111 des ORFC, notamment le pouvoir discrétionnaire conféré à l’administrateur de la cour martiale de nommer des membres du comité, viole les droits d’un accusé aux termes de l’alinéa 11d) de la Charte et a un effet sur l’équité de son procès devant un tribunal indépendant et impartial. Il n’a pas non plus établi qu’une telle procédure aurait une incidence sur ses droits à une défense pleine et entière en vertu de l’article 7 de la Charte.

 

Est-ce que le fait d’exclure certaines catégories de personnes qui ne sont pas expressément mentionnées, comme les membres du service de réserve de classe « A », du bassin de candidats admissibles à une sélection aléatoire par l’administrateur de la cour martiale s’inscrit dans la portée de l’article 111.03 des ORFC?

 

[54]      Le requérant a fermement soutenu que certaines catégories de personnes qui ne sont pas expressément mentionnées dans la réglementation, comme les membres du service de réserve de classe « A », les rangers canadiens et les membres du CIC, étaient illégalement retirées du bassin de candidats admissibles. En mettant de côté la question de la représentativité rejetée par le tribunal, l’exclusion automatique de ces personnes semble causer un problème. La preuve déposée devant le tribunal laisse entendre que l’administratrice de la cour martiale ne peut contraindre les membres du service de réserve de classe « A » à s’acquitter de la tâche militaire qui incombe à un membre d’un comité d’une cour martiale. Mme Morrisey se fie largement sur sa longue expérience au sein du service des ressources humaines et du personnel de même que sur sa compréhension du chapitre 9 des ORFC, qui établit les paramètres du service de réserve. L’intimée fait valoir que ces personnes ne servent qu’avec leur consentement en vertu de l’art. 33 de la Loi sur la défense nationale et que, par conséquent, elles ne sont pas contraignables. Cette réalité les rendraient inadmissibles à siéger au comité en tant que membres.

 

[55]      Les membres de la force de réserve peuvent être soumis à l’obligation de service légitime autre que l’instruction, aux époques et selon les modalités fixées par le gouverneur en conseil par règlement ou toute autre voie, mais ne sont pas tenus, sans leur consentement, de servir si, aux termes de leur enrôlement, ils ne sont astreints qu’au service actif[31]. Un militaire de la force de réserve peut, pourvu qu’il y consente, être employé dans la force régulière ou un autre sous-élément constitutif de la force de réserve[32]. Seuls les militaires servant en service de réserve de classes « B » ou « C » accomplissent du service à plein temps[33]. Il s’avère logique d’inclure les membres de ces deux classes dans le bassin de candidats admissibles compte tenu qu’ils ont déjà donné leur consentement.

 

[56]      Toutefois, le simple fait que les membres du service de réserve de classe « A » ne servent qu’avec leur consentement ne les rend pas inadmissibles en soi à servir en tant que membres du comité s’ils répondent aux exigences de base en matière de sélection, comme l’obtention du grade minimum. Le tribunal comprend pleinement que le processus en place et les difficultés administratives inhérentes afin d’inclure, dans le bassin original de membres sélectionnés, les militaires du service de réserve de classe « A » pour qu’ils servent comme membres d’un comité d’une cour martiale rendraient le travail fastidieux. Il est juste d’affirmer que l’exclusion de ces personnes du bassin original de candidats pour des motifs d’efficacité et d’opportunité est censée. Il est également juste de dire que de nombreux membres du service de réserve de classe « A » dotés du grade nécessaire auraient aussi une expérience pertinente découlant d’un précédent service au sein de la force régulière ou de la force de réserve. Ces militaires sont admissibles à siéger au comité d’une cour martiale en l’absence d’une exclusion précise imposée par la loi ou la réglementation.

 

[57]      Ces faits ne déterminent pas la question soulevée par le requérant. Le tribunal est d’avis que le pouvoir de l’administratrice de la cour martiale ne se limite pas aux  exclusions prévues aux paragraphes 111.03(3) et (4) des ORFC. Elle doit choisir un nombre suffisant de candidats admissibles et non pas la totalité de ceux-ci. La preuve montre que plus de 15 000 officiers et militaires du rang composaient le premier bassin de candidats avant que l’administratrice de la cour martiale n’exclue des membres en vertu des paragraphes (3) et (4) de l’article 111.03 des ORFC. Dans le contexte du cadre réglementaire actuel, ce nombre ne peut pas être considéré insuffisant. Il existe assurément d’importantes considérations politiques qui appuieraient fortement l’inclusion des militaires du service de réserve de classe « A » dans le bassin d’un nombre suffisant de candidats admissibles, ce qui améliorerait l’efficacité du processus de la cour martiale, en particulier dans le cas où l’accusé fait partie de la réserve. Dans la mesure où un membre de la force régulière doté du rang nécessaire peut servir comme membre d’un comité à une cour martiale générale d’un réserviste, un militaire du service de réserve de classe « A », qui satisfait aux exigences minimales de son rang, peut servir à titre de membre de comité à une cour martiale générale pour le procès d’un militaire de la force régulière ou d’un autre sous-élément constitutif de la force de réserve.

 

[58]      En ce qui a trait à l’observation du requérant à l’effet que la cour martiale exclut illicitement le personnel déployé, le tribunal est convaincu que cette décision s’inscrit dans son pouvoir discrétionnaire en vertu des alinéas 111.03(4)a) et 111.03(4)f) des ORFC. Ces militaires déployés ne sont exclus de la liste que pour la période de leur déploiement, par conséquent leur exclusion est uniquement temporaire. Que l’administratrice de la cour martiale demande leur exclusion du premier bassin de candidats ou après une entrevue avec eux n’influe aucunement l’équité du procès.

 

[59]      En ce qui a trait à l’exclusion des membres ayant un dossier de condamnation, le tribunal ne voit aucun motif valable susceptible d’influencer la validité constitutionnelle de l’alinéa 111.03(3)e) des ORFC relativement aux droits du requérant à un procès équitable devant un tribunal impartial et indépendant ou à son droit à une défense pleine et entière.

 

[60]      Enfin, le tribunal rejette l’argument du requérant concernant la délégation de pouvoir supposément inappropriée par l’administratrice de la cour martiale à la DGIRH, qui génère une liste informatique de numéros fondée sur les critères prédéterminés fournis par la première. La preuve de Mme Morrissey et du Premier maître de 2e classe Larivée montre clairement que la DGIRH n’exerce aucun pouvoir discrétionnaire et n’exécute qu’une simple tâche administrative pour l’administratrice de la cour martiale. 


Conclusion

 

[61]      Pour toutes ces raisons, la requête est rejetée.

 

 

 

 

 

 

                                                                                              COLONEL M. DUTIL, JMC.

 

Avocats :

 

Major A.M. Tamburro, procureur militaire régional, Ottawa

Major S.A. MacLeod, procureur militaire régional, Ottawa

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Turner, Direction du service d’avocats de la défense

Capitaine de corvette P. Lévesque, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Matelot-chef R.J. Middlemiss



[1]ORFC 111.03(4)

[2](1997) 116 C.C.C. (3d) 1.

[3][1995] CACM 372.

[4](1993) 5 RCACM 157.

[5](1994) 5 RCACM 182.

[6][1991] 1 R.C.S. 509.

[7](1991) 63 C.C.C. (3d) 243. (Décision rendue le 17 juillet 1984).

[8](1995) 5 RCACM 280.

[9]Supra, note 4.

[10]Supra, note 5.

[11][1992] 1 R.C.S. 259, p. 295.

[12]Paragraphe. 192(2) de la Loi sur la défense nationale.

[13]Voir pièce M2-22.

[14]Supra, note 8.

[15]Supra, note 4.

[16]Supra, note 5.

[17]Supra, note 11.

[18]Supra note 3.

[19]Voir articles 165.191 à 165.193

[20](2008) 232 C.C.C. (3d )498; 2008 CACM 3

[21]Idem

[22]Ibid.

[23]Idem. 111 et 113 [soulignement ajouté].

[24]Voir pièces M2-3 à M2-5.

[25]Voir la pièce M2-8.

[26]Voir le paragraphe 111.03(7) des ORFC.

[27](1987) 38 C.C.C. (3d) 193 (C.S.C.).

[28]Voir le paragraphe 65.19(1) de la Loi sur la défense nationale.

[29]Voir l’alinéa 101.26(2)a) des ORFC.

[30]Le premier examen indépendant du très honorable Antonio Lamer (Rapport Lamer), 3 septembre 2003.

[31]Voir le paragr. 33(2) de la Loi sur la défense nationale.

[32]Voir l’article 9.05 des ORFC.

[33]Voir les articles 9.07, 9.075 et 9.08 des ORFC.

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