Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :


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Date de l'ouverture du procès : 10 novembre 2008

Endroit : Peterson Air Force Base, the Staff Judge Advocate courtroom, Colorado Springs, Colorado

Chefs d'accusation

• Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.
• Chef d'accusation 3 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.

Résultats

• VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Matelot-chef R.J. Middlemiss, 2009 CM 1003

 

Dossier : 200857

 

 

 

COUR MARTIALE GÉNÉRALE

UNITÉ DE SOUTIEN DES FORCES CANADIENNES COLORADO SPRINGS

COLORADO SPRINGS (COLORADO)

ÉTATS-UNIS DAMÉRIQUE

 

Date : 16 janvier 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

MATELOT-CHEF R.J. MIDDLEMISS

(contrevenant)

 

SENTENCE

(prononcée de vive voix)

 

 

[1]     Le 14 janvier 2009, une cour martiale générale a déclaré le matelot-chef Middlemiss coupable de deux chefs de désobéissance à un ordre légitime dun supérieur sous le régime de larticle 83 de la Loi sur la défense nationale, et dun chef dabsence sans permission sous le régime de larticle 90 de la même loi. La preuve produite au procès consistait principalement en aveux de la défense, en déclarations de la poursuite et dans le témoignage du maître de 2e classe Starling.

 


[2]     Le seul élément de preuve produit dans le cadre de la procédure de détermination de la sentence était un exposé conjoint des faits rendant compte de la chronologie des événements depuis novembre 2007 sous le rapport de la présente instance. Aux fins de la fixation de la sentence, la cour martiale générale considère comme prouvés tous les faits, expressément ou implicitement établis, qui ont conditionné nécessairement les verdicts de culpabilité rendus par le comité de la cour martiale; en outre, elle peut accepter comme prouvés les autres faits pertinents qui ont été révélés par la preuve produite au procès. Aux fins susdites, la cour considère que les faits pertinents de la présente espèce indiquent que le contrevenant, le matelot-chef Middlemiss, était un membre de la force régulière appartenant à lUnité de soutien des Forces canadiennes (Colorado) [USFC(C)] à Colorado Springs (Colorado), aux États-Unis dAmérique, pendant les mois doctobre et de novembre 2007. Le 11 octobre 2007, la commandante de lUSFC(C), la lieutenant-colonelle Ouellet, a envoyé par courrier électronique à lensemble du personnel des Forces canadiennes de la région de Colorado Springs une circulaire annonçant la tenue du dîner militaire dautomne du personnel OUTCAN du NORAD. Elle précisait notamment dans cette circulaire que [TRADUCTION] « le personnel des FC [était] vivement encouragé à assister à ce dîner ». Elle avait joint à la circulaire une invitation comportant notamment les passages suivants : [TRADUCTION] « Le lieutenant-général J.J.C. Bouchard, commandant adjoint du Commandement de la défense aérospatiale de lAmérique du Nord (NORAD), a le plaisir de vous inviter au dîner militaire canadien dautomne » et « RSVP avant le 1er novembre 2007 ». Le prix par personne du dîner militaire, à payer par les membres, était fixé à 35 dollars. Entre les 11 et 17 octobre 2007, le commis-chef de lUSFC(C) a demandé au maître de 2e classe Starling de sinformer auprès des membres de lunité, dont le matelot‑chef Middlemiss, du point de savoir sils assisteraient au dîner. Il a alors constaté que la majorité de sa section nassisterait pas au dîner sil n’était pas obligatoire, et a transmis ce renseignement à sa commandante. La lieutenant-colonelle Ouellet a réagi en convoquant une réunion du groupe des ordres, où elle a rappelé au personnel que les membres de lUSFC(C) étaient tenus dassister au dîner militaire du 9 novembre 2007. Étaient entre autres présents à cette réunion le capitaine C.D. Whelan, le maître de 2e classe Starling et le maître de 1re classe Hilliard. Le procès-verbal de la réunion du groupe des ordres, daté du 17 octobre 2009, portait expressément que la présence au dîner militaire était obligatoire et que tous les membres de lunité y assisteraient. Avant cette date, dautres membres de lunité avaient dit ne pas vouloir assister au dîner militaire, mais seul le matelot-chef Middlemiss avait affirmé explicitement quil ny serait pas présent et demandé à être dispensé dy assister.

 

[3]     Le matelot-chef Middlemiss a dans les jours suivants échangé avec ses supérieurs une série de courriels où il contestait ouvertement la légitimité de lordre de sa commandante rendant obligatoire la présence au dîner militaire susdit pour le personnel de lUSFC(C) qui y avait été invité par le commandant du personnel OUTCAN du NORAD. Il exprimait dans ces courriels son opposition à lobligation de payer sa place à un dîner auquel il navait pas lintention dassister pour des motifs personnels.

 


[4]     Son supérieur immédiat, le maître de 2e classe Starling, lui a répondu en lui expliquant que les dîners militaires ont pour objet de renforcer lesprit de corps. Il lui a aussi précisé quil attendait de lui que, en tant que chef subalterne, il appuyât les dîners militaires et donnât à cet égard lexemple à ses subordonnés. Le 2 novembre 2007, le maître de 2e classe Starling a transmis la demande de dispense du matelot‑chef Middlemiss à la commandante, la lieutenant-colonelle Ouellet, avec copies au capitaine C.D. Whelan et au maître de 1re classe Hilliard, qui étaient tous deux des supérieurs du matelot-chef Middlemiss et que ce dernier connaissait. Le 5 novembre 2007, le capitaine Whelan a rencontré le matelot-chef Middlemiss en présence du commis-chef, le maître de 1re classe Hilliard. Le capitaine Whelan a alors dit au matelot-chef Middlemiss que [TRADUCTION] « le dîner militaire était une cérémonie officielle, et donc un rassemblement auquel il était tenu de participer ». Le matelot-chef Middlemiss a alors soutenu de nouveau que cet ordre était illégitime. Le maître de 1re classe Hilliard a conseillé au matelot-chef Middlemiss demployer un autre moyen pour contester la politique quoique sans préciser lequel plutôt que de ne pas assister au dîner. Encore une fois, le matelot-chef Middlemiss a demandé un exemplaire de lexposé de principes applicable. Le même jour, il a envoyé au capitaine Whelan un autre courriel où il demandait à voir le règlement portant quun membre des Forces canadiennes devait dépenser son argent pour assister à un dîner militaire. Encore une fois, il a exprimé lopinion que lordre de la commandante et lordre du capitaine Whelan dassister au dîner étaient illégitimes.

 

[5]     On na pas alors communiqué au matelot-chef Middlemiss dexemplaire dun tel règlement. Cependant, le 5 novembre 2007, le maître de 2e classe Starling lui a montré le paragraphe 11 (page 5‑3) de la publication des Forces canadiennes A‑AD‑262‑000/AG‑000, intitulée « Administration des mess » (et aussi désignée « manuel dadministration des mess »), et en a joint un exemplaire à un courriel quil lui a adressé à lui, au maître de 1re classe Hilliard et au capitaine Whelan, rédigé comme suit :

 

[TRADUCTION]

« Aux trois destinataires : Jai montré au matelot-chef Middlemiss le passage applicable du chapitre 5 du manuel dadministration des mess, ainsi libellé :

 

Dîners régimentaires

 

11.  Les dîners régimentaires fournissent aux membres dun mess loccasion de se rencontrer dans des circonstances officielles, mais dans une atmosphère amicale, et ils permettent au membre le plus élevé en grade ou à son (ses) invité(s) de sadresser à lensemble du mess. Selon la coutume et de tradition, ce qui dans le contexte militaire équivaut à une extension du droit commun, les dîners régimentaires sont considérés comme un rassemblement et tous doivent y assister, à moins den être exemptés par le commandant de la base, le président du conseil dadministration du mess ou une autre personne autorisée. »

 

[6]     Le 5 novembre 2007, le capitaine Whelan a envoyé à la commandante un courriel rédigé comme suit :

 

[TRADUCTION]


« Après m’être entretenu avec la DOC et avoir reçu ses conseils sur cette question, jai dit au matelot-chef Middlemiss quil devait assister au dîner militaire. Je pense quil faudrait que vous, moi, la DOC et le CC examinions ensemble cette question plus avant, étant donné quil semble régner une certaine confusion chez les membres de lunité concernant notre pouvoir de lui ordonner dassister à ce dîner.

 

Jai exprimé de nouveau votre position sur la question, à savoir que nous sommes tous tenus dassister au dîner, et le maître de 2e classe Starling lui a communiqué un passage du manuel dadministration des mess portant quil doit être présent, à moins den être dispensé par le commandant de la base, le président du conseil dadministration du mess ou une autre personne autorisée. »

 

La lieutenant-colonelle Ouellet a répondu au capitaine Whelan le 8 novembre 2007 par un courriel portant le passage suivant : [TRADUCTION] « Le dîner militaire est un rassemblement. Veuillez faire en sorte que tous le comprennent bien. »

 

[7]     Le 8 novembre 2007, dans le bureau du maître de 1re classe Hilliard, le maître de 2e classe Starling a ordonné au matelot-chef Middlemiss de [TRADUCTION] « payer sa place à un dîner militaire du personnel OUTCAN du NORAD prévu pour le 9 novembre 2007 ». On a alors demandé au matelot-chef Middlemiss de signer un récépissé autorisant la retenue sur sa solde du prix de sa place au dîner. Il a refusé de signer ce récépissé, comme de payer en espèces ou par chèque, et a informé les personnes présentes quil navait pas lintention dassister au dîner en question.

 

[8]     Le 9 novembre 2007, le dîner militaire dautomne du personnel OUTCAN du NORAD a eu lieu comme prévu au Peterson Air Force Base Club (salle de réunion de la base aérienne Peterson), à Colorado Springs (Colorado), aux É.-U. Y assistaient les membres de lUSFC(C), les autres membres du personnel OUTCAN du NORAD, et des invités de lextérieur. Le matelot-chef Middlemiss n’était pas présent à ce dîner et na pas payé le prix de sa place à celui‑ci, fixé à 35 dollars.

 

[9]     La raison d’être dun système distinct de tribunaux militaires est de permettre aux forces armées de soccuper elles-mêmes des affaires qui se rapportent directement à la discipline des troupes, à leur efficacité et à leur moral. Cependant, la peine prononcée par tout tribunal, quil soit militaire ou civil, doit constituer lintervention minimale nécessaire dans les circonstances de lespèce.

 


[10]   Aux fins de la fixation de la sentence, la cour a pris en considération les circonstances de la perpétration des infractions telles que révélées par la preuve orale produite au procès et la preuve documentaire qui lui a été présentée dans le cadre de la procédure de détermination de la sentence. La cour a examiné la preuve à la lumière des principes applicables de détermination des peines, notamment ceux quexposent les articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des sentences de la Loi sur la défense nationale. La cour a aussi tenu compte des conclusions présentées par les avocats, y compris de la jurisprudence quils ont produite et de leurs observations sur les conséquences indirectes des verdicts ou de la sentence pour le matelot-chef Middlemiss.

 

[11]   Lorsquun tribunal doit prononcer une sentence pénale, il lui incombe de le faire en fonction de certains objectifs que prévoient les principes applicables de détermination des peines. Il est admis que ces principes et objectifs peuvent varier légèrement dune affaire à lautre, mais ils doivent toujours être adaptés aux circonstances des infractions et à la situation du délinquant. Dans un contexte où il sagit de contribuer à lun des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien de forces armées professionnelles, disciplinées, opérationnelles et efficaces dans le cadre dune société libre et démocratique, les principes et objectifs de la détermination des peines peuvent s’énumérer comme suit :

 

premièrement, protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, punir et dénoncer le comportement illégal;

 

troisièmement, dissuader le délinquant, et quiconque, de commettre des infractions semblables;

 

quatrièmement, isoler au besoin les délinquants du reste de la société, y compris des autres membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

sixièmement, la peine doit être proportionnelle à la gravité de linfraction et au degré de responsabilité du délinquant;

 

septièmement, la peine prononcée doit être semblable à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

huitièmement, le tribunal doit, avant denvisager la privation de liberté, examiner la possibilité de prononcer une ou plusieurs sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;

 

enfin, le tribunal doit prendre en considération, le cas échéant, les circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de linfraction ou à la situation du délinquant.

 

[12]   Dans la présente espèce, la protection du public doit être assurée par une sentence qui mettra laccent sur la dissuasion générale, sur la punition et la dénonciation, ainsi que sur la dissuasion spécifique. Cependant, cette sentence doit aussi favoriser la réinsertion sociale du contrevenant.


[13]   La cour a examiné la jurisprudence produite par la procureure de la poursuite et elle souscrit aux principes généraux qui y sont exposés. Dans le contexte militaire, les infractions de désobéissance sont toujours objectivement graves parce quelles mettent en cause le fondement même de la discipline militaire. Larticle 83 de la Loi dispose ce qui suit :

 

Quiconque désobéit à un ordre légitime dun supérieur commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale lemprisonnement à perpétuité. 

 

Cependant, la nature et la gravité des infractions de désobéissance varient grandement selon la situation. Par exemple, la désobéissance peut être une infraction mineure lorsquil sagit du travail courant, mais elle a une tout autre portée dans le cas extrême où un soldat refuse en présence de lennemi de participer à une opération de combat lorsque son supérieur le lui ordonne.

 

[14]   La procureure de la poursuite recommande que le tribunal prononce contre le matelot-chef Middlemiss une sentence portant condamnation à une réprimande et à une amende de 1 000 dollars. Elle fait valoir que la discipline est le fondement des Forces canadiennes et de toute armée. La discipline implique lautodiscipline, cest‑à­‑dire lempressement de chaque militaire à obéir aux ordres. Selon la procureure, la manière préméditée dont le matelot-chef Middlemiss a désobéi aux ordres, considérée à la lumière des efforts considérables déployés par ses supérieurs pour le convaincre de sy conformer, constitue une circonstance aggravante. Elle admet toutefois que labsence de fiche de conduite et de casier judiciaire du matelotchef Middlemiss, ainsi que ses aveux au procès, sont à considérer comme des circonstances atténuantes.

 

[15]   Lavocat du matelot-chef Middlemiss a proposé à la cour de prononcer une amende de 200 dollars, étant donné les faits particuliers de lespèce, labsence dinfractions antérieures au dossier du contrevenant et ses 18 années de service. De plus, il fait valoir que la présente instance a déjà produit les effets de dissuasion générale et spécifique que linfraction en question rend nécessaires; par conséquent, affirme‑t‑il, la peine devrait être axée sur la réinsertion du matelot-chef Middlemiss. En outre, il fait observer que la désobéissance de son client na eu que des effets restreints, à savoir labsence dun invité au dîner du personnel OUTCAN du NORAD et la préparation inutile des plats quil na pas consommés. Enfin, lavocat de la défense soutient que la cour devrait déterminer la peine en tenant compte du fait que les membres des Forces canadiennes affectés à Colorado Springs nont pas tous été traités de la même façon pour ce qui concerne le dîner dont il sagit; en effet, le personnel OUTCAN du NORAD n’était que vivement encouragé à y assister, tandis que les membres de lUSFC(C) y ont été obligés par leur commandante.

 


[16]   Je pense comme les avocats que les faits de la présente espèce sont particuliers. Nous avons ici affaire à un commis très expérimenté des Services de gestion des ressources (SGR) qui a ouvertement contesté, sur une certaine durée, le pouvoir de ses supérieurs hiérarchiques de déclarer obligatoire, pour les membres de son unité, la présence à un dîner militaire tenu par une autre unité. Après avoir plusieurs fois exprimé sa ferme opinion touchant la légitimité des ordres en question et après que ses supérieurs lui eurent expressément demandé demployer dautres moyens pour contester la politique applicable, il a déclaré sans ambiguïté auxdits supérieurs, en rébellion ouverte contre eux, quil nobéirait pas à lordre dassister au dîner.

 

[17]   Il ne sagit pas ici dune peccadille consistant à refuser dassister à un dîner militaire et de débourser 35 dollars à cette fin. Il sagit du manque de respect et du mépris flagrants dun chef subalterne envers sa chaîne de commandement, manifestés par la manière quil a choisie dexprimer sa ferme opinion touchant la légitimité de lordre dassister à un dîner militaire que sa commandante avait déclaré obligatoire pour des motifs relevant de son pouvoir discrétionnaire. La cour ne met pas en doute que le matelot-chef Middlemiss ait été extrêmement frustré de se voir obligé dassister à un dîner militaire qui n’était pas obligatoire pour les membres des Forces canadiennes extérieurs à son unité. Cependant, là nest pas la question. Les fonctions que le matelot‑chef Middlemiss a remplies pendant les 18 années quil a passées aux SGR - dont une bonne partie comme commis administratif - lui ont donné une bonne connaissance des règles et règlements applicables aux membres des Forces canadiennes, notamment de lobligation dobéir aux ordres dun supérieur, à moins quils ne soient manifestement illégaux sous le régime de larticle 19.015 des ORFC. La note C de cet article prévoit le cas dun ordre qui apparaîtrait manifestement illégal à une personne dintelligence et de discernement ordinaires. Il se peut que les faits portés devant la cour étayent la thèse que la légitimité des ordres était douteuse; cependant, la preuve ne peut être invoquée à lappui de la prétention que ces ordres auraient été manifestement illégaux. En tant que chef subalterne mûr et expérimenté, le matelot-chef Middlemiss a eu loccasion au cours de sa carrière dans les Forces canadiennes dapprendre limportance de lobéissance et de lautodiscipline, ainsi que de prendre connaissance des mécanismes institutionnels prévus pour permettre lexpression des préoccupations, ou la contestation par voie de grief jusquau niveau du chef d’état-major de la Défense sous le régime du chapitre 7 des ORFC. Le maître de 2e classe Starling a eu raison de dire au matelot-chef Middlemiss quil attendait de lui quil appuyât le principe des dîners militaires et donnât lexemple à ses subordonnés, en particulier dans un contexte où les intéressés étaient tous encouragés à inviter des collègues américains pour les initier aux coutumes et traditions canadiennes.

 


[18]   Les membres des Forces canadiennes choisis pour être affectés à l’étranger, que ce soit dans des bases militaires ou des ambassades, jouissent de plusieurs privilèges. Lun de ces privilèges est lhonneur de représenter notre pays auprès de collègues étrangers, notamment dans le cadre de réceptions et fêtes. Un autre privilège est le supplément de rémunération. Dans le cas du matelot-chef Middlemiss, la preuve indique que ce supplément s’élève à 18 580,68 dollars par an. Il est évident que son refus de payer sa place au dîner n’était pas motivé par des raisons pécuniaires. Son refus dobéir à lordre sexplique plutôt par un attachement obstiné à son opinion personnelle. Le matelot‑chef Middlemiss, en tant que chef subalterne, a complètement refusé denvisager que ses supérieurs hiérarchiques pussent avoir des motifs militaires légitimes de déclarer obligatoire la présence au dîner en question. Le fait que les membres du personnel OUTCAN du NORAD naient pas été obligés dassister à ce dîner, contrairement aux membres de lUSFC(C), nest pas pertinent dans la présente espèce, quoiquil pourrait l’être dans le contexte de la réparation dun grief. Le matelot‑chef Middlemiss, en contredisant ouvertement ses supérieurs, sest entièrement dérobé à sa responsabilité dappuyer sa chaîne de commandement et de donner lexemple à ses subordonnés. Souscrire à la thèse de lavocat de la défense comme quoi la désobéissance na pas eu dautre effet quune place vide au dîner militaire reviendrait à ne pas tenir compte des perturbations inévitables qua causées le matelot‑chef Middlemiss en dépit du fait que ses supérieurs de divers niveaux, à de nombreuses reprises, avaient écouté ses objections et lui avaient proposé des démarches plus appropriées pour régler la question.  

 


[19]   Lavocat de la défense a invoqué comme circonstance atténuante les lenteurs qui ont marqué la présente affaire. Après examen des événements dont rend compte lexposé conjoint des faits, je considère le facteur des lenteurs comme neutre en loccurrence. Je ne vois pas, étant donné les faits de la présente espèce, dautres circonstances atténuantes importantes que labsence de fiche de conduite, les 18 années passées dans la force régulière et, dans une mesure limitée, les aveux faits au procès, qui ont abrégé la procédure. La situation familiale et économique du contrevenant est stable et nentre pas en ligne de compte dans la détermination par la cour de la sentence quelle estimera juste et équitable. Il y a cependant ici dimportantes circonstances aggravantes. La préméditation et le manque de respect flagrant envers la chaîne de commandement sont particulièrement graves sagissant dun militaire du rang mûr et expérimenté. Par ses actions, le contrevenant a manqué à son devoir dappuyer ses supérieurs. Il sest en outre dérobé à ses responsabilités de chef subalterne; il aurait dû en effet donner lexemple. Par ailleurs, rien ne lempêchait de suivre les voies appropriées pour exprimer son point de vue et obtenir réparation sil se sentait lésé par la situation. La désobéissance n’était tout simplement pas permise en loccurrence. La fixation dune sentence telle que celle proposée par lavocat de la défense naurait pas leffet nécessaire de dissuasion générale ni de dissuasion spécifique. Au contraire, elle équivaudrait à fermer les yeux sur la désobéissance dun chef subalterne capable de mesurer la gravité de ses actes. La cour estime que ces objectifs de dissuasion ne peuvent être atteints que par un ensemble de sanctions comprenant au minimum une réprimande et une amende importante, dans un contexte où le contrevenant est mûr et expérimenté, et occupe quelque poste dirigeant que ce soit. Un bon dosage de telles sanctions ne peut nuire à la réinsertion. Il peut venir un moment dans la carrière dune personne du grade et de lexpérience du matelot-chef Middlemiss, quelle soit un chef subalterne ou de plus haut niveau, où elle devrait se demander sincèrement et honnêtement si les exigences élémentaires de lobéissance, et les autres valeurs militaires telles que le respect et lappui dus à la chaîne de commandement, correspondent encore à ses valeurs personnelles et professionnelles. Si la réponse est négative, ce peut être un signe que le temps est venu de dire adieu et de sengager dans une autre voie.

 

[20]   Pour ces motifs, la cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 500 dollars. 

 

 

                                                                                             COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

Avocats :                                                                                                                   

 

Major A.M. Tamburro, Poursuites militaires régionales, Ottawa

Major S.A. MacLeod, Poursuites militaires régionales, Ottawa

Procureurs de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Turner, Direction du service davocats de la défense

Capitaine de corvette P. Lévesque, Direction du service davocats de la défense

Avocats du matelot-chef R.J. Middlemiss      

 

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