Cour martiale
Informations sur la décision
CACM 512 - Appel accordé
Date de l’ouverture du procès : 11 mars 2008.
Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, Petawawa (ON).
Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 750$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal-chef C. A. Matusheskie, 2008 CM 3015
Dossier : 200770
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
BFC PETAWAWA
ONTARIO
Date : 2 avril 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D’AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL-CHEF C. A. MATUSHESKIE
(contrevenant)
SENTENCE
(prononcée de vive voix)
[1] Le but d’un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l’efficacité et au moral des troupes. La Cour suprême du Canada a reconnu que les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Cependant, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. L’intérêt premier d’une cour martiale est de maintenir ou de rétablir la discipline, qui est définie comme la prompte obéissance à des ordres légitimes.
[2] Pour déterminer la peine aujourd’hui, la cour a tenu compte des circonstances liées à la perpétration des infractions, telles qu’elles ressortent de la preuve entendue au procès, et des principes applicables de détermination de la peine, y compris ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévu à la Loi sur la défense nationale. La cour a également examiné les observations des avocats, y compris la jurisprudence fournie et les documents produits.
[3] Le caporal-chef Matusheskie a été déclaré coupable d’une accusation portée sous le régime de la Loi sur la défense nationale. L’accusation concerne une infraction prévue à l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, soit le fait d’avoir désobéi à un ordre donné par un supérieur. La cour qui prononce la peine d’un contrevenant relativement aux infractions qu’il a commises doit poursuivre certains objectifs en fonction des principes de la détermination de la peine qui s’appliquent. Il est reconnu que ces principes et objectifs varient légèrement selon le cas, mais il faut toujours les adapter aux circonstances de l’espèce ainsi qu’au contrevenant afin de contribuer à l’un des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien d’une force armée professionnelle et disciplinée qui soit opérationnelle, efficace et efficiente.
[4] Les objectifs et principes de la détermination de la peine peuvent être formulés ainsi : premièrement, la protection du public, et cela comprend évidemment les Forces canadiennes; deuxièmement, la punition et la dénonciation de la conduite illégale; troisièmement, la dissuasion du contrevenant et d’autres de commettre de telles infractions; quatrièmement, la réinsertion des contrevenants; cinquièmement, la proportionnalité par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant; sixièmement, l’infliction d’une peine semblable à celles qui ont été imposées à des contrevenants du même genre pour des infractions comparables commises dans des circonstances similaires; enfin, toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant.
[5] En l’espèce, il est nécessaire d’assurer la protection du public par l’imposition d’une peine qui mettra l’accent sur l’effet dissuasif général et, dans une moindre mesure, sur la dénonciation de la conduite du caporal-chef Matusheskie. L’effet dissuasif général signifie que la peine infligée doit viser non seulement à dissuader le contrevenant de récidiver, mais également à dissuader toute autre personne qui, se trouvant dans une situation analogue, serait tentée de se livrer aux mêmes actes illicites.
[6] Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a pris en compte les circonstances atténuantes et aggravantes décrites ci-après. La cour considère comme aggravants les facteurs suivants : la gravité objective de l’infraction. L’infraction dont vous avez été accusé est prévue à l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, soit la désobéissance à un ordre légitime d’un supérieur. Cette infraction est punissable d’une peine d’emprisonnement à perpétuité ou d’une peine moindre; la responsabilité élevée qui vous est confiée et la grande confiance dont vous faites l’objet à titre de technicien d’armement au rang de caporal-chef; le fait que vous étiez en service et que vous portiez l’uniforme lors de la perpétration de l’infraction; le fait que la modification que vous avez apportée aux armes comportait un risque élevé lié à la sécurité des soldats qui ont participé à des combats peu de temps après l’incident; cependant, il est juste de préciser que votre conduite n’a donné lieu à aucune conséquence fâcheuse; le fait que vous n’avez nullement tenu compte de l’ordre que vous avait donné votre supérieur immédiat et que vous avez profité de l’occasion que vous donnait l’adjudant Green pour faire ce que vous croyiez être la bonne chose; l’utilisation, sans autorisation, de ressources humaines et matérielles de votre unité afin d’accomplir une tâche dont votre supérieur immédiat vous avait ordonné de suspendre l’exécution.
[7] La cour estime que les circonstances suivantes constituent des facteurs atténuants aux fins de la détermination de la peine : le fait que vous n’avez aucun casier judiciaire ou fiche de conduite à l’égard d’infractions similaires; les faits et circonstances de la présente affaire, notamment le fait que votre conduite n’a donné lieu à aucune autre conséquence fâcheuse, comme je l’ai déjà souligné. Jusqu’à maintenant, la cour n’a pas la moindre indication que votre conduite a entraîné des répercussions permanentes; vos états de service au sein des Forces canadiennes. Il appert clairement des documents présentés en preuve ainsi que des témoignages de plusieurs personnes qui ont comparu en l’espèce que vous êtes un technicien d’armement et un caporal-chef très compétent et bien renseigné. J’espère que vous continuerez à mériter cette réputation; l’absence d’impact de votre conduite sur la discipline au sein du peloton de maintenance du 3 RCR ou d’une autre unité de celui-ci; votre âge et votre potentiel de carrière comme membre des Forces canadiennes. Étant donné que vous êtes âgé de 35 ans, vous avez encore de nombreuses années devant vous pour apporter une contribution positive à l’ensemble de la société et aux Forces canadiennes; le fait qu’il s’agit d’un incident isolé et que vous ne vous êtes nullement comporté de la sorte après la perpétration de l’infraction. Fondamentalement, la cour estime que vous avez généralement pour habitude d’obéir aux ordres.
[8] La cour est également d’avis que le fait que vous avez dû comparaître devant la présente cour martiale a déjà eu un effet dissuasif non seulement sur vous, mais aussi sur d’autres personnes. La cour est convaincue que vous ne comparaîtrez pas devant un autre tribunal pour une infraction similaire ou pour quelque autre infraction à l’avenir. Je suis persuadé que vous êtes un excellent soldat et que vous comprenez bien la nécessité d’obéir aux ordres. Vous avez encore la confiance de votre chaîne de commandement et il ne m’apparaît pas nécessaire que vous révisiez les valeurs et aptitudes fondamentales du soldat.
[9] La peine appropriée pour une infraction de cette nature va d’une réprimande sévère ou d’une réprimande accompagnée d’une amende à une amende seule. La cour rappelle que la réprimande doit être considérée comme une peine sévère dans le contexte militaire. Elle est plus sévère dans l’échelle des peines que l’amende, indépendamment du montant de celle-ci. Elle montre qu’il existe des raisons de douter de l’engagement de la personne concernée lors de l’infraction et tient compte de la gravité de celle-ci, mais signifie également qu’il est permis d’espérer la réinsertion.
[10] Une peine juste et équitable devrait tenir compte de la gravité de l’infraction et de la responsabilité du contrevenant dans le contexte précis de l’espèce. Caporal-chef Matusheskie, veuillez vous lever. La cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 750 $, laquelle sera payée à raison de 250 $ par mois à compter du 1er mai 2008 et pendant les deux mois suivants. Si, pour une raison ou pour une autre, vous êtes libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l’amende, le solde de celle-ci sera dû immédiatement avant la date de votre libération.
[11] L’instance devant la présente cour martiale à l’égard du caporal-chef Matusheskie est terminée.
LIEUTENANT-COLONEL L-V. D'AUTEUIL, J.M.
AVOCATS :
Major A.M Tamburro, Direction des poursuites militaires, Région du Centre
Procureur de Sa Majesté La Reine
Major L. D'Urbano, Direction du service d’avocats de la défense
Avocate du caporal-chef C.A. Matusheskie