Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 avril 2008.

Endroit : 17e Escadre Winnipeg, édifice 61, mess combiné, Winnipeg (MB).

Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main.
Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 600$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Caporal M.D. Robertson, 2008 CM 3008

 

Dossier : 2007-73

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

MANITOBA

17e ESCADRON WINNIPEG

 

Date : 15 avril 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL M.D. ROBERTSON

(contrevenant)

 

SENTENCE

(prononcée de vive voix)

 

 

[1]                    Caporal Robertson, après avoir accepté et inscrit un plaidoyer de culpabilité à l’égard de la deuxième accusation, la cour vous déclare aujourd’hui coupable de cette accusation. Étant donné que la cour a autorisé l’avocat de la poursuite à retirer la première accusation conformément aux paragraphes 165.12(2) et (3) de la Loi sur la défense nationale avant la lecture de l’acte d’accusation, il n’est pas nécessaire qu’elle tient compte de cette accusation, parce qu’elle n’en est plus saisie.

 

[2]                    Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline - une dimension essentielle de l’activité militaire - dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est d’empêcher toute inconduite ou, de façon plus positive, de promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les Forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès et d’une manière fiable.

 

[3]                    Comme l’a écrit le major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse au sujet du système de justice militaire canadien, « en bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d’administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre ». Le système de justice militaire veille aussi au maintien de l’ordre public et assure que les personnes justiciables du Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.


[4]                    Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de justice ou de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de trancher les questions qui relèvent du respect du Code de discipline militaire et qui touchent le maintien de l’efficacité et du moral des troupes. Ceci étant dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moins sévère qui soit adaptée aux circonstances. Ce principe est conforme au devoir du tribunal de « prononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant », comme le prévoit l’alinéa 112.48(2)b) des ORFC. En l’espèce, le poursuivant et l’avocat de la défense ont présenté une recommandation commune sur la peine. Ils recommandent que la cour vous condamne à une amende de 600 $.

 

[5]                    Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation commune, le principe suivant que la Cour d’appel de la cour martiale a énoncé au paragraphe 21 de sa décision Soldat Taylor c. R., 2008 CMAC 1, citant R. c. Sinclair, [2004] M.J. n° 144; 185 C.C.C. (3d) 569, est généralement reconnu :

 

[TRADUCTION] Le juge chargé de la détermination de la peine ne doit aller à l'encontre de la recommandation conjointe que s'il existe des motifs impérieux de le faire, notamment lorsque la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l'administration de la justice ou contraire à l'intérêt public

 

[6]                    La cour a examiné la recommandation commune à la lumière des faits pertinents exposés dans le sommaire des circonstances ainsi que des aveux et de leur importance. Elle a également examiné cette recommandation en fonction des principes applicables à la détermination de la peine, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu par la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public comprend, en l’occurrence, les intérêts des Forces canadiennes;

deuxièmement, le châtiment du contrevenant;

troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions;

quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant;

cinquièmement, la proportionnalité par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant;


sixièmement, l’infliction d’une peine semblable aux peines imposées à des contrevenants du même genre pour des infractions comparables commises dans des circonstances similaires.

 

La cour a également examiné les observations formulées par les avocats, y compris la jurisprudence présentée et la documentation fournie.

 

[7]                    Je dois dire que je conviens avec le poursuivant qu’en raison de la nécessité de protéger le public, il faut prononcer une peine qui met l’accent sur l’effet dissuasif général. Il est important de préciser que l’effet dissuasif général vise à faire en sorte que la peine infligée dissuade non seulement le contrevenant de récidiver, mais aussi toute autre personne qui, se trouvant dans une situation analogue, serait tentée de se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[8]                    Comme l’a dit le juge Létourneau au paragraphe 22 de la décision que la Cour d’appel de la cour martiale a rendue dans Soldat St-Jean et Sa Majesté La Reine, CMAC 429 :

 

.... Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir qu'ils s'exposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre d'activités.

 

Il importe également de rappeler la nécessité de tenir compte de la dissuasion particulière et de la réinsertion dans la présente affaire.

 

[9]                    Il s’agit en l’espèce d’une infraction liée à la fraude, soit le fait de consigner une fausse entrée dans un document officiel, qui constitue une infraction très grave. La cour infligera toutefois ce qu’elle considère comme la peine la moins sévère qui soit adaptée aux circonstances.

 

[10]                  Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a pris en compte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes qui suivent.

 

[11]                  La cour considère comme des facteurs aggravants les circonstances suivantes :

 


a. La gravité objective de l’infraction. L’infraction dont vous avez été accusé est prévue à l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale, soit l’inscription volontaire d’une fausse déclaration dans un document. Cette infraction est punissable d’une peine maximale de trois ans d’emprisonnement;

 

b. La gravité subjective de l’infraction. Ce type d’infraction requiert très souvent une certaine forme de préméditation. Pour commettre l’infraction à laquelle vous avez plaidé coupable aujourd’hui, cette préméditation était nécessaire. Vous avez décidé, en toute connaissance de cause, de réclamer un remboursement de certains frais alors que vous n’y aviez pas droit. À cette fin, vous avez revendiqué un statut alors que vous saviez que vous n’aviez pas ce statut. Vous avez indéniablement menti à votre superviseur et à votre chaîne de commandement malgré le fait que vous aviez été prévenu des conséquences de cette conduite. Vous avez ainsi fait preuve d’un manque flagrant d’intégrité et de fiabilité;

 

c. Le fait que, entre le moment auquel vous avez reçu le remboursement des Forces canadiennes et celui où vous l’avez remis, vous avez bénéficié de cet argent;

 

d. Le fait que vous avez une fiche de conduite, qui montre que vous avez des problèmes de discipline. Cependant, il convient de signaler que les infractions qui y sont mentionnées ne ressemblent pas à celle qui est visée par la présente affaire.

 

[12]                  La cour considère les circonstances suivantes comme des facteurs atténuants :

 

a. Votre plaidoyer de culpabilité qui, d’après les faits mis en preuve, traduit un véritable signe de remords et votre désir sincère de demeurer un atout pour la collectivité canadienne et les Forces canadiennes. Il montre que vous acceptez l’entière responsabilité de votre conduite. De plus, la cour ne voudrait pas mettre en péril vos chances de succès, car la réinsertion est un élément clé à prendre en compte dans tous les cas au moment de déterminer la peine à infliger à une personne;

 

b. Les sentiments que vous éprouviez et qui vous ont incité à croire que vous deviez tenter par tous les moyens possibles de revenir à la maison afin de venir en aide à votre amie. Même si ces sentiments ne vous excusent pas, ils expliquent pourquoi vous n’avez pas tenu compte des conséquences de vos gestes. L’objectif était noble, mais la façon de l’atteindre était totalement illégale et inappropriée;

 

c. Le fait que l’infraction n’était pas liée directement à l’exécution de vos fonctions au théâtre et que vous n’occupiez pas une position de confiance lors de l’incident;


 

d. Vos états de service au sein des Forces canadiennes, votre âge et votre potentiel de carrière comme membre des Forces canadiennes. Étant donné que vous êtes âgé de 26 ans, vous avez plusieurs années devant vous pour apporter une contribution positive à l’ensemble de la société et aux Forces canadiennes;

 

e. La démarche que vous poursuivez afin de rembourser en entier les Forces canadiennes;

 

f. Le fait que vous avez dû comparaître devant la présente cour martiale, ce qui a déjà eu un effet dissuasif sur vous et également sur d’autres personnes. La cour est convaincue que vous ne vous retrouverez pas devant un autre tribunal pour une infraction du même genre ou de tout autre genre dans le futur;

 

g. Le fait que l’infraction pour laquelle vous êtes condamné aujourd’hui concerne des obligations d’ordre éthique comme l’honnêteté et la responsabilité. Le respect de ces obligations donne lieu à la confiance, qui constitue un élément essentiel de toute tâche ou mission militaire. Je suis convaincu que vous tirerez une leçon de toute cette expérience et que vous savez, désormais, que la transparence et la franchise sont essentielles pour réussir, qu’il s’agisse d’une mission militaire ou de la vie en général.

 

[13]                  Par conséquent, la cour accepte la recommandation commune des avocats et vous condamne à une amende de 600 $, puisqu’elle considère que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[14]                  Caporal Robertson, veuillez vous lever. Pour les motifs exposés ci‑dessus, la cour vous condamne à une amende de 600 $, laquelle sera payée en versements mensuels de 100 $ chacun à compter du 1er mai 2008 et au cours des cinq mois suivants. Si vous êtes libéré des Forces canadiennes pour quelque raison que ce soit avant le paiement complet de l’amende, le solde sera exigible le jour précédant votre libération.

 


[15]                  L’instance devant la présente cour martiale à l’égard du caporal Robertson est terminée.

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

 Avocats :

 

Major J.J. Samson, procureur militaire régional, région de l’Atlantique

Procureur de Sa Majesté La Reine

 

Lieutenant de vaisseau S.C. Leonard, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du caporal M.D. Robertson

 

 

 

 

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