Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 30 septembre 2008

Endroit : 3e Escadre Bagotville, édifice 81, salle 202, Alouette (QC)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.

Résultats
•Verdicts : Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Caporal M.J.M.G. Carreau-Lapointe, 2008 CM 3023

 

Dossier : 200843

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

3e ESCADRE BAGOTVILLE

QUÉBEC

CANADA

 

Date : 30 septembre 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, JUGE MILITAIRE

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL M.J.M.G. CARREAU-LAPOINTE

(Contrevenante)

 

SENTENCE

Prononcée oralement

 

 

[1]                    Caporal Carreau-Lapointe, je vous demanderais de vous lever, s'il vous plaît. La cour martiale ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité sur les trois chefs d'accusation apparaissant à l'acte d'accusation, la cour vous trouve maintenant coupable de ces chefs. Merci beaucoup. Assoyez-vous.

 

[2]                    Il est de mon devoir à titre de juge militaire présidant cette cour martiale de fixer la sentence telle que prévue à l'article 193 de la Loi sur la défense nationale. Le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C'est au moyen de la discipline que les forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leur mission avec succès en toute confiance et fiabilité. Comme le déclare le lieutenant-colonel Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse intitulée, L'utilisation de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien et je cite:

 


En bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d'administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, l'efficacité militaire et finalement la raison d'être de l'organisation, la sécurité nationale.

 

[3]                    Le système de justice militaire va aussi au maintien de l'ordre public et s'assure que les personnes justiciables du code de discipline militaire sont punies de la même façon que tout autre personne vivant au Canada. Il est reconnu depuis longtemps que le but d'un système de tribunaux ou de justice militaire distinct est de permettre aux Forces canadiennes de s'occuper des questions qui touchent au code de discipline militaire, au maintien de l'efficacité et du moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit représenter l'intervention minimale nécessaire qui est adéquate dans les circonstances particulières de la cause. Ce principe est aussi conforme au devoir du tribunal d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant comme le prévoit l'article 112.48, paragraphe (2)b) des ORFC.

 

[4]                    Dans le cas qui nous occupe, le procureur de la poursuite et l'avocat de la défense ont présenté une suggestion commune sur la peine. Ils ont recommandé que la cour vous condamne à un blâme et à une amende au montant de 1000 dollars. La cour martiale n'est pas liée par cette recommandation. Il est toutefois de jurisprudence constante que seuls des motifs incontournables et convaincants peuvent lui permettre de s'en écarter. Il est aussi généralement reconnu qu'elle ne devrait agir ainsi que lorsqu'il serait contraire à l'intérêt public de l'accepter et que cela aurait pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[5]                    La cour a pris en considération les recommandations respectives des avocats en fonction des faits pertinents tels que présentés dans le cadre de ce procès et de leur importance. Elle a également examiné ces recommandations en fonction des principes de la détermination de la peine notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévues sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public comprend en l'occurrence les intérêts des Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition du contrevenant;

 

troisièmement, l'effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions;

 

quatrièmement, l'isolement au besoin des délinquants du reste de la société, y compris des membres des Forces canadiennes;

 


cinquièmement, l'imposition de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables; et

 

sixièmement, la réhabilitation et la réinsertion du contrevenant.

 

[6]                    Le tribunal a également tenu compte des arguments avancés par les avocats ainsi que la jurisprudence qu'ils ont produite, des documents qu'ils ont déposés en preuve et les admissions qui ont été faites. La cour est d'avis que la nécessité de protéger le public exige d'infliger une peine qui met l'accent d'abord sur l'effet dissuasif général puis sur la dissuasion spécifique du contrevenant. Il est important de retenir que le principe de dissuasion générale implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[7]                    En l'espèce, la cour est saisie de trois infractions de négligence dans l'exécution d'une tâche militaire qui réfèrent toutes à l'article 124 de la Loi sur la défense nationale. Il s'agit d'infractions sérieuses mais la cour a l'intention d'infliger ce qu'elle considère être la peine minimale applicable dans les circonstances.

 

[8]                    Pour en arriver à ce qu'elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a également tenu compte des circonstances aggravantes et atténuantes suivantes. La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :

 

Premièrement, la gravité objective des infractions. Vous avez été trouvé coupable d'une infraction aux termes de l'article 124 de la Loi sur la défense nationale pour négligence dans l'exécution d'une tâche militaire. Cette infraction est passible au maximum de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Il s'agit d'une infraction qui objectivement est grave car elle évoque des obligations d'intégrité et de responsabilité que doivent respecter chacun des militaires au sein des Forces canadiennes.

 


Deuxièmement, la gravité subjective des infractions. Votre travail consistait à contrôler l'accès à une zone d'alerte située sur la base et à permettre aux personnes autorisées d'y accéder et d'en sortir. Pour se faire, vous étiez en possession d'une arme chargée avec des munitions réelles afin de faire respecter la sécurité de cette zone. De plus, les aéronefs de type CF-18 se trouvaient dans cette zone. Tous les éléments étaient là pour vous indiquer l'importance de la responsabilité de votre tâche. De plus, malgré l'absence de toute préméditation, vous avez quand même commis la même infraction à trois reprises. L'aspect répétitif de l'infraction constitue à lui seul un autre facteur aggravant. Si un tel poste vous a été confié, c'est sûrement parce que les Forces canadiennes considéraient que vous aviez la formation et l'expérience nécessaire pour le remplir incluant une bonne discipline. Ce genre de tâche requiert effectivement de la discipline en raison de son aspect routinier. Cela n'en diminue pas moins l'importance. Il ne faut pas oublier que la discipline signifie la capacité de mettre de côté ses intérêts personnels et ses préoccupations afin d'accomplir la tâche qui nous est demandée particulièrement dans un milieu militaire. Il est clair que vous avez manqué de discipline et qu'en dépit de votre formation ou de votre expérience militaire, vous n'avez pas su gérer adéquatement les circonstances qui vous ont distrait de votre tâche.

 

[9]                    La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :

 

Votre plaidoyer de culpabilité. Vous témoignez manifestement de vos remords et de votre sincérité dans votre intention de continuer à représenter un actif très solide pour les Forces canadiennes et pour la société canadienne en général. La cour ne voudra en aucune façon compromette vos chances de succès car la réhabilitation constitue toujours un élément clé dans la détermination de la peine du contrevenant. Votre préoccupation constante quant aux conséquences de vos gestes depuis que les accusations ont été portées au mois de janvier 2008 et les remords qui vous habitent depuis longtemps.

 

L'absence d'une fiche de conduite ou de dossier criminel pour des infractions similaires.

 

Le fait que vos gestes n'ont pas eu de conséquences concrètes et fâcheuses à l'égard de d'autres personnes ou des Forces canadiennes.

 

Votre âge et votre potentiel de carrière au sein de la communauté canadienne. Âgé de 21 ans, vous avez de nombreuses années devant vous pour contribuer positivement au sein des Forces canadiennes et à la société en général.

 

Le fait d'avoir eu à faire face à cette cour martiale qui est annoncée et accessible au public et qui ait lieu en présence de certains de vos collègues et de certains de vos pairs a certainement eu un effet dissuasif très important sur vous et sur eux. Le message est que le genre de conduite que vous avez eue ne sera tolérée d'aucune manière et que ce genre de comportement sera réprimé en conséquence.

 


[10]                  Finalement, Caporal Carreau-Lapointe, je me dois de vous rappeler que lorsque vous rentrez dans l'édifice que nous occupons et qu'occupe en partie la police militaire de cette base, vous pouvez lire sur le mur au bas de l'escalier la devise de l'unité qui est, « Discipline par l'exemple ». Je désire vous rappeler que cela demeurera fondamental dans votre carrière militaire ainsi que dans toute autre carrière civile qui semble vous attendre. Je suis certain que vous avez maintenant saisi la place que doit prendre la discipline dans votre vie personnelle et professionnelle et vous saurez en tirer une leçon qui tournera à votre avantage.

 

[11]                  La cour estime que la suggestion commune n'est pas déraisonnable dans les circonstances. Par conséquent, la cour accepte la recommandation conjointe formulée par les avocats et vous condamne à un blâme et à une amende au montant de 1000 dollars étant donné qu'elle n'est pas contraire à l'intérêt public et n'aura pas pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[12]                  Caporal Carreau-Lapointe, levez-vous. La cour vous condamne donc à un blâme et à une amende au montant de 1000 dollars. L'amende doit être payée en versements mensuels consécutifs de 100 dollars à compter du 1er octobre 2008 et durant les neuf mois qui suivent. Si pour une raison ou pour une autre vous étiez libérée des Forces canadiennes avant d'avoir fini de payer cette amende, le montant total impayé devra être versé avant votre libération. Assoyez-vous.

 

 

                                                      LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

Avocats :

 

Major J. Caron, Procureur militaire régional, Région de l'Est

Avocat de la poursuivante

Me Jean Asselin,  Avocat, Labrecque, Robitaille, Roberge, Asselin, 400, boul. Jean‑ Lesage, bur.310, Québec (Québec) G1K 8W1

Avocat du caporal M.J.M.G. Carreau-Lapointe

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