Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 20 novembre 2008
Endroit : BFC/USS Gagetown, Édifice F-1, Oromocto (NB)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, possession (art. 4(1) LRCDAS).
Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 1000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal J. Springer, 2008 CM 3027
Dossier : 200827
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
NOUVEAU-BRUNSWICK
BASE DES FORCES CANADIENNES GAGETOWN
Date : Le 20 novembre 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L-V. D'AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL J. SPRINGER
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
[1] Caporal Springer, la cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement à la première et seule accusation figurant à l’acte d’accusation, et vous déclare aujourd’hui coupable de cette accusation.
[2] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour assurer le respect de la discipline, une composante essentielle de l’activité militaire, dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir l’inconduite ou, de façon plus positive, de favoriser la bonne conduite. C’est grâce à la discipline qu’une force armée s’assure que ses membres rempliront leur mission avec succès, de manière fiable et confiante. Comme l’a exposé un avocat militaire, le Lieutenant-Colonel Jean-Bruno Clouthier, dans sa thèse sur le recours aux infractions édictées à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, le système de justice militaire, je cite :
[traduction] « vise à contrôler et à influencer les comportements et à assurer le maintien de la discipline, dans le but fondamental de créer des conditions favorables au succès de la mission militaire ».
Le système de justice militaire veille aussi au maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.
[3] Il est depuis longtemps reconnu que le but d’un système de justice ou de tribunaux militaires distincts est de permettre aux Forces armées de régler les affaires qui portent sur le respect du Code de discipline militaire et d’assurer le maintien du rendement et du moral au sein des Forces canadiennes. Cela dit, la peine imposée par tout tribunal, qu’il soit militaire ou civil, doit être la peine la moins sévère adaptée aux circonstances particulières de l’affaire. Ce principe est directement lié au devoir qui incombe à la cour en vertu de l’alinéa 112.48(2)b) des ORFC, qui prévoit que la cour, et je cite, « prononce une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant ».
[4] Dans la présente instance, le poursuivant et l’avocat du contrevenant ont présenté des recommandations conjointes sur la sentence, et proposent que la cour vous adresse un blâme et vous impose une amende de 1 000 $. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, le principe suivant, que la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a énoncé au paragraphe 21 de l’arrêt Private Taylor c. R., 2008 CMAC 1, citant le paragraphe 17 de la décision rendue dans R. c. Sinclair, est généralement reconnu :
Le juge chargé de la détermination de la peine ne doit aller à l’encontre de la recommandation conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire, notamment lorsque la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.
[5] La cour a examiné la recommandation conjointe à la lumière des faits pertinents présentés dans le sommaire des circonstances et dans l’exposé conjoint des faits, et de leur importance. La cour s’est aussi penchée sur cette recommandation en ayant à l’esprit les principes applicables en matière de détermination de la peine, y compris ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ces principes ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévu à la Loi sur la défense nationale.
[6] Ces principes sont les suivants : premièrement, la protection du public, le public incluant les intérêts des Forces canadiennes; deuxièmement, l’imposition d’une punition au contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais pour quiconque pourrait être tenté de commettre de telles infractions; quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant; cinquièmement, la proportionnalité de la peine à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant; sixièmement, l’infliction d’une peine semblable à celles imposées à des contrevenants du même genre pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. La cour a aussi tenu compte des observations présentées par les avocats, notamment de la jurisprudence soumise à la cour et de la preuve documentaire.
[7] Je dois dire que je partage l’avis du poursuivant, selon lequel la protection du public commande une sentence qui met l’accent sur la dissuasion générale. Il importe de préciser que selon le principe de dissuasion générale, la sentence infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver, mais aussi dissuader quiconque se trouve dans une situation semblable d’adopter, pour quelque motif que ce soit, le même comportement illicite. Il importe aussi de dire qu’il y a lieu en l’espèce de tenir compte jusqu’à un certain point de la dissuasion spécifique et de la réinsertion.
[8] La cour, dans la présente instance, doit se prononcer sur une infraction de possession de 1,4 gramme de marihuana. S’il s’agit d’une infraction grave dans un milieu militaire, comme je l’expliquerai plus tard, la cour doit néanmoins imposer la sentence qu’elle estime être la peine la moins sévère adaptée aux circonstances. Pour établir le contexte, il est important de se rappeler que la Cour d’appel de la cour martiale a exposé très clairement les motifs, auxquels je souscris, pour lesquels la présence et l’usage de drogues, en milieu militaire, doivent être considérés comme une question très sérieuse. Dans l’arrêt MacEachern c. J., 4 CMAR 447, le juge Addy a déclaré :
[...] À cause des tâches particulièrement importantes et dangereuses que les militaires peuvent, en tout temps et à bref délai, être tenus d’exécuter et du travail d’équipe qu’exige l’accomplissement de ces tâches, lesquelles nécessitent souvent l’utilisation d’armes et d’instruments hautement techniques et potentiellement dangereux, il ne fait aucun doute que les autorités militaires sont tout à fait justifiées d’attacher une très grande importance à ce qu’aucun stupéfiant ne se trouve ni ne soit utilisé dans les établissements ou les formations militaires ni à bord des navires ou des aéronefs. Les autorités militaires ont peut-être davantage intérêt que les autorités civiles à ce qu’aucun membre des forces armées n’utilise ni ne distribue de stupéfiants et, en fin de compte, à en empêcher tout usage [...]
[9] Pour arrêter la sentence qu’elle estime juste et appropriée, la cour a tenu compte des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes suivantes :
La cour considère comme des facteurs aggravants :
- La gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé, conformément à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, de possession de 1,4 gramme de marihuana, en violation du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cette infraction est passible d’une amende maximale de 1 000 $ ou d’un emprisonnement maximal de six mois ou de l’une et l’autre peine, ou encore d’une peine moindre, en cas d’application du paragraphe 4(5) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances;
- Le fait que la drogue a été en votre possession à proximité d’un établissement militaire et bien à la vue d’un autre militaire.
La cour est d’avis que les facteurs suivants, qui ressortent des faits mis en preuve, constituent des circonstances atténuantes dans la détermination de la sentence.
- La cour considère que votre plaidoyer de culpabilité est un signe manifeste et authentique de remords et estime que vous faites preuve d’une grande sincérité dans vos efforts pour demeurer un atout pour les Forces canadiennes et la société canadienne. Ce plaidoyer témoigne du fait que vous assumez la pleine responsabilité vos actes.
- Vos états de service dans les Forces canadiennes. Il appert de la preuve déposée en l’espèce que vous avez d’excellentes compétences et que vous vous acquittez très bien des tâches et des responsabilités qui vous sont confiées, dans la mesure où votre commandant est disposé à recommander votre maintien dans les Forces canadiennes malgré ce que vous avez fait. De plus, le fait que la chaîne de commandement appuie votre nomination au rang de caporal-chef est une marque manifeste de la confiance qu’elle vous accorde.
- Votre âge et vos perspectives de carrière au sein des Forces canadiennes. À 32 ans, il vous reste de nombreuses années pour contribuer positivement à la société en général et aux Forces canadiennes.
- Le fait que vous n’aviez aucune fiche de conduite ni dossier criminel pour des infractions de nature semblable.
- Le fait qu’il s’agit d’un incident isolé et qu’aucun incident semblable n’est survenu après la commission de l’infraction. En réalité, votre conduite n’a pas eu de conséquences sur le fonctionnement de votre unité, et vous continuez à maintenir et à améliorer votre niveau de rendement malgré le fait que des mesures disciplinaires ont été engagées contre vous.
- Le fait que vous avez dû comparaître devant cette cour martiale. Cette mesure a déjà eu des effets dissuasifs sur vous et sur autrui. La cour est convaincue que vous n’aurez pas à comparaître devant un tribunal pour une infraction de nature semblable ou pour quelque autre infraction que ce soit à l’avenir.
- Le fait que vous ferez l’objet d’une mise en garde et surveillance pour une période maximale d’un an. Je reconnais tout à fait que cette mesure administrative ne constitue pas une sanction disciplinaire en soi, mais elle exerce néanmoins une certaine dissuasion spécifique sur vous et pourrait avoir un léger effet dissuasif sur d’autres personnes. Elle traduit aussi une certaine forme de dénonciation de votre conduite.
[10] Par conséquent, la cour fera droit à la recommandation conjointe des avocats de vous infliger un blâme et de vous imposer une amende de 1 000 $, étant donné que cette sentence n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice.
[11] Caporal Springer, la cour vous condamne en conséquence à subir un blâme et à acquitter une amende de 1 000 $. L’amende devra être payée en versements mensuels de 250 $, qui débuteront le1er décembre 2008 et se poursuivront les trois mois suivants. Si, pour quelque raison que ce soit, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant que l’amende soit entièrement acquittée, le montant impayé deviendrait exigible le jour précédant votre libération.
Lieutenant-Colonel L-V. d'Auteuil, J.M.
AVOCATS
Major J.J. Samson, Bureau régional des poursuites militaires, région de l’Atlantique
Procureur de Sa Majesté la Reine
Lieutenant-Colonel D. Sweet, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal J. Springer