Cour martiale
Informations sur la décision
CACM 512 - Appel abandonné
Date de l'ouverture du procès : 15 octobre 2008
Endroit : Centre Asticou, Bloc 2600, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC)
Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 4, 5, 6 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.
•Chefs d'accusation 2, 3, 7 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.
Résultats
•Verdicts : Chefs d'accusation 1, 6 : Retirés. Chefs d'accusation 2, 3, 4, 5, 7 : Coupable.
•SENTENCE : Détention pour une période de 10 jours.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Matelot de 1re classe J. D. Dandrade, 2008 CM 3025
Dossier : 200809
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
QUEBEC
CENTRE ASTICOU, GATINEAU
Date : 16 octobre 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT‑COLONEL L.‑V. D'AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE MATELOT DE 1re CLASSE J. D. DANDRADE
(contrevenant)
DÉCISION RELATIVE À UNE DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ PENDANT L’APPEL PRÉSENTÉE PAR LE CONTREVENANT
(prononcée de vive voix)
[1] Le matelot de 1ère classe Dandrade, l’appelant dans le cadre de la présente procédure, a été condamné hier, à 17 h 20, à une peine de détention de 10 jours, par une cour martiale permanente sous ma présidence. Il a présenté à la cour une demande de mise en liberté pendant l’appel, conformément à l’article 248.1 de la Loi sur la défense nationale, à 17 h 50. Les parties ont convenu de commencer l’audience hier soir, et j’ai décidé de rendre ma décision cet après-midi, ce qui explique notre présence ici aujourd’hui.
[2] L’audience a été tenue conformément à l’article 118.04 des Ordonnances et règlements royaux. La preuve présentée à l’audience en l’espèce consistait dans la demande de mise en liberté pendant l’appel, signée par l’appelant, RPA‑1, et dans le témoignage du matelot de 1ère classe Dandrade.
[3] Pour que la cour ordonne que l’appelant soit mis en liberté pendant l’appel, celui-ci doit établir, par une preuve prépondérante, chacune des conditions suivantes, conformément à l’article 248.3 de la Loi sur la défense nationale :
qu’il a l’intention d’interjeter appel;
lorsqu’il s’agit d’un appel de la sentence, qu’il subirait un préjudice inutile s’il était détenu ou s’il était maintenu dans cet état;
qu’il se livrera lui-même lorsque l’ordre lui en sera donné;
que sa détention ne s’impose pas dans l’intérêt public ou dans celui des Forces canadiennes
[4] Contrairement au Code criminel, aucune disposition de la Loi sur la défense nationale ne prévoit que, dans le cas d’un appel de la sentence ou d’une mise en liberté pendant l’appel, la personne qui interjette appel de la sentence uniquement doit établir que l’appel est fondé dans une certaine mesure. Tel n’est pas le cas aux termes de la Loi sur la défense nationale.
[5] Bien que l’appelant n’ait jamais mentionné dans son témoignage qu’il avait l’intention de faire appel, je n’ai pas de mal à conclure qu’à la suite de la demande écrite de mise en liberté pendant l’appel qui a été présentée à la cour, une telle intention pouvait être déduite de ce document.
[6] Je suis aussi convaincu que, par une preuve prépondérante, l’appelant se livrera lui-même quand l’ordre lui en sera donné. Il est vrai que les infractions se trouvant dans sa fiche de conduite et celles pour lesquelles il a plaidé coupable témoignent d’un manque d’intégrité et de fiabilité; toutefois, il a clairement déclaré devant la cour que c’est ce qu’il fera et qu’il est prêt à se présenter à un détachement de la police militaire après sa libération des Forces canadiennes.
[7] Je suis convaincu que, par une preuve prépondérante, la détention de l’appelant ne s’impose pas dans l’intérêt public et dans celui des Forces canadiennes, compte tenu des circonstances en l’espèce et de la nature des infractions pour lesquelles il a plaidé coupable.
[8] Toutefois, aucun élément de preuve, quel qu’il soit, n’a été présenté par l’appelant afin de convaincre la cour, par une preuve prépondérante, qu’il subirait un préjudice inutile s’il était maintenu en détention. Il appartient à l’appelant d’établir qu’il subirait un préjudice inutile du fait de sa détention. Ce n’est pas au juge militaire de chercher la preuve nécessaire pour pouvoir faire droit à une telle demande.
[9] Sur la question concernant le préjudice inutile, j’adopterais le point de vue du juge militaire en chef Dutil, exprimé dans sa décision à la cour martiale dans l’affaire Sergent Nadeau, rendue en décembre 2003; au moment de trancher sur la même question, il a affirmé ce qui suit :
[TRADUCTION]
Il s’agit de savoir en l’espèce, ce matin, comme je le mentionnais, si l’accusé subirait ou non un préjudice inutile s’il était détenu ou emprisonné. Le terme «préjudice inutile» n’est pas défini dans la Loi sur la défense nationale, et il n’est pas défini non plus dans les règlements. Le Concise Oxford Dictionary définit [TRADUCTION] «inutile» simplement comme quelque chose de [TRADUCTION] «plus que ce qui est nécessaire.» Le terme [TRADUCTION] «préjudice» est défini par [TRADUCTION] «la dureté du destin ou des circonstances», ainsi que par [TRADUCTION] « souffrance ou privation grave ».
D’après cela, je comprends que le terme [TRADUCTION] «préjudice inutile» s’entend d’une souffrance ou d’une privation grave qui dépasse ce qui est nécessaire dans les circonstances et qui sous-entend un tort irréparable. Autrement dit, c’est plus que le simple fait de devoir être emprisonné pendant un appel, de par le degré de sévérité de la peine. Bien que l’incarcération constitue en soi un préjudice, elle ne peut, à mon avis, être décrite comme étant un préjudice inutile à moins que d’autres facteurs ne s’y greffent.
[11] Le fait que l’appelant ait purgé entièrement la peine ne pourrait pas être considéré comme ayant causé un préjudice inutile à l’appelant. Au contraire, il est nécessaire de rappeler ici que l’avocat de la défense a lui-même fait valoir à la cour, dans la procédure de détermination de la sentence, que l’incarcération était adéquate dans les circonstances de l’espèce et que la cour devrait envisager de la suspendre ou d’en réduire la durée. L’appelant a lui-même affirmé à la cour, pendant son témoignage sur la sentence, qu’il était prêt à purger sa peine.
[12] J’ajouterais également que, dans l’arrêt R. c. Garneau, 39 W.C.B. (2d) 402, la Cour d’appel du Québec a adopté le même raisonnement pour la même procédure, mais sous la rubrique qui concerne une «détention [qui] n’est pas nécessaire dans l’intérêt public».
[13] En l’espèce, aucun élément de preuve ne démontre que l’appelant subirait un préjudice. Il n’a rien présenté pour révéler à la cour quelles seraient les conséquences pour lui s’il était toujours détenu.
[14] L’appelant ne m’a pas prouvé, par une preuve prépondérante, qu’il subirait un préjudice inutile s’il était détenu ou s’il était maintenu dans cet état. Par conséquent, la demande est rejetée.
LE LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Le Major S. MacLeod, Procureur militaire régional (Région du Centre)
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Capitaine de corvette J.C.P. Lévesque, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Matelot de 1re classe Dandrade