Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 25 mars 2008
Endroit : Garnison Longue-Pointe, édifice 11, côté sud, Montréal (QC).
Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.
•Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 800$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. ex-Soldat T.M. Gabriel, 2008 CM 3006
Dossier : 2007-72
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
QUÉBEC
GARNISON DE LONGUE-POINTE
Date : le 25 mars 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
EX-SOLDAT T.M. GABRIEL
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
[1] Ex-Soldat Gabriel, la cour ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement aux premier et troisième chefs d’accusation, elle vous déclare maintenant coupable des infractions qui y sont énoncées. La cour ayant donné l’autorisation à la poursuite de retirer le deuxième chef d’accusation conformément aux paragraphes 165.12(2) et (3) de la Loi sur la défense nationale avant la lecture de l’acte d’accusation, il n’est plus nécessaire que la cour examine le deuxième chef d’accusation puisqu’elle n’en est plus saisie.
[2] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline dans les Forces canadiennes, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire. Ce système vise à prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité.
[3] Comme le dit le major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse sur le recours à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien, « [e]n bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d'administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, l'efficacité militaire et finalement la raison d'être de l'organisation, la sécurité nationale ». Le système de justice militaire veille aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les justiciables du Code de discipline militaire sont punis de la même façon que tout autre contrevenant vivant au Canada.
[4] Il est admis depuis longtemps que la raison de l’existence d’un système et de tribunaux de justice militaire distincts vise à permettre aux Forces canadiennes de trancher les questions qui relèvent du Code de discipline militaire et qui touchent au maintien de l’efficacité et au moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. Ce principe est conforme au devoir du tribunal d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, comme le prévoit l'alinéa112.48(2)b) des ORFC. Dans le cas présent, les avocats de la poursuite et de la défense se sont entendus pour faire une recommandation conjointe quant à la peine. Ils recommandent tous deux que la cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 800 $.
[5] Quoique la cour ne soit pas liée par une recommandation de ce genre, il est généralement admis, comme l’a indiqué la Cour d’appel de la Cour martiale au paragraphe 17 de sa décision Soldat Taylor c. R., 2008 CMAC 1, que [traduction] « le juge qui prononce la peine ne devrait s’écarter de la recommandation conjointe que lorsqu’il a des raisons convaincantes de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine n’est pas adéquate, qu’elle est déraisonnable, qu’elle va à l’encontre de l’intérêt public ou qu’elle n’a pas pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice. »
[6] La cour a pris en considération la recommandation conjointe des avocats à la lumière des faits pertinents, tels qu’ils se dégagent du sommaire des circonstances et des aveux, et de leur importance. Elle a également examiné cette recommandation en fonction des principes de la détermination de la peine, notamment ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu dans la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants :
premièrement, la protection du public et le public comprend, en l’occurrence, les intérêts des Forces canadiennes;
deuxièmement, la sanction du contrevenant;
troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions;
quatrièmement, l’amendement et la réinsertion sociale du contrevenant;
cinquièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant;
sixièmement, la peine imposée doit être semblable à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.
Le tribunal a également tenu compte des arguments avancés par les avocats, notamment la jurisprudence citée et les documents déposés en preuve.
[7] La cour convient avec la poursuite que la protection du public exige une peine qui mette l’accent sur l’effet dissuasif particulier et général. Il est important de retenir que l’effet dissuasif général vise à ce que la peine infligée serve d’élément dissuasif non seulement pour le contrevenant, mais pour toute personne qui se trouve dans une situation analogue et qui serait tentée de se livrer aux mêmes actes prohibés. En l’espèce, la cour est saisie d’une infraction de voies de fait sur la personne de C.M. et d’une infraction de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline impliquant du harcèlement, en violation des directives des Forces canadiennes applicables, également à l’égard de C.M., dans le cadre d’un cours de formation de base à la garnison St-Jean. Il s’agit d’infractions très graves; toutefois, la cour imposera ce qu’elle considère être la peine minimale nécessaire compte tenu des circonstances.
[8] Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a également pris en compte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes.
[9] La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :
a. Premièrement, la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé d’une première infraction aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, pour des voies de fait commises en violation de l’article 266 du Code criminel. Cette infraction est passible d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement, ou d’une peine moindre. La troisième infraction dont vous êtes accusé a été déposée aux termes du paragraphe 129(2) de la Loi sur la défense nationale, pour avoir commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline, à savoir du harcèlement, en violation des DOAD applicables dans cette affaire. Cette infraction est passible au maximum de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Comme je l’ai indiqué plus tôt, ces deux infractions sont graves;
b. Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction. Les deux infractions auxquelles vous avez plaidé coupable ont été commises sur une base militaire lors d’un cours d’entraînement de base des Forces canadiennes auquel vous participiez vous et la victime. Vous avez abusé de la confiance que vous ont accordée vos pairs. Si l’on ne se fait pas confiance mutuellement, comment peut-on mener une mission à bien? En outre, la victime a été choquée et embarrassée par vos demandes continuelles et incessantes, malgré le fait qu’elle vous ait clairement indiqué qu’elle n’était absolument pas intéressée à socialiser avec vous d’une manière plus intime. Elle craignait pour son intégrité physique, à juste titre, vu les voies de fait que vous avez commises.
c. Enfin, vous avez agi de manière répétée et il vous a fallu longtemps pour vous rendre compte que la victime ne voulait pas de vos propositions non sollicitées.
[10] La cour considère comme atténuantes les circonstances suivantes :
a. Compte tenu des faits présentés à la cour, elle estime que votre plaidoyer de culpabilité est un signe manifeste de remords et que vous avez exprimé une volonté très sincère de poursuivre vos efforts pour devenir un atout pour la société canadienne. Cela témoigne de votre volonté d’assumer l’entière responsabilité de vos actes. La cour ne veut en aucune façon compromettre vos chances de succès, car la réinsertion sociale constitue toujours un élément clé de la détermination de la peine;
b. Le fait que vous n’ayez pas de fiche de conduite ni de casier judiciaire pour des infractions comparables;
c. Les faits et les circonstances de l’affaire, y compris le fait que vos actes n’aient pas eu d’autres conséquences regrettables. Jusque là, rien n’indique à la cour que vos agissements aient eu des répercussions permanentes sur la victime;
d. Votre situation personnelle et vos projets concernant votre formation. Il semble que vous ayez toujours l’intention d’être un atout pour la société canadienne, comme je l’ai indiqué précédemment, et que vous souhaitez faire quelque chose de votre vie. Je vous encourage à continuer dans cette voie;
e. Le retard à traiter cette affaire. La cour ne veut blâmer personne en l’espèce, mais plus les questions de discipline sont réglées rapidement et plus les peines imposées sont pertinentes et efficaces sur le moral et la cohésion des membres de l’unité. En tant que circonstance atténuante, le temps écoulé depuis l’incident fait qu’il est moins pertinent de considérer l’imposition d’une peine plus sévère.
[11] Ceci étant dit, au vu des facteurs et des circonstances de l’espèce, la cour est d’avis que la proposition conjointe n’est pas déraisonnable dans les circonstances.
[12] En conséquence, la cour accepte la proposition conjointe des avocats de vous condamner à une réprimande et à une amende de 800 $, étant donné que cette proposition ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et qu’elle n’aura pas pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice.
[13] Ex-Soldat Gabriel, veuillez vous lever. La cour vous condamne donc à une réprimande et à une amende de 800 $.
[14] La présente décision met fin à l’instance devant la cour martiale permanente relativement à l’ex-Soldat Gabriel.
LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Le Capitaine de corvette M.D.M. Raymond, Procureur militaire régional, région de l’Est
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Lieutenant de vaisseau P.D. Desbiens, Direction du Service des avocats de la défense, Ottawa
Avocat de l’ex-Soldat T.M. Gabriel