Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 juin 2004.
Endroit : Manège militaire Voltigeurs de Québec, 805 avenue Wilfrid-Laurier, Québec (QC).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 114 LDN, vol.
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 750$.

Contenu de la décision

Référence:R. c. lieutenant J. Richard,2004CM57

 

Dossier:S200457

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

MANÈGE MILITAIRE DES VOLTIGEURS DU QUÉBEC

 

Date: 15 juin 2004

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

Poursuivante

c.

LIEUTENANT J. RICHARD

(Accusé)

 

SENTENCE

(oralement)

 

 

[1]                    Lieutenant Richard, la cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de

culpabilité au deuxième chef d'accusation, la cour vous trouve maintenant cou­pable de ce deuxième chef d'accusation et elle ordonne une sus­pen­sion d'instance relativement au premier chef d'accusation.

 

[2]                    Rompez et rejoignez votre avocat.

 

[3]                    Les procureurs en présence ont présenté à la cour une soumission conjointe relativement à la sentence que cette cour devrait infliger. Or, l'obligation d'en arriver à une sentence adéquate incombe au tribunal qui a le droit de rejeter la proposition conjointe des avocats. Il est toutefois de jurisprudence constante que seuls des motifs incontournables peuvent permettre au tribunal de s'en écarter et, ainsi, le juge devrait accepter la soumission conjointe des avocats à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public, ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice. Par exemple, si elle tombe à l'extérieur du spectre des sentences qui auraient été précédemment infligées pour des infractions semblables. En contrepartie, les avocats sont tenus d'exposer au juge tous les faits à l'appui de cette proposition conjointe.

 


[4]                    Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains principes sont suivis, et ces principes peuvent s'énoncer comme suit : premièrement, la protection du public, et le public inclut ici les Forces canadiennes; deuxièmement, la punition du contrevenant; troisièmement, l'effet de dissuasion, non seulement pour le contrevenant, mais également pour tout les autres qui seraient tentés de commettre de telles infractions; quatrièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant; et, cinquièmement, la dénonciation du contrevenant.

 

[5]                    Le principe premier est la protection du public et la cour doit déterminer si cette protection sera assurée par une peine qui vise à punir, à dénoncer, à réhabiliter, ou à dissuader. Combien d'emphase devra être mis sur l'un ou l'autre de ces principes dépend évidemment des circonstances  qui varient d'un cas à l'autre.

 

[6]                    Dans certains cas le souci principal, quand ce n'est pas le seul souci, sera la dissuasion de l'accusé et ou celle des autres. Dans de telles circonstances, peu ou aucune importance ne sera accordée à l'aspect réhabilitation ou réformation du contrevenant. Dans d'autres cas, l'accent sera plutôt mis sur la réhabilitation ou la réformation du contrevenant.

 

[7]                    Dans la présente cause, la cour est d'avis que l'accent doit être plutôt mis sur la dissuasion générale et celle du contrevenant pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline, de même que la dénonciation du contrevenant, plus particulièrement puisqu'elle implique un officier.

 

[8]                    En considérant quelle sentence serait appropriée, la cour a pris en

considération les facteurs de mitigation de peine et les facteurs aggravants suivants, et je commencerai par les facteurs qui mitigent la peine.

 

[9]                    Premièrement, le fait que vous ayez plaidé coupable et que vous avez

manifesté relativement tôt dans le processus d'enquête, en vous confiant aux autorités de votre chaîne de commandement, que vous vous étiez illégalement approprié des biens qui ne vous appartenaient pas. Un tel plaidoyer de culpabilité est, de l'avis de la cour, une indication sérieuse et positive du fait que vous reconnaissez vos erreurs. Une telle démarche est un premier pas de franchi dans le processus de réhabilitation. Ce faisant, vous avez évité à la poursuite un long procès, qui, de l'aveu même de son procureur, aurait occasionné de longs débats nécessitant la présence d'au moins cinq à six témoins.

 

[10]                  La cour retient également dans cette veine le fait que vous vous soyez


publiquement excusé pour vos gestes aujourd'hui en cette cour. Deuxièmement, la cour retient l'absence de fiche de conduite ou de dossier criminel antérieur. Troisièmement, le fait que les biens ont été retournés à leur propriétaire. Quatrièmement, votre âge, votre grade à l'époque et vos états de service dans les Forces canadiennes. Cinquièmement, votre situation financière sociale, et familiale. Sixièmement, le délai écoulé depuis la commission des infractions. Septièmement, les conséquences directes et indirectes que cette sentence aura sur vous, notamment des mesures administratives qui pourraient être prises par les autorités militaires suite à votre condamnation, mais aussi les conséquences que cette condamnation pourrait avoir sur vous dans la vie civile, notamment dans le maintien ou non de votre emploi d'administrateur de réseau informatique pour une compagnie aérienne. Et, finalement, huitièmement, le fait que vous faisiez face à des problèmes personnels au moment de la commission de vos actes et qu'il semble que vous ayez agi notamment sous l'effet de la frustration d'avoir vu votre bureau sens dessus dessous par des personnes qui l'auraient utilisé.

 

[11]                  Quant aux facteurs aggravants, la cour retient la nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur. Dans le cas de l'infraction pour laquelle vous avez plaidé coupable, elle est punissable par la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. C'est une infraction qui est objectivement sérieuse. Deuxièmement, la cour retient comme facteur aggravant le fait que vous soyez un officier investi de la confiance et des privilèges qui en découlent mais qui, en contrepartie, exige des détenteurs de ce brevet d'officier une loyauté, une intégrité et une honnêteté au delà de tout reproche. Et finalement, la Cour retient comme facteur aggravant, le fait que vous ayez trahi cette même confiance.

 

[12]                  En vous imposant sa sentence aujourd'hui, la cour a soigneusement pris en compte la preuve devant cette cour y compris le sommaire des circonstances lu par le procureur de la poursuite et votre propre témoignage. La cour a également pris en compte les plaidoiries des procureurs et la jurisprudence soumise.

 

[13]                  N'eut été de votre témoignage où vous indiquiez qu'une condamnation devant cette cour signifierait fort probablement la perte de votre emploi civil, la cour aurait eu beaucoup de difficulté à accepter la proposition conjointe des procureurs.

 

[14]                  Considérant qu'une condamnation pour une infraction de cette nature

constitue non seulement une infraction à une loi fédérale pour laquelle la Loi sur le casier judiciaire s'applique, mais également pour laquelle vous aurez une fiche de conduite; considérant qu'aux termes du paragraphe 4 b) de la Loi sur le casier judiciaire, vous ne pourrez pas vous adresser à la Commission nationale des libérations conditionnelles avant l'écoulement d'une période minimale d'attente de trois ans après l'expiration de votre peine pour présenter une demande de réhabilitation ou de pardon; considérant qu'une sentence constituée d'une peine de réprimande, assortie d'une amende de $750 constitue une peine supérieure à une des peines visées à la DAOD 7006-1 qui permet, sous certaines conditions, que certaines peines soient radiées de la fiche de conduite avant l'obtention d'une réhabilitation ou d'un pardon aux termes de la Loi sur le casier judiciaire


considérant que la cour est satisfaite que vos chances de récidive, tant dans la collectivité civile que militaire, sont extrêmement minces compte tenu de votre plaidoyer de culpabilité et des circonstances de cette cause, en  conséquence, la cour accepte la soumission conjointe des procureurs qu'elle considère être la sentence minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline dans les circonstances.

 

[15]                  Lieutenant Richard, levez-vous.

 

[16]                  Cette cour vous condamne à une réprimande et à une amende au montant de $750. Vous avez agi par frustration et par vengeance, mais vous avez également manqué de jugement, d'honnêteté et d'intégrité en tant qu'officier. Ce geste irréfléchi risque d'avoir des conséquences extrêmement sérieuses sur votre vie civile et militaire. Vous avez mentionné ce matin que vous n'aviez pas informé votre employeur des accusations qui pesaient contre vous jusqu'à maintenant, c'est là votre décision. Mais aujourd'hui, vous allez devoir faire face à la musique puisque vous aurez été condamné par un tribunal compétent d'une infraction d'ordre militaire à laquelle la Loi sur le casier judiciaire s'applique.

 

[17]                  Faites sortir le lieutenant Richard.

 

[18]                  Je tiens à souligner le travail des procureurs pour les informations qui ont été soumises à la cour, ainsi que l'officier de la cour et son personnel pour le soutien administratif de ce matin.

 

[19]                  Les procédures de cette cour martiale permanente relativement au lieutenant Richard sont terminées.

 

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

Avocats:

 

Major G. Roy, Procureur militaire régional, Région de l'est

Avocat de la poursuivante

lieutenant de vaisseau M. Marceau, la Direction de la justice militaire

Avocat adjoint de la poursuivante

Major L. Boutin, la Direction du service d'avocats de la défense

Avocat de lieutenant Richard

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