Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 23 septembre 2004.
Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, Petawawa (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, trafic de substances inscrites à l’annexe IV de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances présentées ou tenues pour telles par le trafiquant (art. 5(1) LRCDAS).
• Chef d’accusation 2 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 122 LDN, à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes, a fourni un renseignement qu’il sait être faux.
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 122 LDN, à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes, a fourni un renseignement qu’il sait être faux.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 4 : Non coupable. Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal M.T. Reansbury, 2004CM56
Dossier : S200456
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
FORCES CANADIENNES - BASE DE PETAWAWA
Date : 23 septembre 2004
PRÉSIDENT : COLONEL K.S. CARTER, J. M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL M.T. REANSBURY
(Accusé)
SENTENCE
(Prononcées oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal Reansbury, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de
culpabilité relativement au deuxième et au troisième chefs d’accusation figurant sur l’acte d’accusation, la Cour vous déclare coupable de ces infractions. La Cour vous a déjà reconnu non coupable des chefs d’accusation numéro un et quatre.
[2] L’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux oblige la Cour a tenir compte non seulement de la nature de l’infraction, mais également du contexte, c’est à dire, les antécédents de la personne déclarée coupable et les conséquences directes ou indirectes de la peine infligée au délinquant.
[3] Par conséquent, je vais commencer par examiner les éléments de preuve présentés. Ceux-ci en l’espèce consistent en une preuve documentaire soumise par le poursuivant et la défense au moment de la détermination de la peine, notamment un Énoncé des circonstances. Les éléments de preuve présentés démontrent que vous êtes un policier militaire de 25 ans, célibataire, gagnant un salaire annuel d’environ 50 000 $ et que vous n’avez pas de souci d’argent.
[4] Vous avez obtenu un diplôme du Collège Mohawk après avoir complété un programme d’études policières de deux ans et en juillet 2001, vous vous êtes enrôlé dans les Forces canadiennes comme caporal spécialisé dans la police militaire.
[5] Après avoir suivi la formation de base et une formation linguistique à St‑Jean, vous avez suivi le Programme de formation de neuf mois à l’École de Police militaire afin d’obtenir votre QL de policier militaire. En juillet 2002, vous avez été affecté à la police militaire de Petawawa. Environ six ou huit mois après, vous avez commis les infractions indiquées dans le deuxième chef d’accusation figurant sur le présent acte d’accusation.
[6] Le 3 mai 2004, vous avez signé cet acte d’accusation. Le 4 mai 2004, vous avez été affecté au 3 RCR où vous avez continué à travailler comme policier militaire, tel que précisé par la pièce 7. Toutefois, aucune preuve n’a été présentée devant la Cour démontrant que vous ayez conservé vos attestations de policier militaire.
[7] La Cour a pris le temps d’envisager le fait que vous puissiez faire l’objet d’autres mesures administratives importantes. Même si cette éventualité n’a pas été directement soulevée par les avocats des deux parties, la Cour peut conformément aux dispositions de l’article 15 des Règles militaires de la preuve, tenir compte des dispositions de l’article 22.04 des Ordonnances et règlements royaux selon lesquelles toute violation au Code de conduite de la Police militaire peut engendrer une révision des attestations et dans certains cas, leur révocation et mettre fin définitivement à une carrière de policier militaire et même à une carrière militaire.
[8] En vue de déterminer une peine appropriée, la Cour a examiné non seulement vos antécédents et les circonstances actuelles, mais également la gravité des infractions, les circonstances entourant la perpétration des infractions, les observations des avocats et les principes de détermination de la peine.
[9] Pour déterminer la peine appropriée, la Cour doit suivre certains principes. Ces derniers sont applicables non seulement dans les cours martiales mais également dans les procès criminels au Canada. Ils visent à protéger le public et les intérêts du public ainsi que les intérêts des Forces canadiennes, et à punir le délinquant, à dissuader le délinquant et les autres afin qu’ils ne suivent pas son exemple, et à promouvoir l’amendement et la réinsertion.
[10] Dans le contexte d’une Cour martiale, l’intérêt principal est le maintien ou le rétablissement de la discipline une exigence fondamentale de toute force militaire et une condition essentielle à l’efficacité opérationnelle.
[11] La discipline a été décrite comme une obéissance volontaire et rapide à des ordres légaux, ce qui est de première importance non seulement pour le succès de la mission, mais également pour la sécurité et le bien-être des autres membres des Forces canadiennes. Par ailleurs, en bout de ligne, la discipline repose sur un choix personnel, soit l’autodiscipline.
[12] J’ai mentionné la peine, qui constitue tout simplement une conséquence que la société impose en cas de violation de ses lois; il s’agit d’une dénonciation de la société pour inconduite. La dissuasion générale est un principe selon lequel la peine imposée devrait dissuader non seulement le délinquant de récidiver mais également les autres personnes se trouvant dans une situation similaire. Par ailleurs, la dissuasion spécifique signifie que la peine infligée devrait vous dissuader de commettre non seulement la même infraction ou des infraction similaires, mais également toute infraction de quelque nature que ce soit.
[13] L’amendement et la réinsertion sont d’une importance primordiale car en bout de ligne la société n’est protégée que par l’amendement et la réadaptation de chaque individu et à l’instar de la discipline; il s’agit d’un choix individuel.
[14] La Cour a examiné les observations de la poursuite et elle fera des commentaires sur certaines. En ce qui concerne le renvoi à l’affaire R. c. Généreux, la Cour a examiné l’extrait porté à son attention selon lequel, les infractions peuvent être beaucoup graves dans un contexte militaire que dans un contexte civil, et par conséquent, ils peuvent justifier une peine plus sévère. Toutefois, les exemples utilisés concernaient des infractions telles que le vol et les voies de fait, lesquelles ont une contrepartie militaire; un des exemples portait sur l’infraction de vol perpétré dans les quartiers et cette dernière peut être beaucoup plus grave que le simple vol. L’autre exemple concernait l’infraction de voies de fait, y compris le fait de frapper un supérieur et cette infraction est également beaucoup plus grave, dans le contexte militaire.
[15] En l’espèce, les infractions dont vous avez été reconnu coupable ne peuvent être perpétrées que par des militaires ou à tout le moins, par des personnes qui cherchent à s’engager dans l’armée. Il n’existe pas d’infraction civile similaire. Par conséquent, la Cour a décidé, compte tenu de ce point de vue, que l’extrait de l’affaire Généreux n’était pas approprié et qu’il n’était pas applicable.
[16] Toutefois, la Cour était d’avis que dans l’une de ces affaires, l’infraction visée à l’article 129 concerne une situation analogue dans le contexte civil à savoir une infraction à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances nommément tenter d’obtenir illégalement d’un médecin, un stéroïde anabolisant. Ainsi, l’idée de tenter d’obtenir illégalement des stéroïdes anabolisants constitue, de manière plus limitée, une infraction civile; toutefois, la Cour est d’avis que la peine ne devrait pas être plus sévère simplement parce que l’infraction a été commise par un militaire dans un contexte militaire.
[17] La poursuite fait ressortir deux facteurs aggravants : l’infraction a été commise par deux membres des Forces canadiennes, vous êtes un policier militaire et donc, vous êtes tenu à une norme plus élevée à un code de conduite.
[18] En ce qui concerne les facteurs atténuants, la poursuite a indiqué que vous n’aviez aucun antécédent judiciaire et que vous pourriez faire face à d’autres conséquences, comme j’ai expliqué en détails. On propose de vous infliger une amende de 2 000 $ et, selon la poursuite, cette peine saurait satisfaire aux exigences de la dissuasion générale et spécifique.
[19] Votre avocat a présenté en détail vos antécédents et a souligné aussi que vous souhaitez, si vous en avez la possibilité, demeurer dans les rangs de l’armée et plus particulièrement, de la police militaire. Il convient que le fait que vous soyez un policier militaire constitue un facteur aggravant concernant les deux infractions. Toutefois, il a contesté les arguments soulevés par la poursuite selon lesquels l’infraction visée à l’article 129 était fondamentalement plus grave en raison de l’implication d’un autre membre des Forces canadiennes, le matelot de première classe Grass. La Cour a examiné et a relu très attentivement l’Énoncé des circonstances à ce sujet; la Cour précisera que pour plusieurs raisons, l’Énoncé des circonstances révèle que peut-être, il ne s’agit pas de la situation la plus grave mettant en cause un autre membre des Forces canadiennes.
[20] Votre avocat a soumis comme facteurs atténuants, votre âge et les autres mesures susceptibles d’être prises et, plus important encore, que vous ayez choisi de ne pas contester les faits; par ailleurs, les évaluations subséquentes du sergeant Galway ont indiqué que vous continuez d’être un membre productif des Forces canadiennes et votre avocat a recommandé une amende de 750 à 1200 $.
[21] La Cour a examiné les infractions, notamment l’infraction visée à l’article 122 qui consiste essentiellement à fournir de faux renseignements à propos de l’enrôlement; la Cour conclut que cette infraction est la moins grave pour plusieurs raisons. L’aspect le plus lourd est la question de l’intégrité, à savoir que vous ayez menti peu importe pourquoi. Toutefois, selon la Cour, les conséquences de ces faux renseignements ne vous ont pas rendu complètement inapte à exercer des fonctions dans les Forces canadiennes; vous n’avez pas menti au sujet de quelque chose qui vous aurait empêché de vous engager dans les Forces canadiennes. Deuxièmement, la substance à propos de laquelle vous avez menti n’est pas des plus graves.
[22] En ce qui concerne l’infraction visée à l’article 129, la Cour considère qu’elle est beaucoup plus grave et elle précise que le fait que vous soyez membre de la police militaire constitue un facteur aggravant. Comme je l’ai dit, la Cour a examiné très attentivement l’Énoncé des circonstances et l’argument selon lequel l’incident aurait eu des effets extrêmement négatifs sur l’autre membre des Forces armées. Les faits présentés devant la Cour sont à cet égard très ambigus. Il semblerait, selon l’Énoncé des circonstances, que l’incident soit survenu dans un contexte social entre deux collègues de travail de même rang, qui étaient, selon les faits présentés, également amis. Par ailleurs, rien n’indique que l’incident ait eu des effets défavorables sur l’autre partie. Il n’y a eu aucune dénonciation ou aucune indication que cette personne ait été, en conséquence, mise dans une position délicate.
[23] Néanmoins, la Cour doit examiner deux autres aspects qui constituent des facteurs aggravants. En premier lieu, il est clair qu’il s’agit d’un acte prémédité perpétré pendant une certaine période et qui a nécessité un certain nombre de démarches. Deuxièmement, la Cour se préoccupe du fait que la substance visée soit un stéroïde anabolique. Les Forces canadiennes forment leur personnel puis elles leur confie des armes. Il est certain qu’en tant que membre de la police militaire, vous êtes tout aussi exposé aux armes à feu que tout autre membre, sinon plus. Les conséquences que l’utilisation de ce genre de produits pourrait avoir sur les Forces canadiennes, notamment en termes d’imprévisible et d’augmentation de l’agressivité, constituent un risque extrêmement grave. Ni les militaires ni la police ne peuvent se permettre de prendre ce genre de risque. Par conséquent, la Cour n’a pas examiné les effets négatifs de l’incident sur les autres membres des Forces canadiennes, mais plutôt ses effets négatifs potentiels sur les Forces canadiennes en tant que facteur aggravant.
[24] La Cour accepte tout d’abord, comme facteurs atténuants, votre plaidoyer de culpabilité et elle l’envisage comme une continuation de l’acceptation de votre responsabilité; le fait que vous n’ayez pas d’antécédents judiciaires et également le fait, comme l’a souligné votre avocat et tel qu’indiqué dans l’Énoncé des circonstances, qu’il ne s’agisse pas d’un acte prémédité mis à exécution. Je voudrais ajouter que si vous aviez été déclaré coupable de la première infraction dans l’acte d’accusation ou d’avoir consommé ces substances, la Cour envisagerait une peine beaucoup plus sévère.
[25] Par conséquent, la Cour a examiné si une amende constitue une peine suffisante et elle estime, en grande partie parce que vous êtes membre de la police militaire, que cette peine ne l’est pas en l’espèce. Par ailleurs, comme je l’ai déjà indiqué, la Cour doit prendre en considération la nature de la substance que vous cherchiez à obtenir.
[26] La Cour estime qu’une réprimande et une amende permettront de satisfaire au principe de la dissuasion générale et elle accepte que dans cette affaire, ce principe est le plus important. Le fait que ce projet n’ait pas été mis à exécution; que vous ayez accepté votre responsabilité et que vous ayez enregistré un plaidoyer de culpabilité a convaincu la Cour que la dissuasion spécifique ne constitue plus une exigence.
[27] Par conséquent, la Cour inflige une réprimande et une amende de 1 000 $.
COLONEL K.S. CARTER, J.M.
Avocats :
Major B. Cloutier, directeur des poursuites militaires
Procureur de Sa Majesté la Reine
Capitaine AMS, Raleigh, procureur militaire de la région du Centre
Procureur adjoint de Sa Majesté la Reine
M. M. Huckabone, Huckabone, O'Brien, Avocats
Avocat du caporal M.T. Reansbury