Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 19 octobre 2006.
Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).
Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, usage négligent d’une arme à feu (s. 86(1) C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 800$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Le Capitaine de frégate J.J. Agnew, 2006 CM 70
Dossier : S200670
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
QUÉBEC
CENTRE ASTICOU, GATINEAU
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Date : le 19 octobre 2006
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D’AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
LE CAPITAINE DE FRÉGATE J.J. AGNEW
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Capitaine de frégate Agnew, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité relativement au second chef d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable. En conséquence, la cour ordonne l’arrêt des procédures sous le premier chef.
[2] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline – une dimension essentielle de l’activité militaire - dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité.
[3] Comme le déclare le major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse intitulée L’utilisation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien[1], « [e]n bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d'administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, l'efficacité militaire et finalement la raison d'être de l'organisation, la sécurité nationale ». Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les personnes justiciables du Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.
[4] Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de tribunaux ou de justice militaires distincts est de permettre aux Forces canadiennes de s’occuper des questions qui touchent au Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. Ce principe est conforme au devoir du tribunal d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, comme le prévoit l'alinéa 112.48(2)b) des ORFC. Dans le cas présent, les avocats de la poursuite et de la défense se sont entendus pour faire une recommandation conjointe quant à la peine. Ils recommandent tous deux que la cour vous condamne à une amende de 800 $.
[5] Quoique la cour ne soit pas liée par une recommandation de ce genre, l’usage veut qu’elle ne s’en écarte que lorsqu’il serait contraire à l’intérêt public de l’accepter et cela aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.
[6] La cour a pris en considération la recommandation commune des avocats en fonction des faits pertinents, tels qu’ils se dégagent du sommaire des circonstances, et de leur importance. Elle a également examiné cette recommandation en fonction des principes de la détermination de la peine, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants : premièrement, la protection du public et le public comprend, en l’occurrence les intérêts des Forces canadiennes; deuxièmement, le châtiment du contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions et, quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant. Le tribunal doit également tenir compte des arguments avancés par les avocats, notamment la jurisprudence qu’ils ont produit et les documents qu’ils ont déposés en preuve.
[7] La cour convient avec l’avocat que la nécessité de protéger le public exige d’infliger une peine qui met l’accent sur l’effet dissuasif général. Il est important de retenir que celle-ci implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites. En l’espèce, la cour examine une infraction relative aux règles élémentaires du maniement sécuritaire d’une arme à feu par un membre des Forces canadiennes sur un théâtre d’opérations. Il s’agit d’une infraction grave, mais la cour a l’intention d’infliger ce qu’elle considère être la peine qui soit la moindre dans les circonstances.
[8] Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a également pris en comte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes. La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :
a) Premièrement, la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé d’une infraction aux termes de l’article 129 de la Loi sur la Défense nationale, pour une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Cette infraction peut emporter destitution ignominieuse du service de Sa Majesté, ou une peine moindre. Il s’agit d’une infraction grave.
b) Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction. Dans les circonstances, vous vous deviez d’agir avec prudence pendant que vous mettiez votre arme dans un endroit sûr. De plus, cette infraction s’est produite sur un théâtre d’opérations où la sécurité de chaque membre des Forces canadiennes dépend de la compétence et de la discipline individuelle des autres.
[9] La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :
a) L’examen des faits présentés à la cour convainc celle-ci qu’en plaidant rapidement coupable, le Capitaine de frégate Agnew témoignait manifestement de ses remords et de la sincérité dans son intention de continuer à représenter un actif très solide pour les Forces canadiennes et la société canadienne. La cour ne voudrait en aucune façon compromettre ses chances de succès, car la réinsertion constitue toujours un élément clé dans la détermination de la peine de quelqu’un. De plus, la collaboration dont a fait preuve le Capitaine de frégate Agnew lors de l’enquête montre clairement qu’il a l’intention d’assumer pleinement la responsabilité pour ses actes.
b) Les faits et les circonstances de l’espèce, notamment le fait que vos gestes n’ont pas eu de conséquences fâcheuses.
c) Vos excellents états de service dans les Forces canadiennes et votre potentiel de carrière au sein de celles-ci.
d) Le fait que vous n’ayez aucune fiche de conduite ni dossier criminel pour des infractions comparables.
e) D’après les pièces 7 et 8 produites en preuve, à l’exception de cet incident, vos états de service dans les Forces canadiennes sont excellents. Il semble que vous acceptiez pleinement la responsabilité de vos actes. Comme en font foi les pièces 9 et 10, il semble que cet incident ne vous ait pas empêché d’afficher une performance exceptionnelle pendant votre déploiement.
f) Le fait que cet incident se soit produit dans un environnement sécuritaire et contrôlé avant de monter à bord d’un appareil de transport militaire, dans le contexte d’une vérification de routine sur la sécurité des armes à feu.
[10] La cour estime que la recommandation conjointe n’est pas déraisonnable dans les circonstances. En conséquence, elle acceptera la recommandation des avocats de vous condamner à une amende de 800 $, étant donné que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle n’est pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice.
[11] La cour vous condamne donc à une amende de 800 $ payables en deux versements mensuels de 400 $ chacun, à partir du 1er novembre 2006. Si, pour une raison ou pour une autre, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant d’avoir fini de payer cette amende, le montant total impayé devrait être soldé la veille de votre départ.
[12] La présente décision met fin à l’instance devant la présente cour martiale permanente relativement au Capitaine de frégate Agnew.
LE LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Le Major A. Tamburro, Direction des poursuites militaires régionales Central
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Lieutenant-colonel J.E.D. Couture, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Capitaine de frégate Agnew
[1]Jean-Bruno CLOUTIER, L’utilisation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien, thèse de maîtrise, Ottawa, Faculté des études supérieures, Université d’Ottawa, 2003, p. 17