Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 22 septembre 2009

Endroit : Le Manège militaire The Sherbrooke Hussars, 315 William, Sherbrooke (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 3) : Art. 130 LDN, actions indécentes (art. 173(1)a) C. cr.).
•Chef d'accusation 3 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.
•Chefs d'accusation 4, 5 : Art. 129 LDN, conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 4 : Retirés. Chefs d'accusation 3, 5 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 4000$

Contenu de la décision

Citation : R. c. ex-Adjudant J.A.G. Deschamps, 2009 CM 1013

 

Dossier : 200917

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

SHERBROOKE HUSSARS

 

Date : 22 septembre 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M DUTIL, J.M.C.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

EX-ADJUDANT J.A.G. DESCHAMPS

(Contrevenant)

 

SENTENCE

(Prononcée oralement)

 

 

[1]        La cour ayant accepté et enregistré un plaidoyer de culpabilité quant aux troisième et cinquième chefs d'accusation, la cour vous trouve maintenant coupable de ces chefs d'accusation.

 

[2]        Il convient de rappeler que la cour a autorisé, dès le début des procédures, le retrait par la poursuite de tous les autres chefs d'accusation. Dans cette affaire, les parties se sont entendues pour soumettre à la cour une suggestion commune sur sentence et cette suggestion commune est la suivante :  une sentence composée d'une réprimande assortie d'une amende de 4 000 $, payable par versements égaux de 400 $ par mois.

 

[3]        Il est de jurisprudence constante que le tribunal ne devrait pas s'écarter d'une suggestion commune sauf, lorsque cette suggestion est fondamentalement inadéquate, par exemple, si elle est nettement inférieure ou en deçà du spectre des sentences qui est normalement imposé dans des circonstances ou dans des causes similaires ou, si tout simplement, la sentence proposée déconsidérerait l'administration de la justice.

 


[4]        Après l'analyse des facteurs applicables ainsi que de la jurisprudence applicable en la matière, la cour arrive à la conclusion que la suggestion commune est parfaitement acceptable et je l'entérine conséquemment.

 

[5]        Comme la poursuite l'a mentionné un peu plus tôt, les principaux objectifs et principes applicables en matière de sentencing s'énonce généralement comme suit :

 

premièrement, la protection du public, et ça, ça inclut la protection des Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant ainsi que du geste en soit;

 

troisièmement, la sentence doit rencontrer les principes de dissuasion soit la dissuasion générale et aussi la dissuasion spécifique;

 

quatrièmement, la sentence devrait permettre la réhabilitation ou la réinsertion du délinquant ou du contrevenant;

 

cinquièmement, la sentence doit être proportionnelle à la gravité des infractions et aussi correspondre au degré de responsabilité du contrevenant;

 

sixièmement, la cour doit respecter le principe de l'harmonisation des peines; et

 

finalement, la cour prendra en compte les circonstances aggravantes et atténuantes du contrevenant et aussi celles qui sont propres ou qui découlent des faits ou des circonstances de l'affaire.

 

[6]        La cour est d'accord avec les procureurs lorsqu'ils énoncent que les principes qui doivent être mis de l'avant dans cette affaire sont les suivants : la dénonciation et la punition du geste et du contrevenant, la dissuasion générale, donc, la peine devrait permettre à envoyer un message clair aux personnes qui seraient tentées de commettre des actes similaires, et aussi la dissuasion spécifique de monsieur Deschamps pour nous assurer que ce genre de comporte­ment ne restera qu'un incident isolé, et finalement, je suis d'accord avec la défense lorsqu'il dit que l'aspect de réhabilitation est aussi important dans cette affaire surtout dans le contexte où monsieur Deschamps a depuis été libéré des Forces canadiennes et qu'il a entreprit une carrière civile qui est de nature publique dans le sens qu'il est maintenant un agent immobilier.

 


[7]        En ce qui concerne les principales circonstances aggravantes de cette cause, il y a : premièrement la nature objective des infractions reprochées. L'infraction de conduite ou de comportement déshonorant au terme de l'article 93 de la Loi sur la défense nationale est passible d'une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement alors que la conduite préjudi­ciable au bon ordre et à la discipline au terme de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale est passible d'une peine maximale de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.  Ce sont des infractions sérieuses.

 

[8]        Comme deuxième circonstance aggravante, la cour retient les circonstances particuliè­res à cette affaire. Le sommaire des circonstances révèle que l'adjudant Deschamps était l'officier des opérations de son unité au moment de la commission des infractions alors que, en ce qui a trait au troisième chef, la plaignante, la sergent Martel, était membre de la même unité et elle occupait au moment de la commission de l'infraction relative à ce chef, le poste de commis à la salle des rapports de l'unité.

 

[9]        Entre le 2 et le 5 mai 2008, l'unité participait à un exercice qui requérait que les services administratifs soient disponibles en tout temps et c'est alors que l'après-midi du dimanche, 4 mai 2008, l'adjudant Deschamps et le sergent Martel participait tous deux à un champs de tir dans le cadre de l'exercice. Dans le courant de l'après-midi l'adjudant Des­champs faisait des blagues de nature sexuelle en présence de madame Martel en faisant référence à des trips à trois.

 

[10]      Au retour du champs de tir, des quarts de travail devaient être organisés pour assurer une présence à la salle des rapports de l'unité. L'adjudant Deschamps a demandé au sergent Martel d'être en devoir avec lui le soir du dimanche 4 mai 2008 et ce jusqu'au lendemain matin. Donc, c'est vers minuit le soir que les deux personnes se sont installées sur un divan improvisé par le contrevenant avec des coussins sur le sol de la salle des rapports de l'unité pour regarder un film. Plus tard durant la nuit, le contrevenant a commencé à se rapprocher de la plaignante et plus la soirée avançait, plus le contrevenant se déplaçait vers elle. À chaque fois, elle s'en éloignait. Monsieur Deschamps lui a passé la main par-dessus l'épaule à approximativement quatre reprises. La plaignante, quant à elle, essayait tant bien que mal de s'éloigner du contrevenant. Et à un moment donné, durant cette période, le contrevenant s'est masturbé par-dessus son pantalon jusqu'à l'éjaculation. Une fois terminée, il s'est levé pour aller à la salle de bain et à son retour il s'est couché et s'est endormi. Au réveil, le matin du 5 mai 2008, le contrevenant a dit à la plaignante quelque chose comme : « On a qu'une vie à vivre, rien dans ma vie n'a changé, j'espère que c'est de même pour toi ». Et la plaignante n'a pas répondu à ce commentaire.

 


[11]      En ce qui a trait à l'autre chef d'accusation soit le cinquième chef, le comportement ou la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, les faits font état que le 8 mai 2008, faisant référence à un courriel précédent, le contrevenant a fait parvenir un courriel à la plaignante Martel ainsi qu'à une madame Kathy Breton, qui indiquait tout simplement : Je redis c'est bon des filles. Selon les faits mis devant la cour, le contrevenant faisait référence à des commentaires qu'il avait fait en présence des deux personnes précédemment, et ce, concer­nant un fantasme à caractère sexuel qu'il avait.

 

[12]      Il est également en preuve que les récipiendaires de ce courriel n'ont pas apprécié la nature des commentaires, ni le contenu du courriel et qu'ils ont trouvé donc ces commentaires offensants. Cela contrevient directement à la DAOD 5012-0 intitulée « Prévention et résolution du harcèlement » . Il est également en preuve que le contrevenant connaissait bien la politique qui s'appliquait dans les circonstances en matière d'harcèlement dans les Forces canadiennes.

 

[13]      Ces faits établissent clairement, en particulier, à l'égard du troisième chef d'accusation soit le comportement déshonorant, le bris du lien de confiance qui existait entre la plaignante et le contrevenant alors qu'ils étaient tous les deux en service au moment de la commission de l'infraction.

 

[14]      Tout aussi aggravant, dans ce contexte, est l'impact du comportement reproché au troisième chef d'accusation, sur la plaignante ou la victime dans ces circonstances. Il a été mis en preuve que les incidents de la nuit du 4 mai 2008 ont eu un certain impact, à vrai dire un impact certain, sur la santé de la plaignante Martel et son environnement de travail. D'ailleurs les faits mis en preuve démontrent que peu après les incidents, elle a dû être mise en congé de maladie et qu'elle a dû faire l'objet d'un suivi thérapeutique par un psychologue. Donc, l'impact sur la victime, ici, est relativement important. Au surplus, elle a quitté l'unité pour poursuivre son service au sein des Forces canadiennes dans une autre unité mais, elle a dû quitter l'unité. Bien évidemment la qualité du travail de la plaignante n'est pas en preuve mais ça indique à tout le moins que ça a eu un impact sur l'unité qui a perdu les services d'un sergent d'expérience et que ceci a eu un impact direct sur l'unité en question.

 

[15]      La cour considère aggravant également le fait dans les circonstances que les infractions ont été commises par une personne qui comptait plus de 24 ans ‒‒ 23 ans au moment de la commission des infractions ‒‒ au sein des Forces canadiennes, et ce, alors qu'il était l'adjudant des opérations de l'unité, un poste extrêmement important dans toute unité des Forces canadiennes et pour lequel dans le contexte d'une unité de réserve, on requiert que la personne qui remplit ces fonctions détienne au moins le grade d'adjudant. Cela démontre et ça rend encore cette infraction-là beaucoup plus sérieuse dans le contexte compte tenu du grade de la personne et de l'expérience de la personne qui l'a commise.

 


[16]      En ce qui concerne les facteurs atténuants, la cour retient évidemment, le plaidoyer de culpabilité aux accusations, dans ce contexte-ci, les seuls accusations qui étaient devant la cour soit le troisième et cinquième chefs. Je pense que cette information n'a pas été soumise devant la cour et je pense qu'il s'agit d'une omission tout simplement de la part des procureurs qui m'en avaient informé il y a un bon moment de l'intention de l'accusé ou du contrevenant dans ces circonstances, de plaider coupable à la première opportunité. Dans ce contexte-là, je comprends que la soumission commune des parties tient compte de l'intention manifestée par le contrevenant il y a de ça un bon moment. Donc ce n'est pas quelque chose qui est arrivé à brûle-pourpoint ce matin, si je comprends bien, donc il y a eu cette information-là qui a été transmise le plus tôt possible au procureur de la poursuite, pour faire en sorte en particulier, d'éviter en particulier relativement à la personne mentionnée au troisième chef d'accusation, l'obligation de venir témoigner et de revivre des moments embarrassants qui l'ont perturbés dans le passé. Le plaidoyer de culpabilité doit être regardé dans ce contexte particulier là et je considère que dans ces circonstances il s'agit d'une indication de remords et d'acceptation par le contrevenant de la responsabilité de ses actes. Donc relativement au plaidoyer de culpabilité, c'est ce que la cour retient.

 

[17]      Je considère également comme facteur atténuant, l'absence d'antécédents tant disciplinaires que criminels.  Troisièmement, la cour retient comme facteur atténuant l'ensemble de la carrière de 24 ans au sein des Forces canadiennes de la part de monsieur Deschamps qui l'a vu servir à maintes reprises lors d'opérations militaires que ce soit en Bosnie ou à Chypre.

 

[18]      Et finalement, comme facteur atténuant, sa situation familiale. Monsieur Deschamps est marié depuis 23 ans et il a trois enfants dont la plus jeune est une préadolescente, si je comprends bien. Et dans les circonstances d'un procès public, de procédures judiciaires publiques, il faut comprendre que les enfants et la conjointe du contrevenant sont effectivement en mesure de comprendre eux-mêmes les gestes qui ont été posés et nul doute que le contexte familial dans ce genre de situation-là, fait en sorte que lorsqu'on parlait de dissuasion spécifique, la situation familiale et personnelle du contrevenant est pertinente. Donc, ce sont là les conditions ou les circonstances atténuantes que la cour retient dans ces circonstances.

 

[19]      Donc après l'analyse de la jurisprudence qui m'a été soumise et des principes de droits applicables, j'en suis venu à la conclusion que la soumission ou la suggestion commune des parties est tout à fait acceptable dans les circonstances.

 

[20]      En conséquence, veuillez vous lever s'il vous plaît, cette cour vous condamne à une sentence de réprimande assortie d'une amende de 4 000 $, payable par versements égaux de 400 $ par mois.

 

 

 

 

COLONEL M. DUTIL, J.M.C..

 


Avocats :

 

Major J. Caron, Procureur militaire régional, région de l'Est

Avocat de la poursuivante

 

Lieutenant de vaisseau P. Desbiens, Directeur du service d'avocats de la défense

Avocat de l'Adjudant J.A.G. Deschamps

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