Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 11 janvier 2010

Endroit : BFC Kingston, Édifice E37, pièce 221A, 20 chemin Red Patch, Kingston (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 95 LDN, mauvais traitement à l'égard d'une subalterne.
•Chef d'accusation 2 : Art. 116b) LDN, a volontairement détruit un bien.

Résultats
•VERDICTS: Chefs d'accusations 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 3000$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Caporal-chef S.A. Roach, 2010CM3001

 

Dossier : 200927

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ONTARIO

BASE DES FORCES CANADIENNES KINGSTON

 

Date : Le 11 janvier 2010

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL-CHEF S.A. ROACH

(contrevenant)

 

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]        Caporal-chef Roach, veuillez vous lever. Caporal-chef Roach, la cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement aux premier et deuxième chefs d’accusation figurant à l’acte d’accusation, et elle vous déclare aujourd’hui coupable à l’égard de ces chefs. Veuillez vous asseoir.

 

[2]        Il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la Cour martiale permanente, de fixer la sentence. Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour assurer le respect de la discipline, une composante essentielle de l’activité militaire, dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir l’inconduite ou, de façon plus positive, de favoriser la bonne conduite.

 

[3]        C’est grâce à la discipline qu’une force armée s’assure que ses membres rempliront leur mission avec succès, de manière fiable et confiante. Le système veille aussi au maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.


[4]        Il est reconnu depuis longtemps que l’existence d’un système distinct de justice militaire a pour but de permettre aux Forces armées de régler les questions liées au respect du Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des troupes.

 

[5]        Cela dit, la peine imposée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, doit être la peine la moins sévère selon les circonstances particulières de l’affaire. Ce principe est directement lié au devoir qui incombe à la cour, en vertu de l’alinéa 112.48(2)b) des ORFC, de :

 

« [P]rononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant. »

 

[6]        Dans la présente instance, le poursuivant et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la sentence, et proposent que la cour vous adresse un blâme et vous impose une amende de 3 000 $. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, le principe suivant, que la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a énoncé au paragraphe 21 de l’arrêt Soldat Taylor c. R., 2008 CACM 1, où elle cite le paragraphe 17 de la décision R. c. Sinclair, est généralement reconnu :

 

(2) Le juge chargé de la détermination de la peine ne doit aller à lencontre de la recommandation conjointe que sil existe des motifs impérieux de le faire, notamment lorsque la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer ladministration de la justice ou contraire à lintérêt public.

 

[7]        La cour a examiné la recommandation conjointe à la lumière des faits pertinents présentés dans le sommaire des circonstances et de leur importance. La cour s’est aussi penchée sur cette recommandation en ayant à l’esprit les principes applicables en matière de détermination de la peine, y compris ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ces principes ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévu à la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public, et le public s’entend des Forces canadiennes;

 

deuxièmement, l’imposition d’une peine au contrevenant;

 

troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais pour quiconque pourrait être tenté de commettre de telles infractions;

 

quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant;

 

cinquièmement, la proportionnalité de la peine à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant;


 

sixièmement, l’infliction d’une peine semblable à celles imposées à des contrevenants du même genre pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

 

La cour a aussi tenu compte des observations présentées par les avocats et de la preuve documentaire.

 

[8]        Je dois dire que je partage l’avis du poursuivant, selon lequel la protection du public commande une sentence qui met l’accent sur le principe de la dénonciation et sur l’effet dissuasif général et particulier. Il est important de rappeler que le principe de dissuasion générale vise à faire en sorte que la peine infligée dissuade non seulement le contrevenant de récidiver, mais aussi quiconque se trouvant dans une situation analogue d’adopter, pour quelque motif que ce soit, le même comportement illicite.

 

[9]        En l’espèce, la cour doit statuer sur deux infractions militaires spécifiques, une de mauvais traitement et l’autre de destruction d’un bien appartenant à une autre personne. Les deux infractions font intervenir des principes régissant les Forces canadiennes, notamment celui de respect de la dignité de toute personne. Le manque de respect envers la dignité des personnes et à l’égard des biens appartenant à d’autres personnes dont font preuve certains membres des Forces canadiennes constitue un problème grave et peut influer sur la relation de confiance et la fiabilité qui doivent exister en tout temps parmi les membres des forces armées lorsqu’ils accomplissent une mission. La cour doit néanmoins infliger la peine la moins sévère qu’elle estime nécessaire dans les circonstances.

 

[10]      Pour arrêter la sentence qu’elle estime juste et appropriée, la cour a tenu compte des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes suivantes.

 

[11]      La cour considère comme des facteurs aggravants :

 

La gravité objective des infractions. La première infraction qui vous est reprochée, laquelle relève de l’article 95 de la Loi sur la défense nationale, est d’avoir maltraité un subordonné par le grade; la seconde infraction qui vous est reprochée, laquelle relève de l’alinéa 116b) de la Loi sur la défense nationale, est d’avoir détruit un bien appartenant à un autre justiciable du code de discipline militaire. Les deux infractions sont passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de moins de deux ans.

 


Relativement à la gravité subjective des infractions, la cour considère trois éléments comme facteurs aggravants. Premièrement, votre rang et votre expérience. Au moment des infractions, vous comptiez un certain nombre d’années d’expérience dans les Forces canadiennes, durant lesquelles vous avez servi à divers endroits et dans différentes conditions. En outre, vous avez détenu le rang de caporal-chef pendant environ un an, ce qui signifie que vous étiez perçu par vos pairs comme occupant un poste de commandement et comme jouant un rôle de leader. Vous saviez très bien que vous ne pouviez agir comme vous l’avez fait, mais vous avez décidé, en dépit de votre connaissance et de votre expérience, de vous placer dans une situation où vous seriez tenté de le faire.

 

Deuxièmement, vous n’avez montré aucun respect à l’égard de la personne et des biens du soldat Bolduc. Le respect de la dignité, de l’intégrité physique et psychologique de la personne, qui est une valeur fondamentale au sein de la société canadienne, doit être véhiculée en tout temps par les membres des Forces canadiennes. Malheureusement, vous avez manifestement échoué à cet égard, puisque vous avez laissé vos émotions vous conduire à agir de façon répréhensible dans un établissement de défense. La maîtrise de soi est un élément clé du leadership, et les gens qui vous entourent méritent mieux que ça.

 

Enfin, l’existence d’une fiche de conduite a révélé qu’un tribunal doit vous rappeler de temps à autre que vous ne devez pas laisser vos émotions vous guider dans vos décisions. Malgré l’absence d’infractions de nature semblable à celles dont la cour est saisie, il faut tenir compte des inscriptions sur votre fiche de conduite.

 

[12]      La cour considère que les facteurs suivants constituent des circonstances atténuantes dans la détermination de la sentence :

 

Vu les faits présentés en l’espèce, la cour estime que votre plaidoyer de culpabilité traduit un véritable remords et votre désir sincère de demeurer un atout pour la collectivité canadienne et les Forces canadiennes. Ce plaidoyer démontre que vous assumez l’entière responsabilité de vos actes.

 

Votre âge et vos perspectives de carrière au sein des Forces canadiennes. À 29 ans, vous avez encore de nombreuses années devant vous pour contribuer positivement à votre unité et à votre profession. Le fait est que votre chaîne de commandement continue de vous faire confiance. En 2009, vous avez été autorisé à terminer votre cours de QEL afin de confirmer votre nomination à titre de caporal-chef malgré les incidents qui vous ont conduit devant la cour martiale aujourd’hui.

 


Le fait que votre conduite n’a pas eu de conséquences permanentes sur la plaignante et n’a pas eu d’incidence sur les opérations de votre unité. En raison des incidents, vous avez été placé à l’écart de la plaignante dans votre milieu de travail à tous deux. L’unité et vous semblez, jusqu’à présent, être satisfaits de cet arrangement. Rien ne m’indique que cela ait influé sur votre avancement professionnel et sur les opérations de l’unité. Je suis heureux qu’il en soit ainsi et j’espère que vous poursuivrez vos efforts en ce sens.

 

Le fait que vous avez dû comparaître devant la cour martiale. Cette mesure a déjà eu des effets dissuasifs sur vous et sur autrui. La cour est convaincue que vous n’aurez pas à comparaître devant une cour martiale pour une infraction de nature semblable ou pour quelque autre infraction que ce soit à l’avenir.

 

[13]      Les relations personnelles entre les membres des Forces canadiennes touchent de nombreux aspects qui leur laissent très peu de marge de manoeuvre. Il s’agit également d’une grande source de préoccupation pour la chaîne de commandement étant donné l’incidence sur l’efficacité opérationnelle, le moral et la discipline des troupes. Lorsqu’un citoyen canadien s’enrôle dans les Forces canadiennes, il est assujetti à davantage d’obligations que le citoyen ordinaire dans la société canadienne en raison de la nature des engagements. Dans ce contexte, la pondération et la conciliation des questions d’ordre personnel et des principes éthiques, par exemple servir le Canada avant soi-même, deviennent alors un défi quotidien. De nos jours, tous les marins, soldats et aviateurs au pays et à l’étranger doivent relever ce défi afin d’accomplir leur mission, et ils savent que, lorsqu’ils n’arriveront plus à concilier adéquatement ces questions et principes, il sera temps pour eux de quitter les FC, car ils ne veulent pas mettre en péril la réussite de la mission.

 

[14]      Je crois que vous devriez réfléchir à ce problème afin de déterminer dans quelle mesure vous pouvez respecter et concilier votre engagement en tant que membre des Forces canadiennes, compte tenu de votre grade de commandement, et vos propres questions d’ordre personnel avant que quelque chose de grave ne vous arrive ou n’arrive à vos pairs à cause de vous. En tant que votre supérieur, je suis convaincu que vous avez la capacité de réussir si vous déployez les efforts nécessaires. C’est à vous d’agir en ce sens.

 

[15]      Par conséquent, la cour souscrit à la recommandation conjointe des avocats de vous adresser un blâme et de vous infliger une amende de 3 000 $, étant donné qu’une telle sentence n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice.

 


[16]      Caporal-chef Roach, veuillez vous lever. En conséquence, la cour vous adresse un blâme et vous inflige une amende de 3 000 $. L’amende devra être payée en versements mensuels de 250 $, qui débuteront le 1er février 2010 et se poursuivront les 11 mois suivants. Si, pour quelque raison que ce soit, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant que l’amende ne soit entièrement acquittée, le montant impayé deviendrait exigible le jour précédant votre libération. Par ailleurs, eu égard aux circonstances dans lesquelles le contrevenant a commis les infractions, la cour estime que sa sécurité et celle de toute autre personne ne commandent pas qu’une ordonnance d’interdiction soit rendue en vertu de l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale. Veuillez vous asseoir.

 

[17]      La Cour martiale permanente déclare close l’instance introduite devant elle contre le caporal-chef Roach.

 

 

 

                                                       LIEUTENANT-COLONEL L-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

AVOCATS

 

Le Major A.T. Farris, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Le Capitaine de corvette J.A. McMunagle, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du caporal-chef S.A. Roach  

 

 

 

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