Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 21 novembre 2006.
Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).
Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, emploi d’un document contrefait) (art. 368 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 125 LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établi par lui signé de sa main.
•Chef d’accusation 3 : Art. 130 LDN, un faux (art. 367 C. cr.).
Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Élève-Officier A.D. Sullivan, 2006 CM 72
Dossier : S200672
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
HALIFAX
NOUVELLE-ÉCOSSE
Date : 21 novembre 2006
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.V. D'AUTEUIL, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
ÉLÈVE-OFFICIER A.D. SULLIVAN
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1]
[1] Élève-Officier Sullivan, la cour ayant accepté et inscrit votre plaidoyer
relativement aux deuxième et troisième chefs d’accusation, elle vous déclare maintenant coupable des infractions qui y sont énoncés. En conséquence, la cour ordonne l’arrêt des procédures sous le premier chef.
[2] [2] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire
respecter la discipline dans les Forces canadiennes, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire. Ce système vise à prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité.
[3] [3] Comme le dit le major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse
intitulée
L’utilisation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien1, « [e]n bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure d'administrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, l'efficacité militaire et finalement la raison d'être de l'organisation, la sécurité nationale ». Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les justiciables du Code de discipline militaire sont punis de la même façon que tout autre contrevenant vivant au Canada.
[4] [4] Il est reconnu depuis longtemps que la distinction qui existe entre le
système de justice militaire et le système de justice vise à permettre aux Forces canadiennes de trancher les questions qui relèvent du Code de discipline militaire et qui touchent le maintien de l’efficacité et le moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. Ce principe est conforme au devoir du tribunal d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, comme le prévoit l'alinéa 112.48(2)b) des ORFC. Dans le cas présent, les avocats de la poursuite et de la défense se sont entendus pour faire une recommandation conjointe quant à la peine. Ils recommandent tous deux que la cour vous condamne à une réprimande sévère et à une amende de 2 000 $.
[5] [5] Quoique la cour ne soit pas liée par une recommandation de ce genre,
l’usage veut qu’elle ne s’en écarte que lorsque la peine recommandée est contraire à l’intérêt public et a pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice.
[6] [6] La cour a pris en considération la recommandation conjointe des avocats
en fonction des faits pertinents, tels qu’ils se dégagent du sommaire des circonstances, et de leur importance. Elle a également examiné cette recommandation en fonction des principes de la détermination de la peine, notamment ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu dans la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants : premièrement, la protection du public et le public comprend, en l’occurrence, les intérêts des Forces canadiennes; deuxièmement, la punition du contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant mais aussi sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre de telles infractions et, quatrièmement, l’amendement et la réinsertion sociale du contrevenant. Le tribunal doit également tenir compte des arguments avancés par les avocats, notamment la jurisprudence citée et les documents déposés en preuve.
[7] [7] La cour convient avec la poursuite que la protection du public exige
une peine qui met l’accent sur l’effet dissuasif général. Il est important de retenir que l’effet dissuasif général vise à ce que la peine infligée serve d’élément dissuasif non seulement pour le contrevenant, mais pour toute personne qui se trouve dans une situation analogue et qui serait tentée de se livrer aux mêmes actes prohibés. Comme le juge Létourneau l’a déclaré au paragraphe 22 de l’arrêt de la Cour d’appel de la cour martiale dans Le Soldat St. Jean et Sa Majesté la Reine, CACM-429 :
... Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir qu’ils s’exposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre d’activités.
[8] [8] Il est important de dire qu’une certaine considération doit également
être accordée, dans la présente affaire, à la dissuasion spécifique et à la réinsertion sociale. En l’espèce, la cour instruit en l’espèce des infractions liées à un processus de fraude, c’est-à-dire la contrefaçon d’un document et une fausse déclaration dans un autre document. Il s’agit d’infractions très graves; toutefois, la cour imposera ce qu’elle considère être la peine minimale nécessaire compte tenu des circonstances.
[9] [9] Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la
cour a également pris en compte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes.
[10] La cour considère comme aggravants les
facteurs suivants :
a. Premièrement, la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusée d’une infraction aux termes de l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale, pour avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document, et de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale pour la contrefaçon d’un document, en violation de l’article 367 du Code criminel. Ces infractions peuvent entraîner une peine maximale de trois à dix ans d’emprisonnement, ou une peine moindre.
b. Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction. Ce type d’infraction requiert, très souvent, une certaine forme de préméditation. Pour commettre les infractions pour lesquelles vous avez avoué votre culpabilité aujourd’hui, il fallait qu’il y ait préméditation. En outre, le montant visé par ces infractions était important, plus de 5 000 $, et il s’agissait d’argent qui vous avait été confié. Vous avez décidé, en toute connaissance de cause, d’utiliser une somme d’argent qui vous avait été avancée à une fin précise pour subvenir à vos propres besoins. Vous avez ainsi fait preuve d’un manque manifeste d’intégrité et de fiabilité.
[10] [11] La cour considère comme atténuants les facteurs suivants.
a. Compte tenu des faits présentés à la cour, y compris l’extrait de la lettre d’excuses, la cour estime que le plaidoyer de culpabilité de l’Élève- Officier Sullivan est un signe manifeste de remords et que celle-ci a exprimé une volonté sincère de poursuivre ses efforts pour devenir, à nouveau, un atout pour les Forces canadiennes et pour la société canadienne. La cour ne veut en aucune façon compromettre ses chances de succès, car la réinsertion sociale constitue toujours un élément clé de la détermination de la peine. De plus, la coopération dont a fait preuve que l’Élève-Officier Sullivan lors de l’enquête montre clairement qu’elle a l’intention d’assumer la responsabilité de ses actes. the
b. court considers as a mitigating factor your Vos états de service dans les Forces canadiennes, votre âge et votre potentiel de carrière au sein des Forces canadiennes. Vous êtes âgée de 21 ans, vous avez de nombreuses années devant vous pour contribuer positivement à la société en général ainsi qu’aux Forces canadiennes. the
c. Le fait que vous n’avez pas de fiche de conduite ni de casier judiciaire pour des infractions comparables; le processus de remise de l’argent volé auquel vous participez en vue de rembourser, en entier, les Forces canadiennes..
d.
[11] À l’exception de cet incident, vos états de service dans les Forces canadiennes sont bons. Il semble que vous acceptez pleinement la responsabilité de vos actes, que vous cherchez à vous amender et enfin à faire carrière dans les Forces canadiennes. Les mesures que vous avez prises pour régler vos problèmes personnels et financiers montrent à la cour que vous avez reconnu que vous aviez des problèmes et que vous avez l’intention de les régler d’une façon appropriée. Je vous encourage à continuer dans cette voie. De plus, en votre qualité d’officier des Forces canadiennes, je vous suggère de faire preuve d’un meilleur sens du leadership et d’intégrité à l’avenir.
[12] e. En conformité à l’alinéa 112.48(2)a) des ORFC, la cour doit tenir compte des conséquences directes et indirectes de la peine qu’elle inflige. Le fait que votre carrière a été mise en suspend pendant que vous attendiez la décision de la cour martiale doit aussi être pris en compte.
[12] Étant donné qu’une peine d’emprisonnement devrait être infligée en dernier recours, conformément à ce que la Cour d’appel de la cour martiale a déclaré dans Le sous-lieutenant Baptista et Sa Majesté la Reine, CMAC-485, la cour est d’avis que la proposition conjointe n’est pas déraisonnable dans les circonstances.
[13] En conséquence, la cour accepte la proposition conjointe de vous condamner à une réprimande et à une amende de 2 000 $, étant donné que cette proposition ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et qu’elle n’aura pas pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice.
[14] Officer Cadet Sullivan, please stand up. La cour vous condamne donc
à une sévère réprimande et à une amende
de 2 000 $. Cette amende sera payée à raison de 100 $ par mois, à partir du 1er décembre 2006, et pendant les 19 mois suivants. Si, pour une raison ou pour une autre, vous étiez libérée des Forces canadiennes avant d’avoir fini de payer cette amende, le montant impayé devra être soldé la veille de votre libération.
[15] La présente décision met fin à l’instance devant la présente cour martiale permanente relativement à l’Élève-Officier Sullivan.
LIEUTENANT-COLONEL L.V. D'AUTEUIL, J.M.
Avocats :
Major J.J. Samson, Procureur militaire régional, région Atlantique
Procureur de Sa Majesté la Reine
Capitaine de corvette M. Reesink, Directeur du Service des avocats de la défense
Avocat de l’élève officier A.D. Sullivan