Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 28 novembre 2006.
Endroit : Garnison Saint-Jean, édifice Général J.V. Allard, mégastructure, rez-de-chaussée, secteur B-100, bleu, Richelain (QC).
Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 4 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 130 LDN, d’avoir utilisé un document contrefait (art. 368 C. cr.).
•Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 117f) LDN, un acte à caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
•Chef d’accusation 5 : Art. 130 LDN, d’avoir commis une fraude (art. 380(1)b) C. cr.).
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Une suspension d’instance. Chefs d’accusation 4, 5 : Retirés.
•SENTENCE : Une rétrogradation au grade de capitaine et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

Citation : R. C. Major M. Paradis, 2006 CM 75

 

Dossier : S200675

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR AUX CADETS (EST)

DÉTACHEMENT MONTRÉAL

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR SAINT-JEAN

 

 

Date : 28 novembre 2006

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

MAJOR M. PARADIS

(Accusée)

 

 

SENTENCE

(Rendue oralement)

 

 

[1]                    Major Paradis, la cour ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité aux 1er et 3e chefs d'accusation, la cour vous trouve maintenant coupable des 1er et 3e chefs d'accusation et elle ordonne une suspension d'instance à l'égard du 2e chef d'accusation.

 


[2]                    Le major Paradis a reconnu sa culpabilité à une accusation portée aux termes de l'alinéa 125(a) de la Loi sur la défense nationale ainsi qu'à une accusation aux termes de l'alinéa 117(f) de la Loi sur la défense nationale. Les procureurs en présence ont présenté à la cour une soumission commune relativement à la sentence que cette cour devrait imposer. Les procureurs recommandent à la cour d'imposer une peine de rétro­gradation au grade de capitaine assortie d'une amende au montant de 1000 dollars. Or, l'obligation d'en arriver à une sentence adéquate incombe au tribunal qui a le droit de rejeter la proposition conjointe des avocats. Il est toutefois de jurisprudence constante que seuls des motifs incontournables peuvent permettre au tribunal de s'écarter de la proposition conjointe. Ainsi, le juge devrait accepter la soumission commune des avocats à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice. Par exemple, si elle tombe à l'extérieur du spectre des sentences qui auraient été précédemment infligées pour des infractions semblables. En contrepartie, les avocats sont tenus d'exposer au juge tous les faits à l'appui de cette proposition commune.

 

[3]                    La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'arrêt R. c. Généreux que « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. » La Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devraient être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Même élevé au niveau des principes, cet énoncé émis par la Cour suprême ne permet toutefois pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence composée d'une ou plusieurs peines qui se situeraient au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l'affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit toujours représenter l'intervention minimale requise.

 

[4]                    Major Paradis, en déterminant la sentence qu'elle considère être appro­priée et minimale dans les circonstances, la cour a considéré les circonstances entourant la commission des infractions telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité, la preuve documentaire déposée devant la cour y compris le sommaire conjoint des faits, les plaidoiries des avocats et la juris­prudence soumise. Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a com­mises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables quoiqu'ils varient légèrement d'un cas à l'autre. L'impor­tance qui leur est attribuée doit toutefois être adaptée aux circonstances de l'affaire. Pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, ces objectifs et ces principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, isoler le délinquant, le cas échéant de la société y compris des membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;


sixièmement; la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l'harmonisation des peines;

 

huitièmement, le recours à une peine privative de liberté seulement lorsque la cour est satisfaite qu'il s'agit de la peine de dernier ressort; et

 

finalement, la cour prendra en compte les circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées aux circonstances de l'affaire et à la situation du contrevenant.

 

Dans la présente cause, la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra l'emphase sur la dissuasion du contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infrac­tions, la punition du contrevenant ainsi que la dénonciation du geste et du contrevenant. La dissuasion générale est d'autant plus importante dans cette affaire puisqu'il s'agit de la deuxième cour martiale permanente en moins de 18 mois dans la province de Québec alors qu'elle implique un officier de la Force de réserve qui commet des crimes à caractère frauduleux dans le cadre de ses fonctions, alors qu'il commandait un corps de cadets. Au surplus, l'acte  à caractère frauduleux dans la présente affaire est plus sérieux que celui qui faisait l'objet de l'accusation contre le capitaine Gagnon qui fut jugé par une cour martiale permanente en juillet 2005 sans oublier le fait que le capitaine Gagnon n'avait pas bénéficié des fruits de l'acte frauduleux ce qui diffère ici. L'examen de la suggestion commune des procureurs doit permettre la réalisation de ces objectifs et de ces principes.

 

[5]                    En considérant quelle sentence serait appropriée, la cour a pris en consi­dération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants. Et je commencerai par les facteurs qui aggravent la peine. La Cour considère comme aggravants les facteurs suivants :

 

Premièrement, la nature des infractions et les peines prévues par le légis­lateur. Dans le cas du 1er chef d'accusation, une infraction punissable aux termes de l'alinéa 125(a) de la Loi sur la défense nationale, elle est pas­sible d'une peine maximale d'emprisonnement pour une durée de trois ans. En ce qui a trait au 3e chef d'accusation, une infraction punissable aux termes de l'alinéa 117(f) de la même loi, elle est passible d'une peine maximale d'emprisonnement de moins de deux ans. Ce sont des infractions qui sont objectivement sérieuses.

 


Deuxièmement, le fait que vous étiez un officier de la Force de réserve pour le Cadre des Instructeurs de cadets occupant les fonctions de commandant et que vous avez abusé de votre situation privilégiée en abusant de la confiance dont vous faisiez l'objet. Vos gestes constituent un manque d'honnêteté et d'intégrité sérieux en raison des fonctions que vous occupiez sans oublier le fait que vous vous êtes indirectement attribuée un avantage financier personnel par la supercherie. Dans l'arrêt R. c. St-Jean, une décision de la Cour d'appel de la cour martiale rapportée au CACM 2000, no 2, décision rendue dans la langue anglaise, l'honorable juge Létourneau mettait en lumière l'impact des actes à carac­tère frauduleux à l'intérieur des organisations publiques telles que les Forces canadiennes. Au paragraphe 22, il précisait et je cite :

 

After a review of the sentence imposed, the principles applicable and the jurisprudence of this Court, I cannot say that the sentencing President erred or acted unreasonably when he asserted the need to emphasize deterrence. In a large and complex public organization such as the Canadian Forces which possesses a very substantial budget, manages an enormous quantity of material and Crown assets and operates a multiplicity of diversified programs, the management must inevitably rely upon the assistance and integrity of its employees. No control system, however efficient it may be, can be a valid substitute for the integrity of the staff in which the management puts its faith and confidence. A breach of that faith by way of fraud is often very difficult to detect and costly to investigate. It undermines public respect for the institution and results in losses of public funds. Military offenders convicted of fraud, and other military personnel who might be tempted to imitate them, should know that they expose themselves to a sanction that will unequivocally denounce their behaviour and their abuse of the faith and confidence vested in them by their employer as well as the public and that will discourage them from embarking upon this kind of conduct.

 

Tout comme je l'avais mentionné dans la cause du Capitaine Gagnon, même si les organisations de cadets ne font pas partie des Forces canadiennes aux termes du para­graphe 46(3) de la Loi sur la défense nationale, la cour est d'avis que ces savants propos de la Cour d'appel de la cour martiale sont pertinents dans la présente affaire.

 

[6]                    Quant aux facteurs atténuants, la cour retient les éléments suivants :

 

Premièrement, vos aveux de culpabilité devant cette cour et le fait que la cour considère que ces aveux, dans les circonstances, sont sincères et qu'ils témoignent des remords qui vous habitent relativement à ces incidents et que vous avez ainsi évité la tenue d'un long procès.

 


Deuxièmement, vos états de service au sein de la Force de réserve en tant que membre du Cadre des Instructeurs de cadets depuis plus de 25 ans. Selon la preuve déposée devant cette cour, il semble qu'il s'agit là d'un cas isolé.

 

Et troisièmement, le fait que vous n'ayez aucun antécédent disciplinaire ou criminel.

 

[7]                    Dans les circonstances de la présente affaire, la cour est d'avis que la soumission commune des parties de vous infliger une rétrogradation au grade de capi­taine assortie d'une amende de 1000 dollars constitue la sentence minimale dans les circonstances pour assurer la protection du public et des Forces canadiennes, ainsi que la dissuasion générale, le maintien de la discipline et la dénonciation de ce genre de comportement. Il est important de préciser également que vos gestes auront d'autres conséquences sur vous, notamment celle d'avoir terni votre dossier militaire et votre réputation, mais également le fait que vous aurez dorénavant un casier judiciaire. La cour est toutefois inquiète de voir qu'il s'agit d'une deuxième cour martiale en moins de 18 mois qui implique un commandant de corps de cadets dans des activités à caractère frauduleux lorsqu'en présence de fonds publics. Il est impératif que cette situation soit examinée de près par les autorités compétentes au sein de la Force de réserve, afin que des mesures concrètes soient apportées, le cas échéant, pour éliminer ce genre de comportement et j'enjoins le procureur de la poursuite de transmettre ces inquiétudes aux autorités compétentes.

 

[8]                    Pour toutes ces raisons, la cour accepte la soumission commune des procureurs qu'elle considère être la sentence minimale pour assurer la protection du public, le maintien de la discipline sans qu'elle ne déconsidère l'administration de la justice militaire.

 

[9]                    En conséquence, la cour vous condamne à la rétrogradation au grade de capitaine. Cette rétrogradation est assortie d'une amende de 1000 dollars. L'amende sera payable par versements consécutifs égaux sur une période de 12 mois à compter d'aujourd'hui. Ces versements seront fait au moyen de chèques visés, mandats bancaires ou par mandats-poste. Si vous étiez libérée des Forces canadiennes avant le paiement complet de l'amende infligée par cette cour, le solde de cette amende deviendra exigible immédiatement avant la date de votre libération. Monsieur le procureur de la poursuite vous indiquera l'adresse exacte du destinataire où vous devrez vous acquitter de l'amende aussitôt que les procédures de cette cour martiale seront terminées.

 

Faites sortir le capitaine Paradis.

 

Les procédures de cette cour martiale relativement au capitaine Paradis sont terminées.

 

 


 

 

                                                                                           COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

Avocats :

 

Major J. Caron, Procureur militaire régional, Région de l'est

Avocat de la poursuivante

Capitaine de corvette P. Lévesque, Directeur du Service d'avocats de la défense

Avocat du capitaine M. Paradis

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