Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 16 novembre 2004.
Endroit : BFC Shilo, aménagements pour lectures d’entraînement, édifice C-106, Shilo (MB).
Chef d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.

Contenu de la décision

 

Référence : R. c. Ex-soldat J.A. Kinchen, 2004 CM 43

 

Dossier : S200443

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

MANITOBA

BASE DES FORCES CANADIENNES SHILO

 

Date : 16 novembre 2004

 

PRÉSIDENT : LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, (juge militaire)

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

L’ANCIEN SOLDAT KINCHEN

(Accusé)

 

SENTENCE

(Prononcée oralement)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]      Ancien soldat Kinchen, levez-vous, s’il vous plaît. Après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au premier chef d’accusation, la Cour vous déclare coupable de chef d’accusation. Vous pouvez maintenant vous asseoir.

 

[2]      Il est depuis longtemps reconnu que le système distinct de justice militaire ou de tribunaux militaires vise à permettre aux forces armées de connaître des affaires ayant directement trait à la discipline, à l’efficacité et au moral de l’armée. Cela dit, la peine imposée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de l’espèce.

 

[3]      Aujourd’hui, pour déterminer la peine, la Cour a examiné l’ensemble des circonstances de l’infraction décrite au cours du processus de détermination de la peine, ainsi que la preuve documentaire déposée; elle a aussi analysé les plaidoiries des avocats, la jurisprudence fournie ainsi que les conséquences directes et indirectes que les conclusions et la peine auront sur vous, et, dans une certaine mesure, les conséquences directes et indirectes que les présentes accusations auront sur votre carrière militaire.

 


[4]       En général, les principes qu’il faut prendre en compte pour prononcer une peine adaptée reposent sur les éléments suivants : premièrement, la protection de l’intérêt public, y compris celui des Forces canadiennes; deuxièmement, la peine applicable au contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement sur le contrevenant mais aussi sur tous ceux qui pourraient être tentés de commettre les mêmes infractions; quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant.

 

[5]       Le principe fondamental vise la protection du public, et la Cour doit déterminer ce qui protégera le mieux le public : la dissuasion, la réinsertion ou une peine. Dans une affaire comme en l’espèce, qui touche principalement au bon ordre et à la discipline militaires, l’intérêt principal des Forces canadiennes est de restaurer et de maintenir la discipline. Il est certain qu’une peine, infligée par une cour martiale relativement à une infraction d’inobservation des conditions imposées à l’accusé par un tribunal militaire, dans le cadre d’une peine légitime, doit mettre l’accent sur le principe de la dissuasion générale. Par ailleurs, la Cour estime que la dénonciation constitue aussi un facteur important. Dans les circonstances de l’espèce, où le contrevenant ne fait plus partie des Forces canadiennes, il n’est pas nécessaire d’attacher de l’importance à la dissuasion spécifique. 

 

[6]       Pour déterminer ce qu’elle considère comme une peine équitable et adaptée, la Cour s’est penchée sur les facteurs suivants :

 

i)          La gravité objective de l’infraction. Une infraction énoncée à l’art. 129 de la Loi sur la défense nationale est grave.

 

ii)         Le contexte particulier indiqué dans le sommaire des circonstances. D’une part, vous ne vous êtes pas conformé à une ordonnance, d’autre part cette ordonnance faisait partie intégrante d’une condition imposée implicitement par un tribunal militaire qui vous avait condamné pour une infraction d’ordre militaire. Votre conduite dénote un manque de respect absolu non seulement envers la chaîne de commandement, mais aussi envers la primauté du droit. L’opinion de la présente Cour se distingue quelque peu de celle exprimée par la juge militaire en chef Carter, dans l’affaire du matelot de 3e classe Caza, jugée par la Cour martiale permanente. La juge déclare à la page 43 de la décision :

 

[traduction] « De l’avis de la Cour, ce type d’infraction n’est pas punissable de détention, certainement pas dans les circonstances de l’espèce, mais de réprimandes, d’amendes et de peines mineures, notamment l’incarcération dans une caserne, lesquelles constituent toutes des options. Par ailleurs, la Cour tient à souligner que, même si vous avez été remis en liberté, l’incarcération dans une caserne demeure une option. »

 


En toute déférence, la Cour estime que le fait de ne pas se conformer aux ordonnances, notamment aux ordonnances comportant des conditions imposées par un tribunal militaire dans le cadre d’une peine, révèle un mépris profond et flagrant pour l’obéissance et la discipline militaire. La détention est tout particulièrement conçue pour la réinsertion des détenus militaires; pendant cette période on fait renaître chez eux l’habitude d’obéir dans un contexte militaire structuré, par une formation au cours de laquelle on met l’accent sur les valeurs et les qualités militaires qui permettent de distinguer un membre des Forces canadiennes d’un civil. Cela ne signifie pas qu’il faut infliger en l’espèce une peine d’emprisonnement, mais la Cour n’exclut pas qu’une telle peine pourrait être appropriée dans des circonstances particulières concernant un contrevenant donné.

 

iii)        Le fait que vous avez reconnu que vous étiez responsable de vos actes en plaidant coupable devant cette cour mais aussi celui que vous aviez l’intention de le faire dès que possible. La preuve présentée à la Cour révèle que vous avez fait le choix d’être jugé par une cour martiale parce que vous vouliez assurer vous-même votre défense relativement à une l’infraction d’absence sans permission en vertu de l’art. 90 de la Loi sur la défense nationale.  D’après la pièce 8, ce chef d’accusation lié à un autre chef d’accusation dont vous devez répondre aujourd’hui, n’a pas été retenu. La Cour considère donc que, par cet aveu de culpabilité, vous reconnaissez sincèrement votre inconduite; c’est un facteur que je tiens pour essentiel pour l’amendement et la réinsertion d’un contrevenant.

 

iv)        La Cour a aussi tenu compte du grade que vous aviez à l’époque, de votre âge ainsi que de votre situation financière, économique, sociale et familiale actuelle, y compris du fait que vous versez une pension alimentaire pour votre jeune enfant. Votre avocat a fait valoir que vous étiez désormais rémunéré à 10 $ de l’heure, et que vous vous trouviez par conséquent dans une situation plus précaire que celle dont vous jouissiez dans l’armée. C’est un fait. Toutefois, d’après la preuve présentée à la Cour, votre enrôlement n’a pas été renouvelé en raison du nombre excessif de problèmes administratifs et disciplinaires soulevés. À certains égards, vous êtes le seul responsable de ce retournement de situation qui pourrait être temporaire ou non.

 

v)         La Cour a également examiné votre précédente fiche de conduite. La nature des accusations et leur fréquence semblent indiquer que la discipline militaire élémentaire vous causait de gros problèmes. C’est peut-être parce que la vie militaire n’était pas faite pour vous. Maintenant, vous vous engagez peut-être dans une nouvelle carrière très intéressante et pleine de défis. Mais, comme l’a déclaré la poursuite, il s’agit d’un cas où il faut mettre l’accent sur la dissuasion générale, et où, de toute évidence les poursuivants étaient d’avis, dans l’exercice légitime de leur pouvoir discrétionnaire, qu’il y avait un intérêt public en jeu. Il n’appartient pas à notre cour d’entraver l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

 


[7]       L’avocat de la défense a comparé la présente affaire à une action pour inobservation d'une condition ou manquement aux conditions d’une probation dans laquelle un tribunal civil prononcerait une absolution inconditionnelle ou sous conditions. La défense n’a cité aucun cas de jurisprudence à l’appui de son moyen. Elle a invité la Cour à s’appuyer sur cette analogie pour considérer qu’un avertissement constituerait une peine appropriée en l’espèce. D’une part, la Cour n’est pas convaincue qu’une absolution constitue la peine la plus appropriée dans les affaires où un contrevenant ne se conforme pas à une ordonnance de probation prononcée contre lui, ou bien dans des affaires plus graves, où il ne respecte pas les conditions que lui impose une ordonnance d’emprisonnement avec sursis. D’autre part, la Cour est convaincue qu’un avertissement ne constitue pas une peine appropriée en l’espèce, car il a été reconnu que la dissuasion générale constituait ici le principe de détermination de la peine le plus important. La poursuite a requis une amende de 250 $. La défense a admis que la requête de la poursuite n’était pas déraisonnable, mais a recommandé que l’amende ne dépasse pas 100 $, invoquant que l’accusé avait perdu une journée de travail pour pouvoir se présenter devant la cour martiale, soit environ 80 $. Pour déterminer la peine, la Cour a tenu compte de ce fait, mais elle estime qu’il ne s’agit pas d’une circonstance atténuante importante.

 

[8]       De l’avis de la Cour, la poursuite a présenté une recommandation de peine très clémente compte tenu des circonstances de l’espèce. Si l’on ne vous avait pas encore libéré des Forces canadiennes et si vous aviez à vous colleter avec les valeurs et les conditions de la discipline militaire, la Cour aurait sérieusement envisagé de vous condamner à une courte période d’emprisonnement, car ce type de peine vise principalement à la dissuasion spécifique et à la réinsertion du contrevenant. En l’espèce, elle n’est pas nécessaire.

 

[9]       Pour ces motifs, la Cour vous condamne à une amende de 250 $ payable en deux versements égaux de 125 $. Le premier versement devra être effectué par chèque certifié ou mandat à l’ordre du receveur général du Canada, au plus tard le 18 novembre 2004. Le second paiement devra être effectué de la même façon, au plus tard le 18 décembre 2004. Ces paiements seront envoyés par courrier recommandé à l’adresse suivante :

 

Quartier général de la Défense nationale

Directeur juridique, Réclamations et contentieux des affaires civiles

10e étage, Édifice Constitution

305, rue Rideau

Ottawa (Ontario)

K1A OK2

 

[10]     L’audience tenue par la présente cour martiale concernant l’ancien soldat Kinchen est levée.

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, (juge militaire)

 

 

 

 

 


Conseils :

 

Le capitaine A.J.L. Troisfontaines, juge-avocat adjoint, Assistant du juge-avocat général, 1 DAC Winnipeg,

Procureur adjoint de Sa Majesté la Reine

Le capitaine K.A. Reichert, procureur militaire régional, Région de l’Ouest,

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le lieutenant (N) K. Osborne, Directeur juridique/droit administratif,

Avocat de l’ancien soldat J.A. Kinchen

Le major C.E. Thomas, Direction du service d'avocats de la défense,

Avocat de l’ancien soldat J.A. Kinchen

 

 

 

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