Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 10 mai 2010

Endroit : BFC Petawawa, Édifice L-106, Petawawa (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme.

Contenu de la décision

Cour martiale

 

Référence : R. c. Gore, 2010 CM 3010

 

Date : 20100510

Dossier : 200958

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal J. Gore, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

[1]               Caporal Gore, la cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement au premier et seul chef d'accusation figurant à l'acte d'accusation, et elle vous déclare aujourd'hui coupable à l'égard de cette accusation.

 

[2]               Il m’incombe maintenant, en tant que juge militaire présidant la présente cour martiale permanente, de déterminer votre peine.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour assurer le respect de la discipline, une composante essentielle de l’activité militaire, dans les Forces canadiennes.  Le but de ce système est de prévenir la mauvaise conduite ou, d’un point de vue plus positif, d’encourager la bonne conduite.  C'est grâce à la discipline qu'une force armée s'assure que ses membres rempliront leur mission avec succès, de manière fiable et confiante.  La discipline permet aussi d’assurer le maintien de l’ordre et garantit que les personnes assujetties au Code de discipline militaire seront sanctionnées de la même manière que tout autre résident du Canada.

 

[4]               Il est reconnu depuis longtemps que l'existence d'un système distinct de justice militaire a pour but de permettre aux Forces armées de régler les questions touchant le respect du Code de discipline militaire, ainsi que le maintien de l'efficacité et du moral des troupes.  Cela dit, la peine prononcée par tout tribunal, qu’il soit militaire ou civil, doit constituer l’intervention minimale nécessaire dans les circonstances de l’espèce.  Ce principe est directement lié au devoir qui incombe à la cour en vertu de l'alinéa 112.48(2)b) des ORFC de « prononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant ».

 

[5]               En l'espèce, le poursuivant et l'avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine devant être appliquée par la cour.  Ils ont recommandé que la cour vous inflige un blâme afin de respecter les exigences de la justice.

 

[6]               Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu qu’elle ne devrait s’en écarter que lorsqu’elle a des raisons convaincantes de le faire, notamment parce qu’elle n’est pas adéquate, qu'elle est déraisonnable, qu’elle aurait pour effet de discréditer l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public.

 

[7]               La cour a examiné la recommandation conjointe à la lumière des faits pertinents énoncés dans le sommaire des circonstances et de leur importance. La cour s’est aussi penchée sur cette recommandation en ayant à l’esprit les principes applicables en matière de détermination de la peine, dont ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ces principes ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine établi dans la Loi sur la défense nationale.  Ces principes et objectifs sont les suivants :

 

Premièrement, la protection du public, y compris les Forces canadiennes;

 

Deuxièmement, la punition du délinquant;

 

Troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement sur le délinquant, mais aussi sur quiconque serait tenté de commettre une infraction semblable;

 

Quatrièmement, la réinsertion sociale du délinquant et son retour à une conduite meilleure;

 

Cinquièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant;

 

Sixièmement, la peine prononcée doit être semblable à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

 

La cour a aussi pris en considération les observations et les pièces présentées par les avocats.

 

[8]               Je dois dire que je conviens de la nécessité de protéger le public par l'infliction d'une peine qui met l'accent sur les principes de réprobation de la société et d’effet dissuasif.  Il est important de préciser que le principe de la réprobation de la société vise à faire en sorte que la peine infligée, en plus de dissuader le contrevenant de récidiver, dissuade également toute autre personne qui, se trouvant dans une situation analogue, serait tentée pour quelque raison que ce soit d’adopter la même conduite illicite.  Comme l’a dit le juge Létourneau, au paragraphe 22 de l’arrêt de la Cour d’appel de la cour martiale R. c. Soldat St. Jean, CACM 429:

 

... Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir qu'ils s'exposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre d'activités...

 

[9]               Dans la présente affaire, on vous reproche une infraction militaire spécifique relative à des documents, à savoir d’avoir volontairement indiqué dans un document de déclaration d’union de fait, signé de votre main, que vous remplissiez les conditions pour obtenir ce statut alors que vous saviez que ce n’était pas le cas. Cette infraction met en cause des obligations éthiques envers les Forces canadiennes telles l’honnêteté, l’intégrité et la responsabilité.  Le fait que vous ayez réclamé quelque chose que vous n’étiez pas en droit d’obtenir ajoute à la gravité de l’infraction.  Cependant, la cour ne prononcera que ce qu’elle estime être la peine minimale nécessaire eu égard aux circonstances.

 

[10]      Pour fixer la peine qu’elle estime juste et appropriée, la cour a pris en compte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes :

 

a.         La cour considère la gravité objective de l'infraction comme un facteur aggravant.  L’infraction dont vous êtes accusé est prévue à l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale, soit d’avoir fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de votre main.  Cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de trois ans ou d’une punition moindre.

 

b.         En ce qui a trait à la gravité subjective de l’infraction, la cour a considéré le fait que vous avez consciemment rempli et signé un document officiel, sachant que la déclaration concernant votre union de fait ne respectait pas les exigences requises.  En agissant ainsi, vous avez tenté d’obtenir un avantage personnel auquel vous n’aviez pas droit, sans vous soucier des conséquences de vos actions. L’attitude « Attrappez-moi si vous pouvez » ne peut être tolérée dans un contexte où le personnel des Forces canadiennes a droit à une gamme d’avantages destinés à compenser de quelque façon les exigences de la vie militaire. Une relation de confiance parmi les membres des Forces canadiennes est essentielle en tout temps pour l’accomplissement de toute mission, et lorsqu’un d’entre eux se montre indigne de confiance, cela compromet gravement le succès d’une mission.

 

[11]      La cour considère les facteurs suivants comme des circonstances atténuantes :

 

a.         D'après les faits mis en preuve, la cour considère également que votre plaidoyer de culpabilité est un signe manifeste et authentique de remords et estime que vous faites preuve d'une grande sincérité dans vos efforts pour demeurer un atout pour les Forces canadiennes.  Ce plaidoyer témoigne du fait que vous assumez la pleine responsabilité vos actes.

 

b.         Votre âge et vos possibilités de carrière militaire au sein des Forces canadiennes.  À 31 ans, il vous reste de nombreuses années pour contribuer positivement aux Forces canadiennes et à la société en général.  De même, la preuve soumise à la cour indique que vous avez de bons états de service, que vous faites de bons progrès dans votre métier et dans votre unité malgré le fait que vous faites face aux présentes procédures disciplinaires depuis un certain temps.

 

c.         Le fait que vous n'ayez ni fiche de conduite ni casier judiciaire relatifs à des infractions analogues.

 

d.         Le fait que vous avez restitué aux Forces canadiennes en un paiement la totalité de la somme impliquée dans la perpétration de l'infraction.

 

e.         Le fait qu'il s'agit d'un incident isolé et qu'aucun incident semblable n'est survenu après la commission de l'infraction.

 

f.          Le fait que vous ayez dû subir le présent procès en cour martiale. Ce procès a déjà exercé un effet de dissuasion sur vous aussi bien que sur d’autres.

 

g.         Votre conduite après la découverte de la possibilité que vous ayez commis une infraction en février 2007.  Le système de justice militaire a pris un certain temps à se mettre en branle pour porter l'accusation dont vous avez aujourd'hui été déclaré coupable et vous avez profité de ce laps de temps, d'environ trois ans, pour tâcher de respecter la discipline et montrer que vous avez appris de vos erreurs. Il est également vrai que vous en étiez au début de votre carrière militaire au moment de l'infraction et que vous comprenez probablement mieux maintenant quelle est la conduite que l'on attend de vous en tant que militaire du rang dans les Forces canadiennes.

 

[12]      La cour rappelle que le blâme doit être considéré comme une peine sévère dans le contexte militaire.  Il est plus sévère dans l’échelle des peines que l’amende, indépendamment du montant de celle-ci.  Le blâme montre qu’il existe des raisons de douter de l’engagement de la personne concernée lors de l’infraction et tient compte de la gravité de celle-ci, mais il signifie également qu’il est permis d’espérer la réinsertion.

 

[13]      Cette punition restera sur votre fiche de conduite tant que vous n'aurez pas obtenu un pardon pour le casier judiciaire que vous obtenez aujourd'hui. La réalité est que votre déclaration de culpabilité aujourd'hui entraînera une conséquence qu'on oublie souvent, à savoir que vous aurez désormais un casier judiciaire, ce qui n'est pas sans importance.

 

[14]      En conséquence, la cour fera droit à la recommandation conjointe des avocats de vous condamner à un blâme, considérant que cette peine n'est pas contraire à l'intérêt public et qu'elle ne risque pas de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[15]      Caporal Gore, veuillez vous lever.  La cour vous condamne en conséquence à un blâme.


 

Avocats :

 

Major V. Ohanessian, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B. Walden, Direction du Service des avocats de la défense

Avocat du Caporal J. Gore

 

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