Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 19 octobre 2004.
Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 117f) LDN, a commis un acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
• Chefs d’accusation 2, 3, 4, 5 : Art. 130 LDN, faux (art. 367 C. cr.).
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3, 4, 5 : Non coupable.
• SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 8000$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Adjudant (à la retraite) A.A. MacLellan, 2004 CM 48

 

Dossier : S200448

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

NOUVEAU-BRUNSWICK

BASE DES FORCES CANADIENNES DE GAGETOWN

 

Date : le 20 octobre 2004

 

PRÉSIDENT : LE COLONEL K.S. CARTER, juge militaire

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

ADJUDANT (À LA RETRAITE) A.A. MACLELLAN

(Accusé)

 

SENTENCE

(Prononcée oralement)

 


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]      Après avoir accepté et consigné un plaidoyer de culpabilité pour la première accusation, la Cour vous déclare maintenant coupable de cette première accusation. 

 

[2]      Les facteurs les plus importants dont la Cour a tenu compte pour imposer une peine appropriée en l’espèce sont les suivants : tout d’abord, la seule infraction qui puisse vous être reprochée est celle qui est prévue à l’alinéa 117f) de la Loi sur la défense nationale. Vous n’avez pas été reconnu coupable des infractions plus graves de contrefaçon. Deuxièmement, la Cour insiste grandement sur le fait qu’il s’agit d’une demande conjointe, c’est-à-dire que le substitut du procureur général qui représente les intérêts des Forces canadiennes et ceux du public canadien, s’est associé avec l’avocat de la défense, qui représente vos intérêts, pour recommander à la Cour ce qu’ils considèrent tous deux comme une peine appropriée; et le troisième facteur important est votre plaidoyer de culpabilité.

 

[3]      Les principes généraux d’imposition des peines ont déjà été examinés en l’espèce. L’imposition d’une peine a pour but de restaurer le respect de la loi en appliquant les principes d’exemplarité de la peine, de dissuasion, tant générale que spécifique, de même que l’amendement et la réadaptation. Le principe de dissuasion spécifique est un principe qui exige une peine qui vous incitera à ne pas commettre d’autres infractions, non pas seulement des infractions de cette nature, mais toutes autres formes d’infractions, militaires ou civiles. Et la dissuasion générale est un principe qui exige une peine qui décourage les personnes dans votre situation de commettre des infractions semblables.

 

[4]      Dans le contexte d’une Cour martiale, l’objectif principal est le rétablissement de la discipline dans la collectivité militaire et, si la personne est toujours membre des Forces canadiennes, le respect de la discipline par ce membre des Forces canadiennes. L’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux exige que la présente Cour tienne compte non seulement de la gravité de l’infraction, mais également de la réputation antérieure et de la situation actuelle du contrevenant et de l’impact qu’aura la peine sur ce dernier.

 

[5]      La preuve concernant la nature de l’infraction commise en l’espèce est énoncée, en très grande partie, dans le sommaire des circonstances. Tout d’abord, il y a la nature de l’infraction, dont la peine maximale est de deux ans moins un jour d’emprisonnement; c’est-à-dire qu’il s’agit, objectivement, d’une peine maximale beaucoup moins grave que celle qui est prévue à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale

 

[6]      Il s’agit d’une fraude par laquelle vous avez privé le gouvernement d’une somme de 4 425,98 $ sur une période de 12 mois au moyen d’un subterfuge qui vous a permis d’utiliser ‒‒ et j’utiliserai le terme familier ‒‒ des cartes de crédit du gouvernement pour acheter de l’essence pour votre usage personnel. En tout, 71 achats ont été faits pour des montants allant de 16 $ à 91 $. Chaque achat par carte de crédit a par la suite été vérifié, ce qui a également été fait par vous. C’est l’une de vos subordonnés, le maître de 2e classe Moodie, qui a eu des soupçons et qui, en août 2003, a examiné le type des achats, a poussé plus loin son enquête et a ensuite fait part de ses soupçons et des résultats de son enquête à vos supérieurs, le capitaine MacDonald et le lieutenant colonel Temple. Sans aucun doute, elle a dû trouvé très difficile, étant donné qu’elle était directement sous vos ordres dans un détachement assez isolé, de passer par toutes ces étapes et de dénoncer une situation qui impliquait son supérieur immédiat.

 

[7]      Une enquête de la police militaire et du SNE a mené à la tenue d’une entrevue avec vous en avril 2004, entrevue au cours de laquelle vous avez admis vos actes frauduleux et aussi le fait que vous avez essayé de les couvrir en partie en utilisant, sur certains de vos reçus, les noms d’autres membres des Forces canadiennes. Par la suite, devant vos superviseurs et vos subordonnés, vous avez admis avoir commis ces actes frauduleux .

 

[8]      Vous avez demandé votre libération. Au 1er juin 2004, vous viviez avec Mme Rietzel, votre conjointe de fait, à Moncton. Selon les preuves, votre congé de fin de service a commencé le 5 juin et vers le 9 ou le 11 juillet 2004, vous aviez obtenu votre libération volontaire des Forces canadiennes. Très peu de temps s’est donc écoulé entre l’entrevue avec la police militaire et le SNE et la fin de votre service dans la Force régulière. 

 

[9]      Pour ce qui est de votre réputation, et d’après ce qui ressort de la preuve dont est saisi le tribunal, vous avez servi 24 ans dans les Forces canadiennes. La pièce 6, qui est le certificat, vous décrit comme une personne fidèle et dévouée, on peut dire en toute équité que cela a fort bien pu être le cas pendant 23 ans, mais certainement pas pendant toutes vos 24 années de service. 

 

[10]    Vous avez été promu au grade d’adjudant intérimaire, qualification insuffisante, le 3 juillet 2002, c’est-à-dire deux jours avant le début des infractions qui sont énumérées dans la première accusation. Et vous avez été titularisé à ce grade le 17 mars 2004. Votre fiche personnelle indique que vous avez surtout servi dans l’armée, à Lahr, Petawawa, Aldershot et Charlottetown. Vous avez également servi à l’étranger avec les forces de maintien de la paix auprès de la FNUOD et à Qunaytirah, en Syrie. 

 

[11]    Quand vous avez pris votre retraite des Forces canadiennes en juillet 2004, votre solde brute s’élevait à 57 750 $ par année, et votre solde nette était de l’ordre de 38 700 $ par année. D’après ce qui est dit dans les documents et dans l’acte d’accusation, il semble que les choses ont commencé à mal tourner quand vous avez été promu au grade d’adjudant intérimaire (QI) et, dans les faits, quand on vous a donné la supervision quotidienne indépendante d’un détachement, et en fait d’un détachement isolé en juillet 2002.

 

[12]    La Cour a examiné soigneusement vos rapports d’appréciation qui sont réunis sous la pièce 20 et ‒‒ comme votre avocat lui a demandé de le faire ‒‒ elle les a lus attentivement. Tout d’abord, il convient de dire qu’ils ont été rédigés, généralement, par des personnes différentes et donc, l’évaluation qui a été faite de votre rendement reflète un certain nombre d’opinions différentes. Votre rapport d’évaluation de 1998-1999 vous décrit comme un bon leader, un bon communicateur et un bon planificateur. En 1999-2000, vous êtes décrit comme une personne fiable, sur laquelle on peut compter même au-delà de ses fonctions, et comme une personne qui applique ses connaissances logiquement et d’une manière compétente, et des observations positives sont faites sur votre engagement bénévole dans différentes manifestations communautaires. En 2000-2001, vous êtes décrit comme une personne ayant des idées novatrices et positives et comme un leader compétent. En 2001-2002, il est indiqué que vous avez mis en place des innovations financières, que vous avez un grand sens de l’éthique et que vous êtes un excellent planificateur et organisateur.

 

[13]    La pièce 19 est également l’un de vos rapports d’évaluation qui traite de votre conduite au cours de la période visée dans l’acte d’accusation, mais en dehors de l’accusation elle-même. Essentiellement, ce rapport a été rédigé avant que la fraude ne soit mise au jour. Ainsi donc, au cours de cette période, l’évaluation qui a été faite de votre rendement, en-dehors des activités qui sont énoncées dans l’acte d’accusation, indique que vous êtes un excellent gestionnaire de ressources qui se préoccupe véritablement de ses subordonnés, et quelqu’un qui fait preuve d’initiative. Des commentaires très positifs soulignent votre participation bénévole aux activités de la Black Heritage Society et des Cadets. Comme il est indiqué dans cette évaluation, l’adjudant MacLellan est prêt pour une promotion.

 

[14]    La Cour a également entendu des témoignages de personnes qui vous ont supervisé au cours de cette période et, à cet égard, la Cour souhaite faire référence au témoignage du capitaine MacDonald et à la pièce 8, c’est-à-dire la lettre du lieutenant colonel Temple. Tous deux indiquent que, à leur avis, ce qui est arrivé ne reflète pas vraiment votre caractère, mais ils ajoutent que, même s’ils pouvaient envisager un emploi futur pour vous, cet emploi pourrait fort bien comporter des restrictions, par exemple, le retrait de tout pouvoir financier. La Cour doit donc réfléchir au genre de travail que vous pourriez effectuer à l’intérieur des Forces canadiennes en tant qu’adjudant si aucun pouvoir financier ne peut vous être confié. Le lieutenant colonel Temple a clairement indiqué dans sa lettre, déposée sous la pièce 8, de même que le capitaine MacDonald l’a fait dans son témoignage, qu’il devrait y avoir certaines restrictions.

 

[15]    Ce que la Cour juge important, toutefois, c’est que ni l’un ni l’autre n’a indiqué que votre conduite avait eu des répercussions négatives sur les autres membres du personnel du détachement de Charlottetown, à l’exception de ce que la Cour a déjà mentionné, c’est-à-dire que, manifestement, cette situation doit avoir eu des répercussions négatives sur votre subordonnée qui a découvert cette fraude et qui a dû passer outre à votre autorité pour informer le commandement supérieur de la situation.

 

[16]    Donc, la Cour accepte que ce qui a été fait en l’espèce n’est pas dans votre tempérament. À tout le moins, cela ne l’était pas jusqu’à ce que vous soyez promu et que vous deveniez commandant adjoint d’un détachement non supervisé. La Cour ne peut considérer que cela dénote un comportement exceptionnel de votre part dans ce contexte, parce que c’est exactement à ce moment-là que cela s’est produit. La Cour a également examiné votre situation actuelle, telle qu’elle a été présentée dans la preuve. Votre libération volontaire vous a été accordée en juillet 2004. Votre pension actuelle, brute, est d’environ 26 000 $ par année pour un montant net d’environ 21 000 $ par année. En juillet de cette année, vous avez reçu environ 29 000 $ comme indemnité de départ dont vous avez déjà dépensé environ 28 500 $, soit pour payer vos dettes soit pour subvenir à vos besoins entre juillet et, il faut le présumer, octobre 2004.

 

[17]    Votre fiche personnelle indique que vous avez cinq ans d’études secondaires et un diplôme d’études secondaires et que vous êtes effectivement bilingue. 

 

[18]    Hier, la Cour s’est penchée assez longuement sur la question de la restitution. La Cour est d’avis, étant donné les documents dont elle est saisie et les témoignages, qu’il n’y a pas eu à ce jour de restitution. Un certain nombre de promesses et d’engagements ont été pris. Il y a également eu des tentatives de restitution, qui semblent avoir commencé jeudi dernier, soit quatre jours votre comparution devant la Cour martiale. Le remboursement des sommes dues semble avoir été retardé par une série d’incidents malheureux. 

[19]    La poursuite a fait valoir que le principe applicable en l’espèce, étant donné la nature de l’infraction, est le principe de dissuasion générale et à cet égard, la poursuite fait référence à un extrait d’une décision de la Cour d’appel de la Cour martiale, CMAC 429, soit R. c. St-Jean, dans lequel la Cour d’appel a déclaré ceci : 

 

« Dans un organisme public aussi grand et complexe que les Forces armées canadiennes, qui possède un budget considérable, qui gère une quantité énorme d’équipement et de biens de l’État et qui met en application une multitude de programmes divers, la direction doit inévitablement pouvoir compter sur le concours et l’intégrité de ses employés. Aucune méthode de contrôle, si efficace qu’elle puisse être, ne peut remplacer l’intégrité du personnel auquel la direction accorde toute sa confiance. Un abus de confiance telle la fraude est souvent très difficile à découvrir et les enquêtes qui y ont trait sont dispendieuses. Les abus de confiance minent le respect du public envers l’institution et ont pour résultat la perte de fonds publics. Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir qu’ils s’exposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre d’activités»

 

[20]    La poursuite a décrit l’infraction commise comme étant un abus de confiance, ce qui suppose tout un tissu de mensonges. Les facteurs atténuants tels qu’énoncés par la poursuite sont les suivants : votre plaidoyer de culpabilité; votre rendement positif pendant 23 ans, et vos efforts pour rembourser les sommes volées. Les facteurs aggravants, tels qu’énoncés par la poursuite, sont les suivants : le fait qu’il s’agit d’un abus de confiance; votre grade; le fait que l’argent a été volé aux Forces canadiennes, et aussi le fait que vous avez utilisé les noms de vos collègues pour couvrir la fraude que vous avez commise. La poursuite a cité un certain nombre de causes dans lesquelles la peine appropriée semblait être une réprimande sévère accompagnée d’une amende, et ces causes mentionnaient des amendes allant de 2 700 $ à 7 000 $. 

 

[21]    Il n’est pas surprenant de constater, puisqu’il s’agit d’une demande conjointe, que votre avocat s’est dit d’accord avec la majeure partie de ce que la poursuite a proposé. Votre avocat a indiqué que l’infraction était grave, qu’il s’agissait d’un abus de confiance et qu’il fallait appliquer le principe de dissuasion générale. Il insiste davantage sur les facteurs atténuants, c’est-à-dire votre plaidoyer de culpabilité, le fait que vous n’avez aucune fiche de conduite, et le fait que vous avez accepté vos responsabilités, non seulement en plaidant coupable, non seulement auprès de la police militaire, mais comme il l’a décrit lui-même, en reconnaissant votre erreur devant vos supérieurs et vos subordonnés.

 

[22]    Votre avocat insiste sur votre bon rendement. Il indique que le subterfuge n’était pas très subtil. La Cour n’est pas d’accord avec la proposition qui veut que, parce que les gens se font inévitablement prendre, cela signifie que le subterfuge n’est pas très subtil. Votre avocat a également mis l’accent sur vos tentatives de restitution. Pour ce qui est des facteurs aggravants, il a reconnu que le fait qu’on vous avait fait confiance en tant qu’adjudant était un facteur aggravant. Le major Appolloni a souligné que cette fraude n’était pas dans vos habitudes et il a également mentionné votre situation actuelle difficile, c’est-à-dire vos difficultés financières et votre chômage, de même que les responsabilités sociales que vous avez accepté d’assumer.

 

[23]    Il a fait référence à une cause qu’il décrit comme la cause Svend Robinson. Pour les fins du dossier, je crois que la référence qui m’a été donnée est R. c. Robinson [2004], jugements de la Colombie-Britannique, numéro 1829, et la référence dans Quicklaw a également été donnée. Et, si votre avocat a mentionné cette cause, c’est qu’il souhaite faire valoir qu’à plusieurs égards la Cour devrait, à son avis, adopter une approche similaire; c’est-à-dire qu’il vous décrit comme un homme qui se réclame aujourd’hui de son crédit et qui dit : « s’il vous plaît, donnez-moi du crédit pour ce que j’ai accompli dans ma vie et pour les choses que j’ai essayé de faire pour les autres, et tenez-en compte. S’il vous plaît, accordez-moi du crédit pour tout cela ». Ce sont, pour l’essentiel, les mots que le juge a utilisés au paragraphe 31 de la décision Robinson.

 

[24]    Donc, la Cour a examiné les dépositions des témoins, un grand nombre de documents et le sommaire des circonstances. La Cour est d’accord avec les observations des avocats selon lesquelles le principe de dissuasion générale est le facteur le plus important en l’espèce et, il ne faut pas s’en étonner, cela reflète la décision de la Cour d’appel de la Cour martiale dans l’affaire St-Jean

 

[25]    S’il n’y avait pas eu de demande conjointe en l’espèce, la Cour aurait imposé une rétrogradation, de même que d’autres peines. La Cour croit que la rétrogradation est une peine utile, même si une personne est libérée des Forces canadiennes. En fait, vous redeviendriez le sergent (à la retraite) MacLellan et cela aurait des répercussions sur les rapports que vous pourriez avoir avec les Forces canadiennes ou avec les membres des Forces canadiennes. Le fait de demeurer l’adjudant MacLellan ne peut manquer d’avoir des conséquences. La rétrogradation aurait également des répercussions sur votre indemnité de départ, c’est-à-dire que vous devriez encore plus d’argent parce que votre indemnité de départ serait celle qui est accordée au grade de sergent, et non pas à celui d’adjudant.

 

[26]    Comme elle l’a indiqué, si cela n’avait pas été une demande conjointe, la Cour aurait envisagé cette rétrogradation en tant que partie de la peine, et elle y pense d’autant plus qu’il y a la question d’un emploi futur. Votre avocat a déjà soulevé la question de savoir si vous pourriez être intéressé dans l’avenir à servir dans la Force de réserve. La Cour est consciente qu’il y a une unité de soutien au combat à Moncton et, compte tenu de vos antécédents, de même que des difficultés auxquelles vous pourriez être confronté, même si rien n’est certain, sur le plan de votre fiabilité et des options qui s’offrent à vous, il sera sans aucun doute très intéressant pour vous d’essayer d’intégrer la Force de réserve; la Cour estime que les Forces canadiennes devraient examiner très soigneusement toute proposition de votre part, compte tenu de votre condamnation. En fait, la Cour n’est pas convaincue que vous êtes apte à l’heure actuelle à conserver le grade d’adjudant à qui des responsabilités indépendantes peuvent être confiées, certainement pas jusqu’à ce que vous ayez convaincu tout le monde que cet incident est maintenant chose du passé.

 

[27]    La Cour a examiné très soigneusement la situation, c’est-à-dire votre situation actuelle. Comme elle l’a indiqué, vous avez depuis le 1er juin 2004 accepté certaines responsabilités. Vous avez emménagé avec Mme Rietzel en juin, apparemment, vous avez emménagé tous les deux, selon les pièces déposées en août. Les deux enfants à sa charge vivent avec vous et à l’heure actuelle, votre fils est revenu en août 2004 et est devenu, à ce qu’il semble, une personne à charge temporaire. Mme Rietzel a des problèmes de santé et n’a pas travaillé depuis septembre 2003. La preuve dont la Cour est saisie indique qu’on a diagnostiqué un cancer des os en avril 2004, qu’elle ne suit aucun traitement pour ce cancer, mais qu’elle est maintenant en rémission. Il y a environ trois semaines, soit en septembre 2004, son médecin aurait identifié des symptômes de bronchite et en même temps, il semble que vous envisagiez un autre déménagement pour novembre de cette année.

 

[28]    Le seul moyen de subsistance de Mme Rietzel à l’heure actuelle, à l’exception de l’aide que vous lui donnez, semble être un montant de 328 $ par mois d’aide aux enfants. Il semble qu’elle puisse réclamer certaines sommes auprès du père des enfants, mais elle ne l’a pas fait à ce jour. Les dépenses moyennes qui semblent avoir été évaluées pour le logement et les différents services publics sont de l’ordre de 1 100 $ par mois et, à cet égard, la Cour n’a pas inclus le câble et les dépenses connexes qui sont attribuées à S. Bowes, et il semble que le revenu de votre famille soit d’environ 2 000 $ par mois, sans qu’aucun membre de la famille ne travaille.

 

[29]    La pièce 18, qui est le document qui indique que le nouveau bail a été signé, est une obligation écrite qui, à l’heure actuelle, ne semble lier que Mme Rietzel. Ainsi donc, vous êtes dans une situation où vous partagez volontairement les dépenses et il n’y a aucune indication qu’un compte bancaire conjoint existe. 

 

[30]    Vous avez 43 ans. Tout indique que vous êtes en santé, d’après les documents dont je dispose, et vous avez indiqué à la Cour que vous êtes disponible pour travailler et en fait que vous souhaitez travailler. La Cour a pris en compte le fait que cette condamnation, telle qu’elle l’a indiqué, pourrait limiter votre capacité de travailler dans votre spécialité, si la description d’emploi exige fiabilité et intégrité. Comme la Cour l’a indiqué, en l’absence d’une demande conjointe, elle aurait imposé une peine plus sévère. Mais la demande conjointe en l’espèce doit être examinée par la Cour pour déterminer si, en l’acceptant, elle jette du discrédit sur l’administration de la justice ou si cela va à l’encontre de l’intérêt public; c’est le principe tel qu’énoncé par les tribunaux civils et c’est le principe qui est appliqué dans les cours martiales, comme le dit la décision de la Cour d’appel de la Cour martiale R. c. Paquette.

 

[31]    La Cour en est venue à la conclusion que, si elle acceptait la demande conjointe, elle ne jetterait pas de discrédit sur l’administration de la justice. Vous avez demandé volontairement votre libération, mais la décision de cette Cour martiale peut avoir des répercussions sur cette libération, et je suis certain que votre avocat vous a expliqué tout cela. La Cour est convaincue qu’une amende très importante, une réprimande sévère, qui fera très certainement comprendre à tous les membres des Forces canadiennes que votre fiabilité a été mise en doute, et le fait que vous n’êtes plus membre des Forces canadiennes devraient vous dissuader, non seulement vous, mais tout le monde, d’adopter une conduite semblable. 

 

[32]    La Cour a jugé que les facteurs atténuants sont importants en l’espèce : votre plaidoyer de culpabilité et la Cour insiste ici sur ce fait, c’est-à-dire que votre plaidoyer de culpabilité est une preuve que vous acceptez vos responsabilités. Il ne s’agit pas ici d’épargner les ressources ou le temps de la Cour. Chaque membre des Forces canadiennes ou, dans votre cas, chaque ancien membre a le droit à une audition complète devant une Cour martiale et donc ce qui joue en votre faveur, ce n’est pas le fait qu’il faut s’efforcer d’épargner les ressources de la Cour, mais bien le fait que vous acceptiez votre responsabilité. Il y a aussi votre bonne conduite antérieure, qui ressort de vos rapports d’évaluation, et le fait que vous n’avez aucune fiche de conduite. Toutefois, du point de vue des facteurs aggravants, la Cour a statué que l’abus de confiance est un facteur important, tout autant que le fait que vous étiez adjudant, compte tenu du grade et des responsabilités connexes.

 

[33]    Il s’agissait d’une infraction planifiée, délibérée et continue et vous avez impliqué des collègues dans votre fraude. Votre avocat a simplement dit : « Nous ne savons pas pourquoi ». C’est absolument vrai, nous ne savons pas pourquoi. Vous avez témoigné, et vous pouviez expliquer pourquoi vous avez agi ainsi, mais vous avez choisi de ne pas le faire. Si l’on tient compte simplement de votre solde, franchement, cela n’a aucun sens logique. Par ailleurs, cela s’est produit 71 fois sur une période d’un an, donc c’était de toute évidence régulier et répétitif. Même si cela reste inexplicable pour les autres, il doit y avoir eu, dans votre esprit, une certaine rationalisation qui permette de justifier vos gestes.

 

[34]    Il est malheureux peut-être que les 29 000 $ que vous avez touchés, entre juillet et le 18 octobre aient été totalement dépensés et que les 4 400 $ n’aient pas figuré parmi les dettes que vous avez jugé utile de rembourser. Néanmoins, la Cour se trouve dans une situation où tout indique que cet argent a été dépensé et, comme la Cour l’a indiqué, il y a eu différentes promesses de rembourser ces 4 425,98 $, même si aucun montant n’a encore été versé à ce jour.

 

[35]    Ayant accepté la demande conjointe, la Cour vous impose la peine suivante : une réprimande sévère et une amende de 8 000 $.

 

 

LE COLONEL K.S. CARTER, juge militaire

 

Avocats :

 

Capitaine J.J. Samson, procureur militaire de la région des Maritimes

Avocat de Sa Majesté la Reine

Major A. Appolloni, Direction - Services d’avocats de la Défense

Avocat de l’adjudant A.A. MacLellan

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