Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 30 novembre 2009

Endroit : BFC Gagetown, Édifice F-1, Oromocto (NB)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 101.1 LDN, a omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3.
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 118.1 LDN, ayant été dûment convoqué, ne comparaît pas devant un tribunal militaire.
•Chef d'accusation 3 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.
•Chefs d'accusation 4, 5 : Art. 101.1 LDN, a omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 3, 4, 5 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Une suspension d'instance.
•SENTENCE : Destitution du service de Sa Majesté.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Soldat J.D.A. Nicholson, 2009 CM 1015

 

Dossier : 200949

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

NOUVEAU‑ BRUNSWICK

BASE DES FORCES CANADIENNES GAGETOWN

 

Date : Le 30 novembre 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SOLDAT J.D.A. NICHOLSON

(contrevenant)

 

                                                                                                                                            

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]        Soldat Nicholson, après avoir accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard des chefs d’accusation 1, 3, 4 et 5, la Cour vous déclare coupable de ceux‑ci, et elle ordonne l’arrêt des procédures à l’égard du deuxième chef. Le troisième chef d’accusation est porté en vertu de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale (la Loi), pour absence sans permission, et les chefs 1, 4 et 5, en vertu de l’article 101.1, pour défaut de respecter une condition imposée par un officier réviseur sous le régime de la section 3 de la partie 3 de la Loi.

 

[2]        L’avocat de la poursuite et celui de la défense ont soumis des observations conjointes relativement à la peine, et ils recommandent à la Cour que le contrevenant soit destitué du service de Sa Majesté.

 


[3]        Je dois ajouter au sujet de cette recommandation qu’elle repose sur des observations extrêmement fouillées et détaillées. La Cour n’est pas liée par une recommandation conjointe en matière de peine, mais elle devrait l’accepter à moins qu’elle ne soit contraire à l’intérêt public ou qu’elle ne déconsidère l’administration de la justice, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

[4]        Il est reconnu depuis longtemps que l’existence d’une juridiction militaire distincte a pour but de permettre aux Forces armées de voir aux questions touchant directement la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. Les infractions mettant en cause une conduite comme celle du Soldat Nicholson influent sur la discipline, l’efficacité et le moral des troupes.

 

[5]        Cela dit, tout tribunal — civil ou militaire — qui détermine la peine applicable devrait toujours imposer la peine minimalement nécessaire qui est appropriée dans les circonstances. La peine recommandée en l’espèce répond à ces exigences.

 

[6]        Les buts et principes devant guider la détermination de la peine appropriée ont trait à l’un ou plusieurs des objets suivants :

 

premièrement, protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, punir et dénoncer le comportement illégal;

 

troisièmement, dissuader le délinquant et les tiers de commettre des infractions semblables;

 

quatrièmement, isoler au besoin les délinquants du reste de la société, y compris des autres membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

sixièmement, la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant;

 

septièmement, la peine prononcée doit être semblable à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

huitièmement, le tribunal doit, avant d’envisager la privation de liberté, examiner la possibilité de prononcer une ou plusieurs sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;  

 

enfin, le tribunal doit prendre en considération le cas échéant les circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant.

 


[7]        Je conviens avec les avocats qu’en l’espèce la protection du public exige une peine d’une portée dissuasive et dénonciatrice générale et qui doit également obéir au principe de la proportionnalité à la gravité des infractions et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

[8]        La poursuite a également invité la Cour à prendre en considération, sur le fondement du principe de parité, la peine imposée récemment dans le cas du soldat Billingsley, condamné à 21 jours d’emprisonnement et à la destitution à la suite d’incidents ayant un lien avec la présente affaire. Je suis en accord avec cette démarche.

 

[9]        Après avoir examiné les observations conjointes en tenant compte de tous les principes et buts susmentionnés, je les ai soupesées dans le contexte de la présente espèce tel que le révèlent le sommaire des circonstances et l’exposé conjoint des faits.

 

[10]      Voici en résumé les faits pertinents.

 

Le soldat Nicholson a été accusé de s’être absenté sans permission du 15 au 24 juin 2009, inclusivement.

 

Le lieutenant‑colonel Foster a lancé un mandat d’arrêt le 15 juin 2009, relativement à cette ASP.

 

Le 24 juin, l’intéressé a été arrêté en vertu du mandat susmentionné alors qu’il se trouvait dans un véhicule garé dans le stationnement de CANEX à la base des FAC de Gagetown; il a plus tard été mis en liberté par un agent réviseur, le major Rogers. La mise en liberté était assortie de conditions, dont celles de ne pas sortir du Nouveau‑Brunswick, de s’abstenir de communiquer avec le soldat Billingsley, de s’abstenir de consommer de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes, d’obéir aux instructions de personnes en autorité et d’observer l’ordre et la discipline.

 

La tenue d’un procès sommaire était prévue pour 30 juin 2009. Elle a été reportée au 2 juillet 2009 à 8 heures et devait avoir lieu dans le bureau du commandant à l’école de l’arme blindée de la base de Gagetown. Le soldat a été informé par la chaîne de commandement et par l’officier chargé de l’assister de la nouvelle date du procès.

 

Le jeudi 2 juillet 2009, le soldat Nicholson ne s’est pas présenté à son procès contrairement à l’ordre reçu, enfreignant ce faisant une des conditions de sa mise en liberté, imposée le 24 juin 2009 par l’agent réviseur en vertu de la section 3 du Code de discipline militaire. Cette désobéissance constituait un manquement à l’ordre et à la discipline. Un mandat d’arrêt de commandant a été lancé.

 


Le vendredi 3 juillet 2009, le soldat Nicholson a été arrêté à 4 heures à Halifax, en vertu du mandat d’arrêt. Il était en état d’ébriété avancé. Il avait été arrêté plus tôt par la police de la municipalité régionale d’Halifax pour ébriété dans un lieu public, et mis en cellule. Il avait consommé de l’alcool ce jour‑là. Il a été ramené à la base de Gagetown et placé en détention jusqu’à son procès sommaire, le lendemain matin. Il a été déclaré coupable et a été condamné à 25 jours de détention.

 

En outre, le soldat Nicholson n’était pas muni, pour les 2 et 3 juillet 2009, d’un titre de permission ou d’une autre autorisation lui permettant de s’absenter de son poste. Il devait se présenter le 2 juillet à 8 heures à l’école de l’arme blindée  pour son procès sommaire. Bien qu’il fût au courant des conditions de sa mise en liberté, les 2 et 3 juillet 2009, il était à Truro et à Halifax en train de consommer de l’alcool avec le soldat Billingsley.

 

Le soldat Nicholson a été absent sans permission le 2 juillet 2009, et cette absence s’est poursuivie jusqu’au lendemain. 

 

[11]      La preuve présentée à la Cour comprend également un exposé conjoint des faits déposé sous la cote 8, et la Cour considère tout à fait pertinents les éléments suivants de ce document :

 

Le 28 août 2009, le soldat Nicholson a fait défaut de comparaître devant la Cour provinciale d’Halifax, et il a été déclaré coupable, in abstencia, d’ébriété dans un lieu public et condamné à une amende de 188,50 $. Il a été déclaré coupable de la même infraction à Truro, en Nouvelle‑Écosse, au mois de février dernier.

 

Le 31 août 2009, il a été déclaré coupable par procédure sommaire de l’infraction de conduite avec capacité affaiblie prévue à l’alinéa 253(1)b) du Code criminel du Canada. Il a été condamné à une amende de 1 000 $ et a été sous le coup d’une interdiction de conduire pendant 12 mois.

 

Il appert du document que, de l’avis de la chaîne de commandement, le rendement du soldat Nicholson était insatisfaisant. Sa conduite pendant la durée de son affectation à l’école de l’arme blindée était déplorable et il était perçu comme un soldat de second ordre en raison de son incapacité à obéir aux ordres. 

 

Pendant toute sa courte carrière au sein des FAC, il a été un fardeau administratif pour l’unité, portant de ce fait préjudice à l’efficacité opérationnelle et à la confiance en la capacité du système de justice militaire de faire efficacement respecter la discipline. 

 


Le 12 novembre 2008, il a été retiré du programme d’instruction PP 1 - membre d’équipage de blindé pour s’être conduit de façon inacceptable, c’est‑à‑dire pour avoir menti à ses supérieurs.  

 

Le 9 juillet 2009, l’école de l’arme blindée a envoyé une recommandation de libération des Forces pour le motif prévu à l’alinéa 5d) (Ne peut être employé avantageusement), en raison de la mauvaise conduite et du piètre rendement du soldat Nicholson et parce qu’il avait reconnu avoir fait usage de drogues en juin 2009.

 

Le 21 août 2009, le commandant de l’école a remis au soldat Nicholson un avis d’intention de recommander la libération sous le régime de l’alinéa 5d) pour manquement aux conditions de la période de counselling et de probation, en raison d’abus continuels d’alcool et pour avoir été déclaré coupable de huit infractions à la Loi sur la défense nationale en 12 mois. Dans l’ensemble, il a constitué un fardeau administratif pour les Forces canadiennes.

 

Le 15 septembre 2009, le commandant de l’école a envoyé un nouvel avis d’intention de recommander la libération sous le régime de l’alinéa 5d), par suite de l’aggravation de la conduite du soldat Nicholson depuis la recommandation initiale de juillet 2009.

 

Au cours de l’année écoulée, le soldat Nicholson a fait l’objet d’une stricte supervision, qui a occupé la plus grande partie du temps de son superviseur. De plus, le soldat Nicholson a une influence négative sur la conduite des autres membres de l’unité. Son comportement a fait augmenter les problèmes de discipline et de moral dans l’unité.

 

L’unité du soldat Nicholson a pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter son traitement médical et lui a même donné accès à du counselling en matière de toxicomanie.

 

Par l’intermédiaire de son avocat, il a informé la poursuite de son intention de plaider coupable aux chefs d’accusation 1, 3, 4, et 5 le 5 novembre 2009.

 

[12]Voici un bref exposé des éléments ou facteurs que j’ai jugé aggravants en l’espèce :

 


En premier lieu, il y a la gravité de ces infractions dans le contexte de la justice militaire. Comme mon collègue le juge militaire d’Auteuil, je suis d’avis que l’absence sans permission est un manquement capital à la discipline militaire. Bien que cette infraction ne soit pas des plus graves, objectivement, son contexte et ses circonstances en font une infraction très grave subjectivement. Pour ce qui est de l’infraction prévue à l’article 101.1 de la Loi sur la défense nationale, le défaut de respecter une condition imposée lors de la révision de la garde avant procès, non seulement démontre‑t‑elle un manque de discipline et d’obéissance militaires, mais elle témoigne d’un mépris évident pour la règle de droit et le processus judiciaire.

 

Le deuxième facteur aggravant en ordre d’importance est le manque absolu de respect à l’égard des principes fondamentaux de la discipline militaire qui se dégage du sommaire des circonstances et de l’exposé conjoint des faits. Le service militaire est volontaire dans notre pays. Votre conduite démontre clairement que vous ne vouliez pas assumer les responsabilités que vous vous étiez imposées.

 

Le troisième facteur aggravant réside dans votre fiche de conduite bien remplie qui prouve à l’envi que vous ne voulez tout simplement pas accepter les principes fondamentaux de la discipline militaire. En dépit de sa brièveté, votre séjour de deux dans les Forces canadiennes a généré d’innombrables problèmes disciplinaires et administratifs sans indication d’amélioration, en dépit d’importantes périodes de détention. Vous n’apprenez pas de vos erreurs.

 

[13]Exception faite de votre plaidoyer de culpabilité et de votre jeune âge, il n’existe pas de facteur atténuant significatif dans votre cas. Votre avocat a signalé que la condamnation à la destitution emporte une inscription au certificat de libération. Il a raison. 

 

[14]La destitution est une peine très lourde. Comme l’a indiqué votre avocat, l’état de service de la personne condamnée à la destitution porte en outre la mention « Libéré pour inconduite » conformément au numéro 1a) du tableau complétant l’article 15.01 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Ça ne constitue certainement pas un bon départ pour un jeune homme de dix‑neuf ans qui s’apprête à embrasser une nouvelle carrière dans la vie civile, sans même un diplôme d’éducation secondaire. 

 

[15]Ce n’est pas là la seule conséquence de la destitution; elle influe aussi sur les prestations à la libération. Par exemple, le contrevenant destitué n’a pas droit à l’indemnité de départ, ce qui n’est pas négligeable lorsque son taux de rémunération avoisine les 46 000 $ par année. En outre, il n’a pas droit aux indemnités de réinstallation.

 


[16]Il est évident que vous n’avez écouté personne au cours de votre séjour dans les Forces canadiennes. Je me demande pourquoi vous vous êtes enrôlé dans les Forces si vous n’aviez pas l’intention d’en devenir un bon élément. Vous venez de faire une croix sur une profession stimulante et bien rémunérée et un réseau de gens de premier ordre. Je serais curieux de savoir combien de personnes ayant dix ans de scolarité gagnent 46 000 $ par année au Canada. Votre carrière militaire est sur le point de se terminer mais votre vie commence. Vous vous trouvez à un carrefour, et vous seul pouvez décider ce que vous voulez faire de votre vie. Jusqu’ici, je n’aime pas ce que je vois, et j’espère sincèrement que vous deviendrez un jeune adulte responsable et que vous chercherez à obtenir l’aide dont vous avez besoin mais, en bout de ligne, cela ne regarde que vous .

 

[17]Soldat Nicholson, la Cour vous condamne à la destitution du service de Sa Majesté.

 

[18]L’instance devant la présente cour martiale à l’égard du soldat Nicholson est terminée.

 

 

 

                                                                                           COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

AVOCATS

 

Le major J.J. Samson, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Le capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du soldat J.D.A. Nicholson

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