Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 1 septembre 2010

Endroit : BFC Petawawa, Édifice L-106, Petawawa (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Halstead, 2010 CM 3018

 

Date :  20100901

Dossier : 201030

 

Cour martiale permanente

 

Base des forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef L.M. Halstead, Contrevenant

 

 

En présence du Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Caporal-chef Halstead, la cour, après avoir accepté et enregistré l’aveu de culpabilité à l’égard du premier chef d’accusation, vous déclare maintenant coupable relativement à cette accusation.

 

[2]               Il est à présent de mon devoir, en tant que juge militaire présidant la présente cour martiale, de fixer la sentence.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline dans les Forces canadiennes, la discipline représentant une dimension essentielle de l’activité militaire. Le but de ce système est de prévenir l’inconduite ou, de façon plus positive, de favoriser la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, de manière fiable et confiante. Le système veille aussi au maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               Il est reconnu depuis longtemps que la raison d’être d’un système de justice ou d’un tribunal militaire distinct est de permettre aux forces armées de régler les affaires qui portent sur le respect du code de discipline militaire et sur le maintien du moral et du rendement au sein des Forces canadiennes. Cela dit, la peine infligée par tout tribunal, qu’il soit militaire ou civil, doit constituer la peine la moins sévère qui est adaptée aux circonstances particulières de l’affaire. Ce principe est directement lié au devoir qui incombe à la cour en vertu de l'alinéa 112.48(2)b) des ORFC de « prononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant ».

 

[5]               En l’espèce, le poursuivant et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine devant être infligée par la cour. Ils ont recommandé que la présente cour vous condamne à payer une amende de 2 000 $ afin de répondre aux exigences de la justice. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s’écarter de la recommandation conjointe que lorsqu’il a des raisons convaincantes de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine n’est pas adéquate, qu’elle est déraisonnable, qu’elle va à l’encontre de l’intérêt public ou qu’elle a pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice.

 

[6]               La cour a examiné la recommandation conjointe en fonction des faits pertinents décrits dans le sommaire des circonstances, de l'importance de ces faits, ainsi que des principes applicables en matière de détermination de la peine, notamment ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines établi dans la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants :

 

 

a.       Premièrement, la protection du public, y compris les Forces canadiennes;

 

b.      Deuxièmement, la punition du délinquant;

 

c.       Troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement sur le délinquant, mais sur quiconque serait tenté de commettre des infractions semblables;

 

d.      Quatrièmement, la réinsertion sociale du délinquant et son retour à une conduite meilleure;

 

e.       Cinquièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant;

 

f.       Sixièmement, la peine prononcée doit être semblable à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

 

[7]               La cour a aussi pris en considération les observations et les pièces présentées par les avocats. Je tiens à souligner qu’il faut en effet veiller à protéger le public en infligeant une peine permettant de satisfaire aux principes de dénonciation et de dissuasion. Il est important de préciser que l’effet dissuasif général vise à faire en sorte que la peine infligée dissuade non seulement le contrevenant de récidiver, mais aussi toute autre personne qui, se trouvant dans une situation analogue, serait tentée de se livrer aux mêmes actes illicites. J’estime qu’il faut également prendre en considération la question de la réinsertion.

 

[8]               Dans la présente affaire, on vous reproche une infraction militaire spécifique, à savoir d’avoir contrevenu au bon ordre et à la discipline en ayant en votre possession, sans excuse légitime, plusieurs munitions à blanc et munitions réelles, ainsi que différents types de grenades, de simulateurs, soit, essentiellement, des dispositifs pyrotechniques. Cette infraction met en cause les principes reconnus dans les Forces canadiennes tels que l’obéissance et l’appui aux autorités légitimes ainsi que les obligations éthiques envers les Forces canadiennes que sont l’intégrité et la responsabilité. Le fait que vous n’avez pas respecté les consignes en ce qui concerne les munitions et les dispositifs pyrotechniques ajoute à la gravité de l’infraction. Cependant, la cour ne prononcera que ce qu’elle estime être la peine minimale nécessaire eu égard aux circonstances.

 

[9]               Pour arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a pris en compte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes.

 

[10]           La cour considère la gravité objective de l’infraction comme un facteur aggravant. L’infraction dont vous avez été accusé est prévue au paragraphe 129(1) de la Loi sur la défense nationale et elle est passible au maximum de la peine de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

[11]           Relativement à la gravité subjective de l’infraction, la cour considère trois éléments comme facteurs aggravants :

 

a.       Premièrement, le danger que représentent les munitions, la quantité de munitions et le type de munitions que vous aviez dans votre maison. Bref,    – puisque j’ai déjà été saisie de telles affaires – même lorsqu’une personne ne conserve dans sa maison que quelques munitions à blanc, elle se fait tout de même accuser de possession, ce qui est une bonne chose. Cependant, la quantité de munitions constitue un facteur aggravant important. Vous en aviez beaucoup, ce qui est très inhabituel; cette quantité était trop substantielle pour être considérée comme un souvenir que vous gardiez dans votre maison.

 

b.      Deuxièmement, le type de munitions. Les grenades, les simulateurs ou les mines éclairantes contiennent des substances qui sont très dangereuses, ce qui m’amène à traiter du deuxième facteur aggravant dont je tiens compte, soit l’endroit où entreposer tous ces objets. À titre de soldat, vous savez à quel point c’est dangereux. Vous avez appris à manipuler ces munitions et ces dispositifs pyrotechniques d’une manière appropriée. Vous avez apporté ces objets dans votre maison. Vous savez que dans les Forces canadiennes, nous conservons ces objets dans un endroit spécial pour des raisons de sécurité et parce que nous ne voulons que personne n’y ait accès ou ne puisse les utiliser à des fins personnelles. Vous les avez emmenés dans votre maison. Je comprends donc que vous aviez probablement accès à ces munitions, ce qui signifie également que d’autres pouvaient y avoir accès, et les autres personnes qui entraient chez vous, n’ayant aucune idée de la façon de manipuler de tels articles, s’exposaient à des risques de blessures ou autre. Et je suis convaincu que vous ne vouliez pas blesser personne, mais vous ne réalisiez pas le degré de dangerosité pour un tiers non-initié qui aurait manipulé de tels objets. J’estime qu’il s’agit d’un autre facteur aggravant important.

 

c.       Troisièmement, votre grade. En tant que caporal-chef, vous auriez dû être mieux avisé. Vous savez que le titre de caporal-chef n’est pas un grade, il s’agit d’une nomination. Je pense que vous êtes bien au courant de cela. Et si vous avez été nommé, c’est que vous étiez celui, parmi tous les caporaux de votre unité, qui avait les habiletés en matière de leadership. Vous avez été mis en charge, ou vous aidiez les superviseurs la plupart du temps dans votre groupe professionnel. Alors, en raison de vos habiletés en matière de leadership et en matière décisionnelle, vous avez été nommé caporal-chef. Il est difficile pour la cour de comprendre que, compte tenu de votre grade, vous aviez tous ces objets dans votre maison. À un certain moment, vous auriez dû décider de rapporter tous ces objets puisque vous saviez à quel point il pouvait être dangereux pour vous-même et pour les autres de les conserver chez vous. En somme, pour quelqu’un de votre grade, il s’agit d’un important manque de jugement. Vous avez complètement échoué à ce pour quoi vous avez été formé comme chef militaire dans les Forces canadiennes : prendre de bonnes et sages décisions dans le but d’accomplir une mission.

 

[12]           La cour considère les facteurs suivants comme des circonstances atténuantes :

 

a.       Vu les faits présentés en l’espèce, la cour estime que votre plaidoyer de culpabilité traduit de véritables remords et votre désir sincère de demeurer un atout pour la collectivité canadienne et les Forces canadiennes. Ce plaidoyer témoigne du fait que vous assumez la pleine responsabilité de vos actes. Encore plus important encore, dès qu’on vous a confronté, ou qu’on vous a dit que vous ne pouviez avoir ces objets dans votre maison, que ces objets ont été saisis et que vous avez été tenu de vous justifier, vous avez décidé d’avouer votre crime et vous avez collaboré librement. Le fait que vous avez avoué votre crime constitue un autre facteur atténuant. Votre entière collaboration illustre bien le fait que vous assumez votre plaidoyer de culpabilité. Vous avez pris le temps, à ce moment, ou vous avez jugé avoir peut-être échoué, mais également avoir commis un acte répréhensible et, à titre de chef, il est bon de reconnaître ce que vous avez fait de bien, mais aussi ce que vous avez fait de mal.

 

b.      Votre âge et vos possibilités de carrière militaire comme membre des Forces canadiennes. Si je ne me trompe pas vous avez à 27 ans, donc il vous reste de nombreuses années pour contribuer positivement aux Forces canadiennes et à la société en général.

 

c.       Le fait que votre fiche de conduite était vierge relativement à des infractions similaires. Bien que vous ayez une fiche de conduite, ce qui y est inscrit n’avait aucun lien, comme l’a mentionné votre avocat, avec les faits ou le type d’infraction dont vous êtes accusé aujourd’hui.

 

d.      Le fait que vous avez dû subir le présent procès en cour martiale. Ce procès a déjà exercé un effet de dissuasion sur vous aussi bien que sur d’autres. Je sais que vous êtes venu ici par voie spéciale, vous avez pris la décision de procéder par voie de procédure sommaire. Or, en raison de la présente affaire, soit l’hypothèse fondée sur la Charte soulevée dans le cadre de la procédure sommaire, votre commandant a pris la décision de renvoyer l’affaire à une cour martiale qui serait disposée et dans une meilleure position pour trancher cette affaire. De plus, si je comprends bien d’après ce que les avocats m’ont dit, tant ceux de la poursuite que ceux de la défense, c’est quelque chose que vous envisagiez très récemment, vous avez pris votre décision et vous avez changé d’idée. Cependant, cela signifie que, comme vous le savez peut-être, c’est une affaire à l’égard de laquelle la cour martiale est mieux outillée qu’un commandant et c’est la raison pour laquelle nous sommes saisis de cette affaire. De surcroît, comme l’a expliqué le procureur, lorsque l’accusation a été présentée par la poursuite, la poursuite a dû composer avec la question du délai. Bref, un an après la commission de l’infraction présumée, il est impossible de retourner l’affaire en procédure sommaire; vous devez donc être jugé devant la présente cour martiale, qui est ouverte au public. Vous avez probablement certains collègues assis derrière vous, ce qui a un effet dissuasif sur eux, et donc probablement sur d’autres qui seraient tentés de faire la même chose.

 

 

e.       Le fait qu’il s’agit d’un incident isolé. Si je comprends bien d’après les circonstances, vous avez apporté tous ces objets d’un seul coup dans votre maison. Il ne s’agit pas d’objets que vous conserviez de temps à autre; la plupart des objets ont été apportés dans votre maison suivant un incident médical sur le terrain. Vous avez pris la décision de ne pas retourner les objets, ce qui n’était pas une bonne décision, mais il s’agit tout de même d’un incident isolé dans le sens que ce n’est pas un comportement que vous avez répété à 20 reprises.

 

f.       Comme dernier facteur aggravant, les mesures administratives prises par votre chaîne de commandement. Le fait que vous avez été retiré de la liste de déploiement et qu’on vous a pratiquement suspendu des cours de qualification n’est pas, en soi, une sentence. Toutefois, la cour doit considérer ceci comme un facteur atténuant puisque cet événement pourrait avoir un effet dissuasif sur vous, mais également sur d’autres. La cour considère donc ceci comme une circonstance atténuante.

 

[10]      En conséquence, la cour fera droit à la recommandation conjointe des avocats de vous condamner à une amende, considérant que cette peine n'est pas contraire à l'intérêt public et qu’elle ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice. En ce qui concerne le montant de l’amende, qui est de 2 000 $, la cour considère que ce montant suggéré par les deux avocats satisfait aux principes et objectifs de la détermination de la peine, comme la parité des peines, la réprobation de la société ainsi que le maintien de la discipline et de la confiance dans l’administration de la justice militaire.

 

[11]      Caporal-chef Halstead, il vous reste de nombreuses années au sein des Forces canadiennes et j’espère que vous tirerez des leçons de cet incident. L’une des choses que nous disions à propos des chefs, est que tout chef doit donner l’exemple. Par conséquent, à compter d’aujourd’hui, je souhaite que vous réfléchissiez avant de commettre un acte similaire compte tenu de votre nomination et de vos réalisations à titre de chef au sein des Forces canadiennes. Vous serez en mesure maintenant de mettre cette affaire derrière vous et de poursuivre votre carrière dans les Forces canadiennes.

 

[12]      Caporal-chef Halstead, veuillez vous lever. Caporal-chef Halstead, la cour vous condamne à une amende d’un montant de 2 000 $. L’amende devra être payée en versements mensuels de 200 $ à compter d’aujourd’hui, le 1er septembre 2010, et par la suite pour les neuf prochains mois. Si, pour quelque raison que ce soit, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant que l’amende ne soit entièrement acquittée, le montant impayé deviendrait exigible le jour précédant votre libération.

 

            L’instance devant la présente cour martiale permanente à l’égard du Caporal‑chef Halstead est terminée.


 

Avocats :

 

Capitaine Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine Collins/Lieutenant(N) Létourneau, Direction du Service des avocats de la défense

Avocats du Caporal-chef Halstead

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