Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 5 juillet 2010

Endroit : Centre Asticou, pièce 2601, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusations 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence :  R. c. Bakker, 2010 CM 3015

 

                                                                                                                 Date :  20100705

                                                                                                                Dossier :  201021

 

                                                                                                    Cour martiale permanente

 

                                                                        Salle d’audience du centre d’Asticou

                                                                                                  Gatineau (Québec) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sous-lieutenant D.H. Bakker, contrevenant

 

 

Devant :  Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.

 


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Sous-lieutenant Bakker, la cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard des premier et deuxième chefs d’accusation figurant dans l’acte d’accusation et vous déclare maintenant coupable de ces deux accusations.

 

[2]               Il est de mon devoir à titre de juge militaire présidant cette cour martiale permanente de fixer la sentence.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour assurer le respect de la discipline, une composante essentielle de l’activité militaire, dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de favoriser la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès en toute confiance et fiabilité. Le système veille aussi au maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               Il est reconnu depuis longtemps que l’existence d’un système de justice militaire distinct a pour but de permettre aux forces armées de régler les questions touchant le respect du Code de discipline militaire, ainsi que le maintien de l’efficacité et du moral des troupes. Cela dit, la peine infligée par tout tribunal, qu’il soit militaire ou civil, doit être la peine la moins sévère selon les circonstances particulières de l’affaire. Ce principe est directement lié au devoir qui incombe à la cour en vertu de l’alinéa 112.48(2)b) des ORFC de « prononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant ». 

 

[5]               En l’espèce, le poursuivant et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine devant être infligée par la cour. Ils ont recommandé que la présente cour vous inflige un blâme et vous impose une amende de 2 000 $ afin de satisfaire aux exigences de la justice.

 

[6]               Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu qu’elle ne devrait s’en écarter que lorsqu’elle a des raisons convaincantes de le faire, notamment parce qu’elle n’est pas adéquate, qu’elle est déraisonnable, qu’elle aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public.

 

[7]               La cour a examiné la recommandation conjointe à la lumière des faits pertinents énoncés dans le sommaire des circonstances et de leur importance. La cour s’est aussi penchée sur cette recommandation en ayant à l’esprit les principes applicables en matière de détermination de la peine, dont ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ces principes ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévu par la Loi sur la défense nationale. Ces principes sont les suivants :

 

Premièrement, la protection du public, y compris les Forces canadiennes;

 

Deuxièmement, la punition du contrevenant;

 

Troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais pour quiconque serait tenté de commettre de telles infractions;

 

Quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant;

 

Cinquièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant;

 

Sixièmement, la peine prononcée doit être semblable à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. 

 

La cour a aussi pris en considération les observations et les pièces présentées par les avocats, y compris l’exposé conjoint des faits et le témoignage du contrevenant. 

 

[8]               Je dois dire que je conviens de la nécessité de protéger le public par l’infliction d’une peine qui met l’accent sur les principes de réprobation et d’effet dissuasif. Il est important de préciser que le principe de la réprobation de la société vise à faire en sorte que la peine infligée, en plus de dissuader le contrevenant de récidiver, dissuade également toute autre personne qui, se trouvant dans une situation analogue, serait tentée pour quelque raison que ce soit d’adopter la même conduite illicite.  

 

[9]               Dans la présente affaire, la cour doit se pencher sur deux infractions liées à l’absence non autorisée du sous-lieutenant Bakker de son lieu de service. Il ne s’agit pas d’infractions graves en soi, au sens de la Loi sur la défense nationale. En fait, elles peuvent être considérées comme des infractions mineures si elles correspondent aux critères décrits au paragraphe 108.17(1) des ORFC. Cependant, il s’agit d’infractions purement militaires qui relèvent de la discipline militaire et la cour imposera ce qu’elle considère comme étant la peine minimale nécessaire dans les circonstances.

 

[10]           Pour fixer la peine qu’elle estime juste et appropriée, la cour a tenu compte des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes suivantes :

 

a.                   La cour considère la gravité objective de l’infraction comme un facteur aggravant. Vous avez été accusé, aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, de vous être absenté sans permission. Cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de deux ans ou d’une punition moindre.

 

b.                  En ce qui a trait à la gravité subjective de l’infraction, la cour considère trois éléments : 

 

                                                  i.                  D’un point de vue subjectif, le premier facteur aggravant est le manque de loyauté, d’intégrité et de jugement dont vous avez fait preuve en commettant ces deux infractions. Vous avez une grande expérience autant au sein de la Force de réserve que de la Force régulière des Forces canadiennes. Comme vous étiez un MR, vous avez probablement occupé des postes de commande.

 

Vous savez bien ce qu’est le leadership et quels sont les principes tels que la loyauté, l’intégrité et le jugement. Votre grade d’officier — je sais que ce n’est pas un grade d’officier supérieur — mais vous êtes un officier et j’estime qu’il s’agit d’un facteur important. Votre âge, vous venez juste d’avoir 37 ans, indique que vous avez une certaine maturité. Vous saviez que ce type de comportement était répréhensible, j’en suis certain. Certains principes guident les membres des Forces canadiennes; par exemple, « Servir le Canada avant soi-même » et « Obéir et appuyer l’autorité légale ». Je pense que, pendant un court moment, vous avez oublié ces deux principes. Vous en avez expliqué la raison, mais vous les avez oubliés. Au fond, je comprends que dans le PFOEP, il y a une certaine confusion à propos de la façon de participer au programme, mais peu importe, vous avez pris la décision de ne pas aviser votre chaîne de commandement et d’annuler votre admission au programme vous permettant d’étudier à temps plein. Et, selon moi, c’est le point de départ et c’est fondé sur ce que vous avez dit pendant votre témoignage.  Ce programme, si je comprends bien, vise à combler une pénurie dans certains groupes professionnels des Forces canadiennes. Alors, comme l’a expliqué votre avocat, l’objectif principal est de combler les postes du groupe professionnel. Le but principal est de recevoir la formation, mais je comprends également que dans votre groupe professionnel, il y a quelques difficultés au niveau de la formation. Alors, il y a une longue période de temps pendant laquelle vous êtes toujours un officier inexercé et, pour cette raison, vous avez donné la priorité au deuxième objectif du programme, soit l’éducation des officiers. La formation et l’éducation sont deux choses différentes et il s’agit d’un facteur aggravant dans le sens où vous n’avez pas tout à fait saisi la nature de ce programme. Maintenant que vous vous trouvez dans cette salle d’audience, je pense que vous comprenez que la formation était votre premier objectif et l’éducation le deuxième, mais que vous avez considéré l’éducation comme étant le premier objectif.

 

                                                ii.                  Le deuxième facteur aggravant est la durée de l’absence; peu importe ce qui se passe, être absent de votre lieu de service pendant 3 mois et demi la première fois et plus d’un mois la deuxième fois, jusqu'à ce que vous soyez rappelé, est clairement une longue absence.

 

                                              iii.                  Le troisième et dernier facteur que la cour juge aggravant est ce que nous appelons la « préméditation ». C’est l’aspect répétitif. Il est possible de s’absenter une fois, et cela peut se passer très rapidement, mais au cous du deuxième été, vous vous êtes absenté à nouveau sans aviser personne. Alors, la chaîne de commandement a seulement supposé que vous aviez la permission de vous absenter. Votre absence implique qu’il y a eu une certaine planification afin d’atteindre votre objectif, c’est-à-dire votre éducation, terminer votre programme.

 

            Selon moi, ce sont les trois principaux facteurs aggravants.

 

[11]           Il y a aussi des facteurs atténuants :

a.                   Premièrement, il y a votre plaidoyer de culpabilité.  Vu les faits présentés en l’espèce, la cour estime que votre plaidoyer de culpabilité traduit un véritable remord et votre désir sincère de demeurer un atout pour la collectivité canadienne. Il y a aussi le fait que vous assumez l’entière responsabilité de vos actes. De ce que je comprends, vous avez été très coopératif après que la chaîne de commandement ait découvert le problème, ce qui revient à dire que vous assumez l’entière responsabilité de vos actes et vous devez vous voir attribuer le mérite.

 

b.                  J’ai considéré votre âge et votre expérience comme un facteur aggravant, mais il s’agit aussi d’un facteur atténuant. Comme vous aviez une belle carrière jusqu’à maintenant au sein des Forces canadiennes, je pense que votre âge et votre expérience constituent un facteur atténuant. Vous comprenez bien ce que vous avez fait et vous pouvez changer votre attitude dès maintenant. Et, je ne crois pas que vous referez la même erreur. En ce sens-là, il me semble clair qu’il s’agit d’un facteur atténuant.

 

c.                   Comme vous n’avez pas de fiche de conduite, rien n’indique que vous avez déjà commis une infraction, militaire ou criminelle, semblable. Le fait que vous n’ayez pas de fiche de conduite est donc un facteur atténuant.

 

d.                  Il y a aussi le fait que vous ayez dû subir le présent procès en cour martiale. Selon moi, vous avez exprimé cela dans votre témoignage lorsque vous avez affirmé que ce n’était pas les premières accusations, c’est-à-dire qu’il y a probablement eu des négociations et que la poursuite a adopté une certaine position, mais qu’elle a fini par changer sa position et décider de vous faire subir le procès. Il s’agit donc d’un facteur atténuant. Je suis certain que cela a déjà eu un effet dissuasif sur vous, mais aussi sur d’autres.

 

e.                   L’absence de répercussions sur votre lieu de service. Selon la preuve, votre absence prolongée semble n’avoir eu aucune conséquence. Je n’ai pas entendu de preuve selon laquelle votre absence prolongée a eu une incidence. Je n’ai rien à inférer. Je ne dispose d’aucun élément de preuve me permettant d’inférer que votre absence a imposé un fardeau additionnel sur vos collègues qui se trouvaient à votre lieu de service. En réalité, la chaîne de commandement a acquiescé d’une certaine façon à votre absence même si ce n’est que parce qu’elle a considéré le fait que votre absence du lieu de service n’aurait pas vraiment de conséquences sur la charge de travail. Donc, en ce sens, je peux supposer que votre absence n’a eu aucune incidence réelle sur le travail à faire.

 

f.                   Selon moi, votre situation familiale au moment de l’infraction est aussi un facteur atténuant. J’estime qu’il faut tenir compte de ce contexte pour bien comprendre ce qui est arrivé, mais également pour être en mesure d’imposer une peine appropriée.

 

[12]           La cour rappelle que le blâme doit être considéré comme une peine sévère dans le contexte militaire.  Il est plus sévère dans l’échelle des peines que l’amende, indépendamment du montant de celle-ci. Le blâme montre qu’il existe des raisons de douter de l’engagement de la personne concernée lors de l’infraction et tient compte de la gravité de celle-ci, mais signifie également qu’il est permis d’espérer la réinsertion. 

 

[13]           De plus, si la cour accepte la recommandation de l’avocat, cette peine demeurera sur votre fiche de conduite à moins que vous demandiez pardon pour votre dossier criminel. Dans les faits, votre condamnation entraînera une conséquence qui est souvent ignorée, c’est-à-dire que vous avez désormais un dossier criminel et ce n’est pas peu dire.

 

[14]           Je tiens à préciser une chose, ce n’est qu’un commentaire que j’aimerais faire avant de terminer et d’exposer ma conclusion dans ma décision.  Il s’agit d’une absence sans permission inhabituelle en ce sens que je comprends tout à fait ce que vous tentiez d’accomplir. Il y avait certains problèmes dans votre famille et vous vouliez aussi vous acquitter de votre obligation d’obtenir un diplôme le plus rapidement possible et vous aviez le temps de le faire.  La manière d’y arriver n’était pas nécessairement appropriée dans les circonstances en raison de toutes sortes de règlements et de la façon dont les Forces canadiennes gèrent ce genre de programme. J’espère que les Forces canadiennes examineront sérieusement leur programme, leur façon de le gérer, afin d’éviter une situation comme celle-ci quand une personne a des raisons valables pour essayer de faire quelque chose qui est imposé par le programme.  Vous deviez obtenir un diplôme et vous aviez 12 ans pour y arriver. Vous avez toutefois décidé de le faire le plus rapidement possible, mais vous l’avez fait de la mauvaise façon. Je suis certain de ne pas revoir dans une cour martiale ou un autre tribunal et j’espère que vous allez trouver votre place dans le bon groupe professionnel.

 

[15]           Par conséquent, la cour souscrit à la recommandation conjointe des avocats de vous infliger un blâme et de vous imposer une amende de 2 000 $, étant donné qu’une telle sentence n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne risque pas de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[16]           Sous-lieutenant Bakker, veuillez vous lever. La cour vous adresse un blâme et vous impose une amende de 2 000 $. L’amende devra être payée en versements mensuels de 200 $, qui débuteront le 1er août 2010 et se poursuivront les neuf mois suivants.


Avocats :

 

Capitaine E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major E. Charland, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du sous-lieutenant D.H. Bakker

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