Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 9 janvier 2012

Endroit : BFC Suffield, Centre d'entraînement de la base, Édifice 94, avenue Pachino, Medicine Hat (AB)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2, 3, 4 : Art. 130 LDN, braquer une arme à feu (art. 87 C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 4 : Coupable. Chef d'accusation 3 : Non Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Pinnegar, 2012 CM 2001

 

Date :  20120112

Dossier :  201131

 

Cour martiale générale

 

Base des Forces canadiennes Suffield

Medicine Hat (Alberta), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal‑chef J.G. Pinnegar, contrevenant

 

 

En présence du Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Caporal‑chef Pinnegar, vous avez été déclaré coupable, contrairement à vos plaidoyers, à l’égard de trois chefs d’accusation pour avoir braqué une arme à feu, en contravention de l’article 87 du Code criminel, qui est une infraction d’ordre militaire en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale

 

[2]               Il m’incombe maintenant de déterminer et de prononcer la peine à vous infliger.  Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de détermination de la peine qu’appliquent les tribunaux ordinaires de juridiction criminelle du Canada ainsi que les cours martiales. J’ai également pris en compte les faits de l’espèce, tels qu’ils ont été révélés par la preuve présentée devant le comité de la présente cour martiale et à l’étape de l’examen des circonstances atténuantes ainsi que les plaidoiries de la poursuite et de la défense.

[3]               Les principes de détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de fixer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction, à l’attitude blâmable et au degré de responsabilité de son auteur ainsi qu’à sa moralité. La cour prend en compte les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que le sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, tant les circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus sévère que les circonstances atténuantes susceptibles de justifier une peine moins sévère.

 

[4]               Les buts et les objectifs de la détermination de la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En règle générale, ils concernent la nécessité de protéger la société, y compris, bien entendu, les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéir si nécessaire à l’efficacité d’une force armée.

 

[5]               Ces buts et ces objectifs comprennent aussi la dissuasion individuelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et la dissuasion générale, pour éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet d’assurer la réinsertion sociale du contrevenant, de promouvoir son sens des responsabilités, ce que je considère particulièrement important en l’espèce, ainsi que de dénoncer les comportements illégaux. Il est normal qu’au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres, mais il importe de les prendre tous en compte; une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[6]               L’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines qu’une cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de la loi qui crée l’infraction et prévoit une sanction maximale. Un contrevenant fait l’objet d’une seule sentence, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut prévoir plusieurs peines. Un principe important veut que la cour inflige la peine la moins sévère permettant de maintenir la discipline.

 

[7]               Pour déterminer la peine en l’espèce, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes sur l’accusé des déclarations de culpabilité et de la sentence que je m’apprête à prononcer. 

 

[8]               Les faits à l’origine des infractions ont été établis en preuve, à la satisfaction du comité de la présente cour martiale générale et n’étaient pas vraiment contestés au procès. Le contrevenant, un policier militaire, a braqué son pistolet d’ordonnance, un Sig Sauer, sur deux membres de l’Armée britannique, ici à la BFC Suffield, où s’entraîne régulièrement un contingent des Forces britanniques. Les soldats britanniques en question étaient également des membres de la police militaire. À deux reprises, le pointage de l’arme a eu lieu dans le bureau du détachement utilisé conjointement par les policiers militaires canadiens et britanniques et une dernière fois au mess lors d’une activité sociale. La première fois, le policier militaire britannique a vu que l’arme était nettoyée et savait apparemment qu’elle n’était pas chargée lorsqu’elle a été braquée sur lui. Les deux policiers militaires britanniques n’étaient pas au courant de l’état de l’arme les deux autres fois.

 

[9]               Il n’y avait aucun climat d’hostilité entre les parties à aucune de ces occasions et les policiers militaires britanniques semblaient avoir considéré les événements comme une blague, mais j’ai l’impression qu’ils ont également estimé que cette conduite manquait de professionnalisme.

 

[10]           Compte tenu de ces faits, la poursuite fait valoir qu’une détention de 15 jours constitue la peine appropriée en l’espèce et demande une ordonnance d’interdiction de possession d’armes en vertu de l’article 147 de la Loi sur la défense nationale pour une période de trois ans.

 

[11]           L’avocat du Caporal‑chef Pinnegar plaide, au cas où une peine de détention serait infligée, en faveur d’un sursis, et fait valoir qu’une réprimande et une amende constitueraient une peine appropriée en l’espèce.

 

[12]           Le contrevenant a servi dans les Forces canadiennes pendant onze ans, comme artilleur et plus récemment comme policier militaire. Il n’a pas d’antécédents criminels ou disciplinaires. À l’exception des infractions en cause, il a fait preuve d’un comportement irréprochable, comme l’attestent plusieurs lettres de soutien de gens qui le connaissent bien.

 

[13]           Avant qu’il effectue une mission en Afghanistan, l’évaluation de son rendement était très positive, mais à la suite de l’expérience vécue pendant la mission, ses compétences de soldat ne répondent pas actuellement aux objectifs qu’il s’est fixés.

 

[14]           J’accepte le témoignage du contrevenant lors de la procédure relative à la détermination de la peine selon lequel il n’avait aucun souvenir des événements qui ont donné lieu à ces accusations. En fait, il appert de l’ensemble de la preuve qu’il ne pouvait tout simplement croire qu’il s’était conduit de cette manière que lorsqu’il a été confronté aux dépositions des témoins au procès. Il admet maintenant la véracité des faits présentés et il est très déçu de sa conduite telle qu’elle a été déclarée par les témoins.

 

[15]           La cour aurait pu avoir de la difficulté à accepter le témoignage du contrevenant sur ces points, jusqu’à ce qu’elle entende le témoignage de Mme Rodberg, psychologue autorisée à exercer ses activités professionnelles ici en Alberta. J’accepte la preuve d’expert de Mme Rodberg. D’après son diagnostic, le contrevenant souffre d’un syndrome de stress post‑traumatique grave (SSPT) par suite de son service en Afghanistan dans le cadre d’une mission de huit mois qui a pris fin en mars 2008.

 

[16]           Mme Rodberg savait que le contrevenant n’avait aucun souvenir des événements ayant donné suite aux accusations à son égard et, selon ce que je comprends, la perte de mémoire peut être due au SSPT grave ou à ce qu’elle a appelé un trouble dissociatif qui nécessite un examen approfondi. Quoi qu’il en soit, Mme Rodberg ne semblait pas mettre en doute la validité de la prétention concernant la perte de mémoire et je suis convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, que la perte de mémoire invoquée par le contrevenant est authentique.

 

[17]           Par contre, selon les témoignages que j’ai entendus, il n’existe tout simplement pas d’explication raisonnable justifiant la conduite du contrevenant. Je ne vois aucune relation de cause à effet entre l’état mental du contrevenant et son comportement lors des incidents en question.

 

[18]           Je suis également convaincu qu’il n’est pas nécessaire que la cour accorde beaucoup de poids à la question de la dissuasion individuelle ou spécifique. En tant que policier militaire entraîné et consciencieux, le Caporal‑chef Pinnegar sait maintenant tout comme il le savait lors de la perpétration des infractions qu’il s’agit d’un comportement grave, non professionnel et d’une conduite criminelle. 

 

[19]           Je suis convaincu qu’il est tout à fait conscient de la gravité de son comportement et qu’il regrette sincèrement ses actes. Toutefois, la cour doit s’intéresser aussi à la dissuasion générale. C’est pourquoi il est vrai que le comportement téméraire eu égard à une arme dont fait preuve un membre formé et expérimenté des Forces canadiennes entraîne souvent une peine d’emprisonnement, même en cas de première infraction, mais, à mon avis, le principe de la dissuasion générale est suffisamment justifié en l’espèce par une peine non privative de liberté. À cet égard, j’accorde de l’importance à la réadaptation continue du contrevenant, plus précisément par l’infliction d’une peine qui n’aura pas de conséquences délétères sur son traitement régulier pour le SSPT.

 

[20]           Compte tenu de toutes les circonstances des infractions et de la situation du contrevenant, j’estime qu’une réprimande et une amende constituent une peine suffisante et appropriée. 

 

[21]           Je refuse de rendre une ordonnance d’interdiction de possession d’armes. La poursuite ne vise pas à obtenir une interdiction formelle, mais seulement une ordonnance pour une période de trois ans, ce qui  permettrait au contrevenant de posséder des armes dans le cadre de ses fonctions à titre de membre des Forces canadiennes.

 

[22]           Le contrevenant est un chasseur passionné et adore les activités de plein air. J’estime que, le cas échéant, selon les recommandations de sa psychologue ou d’un autre professionnel traitant, le contrevenant devrait continuer à cultives ses intérêts et ses passe‑temps. Je ne vois pas, compte tenu de tous les faits en l’espèce, pourquoi le contrevenant constituerait un risque inacceptable pour la sécurité publique s’il continuait d’avoir accès à des armes à feu et munitions.

 

[23]           J’ordonne que le pistolet Sig Sauer, à savoir la pièce 6, soit envoyé au Grand prévôt des Forces canadiennes par l’intermédiaire de l’officier commandant du Service national des enquêtes – région de l’Ouest dans les 30 jours à compter d’aujourd’hui ou de la date d’une décision finale de tout appel, si cette date est postérieure. Je tiens à préciser que je ne suis pas sûr que la compétence de la cour pour rendre une telle ordonnance trouve sa source dans le paragraphe 249.25(1) de la Loi sur la défense nationale, mais par ailleurs, je n’ai aucun doute que la cour a effectivement compétence sur les pièces qui lui sont soumises.

 

[24]           Caporal‑chef Pinnegar veuillez vous lever.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

 

[25]           Vous CONDAMNE à une réprimande et une amende de 1 500 $, payable par versements mensuels de 250 $ à partir du 1er février 2012 et pour les cinq mois suivants.  Le cas advenant que vous soyez libéré des Forces canadiennes pour une raison quelconque avant le paiement complet de l’amende, le solde à payer sera dû et exigible le jour précédant votre libération.

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, Service canadien des poursuites militaires

Coprocureur de Sa Majesté la Reine

 

Lieutenant-Commander S.C. Leonard, Service canadien des poursuites militaires

Coprocureur de Sa Majesté la Reine

 

Major D. Berntsen, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Caporal‑chef J.G. Pinnegar

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