Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 novembre 2006.
Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).
Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, emploi d’un document contrefait) (art. 368 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 125 LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établi par lui signé de sa main.
•Chef d’accusation 3 : Art. 130 LDN, un faux (art. 367 C. cr.).
Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Soldat R.C. Dehmel, 2006 CM 65

 

Dossier : S200665

                                                                      

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

HALIFAX

NOUVELLE-ÉCOSSE

 

Date : le 23 novembre 2006

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.V. D'AUTEUIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SOLDAT R.C. DEHMEL

(Contrevenant)

 

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]         Soldat Dehmel, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de

culpabilité pour le 2e chef d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable du 2e chef d’accusation. En conséquence, la cour ordonne l’arrêt des procédures sous le premier chef.

 

[2]         Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire

respecter la discipline - une dimension essentielle de l’activité militaire - dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité.

 

[3]         Comme le déclare le Major Jean-Bruno Cloutier dans sa thèse


intitulée Lutilisation de larticle 129 de la Loi sur la défense nationale dans le système de justice militaire canadien,  [e]n bout de ligne, pour promouvoir au maximum les chances de succès de la mission, la chaîne de commandement doit être en mesure dadministrer la discipline afin de contrôler les inconduites qui mettent en péril le bon ordre, lefficacité militaire et finalement la raison dêtre de lorganisation, la sécurité nationale ». Le système de justice militaire voit aussi au maintien de lordre public et sassure que les personnes justiciables du Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]         Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de tribunaux

militaires distincts est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent directement au Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des troupes. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moindre possible dans les circonstances. Ce principe est conforme au devoir du tribunal d’infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, comme le prévoit l’alinéa 112.48 (2)b) des ORFC. Dans le cas présent, la poursuite a proposé que lintervention minimale de la cour consiste à infliger une amende se situant entre 201 $ et 600 $, sachant que la condamnation serait portée sur la fiche de conduite du soldat Dehmel. Pour sa part, lavocat de la défense a proposé dinfliger quelque chose qui soit entre un avertissement et une amende de 200 $, ce qui répondrait à ce besoin dintervention minimale de la cour.

 

[5]                                       Lorsquun tribunal doit infliger une peine à un délinquant pour des

infractions quil a commises, certains objectifs doivent être poursuivis en fonction des principes applicables en matière de détermination de la peine. Il est reconnu que ces principes et ces objectifs varieront légèrement en fonction de chaque cas, mais ils doivent toujours être adaptés aux circonstances et à la situation du délinquant.

 

[6]         Pour contribuer à l’un des objectifs essentiels de la

discipline militaire, soit le maintien d’une force armée professionnelle disciplinée, opérationnelle et efficace, les objectifs et principes de la détermination de la peine peuvent être formulés ainsi : premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes; deuxièmement, la punition et la dénonciation de la conduite illicite; troisièmement, la dissuasion du délinquant et de quiconque de commettre les mêmes infractions; quatrièmement, l’isolement au besoin des délinquants du reste de la société, y compris, des membres des Forces canadiennes; cinquièmement, la réinsertion sociale du délinquant; sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du délinquant et, enfin, la cour doit tenir compte de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de linfraction ou à la situation du contrevenant.

 

[7]                                                                                 En lespèce, la protection du public doit être réalisée au moyen dune

peine qui mettra laccent sur la dissuasion spécifique et la réinsertion sociale. Il faut également tenir compte dans une certaine mesure de la dissuasion générale et de la dénonciation. La dissuasion générale signifie que la peine infligée doit viser non seulement à dissuader le contrevenant de recommencer, mais également à dissuader les autres dadopter, dans des circonstances similaires, le même comportement prohibé, peu importe les raisons.


 

[8]         Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la

cour a également pris en compte les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes suivantes.

 

[9]         La cour considère comme aggravants les facteurs suivants :

 

a.     La gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé d’une infraction aux termes de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, pour une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Cette infraction peut emporter destitution ignominieuse du service de Sa Majesté, ou une peine moindre;

 

b.     La gravité subjective de l’infraction, au vu des circonstances entourant la perpétration de l’infraction pour laquelle vous avez plaidé coupable. Il a été démontré, le matin précis où l’infraction a été commise, que vous avez fait preuve d’un manque d’intégrité et de responsabilité en omettant de répondre aux attentes vous concernant. Comme l’a affirmé l’adjudant Rogers dans son témoignage, il faut pouvoir faire confiance aux soldats afin que des forces armées, quelle qu’en soit la taille, puissent exécuter leur travail, en garnison ou en pleine mission militaire.

 

[10]        Toutefois, la cour n’est pas d’accord avec le poursuivant qui estime que,

le fait que vous ayez procédé à une certaine évaluation de la situation avant de commettre l’infraction doit être pris en compte en tant que facteur aggravant ou fait aggravant. Comme elle l’a mentionné précédemment dans sa décision sur la question des faits contestés, la cour s’intéresse à un autre contexte que celui de la désobéissance à un ordre légitime. L’évaluation que vous avez faite quand vous avez commis l’infraction porte directement sur l’élément essentiel de l’infraction de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline et il ne faut pas en tenir compte davantage.   

[11]        Ajoutons qu’au moment de la perpétration de l’infraction, vos supérieurs

avaient des problèmes avec votre conduite et, plus précisément, votre attitude en matière de discipline et envers la chaîne de commandement.

 

[12]        La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :

 

a.                    D’après les faits qui lui ont été présentés, la cour estime que votre plaidoyer de culpabilité est une véritable indication de remords et que vous êtes sincère quand vous cherchez à redevenir un atout pour les Forces canadiennes et la collectivité canadienne;

 


b.     L’attitude de coopération que vous avez eue pendant le processus d’enquête témoigne d’un état d’esprit selon lequel vous acceptez la responsabilité de vos actes;

 

c.                    En tant que facteurs atténuants, la cour tient compte de vos états de service dans les Forces canadiennes, de votre âge et de votre carrière potentielle en tant que membre des Forces canadiennes. Comme vous avez 22 ans, il vous reste de nombreuses années pour contribuer de façon positive à la société en général, ainsi quaux Forces canadiennes ;

 

d.     Le fait que vous n’ayez pas de fiche de conduite ou de casier judiciaire visant des infractions similaires;

 

e.     Le long délai depuis le dépôt des accusations.

 

[13]        La cour n’est pas d’accord avec les recommandations faites tant par la

poursuite que par la défense. La cour est en accord avec votre avocat quand il lui demande de faire preuve de plus d’indulgence afin d’éviter les incidences permanentes sur votre fiche de conduite; toutefois, à ce stade de votre carrière, une peine consistant seulement en une amende de plus ou moins 200 $ ne serait pas dans lintérêt de la discipline militaire, dune façon ou dune autre, surtout à votre grade et à votre niveau dexpérience, et aussi compte tenu de la nature véritable de linfraction, à savoir une véritable infraction à la discipline militaire elle-même. Pour refléter les principes de détermination de la sentence que sont la dissuasion spécifique et la réinsertion et, dans une certaine mesure, la dissuasion générale et la dénonciation, la cour estime nécessaire pour vous que vous retourniez aux fondements de la discipline militaire sans subir les conséquences de cette infraction pendant toute votre carrière au sein de larmée. Vous devez non seulement comprendre mais aussi accepter que les membres des Forces canadiennes doivent traiter leurs supérieurs, tout comme ce quil leur est ordonné de faire, avec le plus grand respect. Une peine juste et équitable devrait reconnaître la gravité de linfraction et la responsabilité de son auteur dans le contexte de lespèce.

 

[14]        Soldat Dehmel, veuillez vous lever. La présente cour vous condamne à

une amende de 200 $ et vous consigne à vos quartiers pendant une période de sept jours. Si vous deviez être libéré des Forces canadiennes, pour quelque raison que ce soit, avant le paiement complet de lamende, le montant non réglé sera exigible le jour précédant votre libération.

 

[15]        La présente décision met fin à l’instance devant la cour martiale

permanente relativement au soldat Dehmel.

 

 

 


 

 

LE LIEUTENANT-COLONEL L.V. D'AUTEUIL, J.M.

 

 

Avocats :

 

Major S.D. Richards, procureur militaire régional, région Atlantique

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le Capitaine de corvette M. Reesink, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Soldat R.C. Dehmel

 

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