Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 14 avril 2014.

Endroit : Édifice 588, chemin Ordinance, Denwood (AB).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main.

Verdict
•Chef d’accusation 1 : Coupable.

Sentence
•Une réprimande et une amende au montant de 2500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c. Chaban, 2014 CM 2006

 

Date : 20140415

Dossier :  201373

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Wainwright

Wainwright (Alberta), Canada

 

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Lieutenant C. Chaban, accusée

 

 

En présence du colonel M.R. Gibson, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE DÉCISION

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               La lieutenant Chaban est accusée de l’infraction d’avoir fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main, en contravention de l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale. Plus précisément, l’accusation allègue que la lieutenant Chaban [traduction] : « entre le 18 mars 2012 et le 30 avril 2012, à ou près de Wainwright (Alberta), a signé un formulaire d’évaluation de la norme d’aptitude physique du Commandement de la Force terrestre (NAPCFT), indiquant qu’elle avait réussi l’évaluation de la NAPCFT le 16 mars 2012, bien qu’elle savait que c’était faux ».

 

[2]               Pour exposer la décision de la cour, je vais d’abord passer en revue les faits de l’espèce ainsi qu’ils ont été établis au moyen des témoignages entendus par la cour, puis faire un rappel du droit applicable avant de signaler les conclusions que j’ai tirées concernant la crédibilité de certains témoins. Je vais par la suite appliquer le droit aux faits pour expliquer l’analyse que j’ai faite, avant de présenter la décision de la cour sur l’accusation.

 

Les faits

 

[3]               La poursuite a appelé six témoins. Six documents ont été admis en preuve, les plus importants étant les formulaires d’évaluation de la norme d’aptitude physique du Commandement de la Force terrestre, soit les pièces nos 4 et 6. L’accusée n’a pas témoigné et la défense n’a pas produit de preuve.

 

[4]               Le caporal-chef Leblanc a témoigné que, à l’époque en cause, il était commis‑chef à la salle des rapports de la base (SRB) de la Base des Forces canadiennes (BFC) Wainwright. Il connaissait la lieutenant Chaban, qui était l’officier de comptabilité de la solde (OCS), et l’a identifiée à l’audience. Il voyait sa signature fréquemment, car elle était la signataire autorisée en vertu de l’article 33 de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui devait signer les documents financiers aux fins de la vérification. Selon son témoignage, il voyait la signature de la lieutenant Chaban tous les jours. Il a vu la pièce no 4 le 18 mars 2012. Elle ne comportait pas de signature à la section D. Il a mis le formulaire dans un classeur dans son bureau plutôt que de permettre qu’il soit traité et saisi dans le SGRH, car il savait que la lieutenant Chaban n’avait pas effectué le test d’aptitude physique au combat (TAPC) ce jour-là et il savait qu’il n’y avait eu qu’un TAPC ce jour-là. Il savait qu’elle n’avait pas effectué le TAPC parce qu’il l’avait vue au bureau tout au long de l’avant-midi alors qu’elle collaborait avec du personnel de vérification venu d’Edmonton. L’édifice 698 où ils travaillaient n’était pas grand. Il était composé de modules ATCO et comptait environ neuf pièces. Quand on lui a montré la signature de la lieutenant Chaban sur les documents, le caporal-chef Leblanc a affirmé qu’il croyait la reconnaître.  

 

[5]               L’adjudante Bastin a témoigné qu’elle était commis-chef au Quartier général de la 3Division canadienne à Edmonton. À ce titre, elle était responsable du dossier du personnel de la lieutenant Chaban. Selon son témoignage, le document qui au bout du compte a été présenté en preuve à titre de pièce no 6 se trouvait dans le dossier du personnel de la lieutenant Chaban.

 

[6]               La sergente Rochon a témoigné qu’elle était commis SGR et qu’elle était inscrite au TAPC le 16 mars 2012, en même temps que la lieutenant Chaban. Elle connaissait cette dernière et l’a identifiée à l’audience. Il s’agissait du dernier TAPC prévu durant cet exercice financier à la BFC Wainwright. Selon son témoignage, la sergente Rochon n’a pas vu la lieutenant Chaban prendre part à la marche de 13 kilomètres avec charge le 16 mars 2012, de plus, la lieutenant Chaban n’a pas fait l’épreuve de creusage d’une tranchée, ni celle de l’évacuation d’une victime qui ont eu lieu par la suite. Le groupe qui s’est soumis au TAPC ce jour-là était restreint et ne comptait qu’une vingtaine de personnes.

 

[7]               Selon le témoignage de l’adjudant-maître (retraité) Crone, en mars 2012, il était adjudant-maître des opérations de la base à la BFC Wainwright; il était responsable des épreuves du TAPC et de remplir les formulaires. Il a indiqué que les militaires devaient achever la marche de 13 kilomètres avec charge en moins de 2 heures, 26 minutes et 20 secondes, et qu’ils devaient accomplir le test dans son ensemble, soit les épreuves du creusage de la tranchée, de l’évacuation d’une victime et de la marche avec charge, dans un délai de trois heures. Il avait vu le formulaire du TAPC de la sous-lieutenant Chaban (tel était son grade à l’époque) et avait remarqué qu’il ne portait pas la signature de la militaire requise à la section D. Il a signalé que l’absence de signature et a renvoyé le formulaire à l’unité de la lieutenant Chaban.

 

[8]               La caporale Sterner a témoigné que, à l’époque en cause, elle était commis à la SRB de Wainwright. Selon son témoignage, la lieutenant Chaban est venue la voir avec un formulaire (la pièce no 6) et lui a demandé de faire une inscription dans PeopleSoft, soit une mise à jour du SGRH indiquant que la sous-lieutenant Chaban avait réussi le TAPC, car il s’agissait d’une exigence pour sa promotion possible au grade de lieutenant. La caporale Sterner a constaté qu’il était inhabituel que la militaire demande elle-même à un commis d’effectuer une telle mise à jour, car le formulaire était normalement acheminé par la poste. La caporale Sterner a signalé que la signature de la militaire en encre bleue à la section D de la pièce no 6 n’était pas là à l’époque. 

 

[9]               Le major (retraité) Matichuk a témoigné que, en mars 2012, il occupait le poste d’officier d’administration de la base à la BFC Wainwright. Il avait reçu le formulaire pro forma se rapportant à la promotion prochaine de la sous-lieutenant Chaban au grade de lieutenant et il le vérifiait pour s’assurer que toutes les conditions préalables étaient respectées. Il a noté qu’elle n’avait pas effectué son TAPC et l’a avisée de cette lacune. Elle a indiqué qu’elle avait réussi le TAPC et, quelques jours plus tard, lui a acheminé le formulaire présenté en preuve à titre de pièce no 6. Il a signalé que, alors que le reste du formulaire semble être une photocopie, la signature de la militaire à la section D semble être en encre bleue.

 

Le droit

 

[10]           Pour arriver à une conclusion appropriée en l’espèce, la cour doit relever le droit applicable. La première question a trait à la présomption d’innocence et à la norme de preuve hors de tout doute raisonnable.

 

[11]           Il est juste de dire que la présomption d’innocence est probablement le principe le plus fondamental du droit pénal canadien, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel du droit régissant les procès criminels au Canada. Dans les affaires relevant du Code de discipline militaire, tout comme les affaires de droit criminel au Canada, toute personne accusée d’une infraction criminelle est présumée innocente jusqu’à ce que la poursuite prouve sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un accusé n’a pas à prouver son innocence. C’est à la poursuite qu’il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments essentiels de l’infraction. L’accusé est présumé innocent tout au long de son procès, jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu par le juge des faits.

 

[12]           La norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentée par la poursuite, mais plutôt à l’ensemble de la preuve sur laquelle se fonde la poursuite pour établir la culpabilité de l’accusé. Pour obtenir une déclaration de culpabilité, la poursuite doit prouver, selon la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable, chacun des éléments essentiels de l’infraction reprochée. Il incombe à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé, mais jamais à l’accusé de prouver son innocence.

 

[13]           La cour doit, après avoir considéré l’ensemble de la preuve, déclarer l’accusé non coupable si elle a un doute raisonnable quant à sa culpabilité relativement à tous les éléments essentiels de l’infraction.

 

[14]           L’expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques.

 

[15]           Dans l’arrêt R c. Lifchus, [1997] 3 RCS 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives à l’intention du jury concernant le doute raisonnable. Les principes décrits dans cet arrêt ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des cours d’appel. Essentiellement, un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole. Il ne doit pas se fonder sur la sympathie ou les préjugés, mais sur la raison et le bon sens. C’est un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle à la cour, mais également sur ce qu’elle ne lui révèle pas. Le fait qu’une personne ait été accusée n’est absolument pas une indication de sa culpabilité.

 

[16]           Dans l’arrêt R c. Starr, [2000] 2 RCS 144, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au paragraphe 242 :

 

[…] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités [...]

 

[17]           Par contre, il faut se rappeler qu’il est presque impossible d’apporter une preuve conduisant à une certitude absolue. D’ailleurs, la poursuite n’a pas d’obligation en ce sens. La certitude absolue n’est pas une norme de preuve en droit. La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de l’accusé, hors de tout doute raisonnable.

 

[18]           Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit l’acquitter, car la preuve d’une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[19]           La deuxième question a trait à l’appréciation des témoignages. La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des affirmations solennelles faits devant la cour par des personnes appelées à témoigner sur ce qu’elles ont vu ou fait. Il peut s’agir de documents, de photographies, de vidéos, de cartes ou d’autres éléments de preuve matérielle présentés par des témoins, des témoignages d’experts, des faits admis devant la cour par la poursuite ou par la défense, ou des questions dont la cour a connaissance d’office.

 

[20]           Il n’est pas rare que des éléments de preuve présentés à la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents des événements. La cour doit déterminer les éléments de preuve qu’elle juge crédibles et fiables.

 

[21]           La crédibilité n’est pas synonyme de vérité et l’absence de crédibilité n’est pas synonyme de mensonge. La cour doit tenir compte de nombreux facteurs pour évaluer la crédibilité d’un témoignage. Par exemple, elle évaluera la possibilité qu’a eue le témoin d’observer les événements, et les raisons qu’il a de s’en souvenir. Une chose en particulier a-t-elle aidé le témoin à se souvenir des détails de l’événement qu’il a décrit? Les événements étaient-ils remarquables, inhabituels et frappants ou plutôt relativement anodins, donc naturellement plus faciles à oublier? Le témoin a-t-il un intérêt dans l’issue du procès; autrement dit, a-t-il une raison de favoriser la poursuite ou la défense, ou est-il impartial? Ce dernier facteur s’applique d’une manière quelque peu différente à l’accusé. Bien qu’il soit raisonnable de présumer que l’accusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption d’innocence ne permet pas de conclure que l’accusé mentira lorsqu’il décide de témoigner.

 

[22]           Le comportement du témoin lors de son témoignage est un facteur pouvant servir à évaluer sa crédibilité : le témoin était-il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumentait-il sans cesse? Il faut toutefois évaluer le comportement du témoin avec prudence et évaluer dans un même temps si son témoignage était cohérent en soi et compatible avec les faits non contestés ou admis en preuve. La Cour d’appel de l’Ontario et la Cour d’appel de la cour martiale ont signalé qu’il ne faut pas trop se fier au comportement à titre de facteur dans l’appréciation de la crédibilité des témoins et de la fiabilité de la preuve. 

 

[23]           Un témoignage peut comporter, et en fait comporte toujours, des contradictions mineures et involontaires, mais cela ne doit pas nécessairement conduire à l’écarter. Il en va tout autrement, par contre, d’un mensonge délibéré. Un tel mensonge est toujours grave, et il pourrait bien vicier l’ensemble du témoignage.

 

[24]           La cour n’est pas tenue d’accepter le témoignage d’une personne à moins que celui-ci ne lui paraisse crédible. Elle peut accepter en entier ou en partie le témoignage d’une personne ou l’écarter. Dans l’arrêt Clark c. La Reine, 2012 CACM 3, la Cour d’appel de la cour martiale a formulé des lignes directrices très claires pour l’évaluation de la crédibilité des témoins. Le juge Watt a élaboré les principes directeurs suivants :

 

Premièrement, les témoins ne sont pas « présumés dire la vérité ». Le juge des faits doit apprécier le témoignage de chaque témoin en tenant compte de tous les éléments de preuve produits durant l’instance, sans s’appuyer sur aucune présomption, sauf peut-être la présomption d’innocence [de la personne accusée.]

 

Deuxièmement, le juge des faits n’est pas nécessairement tenu d’admettre le témoignage d’un témoin simplement parce qu’il n’a pas été contredit par le témoignage d’un autre témoin ou par un autre élément de preuve. Le juge des faits peut se fonder sur la raison, le sens commun et la rationalité pour rejeter tout élément de preuve non contredit.  [Il peut accepter ou rejeter tout ou partie d’un témoignage versé au dossier.]

 

[25]           L’appréciation de la crédibilité n’est pas dépourvue de nuances. On ne peut non plus déduire de la conclusion selon laquelle un témoin est crédible que son témoignage est fiable. Une conclusion selon laquelle un témoin est crédible n’oblige pas le juge des faits à accepter sans réserve le témoignage d’un témoin. Il n’y a aucun parallèle entre la crédibilité et la preuve. 

 

[26]           Voici ce que le juge Watt a signalé au paragraphe 48 de l’arrêt Clark :

 

                Un témoignage peut soulever des problèmes de véracité et d’exactitude. Les problèmes de véracité renvoient à la sincérité du témoin, à sa volonté de dire la vérité telle qu’il la perçoit, bref, à sa crédibilité. Les problèmes d’exactitude concernent l’exactitude du récit du témoin, à savoir, son caractère fiable. Le témoignage d’un témoin crédible, honnête personne au demeurant, peut néanmoins ne pas être fiable.

 

[27]           Je vais maintenant passer à une appréciation de la preuve en l’espèce et à la question de savoir si la poursuite s’est acquittée de son fardeau de prouver la culpabilité de l’accusée relativement à chaque élément essentiel de l’infraction, suivant la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable. 

 

[28]           Je vais commencer en examinant la crédibilité et la fiabilité de la preuve présentée par les six témoins de la poursuite, en gardant à l’esprit les lignes directrices de la Cour d’appel de la cour martiale, exposées ci-dessus. À mon avis, tous les témoins de la poursuite étaient crédibles et j’ai accepté leurs témoignages. Chacun a témoigné de manière franche et mesurée, prenant soin de ne pas exagérer ou formuler de suppositions et, le cas échéant, reconnaissant sans hésiter qu’ils ne souvenaient pas d’un détail particulier.

 

[29]           Les éléments essentiels de l’accusation sont les suivants :

 

a)                  l’identification de l’accusée comme étant la contrevenante;

 

b)                  la date et le lieu de l’infraction selon l’accusation;

 

c)                  la lieutenant Chaban a signé un document (autrement dit, la signature sur le document est la sienne);

 

d)                 il s’agissait d’un document officiel;

 

e)                  il s’agissait d’un formulaire d’évaluation de la norme d’aptitude physique du Commandement de la Force terrestre (NAPCFT);

 

f)                   la signature de la lieutenant Chaban visait à attester qu’elle avait réussi l’évaluation de la norme d’aptitude physique du Commandement de la Force terrestre le 16 mars 2012;

 

g)                  étant donné qu’elle savait ne pas avoir réussi le test, l’inscription était fausse;

 

h)                  elle avait une intention coupable – en l’espèce, elle a fait volontairement une fausse inscription.

 

[30]           La poursuite soutient qu’elle s’est acquittée de son fardeau de prouver tous les éléments essentiels de l’infraction. La défense fait valoir qu’il n’y a pas suffisamment de preuve démontrant que la signature à la section D de la pièce no 6 est effectivement celle de la lieutenant Chaban, qu’il est possible qu’une autre personne ait signé le formulaire et que je devrais avoir un doute raisonnable sur ce point.

 

[31]           Je suis convaincu que les deux premiers éléments, soit l’identification ainsi que la date et le lieu, ont été amplement prouvés. Même si la cour ne dispose pas de preuve directe que la lieutenant Chaban a signé le document en question, la conclusion qui découle de la preuve que la cour a acceptée est irrésistible. Aucun élément de preuve n’appuie l’affirmation de la défense selon laquelle quelqu’un d’autre aurait pu contrefaire ou imiter la signature de la lieutenant Chaban et, à mon avis, cet argument est de la pure spéculation dépourvue de fondement. Il n’y a pas de raison logique qui pousserait quiconque d’autre à signer le formulaire et aucun élément de preuve crédible n’a été présenté à la cour pour démontrer que la signature qui figure dans le bloc de la section D réservé à la signature du militaire dans le formulaire du TAPC (la pièce n6) n’est pas celle de la lieutenant Chaban.

 

[32]           Il ressort clairement de la preuve que la lieutenant Chaban a affirmé à M. Matichuk qu’elle avait réussi le TAPC, bien que ce n’était pas vrai, et qu’elle lui a acheminé le formulaire signé pour confirmer cette affirmation. Si la signature sur le formulaire n’était pas la sienne, alors elle aurait certainement signalé une telle situation à M. Matichuk ou à d’autres autorités compétentes à la Base. L’affirmation selon laquelle la signature dans le bloc réservé à la signature du militaire de la pièce no 6 est celle d’une personne autre que la lieutenant Chaban est dépourvue de vraisemblance. De plus, le caporal-chef Leblanc, qui connaissait bien la signature de la lieutenant Chaban du fait qu’il la voit tous les jours, a témoigné qu’il croyait reconnaître la signature de la lieutenant Chaban sur le formulaire.

 

[33]           Quand on examine la pièce no 4, les signatures qui figurent sur le document (c’est-à-dire la signature de la militaire à la section B, la signature de M. Matichuk dans le bloc d’autorisation à la section C et la signature de l’adjudant-maître Crone à titre d’évaluateur à la section D) sont clairement des signatures originales, écrites à l’encre bleue. Le bloc de la section D réservé à la signature de la militaire est vierge, comme l’a mis en évidence l’adjudant-maître Crone à l’aide d’un surligneur jaune. Il est clair que le document de la pièce no 6 est une photocopie de la pièce no 4, sur laquelle a été apposée une signature originale en encre bleue dans le bloc de la section D réservé à la signature de la militaire.

 

[34]           Par conséquent, la cour tire les conclusions de fait qui suivent. En mars 2012, la sous-lieutenant Chaban (tel était son grade à l’époque) était l’officier de comptabilité de la solde à la Base des Forces canadiennes (BFC) Wainwright. Elle devait réussir le test d’aptitude physique au combat (TAPC) afin de satisfaire aux conditions préalables rattachées à sa promotion prévue au grade de lieutenant. Le 16 mars 2012, elle devait se présenter au TAPC; il s’agissait du dernier TAPC prévu à la BFC Wainwright durant l’exercice financier prenant fin le 31 mars 2012. Elle ne s’y est pas présentée. Au lieu, elle a passé l’avant-midi avec les membres d’une équipe de vérification à l’édifice 698. Plus tard, la lieutenant Chaban a soumis un formulaire, soit la pièce no 6, à la caporale Sterner, lui demandant d’inscrire dans le SGRH qu’elle avait réussi le TAPC, et elle a apposé sa signature dans le bloc de la section D du formulaire (la pièce no 6) avant de le présenter à M. Matichuk à titre de confirmation qu’elle avait réussi le TAPC. Il est clair que la signature de la militaire apposée dans le bloc de la section D du formulaire TAPC visait à confirmer l’information selon laquelle elle avait réussi le TAPC le 16 mars 2012. Le formulaire était un document requis pour confirmer officiellement qu’elle avait réussi le TAPC, pour que cette information soit saisie dans le SGRH et pour que les conditions préalables rattachées à sa promotion soient respectées. Par conséquent, je conclus que la lieutenant Chaban a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[35]           CONCLUT que la poursuite s’est acquittée de son fardeau de prouver tous les éléments essentiels de l’infraction hors de tout doute raisonnable. Lieutenant Chaban, la cour vous déclare coupable de la première accusation figurant à l’acte d’accusation. 

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, Service canadien des poursuites militaires,

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette D. Liang, Direction du service d’avocats de la défense,

Avocat de la lieutenant Chaban

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.