Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 14 avril 2014.

Endroit : Édifice 588, chemin Ordinance, Denwood (AB).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main.

Verdict
•Chef d’accusation 1 : Coupable.

Sentence
•Une réprimande et une amende au montant de 2500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c. Chaban, 2014 CM 2007

 

Date : 20140416

Dossier :  201373

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Wainwright

Wainwright (Alberta), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

                                                Lieutenant C. Chaban, contrevenante

 

 

En présence du colonel M.R. Gibson, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Lieutenant Chaban, ayant conclu au terme du procès que vous étiez coupable de la première accusation figurant à l’acte d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de cette accusation et inscrit la déclaration de culpabilité. Il m’incombe maintenant de déterminer une peine appropriée, équitable et juste.

 

[2]               Ce faisant, la cour tient compte des principes de la détermination de la peine appliqués par le système de justice militaire, des faits de l’espèce mis de l’avant dans les témoignages entendus par la cour et dans les documents présentés en preuve, ainsi que des observations des avocats du poursuivant et de la défense.

 


Les faits

 

[3]               En mars 2012, la sous-lieutenant Chaban (tel était son grade à l’époque) était l’officier de comptabilité de la solde à la Base des Forces canadiennes (BFC) Wainwright. Elle devait réussir le test d’aptitude physique au combat (TAPC) afin de satisfaire aux conditions préalables rattachées à sa promotion prévue au grade de lieutenant. Le 16 mars 2012, elle devait se présenter au TAPC; il s’agissait du dernier TAPC prévu à la BFC Wainwright durant l’exercice financier prenant fin le 31 mars 2012. Elle ne s’y est pas présentée. Au lieu, elle a passé l’avant-midi avec les membres d’une équipe de vérification à l’édifice 698. Plus tard, la lieutenant Chaban a soumis un formulaire, soit la pièce no 6, à la caporale Sterner, une de ses subordonnés, lui demandant d’inscrire dans le SGRH qu’elle avait réussi le TAPC, et elle a apposé sa signature dans le bloc de la section D du formulaire (la pièce no 6) avant de le présenter à l’officier d’administration de la base à titre de confirmation qu’elle avait réussi le TAPC. Il est clair que la signature de la militaire apposée dans le bloc de la section D du formulaire TAPC visait à confirmer l’information selon laquelle elle avait réussi le TAPC le 16 mars 2012. Le formulaire était un document requis pour confirmer officiellement qu’elle avait réussi le TAPC, pour que cette information soit saisie dans le SGRH et pour que les conditions préalables rattachées à sa promotion soient respectées. La lieutenant Chaban a par la suite obtenu la promotion, grâce en partie à sa fausse déclaration selon laquelle elle avait réussi le TAPC le 16 mars 2012. Au terme de son procès, la lieutenant Chaban a été déclarée coupable d’avoir fait volontairement une fausse inscription dans un document officiel signé de sa main.

           

[4]               Dans le système de justice militaire, dont font partie les cours martiales, la détermination de la peine par les tribunaux militaires a pour objectifs essentiels : de favoriser l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de l’efficience et du moral; et de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.

 

[5]               L’atteinte de ces objectifs essentiels se fait par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants : renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes; maintenir la confiance du public dans les Forces canadiennes en tant que force armée disciplinée; dénoncer les comportements illégaux; dissuader les contrevenants et autres personnes de commettre des infractions; favoriser la réinsertion sociale des contrevenants; favoriser la réinsertion des contrevenants dans la vie militaire; isoler, au besoin, les contrevenants des autres officiers et militaires du rang ou de la société en général; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter le sens des responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.

 

[6]               Le principe fondamental de la détermination de la peine est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

[7]               Parmi les autres principes de détermination de la peine, mentionnons les suivants : l’adaptation de la peine aux circonstances aggravantes et atténuantes; l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables; l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté par l’emprisonnement ou la détention, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; l’infliction de la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral; la prise en compte des conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence.

 

[8]               Dans l’affaire dont la cour est saisie aujourd’hui, je dois déterminer si les buts et objectifs de la détermination de la peine seraient mieux servis par la dissuasion, la dénonciation, la réinsertion sociale ou une combinaison de ces facteurs.

 

[9]               La cour doit infliger la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral. La discipline, c’est cette qualité que doit posséder chaque membre des Forces canadiennes, celle qui lui permet de faire passer les intérêts du Canada et ceux des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels. Elle lui est nécessaire parce qu’il doit obéir promptement et volontiers, sous réserve qu’ils soient légitimes, à des ordres qui peuvent avoir pour lui des conséquences très graves telles que des blessures ou même la mort. La discipline est définie comme une qualité, car, au bout du compte, bien qu’elle représente une conduite que les Forces canadiennes développent et encouragent par l’instruction, l’entraînement et la pratique, c’est une qualité intérieure et l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute armée.

 

[10]           En l’espèce, la cour considère que les facteurs aggravants sont les suivants :

 

a)                  la lieutenant Chaban a faussement indiqué à l’officier d’administration de la base et, de manière plus générale à l’ensemble des Forces canadiennes, qu’elle avait réussi le TAPC, bien que c’était faux;

 

b)                  elle a abusé de la confiance qui lui était attribuée à titre d’officier commissionné des Forces canadiennes, en mentant;

 

c)                  elle s’est servie d’une subalterne, la caporale Sterner, à titre de moyen de verser cette fausse information dans le SGRH;

 

d)                 elle a obtenu un avantage important, à savoir la promotion au grade de lieutenant, grâce en partie à sa déclaration inexacte et malhonnête;

 

e)                  pour commettre cette infraction, il a fallu un certain degré de préméditation et il a fallu couvrir la déclaration malhonnête au cours d’une longue période.

 

[11]           Les facteurs atténuants en l’espèce sont les suivants :

 

a)                  les longs états de service de la lieutenant Chaban dans la Force régulière et la Réserve des Forces canadiennes, à titre de militaire du rang (subalterne) et d’officier subalterne;

 

b)                  l’absence de fiche de conduite ou de toute autre indication qu’elle ait commis par le passé des infractions de malhonnêteté;

 

c)                  le délai important entre le dépôt de l’accusation et la date du procès (plus de 14 mois et, plus particulièrement, les 13 mois depuis qu’elle a choisi d’être jugée par la cour martiale), durant lequel cette accusation lui plane au-dessus de la tête, et la période encore plus longue qui s’est écoulée depuis la perpétration de l’infraction (deux ans), une longue période pour un dossier qui n’est pas complexe. Un tel délai ne concorde pas avec ce que le législateur a prévu à l’article 162 de la Loi sur la défense nationale, à savoir qu’une accusation portée aux termes du code de discipline militaire doit être traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent.

 

[12]           Les principes de détermination de la peine qui, selon la cour, doivent être mis en évidence en l’espèce sont la dénonciation et la dissuasion générale et individuelle. Il est essentiel que les membres des Forces canadiennes et le grand public aient confiance en l’honnêteté et l’intégrité des officiers des Forces canadiennes. Les gestes de la lieutenant Chaban ont miné la confiance investie en elle à titre d’officier commissionné; ils suscitent des doutes concernant son intégrité et soulèvent la question de savoir s’il y a lieu de continuer de lui faire confiance à titre d’officier.

 

[13]           La poursuite recommande une sentence comportant une réprimande et une amende de 2 500 $. Selon la défense, il conviendrait d’imposer une réprimande et une amende de 1 000 $, payable en versements mensuels de 200 à 300 $.

 

[14]           J’ai passé soigneusement en revue tous les cas qui m’ont été soumis par les avocats et qui peuvent servir de précédents en matière de détermination de la peine. Les observations des avocats en l’espèce se situent dans la ligne de tels précédents.

 

[15]           Ayant pris en compte ces précédents ainsi que les facteurs aggravants et atténuants en l’espèce, la cour accepte l’observation des avocats selon laquelle la sentence minimale requise pour satisfaire aux objectifs de la détermination de la peine dans le système de justice militaire est une réprimande assortie d’une amende. Toutefois, j’estime que le montant de l’amende doit être suffisamment élevé pour refléter la gravité de l’infraction, et ne doit pas donner l’impression qu’il s’agit d’une infraction sans importance, car la présente affaire a trait à un geste malhonnête de la part d’un officier commissionné qui a eu pour conséquence directe l’obtention d’un avantage important, à savoir son admissibilité à une promotion qu’elle n’avait pas pleinement méritée de façon honnête. 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[16]           vous DÉCLARE coupable de la première accusation figurant à l’acte d’accusation; 

 

[17]           vous CONDAMNE à une réprimande et à une amende de 2 500 $, payable sans délai. 

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, Service canadien des poursuites militaires,

procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette D. Liang, Direction du service d’avocats de la défense,

Avocat de la lieutenant Chaban

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