Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 13 novembre 2009

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, pièce 506, Halifax (NÉ)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Une suspension d'instance. Chef d'accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Matelot de 1re classe S.W. Donnelly, 2009 CM 3021

 

Dossier : 200935

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

NOUVELLE-ÉCOSSE

BASE DES FORCES CANADIENNES HALIFAX

 

Date : Le 27 novembre 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L-V. DAUTEUIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

MATELOT DE 1RE CLASSE S.W. DONNELLY

(contrevenant)

 

SENTENCE

(prononcée de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]        Matelot de 1re classe Donnelly, la cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de

culpabilité à l’égard de la deuxième accusation figurant dans l’acte d’accusation et vous déclare maintenant coupable de cette accusation. Par conséquent, étant donné que le procureur de la poursuite a informé la cour qu’il souscrit à l’acceptation d’un plaidoyer de culpabilité relativement à cette accusation subsidiaire, qui est moins grave que la première accusation portée à l’acte d’accusation, et que vous avez plaidé non coupable à l’accusation subsidiaire la plus grave, la cour ordonne une suspension d’instance relativement à la première accusation. Veuillez vous asseoir.

 

[2]        Il est de mon devoir, à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale,

de déterminer la peine. Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline dans les Forces canadiennes, la discipline constituant une dimension essentielle de l’activité militaire. Le but de ce système est de prévenir l’inconduite ou, de façon plus positive, de favoriser la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, de manière fiable et confiante. Le système veille aussi au maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 


 

 

[3]        Il est depuis longtemps reconnu que la raison d’être d’un système de justice

ou de tribunaux militaires distinct est de permettre aux forces armées de régler les affaires qui portent sur le respect du Code de service militaire et le maintien du moral et du rendement au sein des Forces canadiennes. Cela dit, la peine infligée par tout tribunal, qu’il soit militaire ou civil, doit constituer la peine la moins sévère qui est adaptée aux circonstances particulières de l’affaire.

 

[4]        Dans la présente instance, le poursuivant recommande que la cour vous impose

une période de détention de 14 jours. Pour sa part, votre avocat propose que je vous inflige une réprimande et une amende de 1 000 $. La cour a examiné les arguments des deux avocats à la lumière des faits pertinents présentés dans le sommaire des circonstances, ainsi que leur importance. La cour a aussi étudié ces arguments en ayant à l’esprit les principes applicables en matière de détermination de la peine, notamment ceux énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ces principes ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination de la peine prévu à la Loi sur la défense nationale.

 

[5]        Ces principes sont les suivants—: premièrement, la protection du public, le

public incluant les intérêts des Forces canadiennes; deuxièmement, l’imposition d’une peine au contrevenant; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement pour le contrevenant, mais aussi pour quiconque pourrait être tenté de commettre de telles infractions; quatrièmement, l’amendement et la réinsertion du contrevenant; cinquièmement, la proportionnalité de la peine à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant; sixièmement, l’imposition d’une peine semblable à celles infligées à des contrevenants comparables pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. La cour a aussi tenu compte des observations présentées par les avocats et des documents versés en preuve. 

 

[6]        À mon avis, la protection du public commande l’imposition d’une peine qui met

l’accent sur les principes de dénonciation et de dissuasion générale. Il est important de préciser que l’effet dissuasif général vise à faire en sorte que la peine imposée, en plus de dissuader le contrevenant de récidiver, dissuade également toute autre personne qui, se trouvant dans une situation analogue, serait tentée pour quelque raison que ce soit d’adopter la même conduite illicite.

 

[7]        La cour en l’espèce doit se prononcer sur une infraction de nature purement


militaire, soit d’avoir été absent sans permission de votre navire, une infraction qui touche au coeur de la discipline militaire. Ce type d’infraction se rapporte à l’application des principes de responsabilité et d’intégrité pour un marin. Être digne de foi et fiable en tout temps est plus qu’essentiel pour toute mission au sein de forces armées, quels que soient les fonctions ou le rôle dont vous devez vous acquitter. La cour doit néanmoins infliger la peine la moins sévère qu’elle estime nécessaire dans les circonstances.

 

[8]        Pour arrêter la peine qu’elle estime juste et appropriée, la cour a tenu compte

des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes suivantes. La cour considère la gravité objective de l’infraction comme un facteur aggravant. Vous avez été accusé, aux termes de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, de vous être absenté sans permission. Quiconque commet cette infraction encourt un emprisonnement maximal de moins de deux ans.

 

[9]        En ce qui concerne la gravité subjective de l’infraction, la cour a relevé quatre

éléments qu’elle considère comme des facteurs aggravants—: 

 

premièrement, votre rang et votre expérience. Au moment de l’infraction, vous comptiez environ cinq années d’expérience dans les Forces canadiennes, durant lesquelles vous avez servi à divers endroits et dans différentes conditions. En outre, vous déteniez le grade de matelot de 1re classe depuis deux ans, et vous étiez bien conscient de l’importance du service courant pour le navire au port, par exemple le service de la passerelle d’embarquement;

 

deuxièmement, vous saviez pertinemment que vous pouviez et deviez vous présenter pour assurer votre service, mais vous ne vous êtes fié qu’à votre propre appréciation de la situation, insouciant des conséquences pour vos collègues et pour le navire. Manifestement, vous avez décidé de faire passer votre intérêt avant toute autre chose, ce matin du 24 janvier 2009;

 

troisièmement, vous avez une fiche de conduite pour une infraction semblable;

 

en dernier lieu, la durée de votre absence. Jusqu’à la fin de votre quart, vous aviez la possibilité de vous raviser, mais vous ne l’avez pas fait. Par conséquent, quelqu’un d’autre a dû prendre votre place à la dernière minute pour presque 24 heures, ce qui signifie que vous ne vous trouviez pas à votre lieu de travail pour la plus grande partie de la période durant laquelle vous deviez travailler.  

 

[10]      La cour considère par ailleurs les circonstances suivantes comme des facteurs atténuants—:

 

vu les faits présentés en l’espèce, la cour considère que votre plaidoyer de culpabilité traduit un véritable remords et votre désir très sincère de demeurer un atout pour les Forces canadiennes et la collectivité canadienne. Votre plaidoyer témoigne du fait que vous assumez la pleine responsabilité de vos actes;

 


le fait que vous avez déposé une demande portant sur une question constitutionnelle avant d’inscrire votre plaidoyer de culpabilité n’enlève rien à l’importance de ce plaidoyer; 

 

le fait que l’incident ne ressemble pas à votre comportement habituel. Certains témoins vous ont décrit comme une personne manquant d’enthousiasme pour son métier, mais vous n’avez pas la réputation d’être en retard, de faire preuve de paresse ou de ne prêter aucune attention à l’horaire. Vous avez connu de bonnes et de mauvaises journées, et avez tenté de résoudre seul une situation en prenant une mauvaise, une fort mauvaise, décision. Il est évident que vous n’avez jamais eu l’intention de devenir un fardeau disciplinaire ou administratif pour votre navire en vous absentant de façon répétitive;

 

le fait que vous avez effectué le quart de garde de la personne qui vous a remplacé, et le fait que vous avez été plus fréquemment inscrit à l’horaire comme maître de manoeuvre et que l’on vous a affecté au service de verrouillage toute la semaine qui a immédiatement suivi l’incident. Bien qu’il ne s’agisse pas en soi d’une sanction, cette mesure est susceptible d’avoir un effet dissuasif sur d’autres personnes qui pourraient être tentées d’adopter la même conduite;

 

votre comparution devant cette cour martiale, qui a déjà eu un effet dissuasif sur  vous-même et sur d’autres.

 

[11]      Quant à la possibilité que la cour impose une peine d’emprisonnement au

Matelot de 1re classe Donnelly, la Cour suprême du Canada a clairement établi, dans l’arrêt  R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, aux paragraphes 38 et 40, que l’emprisonnement devrait constituer une sanction de dernier recours. La Cour suprême du Canada a précisé que l’incarcération sous forme d’emprisonnement n’est indiquée que lorsqu’aucune autre sanction ni combinaison de sanctions ne conviennent pour l’infraction et pour le contrevenant. La cour est d’avis que ces principes sont pertinents dans le contexte de la justice militaire, eu égard aux principales différences entre le régime des peines imposées par un tribunal civil siégeant en matière criminelle et le régime établi dans la Loi sur la défense nationale pour un tribunal militaire.

 

[12]      La cour d’appel de la cour martiale a confirmé cette approche dans l’arrêt R. c.


Baptista, (2006) C.M.A.C. 1, déclarant aux paragraphes 5 et 6 que l’incarcération ne devrait être imposée que comme mesure de dernier recours. Dans la présente instance, compte tenu de la nature de l’infraction, des circonstances dans lesquelles elle a été commise, des principes applicables de détermination de la peine, notamment celui des peines imposées par des tribunaux militaires à des contrevenants comparables pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, compte tenu enfin des facteurs aggravants et atténuants exposés ci-dessus, je conclus qu’il existe des sanctions ou combinaisons de sanctions autres que l’incarcération qui semblent constituer la peine la moins sévère indiquée et nécessaire  en l’espèce.

 

 

[13]      Matelot de 1re classe Donnelly, il appert clairement à la cour que vous avez

vécu des heures difficiles en vous interrogeant sur ce que vous souhaitiez faire de votre vie. À un moment donné, ces préoccupations se sont répercutées sur votre conduite, votre rendement au travail et votre capacité d’évaluer adéquatement vos responsabilités et vos devoirs à titre de marin, de membre du NCSM IROQUOIS et des Forces canadiennes. Toutefois, à la suite de votre rencontre avec votre commandant, en juin dernier, vos soucis se sont dissipés et depuis, vous êtes devenu un atout pour votre équipage et vos camarades de bord, et avez donné de bonnes raisons à vous-même et probablement à votre fille, d’être fiers ce de que vous accomplissez maintenant comme marin. Je vous encourage à continuer en ce sens. Cependant, la prochaine fois que vous serez confronté à une situation personnelle à l’égard de laquelle vous ne savez plus que faire, je vous conseille de consulter et de discuter de la situation avant qu’elle ne se répercute à nouveau sur votre propre conduite. N’oubliez jamais qu’en mer comme au port, tous les marins de votre navire comptent les uns sur les autres pour accomplir chaque tâche. 

 

[14]      Matelot de 1re classe Donnelly, veuillez vous lever. La cour vous impose une

réprimande et vous condamne à payer une amende de 2 000 $.  L’amende devra être acquittée par versements mensuels de 500 $, le premier devant être effectué le 1er décembre 2009 et les autres, les trois mois suivants. Si, pour quelque raison que ce soit, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant le paiement intégral de l’amende, le solde impayé serait exigible le jour précédant votre libération. Veuillez vous asseoir. 

 

[15]      L’instance devant la présente cour martiale concernant le Matelot de 1re classe

Donnelly est terminée.                       

 

 

                                                       LIEUTENANT-COLONEL L-V. D’AUTEUIL, J.M.

 

AVOCATS

 

Major A.T. Farris

Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B.G. Walden

Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Matelot de 1re classe S.W. Donnelly

 

 

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