Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 19 février 2014.

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).

Chef d’accusation

•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, possession de substance incluse à l’annexe II (art. 4(1) LRCDAS).


Verdict

•Chef d’accusation 1 : Coupable.


Sentence
•Une réprimande et une amende au montant de 1000$

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Noel, 2014 CM 2002

 

Date : 20140221

Dossier : 201376

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Halifax

Halifax (Nouvelle-Écosse), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-Matelot de 3e classe M.D. Noel, demandeur

 

 

En présence du Colonel M.R. Gibson, J.M.

 


[traduction française officielle]

 

EXCLUSION DE LA PREUVE EN VERTU DU PARAGRAPHE 24(2),

FONDÉE SUR UNE VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ALINÉA 10B) ET DE L’ARTICLE 8 DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le demandeur, le Matelot de 3e classe Noel, demande l’exclusion d’éléments de preuve en raison de présumées violations des droits qu’il tire de l’article 8 et de l’alinéa 10b) de la Charte ainsi que l’exclusion d’éléments de preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.

 

[2]               L’article 8 de la Charte dispose :

 

Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

 

[3]               L’alinéa 10b) de la Charte dispose :

 

Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention :

 

[...]

 

                b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit;

 

[4]               Le paragraphe 24(2) de la Charte dispose :

 

                Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[5]               La preuve recueillie au cours du voir-dire relative à la présente demande comportait les témoignages recueillis auprès de quatre témoins de la police militaire : le Sergent Boivin, le Caporal Sabalbal, le Caporal-chef Chase et le Caporal Boyd, ainsi qu’un exposé conjoint des faits concernant la participation du Caporal Dejaegher. L’accusé, le Matelot de 3e classe Noel, a aussi témoigné. De plus, des documents, des photos et des éléments de preuve matérielle ont été déposés en preuve en tant que pièces.

 

[6]               Le demandeur sollicite l’exclusion de 0,65 gramme de cannabis et d’accessoires servant à la consommation de drogue qui a été saisi lors d’une perquisition effectuée dans la résidence, le garage et le véhicule au 11A, Swordfish Drive. Il demande aussi l’exclusion de certaines photos prises à l’aide de son téléphone cellulaire et qui ont été saisies par la police militaire le 17 avril 2013, ainsi que certaines déclarations faites à la police militaire à ce moment-là.

 

[7]               Pour répondre à ces points, j’aborderai d’abord ceux qui concernent l’alinéa 10b), puis ceux qui concernent l’article 8 selon l’ordre suivant : le véhicule, les articles saisis dans la résidence et dans le garage et ensuite dans le téléphone cellulaire, et enfin, je prononcerai l’ordonnance à l’égard de la demande.

 

[8]               Il faut tenir compte des directives récemment données par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Grant, 2009 CSC 32, pour décider s’il faut exclure des éléments de preuve aux termes du paragraphe 24(2) de la Charte. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a essentiellement fourni une orientation ou des directives quant aux étapes qu’une cour doit suivre dans une analyse requise par le paragraphe 24(2). D’abord, la cour doit bien sûr vérifier s’il y a violation ou déni d’un droit garanti par la Charte, en l’occurrence l’article 8 ou l’alinéa 10b). Et si la cour conclut qu’une telle violation s’est produite, elle doit alors envisager un recours possible ayant un effet d’exclusion aux termes du paragraphe 24(2).

 

[9]               Aux paragraphes 67 à 128 de l’arrêt Grant, la Cour suprême a donné des directives quant aux facteurs que la cour doit considérer. Le critère énoncé dans cet arrêt se résume essentiellement à ce qui suit : la cour doit trancher ou examiner trois facteurs : la gravité de la conduite attentatoire de l’État, l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte, et l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.

 

[10]           Voyons maintenant les demandes concernant l’alinéa 10b) et deux déclarations faites par le Matelot de 3e classe Noel à des membres de la police militaire lorsqu’il a été mis en état d’arrestation le 17 avril 2013, à sa résidence située au 11A, Swordfish Drive. Selon les éléments de preuve, voici en quoi consistent ces déclarations : tout d’abord, une déclaration faite peu après sa mise en arrestation - en réponse à une question du Caporal Sabalbal qui voulait savoir si de la drogue allait être découverte, à laquelle il aurait répondu « non ». Et puis, la deuxième déclaration faite ultérieurement à la suite d’une question qui lui a été posée lors de l’échange quand de la drogue a été produite ou découverte après la perquisition effectuée par la police militaire à laquelle il a répondu [traduction] « A-t-elle été découverte dans le tiroir en bas? » ou quelque chose du genre, et quelques autres déclarations par la suite.

 

[11]           La cour n’accepte pas l’assertion de la poursuite selon laquelle le Matelot de 3e classe Noel a validement renoncé aux droits que lui confère l’alinéa 10b). La police n’avait pas l’obligation de suspendre sa fouille pendant la période suivant son arrestation avant qu’il ne puisse avoir recours à l’assistance d’un avocat, mais elle avait l’obligation de ne pas tenter de soutirer ou de recueillir des déclarations de l’accusé durant cette période.

 

[12]           Et, en particulier, puisque la norme applicable à une renonciation à ce droit garanti par la Charte, qui a été énoncée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Clarkson et des arrêts ultérieurs, est en fait très élevée, la cour n’est pas convaincue qu’il y a eu renonciation. En l’espèce, il y a clairement eu à ce moment-là violation des droits que le Matelot de 3e classe Noel tire de l’alinéa 10b) de la Charte. La cour devra donc appliquer les trois volets du critère de l’arrêt Grant dont j’ai déjà fait mention : la gravité de la conduite de l’État, l’incidence sur les droits de l’accusé garantis par la Charte, et l’intérêt de la société à ce que l’affaire suit jugée au fond. Après avoir appliqué le critère en l’espèce, la cour est d’avis qu’il y a eu violation des droits garantis par l’alinéa 10b) de la Charte et que les déclarations doivent être exclues en vertu du paragraphe 24(2).

 

[13]           J’aborderai maintenant la question des éléments de preuve découverts dans le véhicule, plus précisément un Dodge Nitro portant la plaque d’immatriculation EXE592. Le véhicule n’était pas inclus, ni mentionné dans le mandat de perquisition délivré par le juge de paix relativement à cette fouille. Selon la jurisprudence, il ne faut pas présumer qu’un véhicule devrait faire partie des pièces découvertes sur une propriété particulière mentionnée sur le mandat de perquisition. La cour estime que le Matelot de 3e classe Noel avait une attente raisonnable face à sa vie privée à l’égard de ce véhicule qui n’était pas immatriculé à son nom et que la fouille du véhicule constituait une perquisition effectuée sans mandat, donc présumément déraisonnable. 

 

[14]           Il n’y avait aucune situation d’urgence en l’espèce qui aurait empêché les membres de la police militaire de tenter d’obtenir un mandat qui visait ce véhicule en particulier. Aucune preuve n’a été présentée à la cour relativement à une odeur de marihuana ou tout autre indice manifeste de la présence possible de marihuana; la cour conclut donc que la fouille de ce véhicule a porté atteinte aux droits que le Matelot de 3e classe Noel tire de l’article 8 de la Charte et estime, en application du critère de l’arrêt Grant, qu’il faudrait exclure de la preuve tout élément de preuve matérielle découvert dans ce véhicule.

 

[15]           Je me pencherai maintenant sur la question des éléments de preuve matérielle découverts dans la maison et le garage détaché, situés au 11A, Swordfish Drive. À cet égard, la cour souhaite d’abord examiner un point particulier concernant les dispositions du mandat. Le mandat délivré en vertu de l’article 11 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances autorisait à perquisitionner un lieu précis, à savoir le « 11A, Swordfish Drive ». La cour estime que ce qui est précisé et devait être inclus dans le mandat diffère d’une maison d’habitation précisée dans un mandat délivré en vertu du Code criminel. Autrement dit, il était raisonnable pour les agents de la police militaire de conclure et de penser que les structures situées à cette adresse, soit le 11A, Swordfish Drive, étaient visées par le mandat. C’est-à-dire que le garage et la maison s’inscrivaient à juste titre dans la portée des lieux qui pourraient être perquisitionnés.

 

[16]           La norme de contrôle à l’égard d’une dénonciation présentée en vue d’obtenir un mandat a été examinée dans certaines affaires et la cour doit, bien sûr, considérer cette norme le moment venu d’examiner le premier élément de l’argument du demandeur concernant le caractère suffisant de la dénonciation. La Cour suprême du Canada a indiqué la norme de contrôle applicable lors de la contestation d’une autorisation judiciaire, dans l’arrêt Garofoli, dans lequel le juge Sopinka a déclaré ce qui suit au paragraphe 56 :

 

                Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la nondivulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d'être nécessaires à la révision leur seul effet est d'aider à décider s'il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.

 

[17]           Voici ce que la Cour suprême du Canada a déclaré au paragraphe 46 de l’arrêt Araujo :

 

                D’un point de vue pratique et afin de tirer des enseignements pour l’avenir, il faut se demander quel genre d’affidavit la police devrait présenter à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique. Quiconque demande une autorisation ex parte a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés [...]. Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles. Il doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. [...]

 

[18]           Dans l’affaire Cunsolo, la cour a indiqué qu’il convient de mentionner toute l’information.

 

[19]           Au paragraphe 41 de l’arrêt Colbourne, la Cour d’appel a précisé en quoi consistait l’ultime question à trancher :

                       

                        [traduction]

                Lorsque la non-divulgation [dans les cas où il y a eu non-divulgation consciente ou commise par inadvertance] ne découle pas d’un motif illicite ou ne s’inscrit pas dans le cadre d’une tentative de tromper le juge de paix, la question qui se pose est celle de savoir si le second juge de paix agissant judiciairement et ayant été avisé du refus précédent aurait pu délivrer le mandat de perquisition [...].

 

[20]           Vu l’ensemble de la preuve dans les circonstances de l’espèce, la cour est convaincue qu’une dénonciation pouvait être valablement présentée pour obtenir un mandat de perquisition. Les arguments concernant la question de savoir si l’odeur de la marihuana ou les articles trouvés dans des sacs à ordures sont suffisants à eux seuls ne s’appliquent pas directement aux faits de l’espèce puisque, bien sûr, les éléments de preuve mentionnés dans la dénonciation représentaient une combinaison de ces facteurs. Or, les affaires invoquées par le demandeur indiquent que si ces facteurs ‑ c’est-à-dire, l’odeur de marihuana ou des sacs à ordures ‑ étaient les seuls présents, ils ne suffiraient pas à eux seuls à justifier la délivrance du mandat; ces facteurs ont cependant été inclus, par les membres de la police militaire qui ont présenté la demande, dans la trousse de renseignements qui a été présentée au juge de paix délivrant le mandat. Ainsi, comme je l’ai déjà dit, après avoir évalué la dénonciation dans son ensemble, la cour conclut qu’elle était suffisante.

 

[21]           La cour estime en outre que la police militaire n’était pas tenue de recourir à une autre méthode d’enquête, par exemple, utiliser un agent d’infiltration avant de tenter de demander le mandat de perquisition. Il est clair que les membres de la police militaire, ainsi qu’ils l’ont affirmé avec franchise lors de leur témoignage, ont commis des erreurs après-coup en ce qui a trait à l’information fournie dans la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition, mais la cour est convaincue qu’ils n’ont pas délibérément tenté en l’espèce de tromper le juge de paix. Par conséquent, la cour estime qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 eu égard aux éléments de preuve matérielle découverts dans la maison ou dans le garage détaché.

 

[22]           J’aborderai maintenant la question des photographies qui ont été découvertes dans le téléphone cellulaire et présentées en preuve au cours du voir-dire. Les points pertinents au moment d’examiner cette question sont les suivants : quels sont les éléments qui ont été valablement saisis dans une fouille effectuée accessoirement à une arrestation, et dans quelle mesure la police militaire pouvait-elle enquêter au sujet du téléphone cellulaire s’il avait été valablement saisi accessoirement à l’arrestation.

 

[23]           Je trouve très instructif un jugement présenté par l’avocat concernant une affaire qui a été instruite récemment devant la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, et j’en citerai de longs extraits puisque j’estime qu’il est directement lié à la présente question du téléphone cellulaire; il s’agit de l’affaire Adeshina, A-d-e-s-h-i-n-a. La référence est 2013 SKQB 414, le jugement a été prononcé par le juge Acton siégeant à la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan.

 

[24]           Voici ce que déclare le juge Acton au paragraphe 28 de ce jugement :

 

[traduction]    

La décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Vu établit également qu’il y a eu violation des droits que l’accusé tire de l’art. 8 en ce qui concerne l’information obtenue dans la mémoire interne du téléphone cellulaire de marque Samsung Galaxy, sauf si c’était expressément mentionné dans le mandat de perquisition délivré le 2 juillet 2011.

 

                La question sur laquelle la cour doit maintenant se pencher est l’application du paragraphe 24(2) de la Charte. Dans l’arrêt Vu, précité, il a aussi fallu que le juge Cromwell effectue une analyse du paragraphe 24(2) de la Charte relativement aux éléments de preuve découverts lors de la fouille de l’ordinateur personnel et du téléphone cellulaire. Le juge Cromwell énonce de façon concise les critères requis pour une demande fondée sur le paragraphe 24(2); voici ce qu’il déclare au paragraphe 68 :

Je cite maintenant les observations du juge Cromwell au paragraphe 68 de l’arrêt Vu :

                Le paragraphe 24(2) de la Charte exige que les éléments de preuve obtenus d’une manière qui porte atteinte aux droits garantis à l’accusé par la Charte soient écartés du procès s’il est établi, « eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ». Il incombe à la partie qui sollicite l’exclusion des éléments de preuve de persuader le tribunal que c’est le cas. Dans l’arrêt R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, la Cour a formulé l’analyse en ces termes :

 

Ainsi, le tribunal saisi d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2) doit évaluer et mettre en balance l’effet que l’utilisation des éléments de preuve aurait sur la confiance de la société envers le système de justice en tenant compte de : (1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État (l’utilisation peut donner à penser que le système de justice tolère l’inconduite grave de la part de l’État), (2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte (l’utilisation peut donner à penser que les droits individuels ont peu de poids) et (3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.

 

Revenons au paragraphe 30 du jugement Adeshina, dans lequel le juge Acton poursuit ainsi :

 

                        [traduction]

                En ce qui concerne la première exigence, c’est-à-dire « (1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État [...] » le juge Cromwell a déclaré que la conduite attentatoire de l’État n’était pas grave, en ce qui concernait la question dont il était saisi et selon laquelle « les agents ont effectué la fouille en croyant agir sous l’autorité légitime du mandat décerné par le juge de paix ».

 

Le juge Acton ajoute ce qui suit au paragraphe 31 :

 

                [traduction]

En les circonstances présentées devant la cour, cette dernière ne reconnaît pas légalement que la conduite attentatoire de l’État n’était pas grave. L’agent a véritablement cru, mais à tort, que sa fouille du téléphone LG réalisée accessoirement à l’arrestation l’autorisait à mener ultérieurement enquête sur le contenu du téléphone saisi accessoirement à l’arrestation. Il croyait aussi que le téléphone cellulaire Samsung Galaxy était saisi en vertu du mandat délivré pour perquisitionner la fourgonnette. L’agent qui a procédé à l’arrestation n’a vu pas de différence entre le fait d’analyser la marijuana saisie dans la fourgonnette et la mémoire interne du téléphone cellulaire.

 

                Les agents qui ont procédé à l’arrestation n’ont pas eu à ce moment-là la chance de clarifier le droit, comme le précise la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vu. Je conclus que la violation n’était pas grave.

 

                En ce qui a trait à la deuxième étape de l’analyse, voici ce que le juge Cromwell a déclaré au paragraphe 72 :

 

Et il cite à nouveau l’arrêt Vu :

 

                Je passe maintenant à la deuxième étape de l’analyse. J’accepte la conclusion de la juge de première instance selon laquelle les intérêts en matière de vie privée que met en jeu la fouille d’un ordinateur sont extrêmement importants et que la fouille effectuée dans la présente affaire était [traduction] « très large et envahissante » : décision sur le voirdire, par. 83.  Par ailleurs, le dossier n’indique toutefois pas que les policiers ont eu accès à plus d’informations que ce qui était opportun, eu égard aux objectifs assez modestes de la fouille décrits dans le mandat. Comme l’a souligné la juge de première instance, en l’espèce les ordinateurs n’ont pas été fouillés par des experts comme l’avaient été ceux en cause dans l’affaire Morelli. Globalement, le présent facteur milite en faveur de l’exclusion, mais pas de façon déterminante.

 

Le juge Acton a jouté :

 

                [traduction]

Les circonstances actuelles sont quelque peu différentes et plus graves. L’agent qui a procédé à l’arrestation a eu accès à plus d’informations que ce qui était opportun, notamment des films ‘XXX’ pour adultes cadrant avec les choix personnels du mode de vie de l’accusé, qu’il a téléchargés, ainsi que des « autoportraits » de l’accusé torse nu. Le téléphone cellulaire Samsung Galaxy a fait l’objet d’une expertise. Cela milite fortement en faveur d’une exclusion de la preuve recueillie.

 

Il cite ensuite la troisième étape de l’analyse du paragraphe 24(2) effectuée par le juge Cromwell au paragraphe 73 de l’arrêt Vu, que je ne lirai pas intégralement. Le juge Acton poursuit ainsi :

 

[traduction]    

À l’application de la troisième étape de l’analyse du paragraphe 24(2), la Cour convient que les documents et photographies saisis dans les deux téléphones cellulaires sont des éléments de preuve fiables et véritables. Ces éléments de preuve sont nécessaires pour établir la connaissance de l’existence de la marijuana trouvée dans la fourgonnette et le contrôle exercé sur celle-ci. L’absence de ces éléments de preuve pourrait affaiblir la preuve de la Couronne.

 

                Je reconnais qu’il est clairement dans l’intérêt de la société que des accusations de possession de marijuana en vue d’en faire le trafic soient jugées au fond, plus précisément lorsque des quantités si importantes ont été saisies dans la fourgonnette.

 

                Quand je soupèse tous ces facteurs, j’estime que les éléments de preuve ne doivent pas être exclus. Les agents qui ont procédé à l’arrestation croyaient (erronément toutefois) pour des motifs raisonnables que les fouilles des téléphones cellulaires étaient autorisées soit accessoirement à l’arrestation soit en vertu du mandat de perquisition obtenu pour fouiller la fourgonnette. Les éléments de preuve recueillis étaient fiables et véritables, ce qui était important pour juger les infractions quant au fond. Par conséquent, j’autorise l’inclusion à titre d’éléments de preuve dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, les éléments de preuve saisis dans les téléphones cellulaires LG et Samsung Galaxy.

 

[25]           La cour estime donc que cet extrait du jugement Adeshina se rapproche énormément des faits et des circonstances présentés en preuve à la Cour martiale. En l’espèce, la cour estime qu’il y a eu violation de l’article 8 en ce qui concerne la saisie du téléphone cellulaire et l’extraction ou la prise en photo de textos conservés dans le téléphone, mais elle parvient à la même conclusion que la cour dans le jugement Adeshina en ce qui a trait à l’application des critères énoncés dans l’arrêt Grant selon lesquels des éléments de preuve ne devraient pas être exclus en application du paragraphe 24(2).

 

DÉCISION

 

[26]           Pour résumer les conclusions de la cour et sa décision rendue à l’égard de ces questions, les éléments de preuve matérielle recueillis à la suite de la perquisition de la maison et du garage situés au 11A, Swordfish Drive de même que les photos des textos conservés dans le téléphone cellulaire ne seront pas exclus des éléments de preuve conformément à la demande. La cour rend l’ordonnance suivante : premièrement, les deux déclarations faites par le Matelot de 3e classe Noel à des membres de la police militaire à sa résidence, lorsqu’il a été mis en état d’arrestation le 17 avril 2013, doivent être exclues de la preuve; deuxièmement, les éléments de preuve matérielle obtenus le 17 avril 2013, lors de la perquisition d’un véhicule de marque Dodge Nitro portant la plaque d’immatriculation EXE592, sont exclus de la preuve.

 


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette D.T. Reeves et Lieutenant de vaisseau MacKinnon, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Les Capitaines de corvette D. Liang et P. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex Caporal-chef Edmunds

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.