Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 14 avril 2004.
Endroit : BFC Winnipeg, Casernes Kapyong, édifice pour lectures d'entraînement, B-5, 1984 avenue Grant, Winnipeg (MB).
Chefs d’accusation:
•Chef d’accusation 1 : Art. 114 LDN, vol.
•Chef d’accusation 2 : Al. 117f) LDN, a commis un acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Non coupable.
• SENTENCE : Une rétrogradation au grade soldat et une amende au montant de 6400$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal-chef R. Stinson,2004CM63
Dossier : S200463
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
MANITOBA
BASE DES FORCES CANADIENNES WINNIPEG
Date : 15 avril 2004
PRÉSIDENT : COLONEL K.S. CARTER, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL-CHEF R. STINSON
(accusé)
PEINE
(Prononcée oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal-chef Stinson, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à la première infraction indiquée sur l’acte d’accusation, la Cour vous déclare maintenant coupable de cette infraction.
[2] La Cour a entendu de longues plaidoiries sur la peine appropriée et, par suite de son examen et de son évaluation, elle a plusieurs choses à dire à ce sujet. La Cour vous permet donc de prendre place avec votre avocat pendant qu’elle exposera de son raisonnement. Et lorsqu’elle prononcera la peine, vous devrez vous lever. Vous pouvez pour le moment vous asseoir avec votre avocat.
[3] Dans la détermination de la peine appropriée, la Cour a tenu compte des circonstances entourant la perpétration de cette infraction, de vos antécédents et de votre situation actuelle, de votre témoignage et de celui des autres témoins, des plaidoiries du ministère public et de la défense ainsi que de l’objectif et des principes de la détermination de la peine.
[4] La Cour doit suivre certains principes lorsqu’elle détermine ce qui est une peine appropriée, et ces principes sont appliqués non seulement par les cours martiales mais aussi par les cours pénales du Canada. Ils comprennent la protection de la société, la dénonciation de l’infraction, la dissuasion générale et spécifique, l’amendement et la réinsertion sociale.
[5] La protection de la société englobe à la fois l’intérêt public général, ce qui désigne, dans le contexte des cours martiales, la protection des intérêts des Forces canadiennes aussi bien que la protection des membres de la société, dont les membres des Forces canadiennes. Dans le contexte d’une courte martiale, l’intérêt premier des Forces canadiennes est le maintien ou le rétablissement de la discipline. La discipline, comme vous le savez, est une exigence fondamentale de toute force militaire et une condition nécessaire à l’efficacité opérationnelle. C’est ce qu’on a décrit comme étant la prompte obéissance à des ordres légitimes, et la conformité immédiate et volontaire à ces ordres revêt une importance capitale, non seulement pour le succès d’une mission, mais également pour la sécurité et le bien-être des autres militaires.
[6] Bien qu’il s’agisse d’une qualité ou d’une caractéristique d’un groupe, la discipline est fondée, en bout de ligne, sur un choix personnel. Elle repose non pas sur une action irréfléchie mais sur une réponse consciente, immédiate et automatique acquise par la pratique, qui s’appuie en fin de compte sur un choix.
[7] J’ai mentionné le principe de la dénonciation, terme qui ne nécessite pas vraiment d’explication. Il s’agit d’une conséquence que la société impose pour toute infraction à ses lois.
[8] Selon le principe de la dissuasion générale, mentionné par le ministère public et la défense, la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites. La dissuasion spécifique, par ailleurs, vise à dissuader personnellement le contrevenant de récidiver. Par conséquent, la peine devrait vous dissuader de récidiver, non pas simplement vous dissuader de commettre la même infraction ou des infractions semblables, mais bien de commettre une infraction criminelle quelle qu’elle soit.
[9] L’amendement et la réinsertion sociale, quoiqu’ils figurent au bas de la liste des principes que j’ai mentionnés, demeurent très importants. Lorsqu’ils semblent être des options valables, ils doivent être évalués par le tribunal qui est chargé de déterminer la sanction adéquate. En effet, la société n’est finalement protégée que si une personne s’amende et parvient à réintégrer la société. À l’instar de la discipline, l’amendement et la réinsertion sociale sont une question de choix individuel. La société, les Forces canadiennes, peuvent faciliter ce choix par des mesures positives et négatives, mais seul l’individu peut faire les choix nécessaires et poser les gestes nécessaires.
[10] En outre, il existe d’autres considérations importantes que la Cour doit et a dû prendre en compte. Il y a le principe de la proportionnalité, c’est-à-dire que les peines infligées pour des infractions semblables, commises par des contrevenants semblables et dans des circonstances semblables, ne devraient pas être sensiblement différentes. Or, comme l’ont signalé le ministère public et la défense, il est parfois difficile d’évaluer exactement les similarités entre les infractions, entre les contrevenants et entre les circonstances; il incombe néanmoins à la Cour de procéder à cette évaluation. Par contre, la proportionnalité, tout comme l’ORFC 112.48, exige qu’une peine tienne compte non seulement de la nature de l’infraction, mais aussi du contexte, soit les antécédents de la personne déclarée coupable. L’ORFC 112.48, comme l’a souligné votre avocat, oblige également la Cour à prendre en considération toute conséquence directe ou indirecte du verdict et, ce qui est des plus pertinent ici, de la peine.
[11] La Cour précise aussi qu’elle a pris en considération les dispositions des articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel du Canada qui, même s’ils ne sont pas directement applicables, décrivent des éléments utiles ayant trait à la justice en général au Canada et à la justice réparatrice.
[12] Finalement, la présente Cour, à l’instar de toute cour martiale, doit envisager soigneusement toutes les peines possibles afin d’être convaincue que la peine qu’elle infligera est la mesure minimale requise pour maintenir la discipline.
[13] La Cour a pris en considération soigneusement la nature de l’infraction, soit le fait d’avoir volé la société, les Forces canadiennes. Bien que les Forces canadiennes ne soient pas techniquement votre employeur, puisque les militaires ne sont pas des employés, elles se retrouvent dans la même position, car vous travaillez en tant que membre des Forces canadiennes et vous êtes rémunéré pour ce travail. Étant donné la nature de l’infraction, la Cour est d’accord avec le ministère public et la défense, qui ont affirmé que le facteur prédominant dans la fixation de la peine à la suite d’une telle infraction, en vue d’assurer la protection de la société, la préservation d’une société sûre et le rétablissement de la discipline, est la dissuasion générale. En même temps, la Cour envisage aussi la dissuasion spécifique dans la mesure où il a été prouvé qu’elle était nécessaire à la réinsertion sociale.
[14] Lorsqu’elle établit la peine appropriée, la Cour recherche souvent une gamme appropriée de sanctions en s’appuyant habituellement sur la nature de l’infraction et les circonstances qui l’entourent. La Cour prendra en compte également les facteurs atténuants et aggravants ainsi que la situation particulière du contrevenant.
[15] J’aborderai maintenant la question des faits qui ont été présentés à la Cour. Je le ferai maintenant plutôt que de m’attarder aux plaidoiries de la poursuite et de la défense parce que les faits, pour l’essentiel, ne sont pas contestés. Même si les deux parties ont adopté une perspective différente dans leurs plaidoiries pour ce qui est de leur interprétation des faits, je crois que ces derniers sont très simples.
[16] Pour ce qui est de la gravité de l’infraction, et ce fait est établi dans la description des circonstances, il s’agit en l’occurrence d’un vol, qui est punissable d’une peine maximale de sept ans. Toutefois, nous sommes ici une cour martiale permanente, et le choix du mode d’instruction appartient à la poursuite, sans oublier que la peine maximale que peut infliger une cour martiale permanente est fixée à deux ans ou moins. Par conséquent, bien que l’infraction soit objectivement grave, elle n’entre certainement pas dans la catégorie des vols les plus graves. Par contre, il s’agit en l’espèce d’un vol représentant une somme relativement élevée, soit 23 652,60 $. La perpétration s’est poursuivie pendant plusieurs mois, même sept ou huit mois, de janvier à septembre 2002. Elle a impliqué d’autres militaires qui ont été les destinataires ou les acheteurs des ordinateurs volés. Il s’agit en plus d’un cas où vous avez profité de quelque chose qui vous avait été donné en raison de votre poste, c’est-à-dire la carte de crédit institutionnelle.
[17] Je me pencherai maintenant sur vos antécédents, décrits dans les faits qui ont été présentés à la Cour. Vous avez 37 ans et vous êtes membre des Forces canadiennes depuis plus de 17 ans. Vous avez servi, il semble, dans trois déploiements à l’étranger : la première fois sur le plateau du Golan en 1993; une fois en Bosnie, entre 2000 et 2001; puis à Diego Garcia, en juillet et en août 2002, dans une mission d’appui à l’opération APOLLO. Il s’agit de votre première infraction; vous n’avez aucune fiche de conduite. Vous avez été nommé caporal-chef le 20 mai 2002, date qui tombe durant la période où vous avez commis l’infraction qui vous est reprochée. Vous travaillez avec le Princess Patricia's Canadian Light Infantry depuis 1997, mais il semble que vous soyez inscrit à l’heure actuelle sur une liste d’attente.
[18] Le témoignage fait à la Cour par le lieutenant-colonel Day nous apprend essentiellement que vous étiez un bon militaire avant 2002. Et l’adjudant-maître Pullman a déclaré clairement que vous étiez un excellent ouvrier et un bon soldat de 1998 à 2002, comme en témoigne plus particulièrement le Prix de l’ouvrier de l’année qui vous a été décerné en décembre 2001.
[19] La Cour a examiné très soigneusement vos RAP et se reportera à certains extraits de ces documents. En 1997-1998, vous avez été jugé supérieur à la moyenne et classé dans le premier quart des caporaux du Princess Patricia's Canadian Light Infantry Battalion, à Winnipeg. En 1999-2000, vous avez été décrit comme ayant maîtrisé les compétences de préposé à l’équipement majeur. En l’absence du SQMT à plusieurs reprises en garnison, vous avez assumé facilement et avec compétence les tâches du sergent et avez supervisé de façon excellente l’entrepôt du QM. On vous a décrit comme un bon travailleur en équipe et votre ardeur au travail ainsi que votre dévouement infatigable vous ont valu le respect tant de vos pairs que de vos supérieurs. Il est mentionné en outre que vous avez une solide éthique de travail et une grande passion pour votre emploi et que les forces armées – cette éthique de travail et cette passion ont fait en sorte que vous soyez choisi candidat au Prix de l’ouvrier de l’année. On a précisé que vous faisiez preuve d’un potentiel remarquable et que vous étiez une personne audacieuse dotée d’exceptionnelles qualités d’organisation.
[20] L’année suivante, soit 2000-2001, semble à maints égards représenter pour ainsi dire le sommet de votre carrière. Votre RAP contient les commentaires suivants :
[TRADUCTION]
Le cpl Stinson a maîtrisé les qualités requises du poste d’officier responsable de l’équipement majeur. Il a fait preuve d’un degré de compétence extrêmement élevé. Son sens de l’innovation lui a permis d’améliorer grandement la gestion de l’équipement majeur. Il s’entend exceptionnellement bien avec ses pairs et ses supérieurs. Il place toujours les intérêts de l’équipe avant les siens et ne perd jamais de vue la mission à accomplir.
Il contient le paragraphe suivant à la rubrique décrivant votre potentiel :
[TRADUCTION]
Le cpl Stinson est un excellent technicien en approvisionnement et se classe au 1er rang des 6 911 caporaux du 2PPCLI. Son travail est fait méticuleusement. Il ne rate jamais l’occasion d’aider et de former le personnel moins chevronné, et son approche centrée sur l’équipe a un effet positif sur les gens qui l’entourent.
[21] Le RAP suivant est celui de l’année 2001 à 2002. On y lit ce qui suit :
[TRADUCTION]
Le cpl Stinson a montré des qualités de leadership exceptionnelles lorsqu’il a dû s’acquitter des tâches du SQMT adjoint. Rigoureux et habile dans son métier, il peut être affecté à n’importe quel poste lié aux approvisionnements en tout temps.
La rubrique décrivant votre potentiel renferme les commentaires suivants :
[TRADUCTION]
Le cpl Stinson possède une remarquable aptitude à s’adapter aux exigences de ses supérieurs, et son attitude coopérative assure un travail d’équipe en tout temps. Il offre toujours un bon exemple à ses pairs, de sorte qu’il a été choisi comme représentant du 2PPCLI durant un échange entre petites unités en Corée, en avril 2001. Il a terminé avec succès le test d’aptitude physique au combat et travaille toujours d’arrache-pied pour se maintenir en bonne condition physique.
Dans le cadre de l’examen supplémentaire effectué par le lieutenant-colonel Makulowich, on peut lire que :
[TRADUCTION]
... le cpl possède des qualités de leader exceptionnelles et peut être affecté à un poste de supervision en approvisionnement.
Fondamentalement, on peut en conclure que vous étiez un excellent soldat et un excellent ouvrier.
[22] Il semble qu’en 2001 vous ayez commencé à avoir des problèmes de santé et, selon les preuves présentées à la Cour, ces problèmes se sont exacerbés en 2002, de sorte que vous avez commencé des traitements pour un ulcère à la jambe. En outre, vous avez pris un congé de maladie de sept mois entre avril 2002 et mars 2003. Vous avez indiqué dans votre témoignage que vous êtes, dans une grande mesure, en congé de maladie depuis septembre 2002, c’est-à-dire que vous avez passé très peu de temps au travail à cause de vos problèmes de santé au cours des 18 derniers mois.
[23] En plus, selon les preuves présentées à la Cour, votre premier mariage a pris fin dans les faits, si ce n’est légalement, autour de mars 2001. De mars 2001 jusqu’en octobre 2002, le 3 octobre 2002 d’après votre témoignage, vous vous êtes livré à une série d’activités de plus en plus douteuses relatives au jeu. Vers septembre ou octobre 2002, vous avez demandé de l’aide pour régler votre dépendance au jeu. Après 2001, vous avez apparemment commencé une relation amoureuse avec une femme que vous avez identifiée comme votre fiancée et avec qui vous vivez maintenant à Saint-Jean-Baptiste; vous avez eu avec cette femme une fillette qui a près de deux mois et demi. Vous versez 425 $ de pension alimentaire par mois pour votre fille issue de votre premier mariage. Les documents qui ont été présentés à la Cour indiquent que vous avez un diplôme d’études secondaires que vous avez obtenu en 1984 et que, depuis ce temps, vous avez suivi divers cours de formation, dispensés par les Forces canadiennes, dans les domaines du leadership et de l’approvisionnement. Le dernier cours précisé dans la liste, que vous avez suivi en 1998, vous a permis de décrocher une certification relative aux matières dangereuses.
[24] Comme je l’ai mentionné, la Cour doit examiner l’incidence, directe et indirecte, de la peine, et elle s’y est attardée. Il est évident, compte tenu des renseignements, des éléments de preuve présentés à la Cour, que votre carrière dans les Forces canadiennes est terminée, peu importe l’issue de la présente instance. Vous ne répondez plus aux normes médicales en vigueur et, pour des raisons tout à fait extérieures à la présente instance, vous serez libéré de toute façon des Forces canadiennes.
[25] Cependant, la Cour convient que le plaidoyer et le verdict de culpabilité ainsi que la peine peuvent avoir des répercussions sur le motif de votre libération. Votre avocat a fait savoir que si vous êtes libéré en vertu du motif 3b), c’est-à-dire pour des raisons médicales, vous pourriez peut-être obtenir une pension. Par contre, si vous êtes libéré pour un autre motif à cause de votre condamnation, cette pension pourrait être compromise. Tout comme votre indemnité de départ et votre droit à l’assurance-emploi. La Cour ne connaît pas les conséquences de tous ces éléments, il se peut qu’il n’y en ait même aucune, mais elle tiendra compte de ce risque.
[26] La Cour ne possède aucun élément de preuve à cet égard et ne sait pas non plus si le motif de libération est susceptible d’influer sur le crédit d’étude que tous les membres des Forces canadiennes accumulent et qui, dans votre cas, semble se chiffrer à 17 000 $ environ, soit 1 000 $ par année de service. Toutefois, la Cour précise que vous avez fait vos études secondaires, que vous n’avez aucune cote de crédit, que vous serez déclaré coupable d’une infraction de vol, déclaration de culpabilité qui sera donc enregistrée, c’est-à-dire que vous serez obligé de répondre par l’affirmative lorsqu’on vous demandera si vous avez déjà été condamné pour une infraction ou non. Compte tenu de tous ces éléments, la Cour prend en considération le fait qu’il vous sera sans doute nécessaire de poursuivre vos études et de changer de domaine.
[27] Votre situation actuelle est donc la suivante : vous avez 37 ans; vous avez un diplôme d’études secondaires; vous recevrez ou ne recevrez peut-être pas une pension pour des raisons de santé; vous n’avez plus aucune possibilité de carrière au sein des Forces canadiennes; vous avez deux enfants, une fillette de cinq ans et une autre de deux mois et demi, qui sont toutes deux à votre charge à un degré plus ou moins important; vous avez une nouvelle famille et apparemment la responsabilité d’un troisième enfant; votre fiancée, de même que sa famille, semble vous donner tout son appui; vous n’avez aucune cote de crédit; vous disposez de fonds limités; vous êtes sur le point de perdre un emploi où vous excelliez et qui vous procure en ce moment à peu près 50 000 $ de salaires et d’allocations; vous avez aussi, d’après les preuves présentées à la Cour, perdu la confiance et le respect de plusieurs de vos collègues.
[28] Le ministère public a passé en revue, dans ses plaidoiries, l’objectif de la détermination de la peine en matière de justice militaire ainsi que les faits en l’espèce. Il a relevé divers facteurs aggravants dans votre cas : l’implication d’autres membres des Forces canadiennes et de fonctionnaires; la période pendant laquelle s’est poursuivie l’infraction; le fait qu’il n’y a eu aucun dédommagement; votre problème de jeu compulsif et le fait que vous avez utilisé abusivement la carte de crédit institutionnelle qui vous avait été confiée dans le cadre de votre emploi. Le ministère public a proposé un éventail de sanctions qui comprennent l’incarcération et a renvoyé la Cour à plusieurs décisions de la Cour d’appel de la cour martiale, plus précisément les arrêts Vanier, Legaarden, Lévesque, Deg, St-Jean et Loughrey ainsi que certains jugements des cours martiales comme Gallagher, Nadeau, Beveridge, Lechman et Loughrey.
[29] Le ministère public a également lu à la Cour une très longue plaidoirie sur l’impossibilité d’appliquer aux cours martiales l’article 718 du Code criminel du Canada et l’arrêt R. c. Gladue – ainsi que l’analyse décrite dans cet arrêt. Le procureur de la poursuite a mentionné que le principe de la chose jugée n’entrait pas en jeu à cet égard, c’est-à-dire que vous ne pourriez être cité à procès devant un tribunal civil pour cette infraction; il a expliqué qu’il le faisait pour illustrer les différents pouvoirs des tribunaux civils et militaires en matière de détermination de la peine. D’après le ministère public, les principes les plus pertinents étaient la dissuasion générale, puis la dissuasion spécifique, mais aussi la réinsertion sociale.
[30] Le ministère public a reconnu que vous étiez un joueur compulsif et vous a décrit comme tel. De l’avis de la poursuite, l’emprisonnement serait une peine trop sévère, mais une détention de 30 jours et la rétrogradation au rang de soldat serait la mesure minimale requise pour satisfaire les objectifs de dissuasion générale et de dissuasion spécifique.
[31] La Cour mentionnera brièvement l’analyse de l’article 718 faite dans l’arrêt Gladue seulement parce qu’elle constituait une partie importante des plaidoiries du ministère public. Elle n’est toujours pas totalement convaincue et ne comprend encore pas parfaitement pourquoi ce point a été soulevé et discuté en long et en large, mais elle se sent tenue, ne serait-ce que par courtoisie, de faire ses commentaires à ce sujet.
[32] L’article 718 du Code criminel du Canada ne s’applique pas directement aux tribunaux militaires, dont les cours martiales, mais il confirme à bien des égards les principes traditionnels de la détermination de la peine. L’imposition des peines par les cours martiales découle tout d’abord de la Charte canadienne des droits et libertés, qui énonce les principes fondamentaux de justice au Canada, ainsi que des décisions pertinentes de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel de la cour martiale, qui sont les deux ressorts d’appel compétents. Les dispositions de la Loi sur la défense nationale et des ordonnances et règlements des FC sont aussi applicables. La Cour a saisi l’occasion, puisque l’arrêt R. c. Gladue a été invoqué par le ministère public et que le procureur de la poursuite y a consacré beaucoup de temps, de passer en revue ce jugement rendu en 1999 par la Cour suprême et qui figure à [1999] 1 R.C.S. 688. La version présentée à la Cour était tirée de QuickLaw.
[33] Cette affaire traite de la détermination de la peine à l’endroit d’une femme autochtone qui avait plaidé coupable d’homicide involontaire pour avoir tué son conjoint de fait et qui avait écopé de trois années d’emprisonnement. Elle avait interjeté appel en faisant valoir que le juge ayant prononcé la peine n’avait pas pris en considération comme il se doit ses antécédents autochtones, ce qu’il est censé faire depuis les modifications apportées au Code criminel en 1996 et qui avaient donné lieu à l’édiction de l’alinéa 718.2 e) :
« e) l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones. »
[34] La Cour souhaite dire clairement qu’il n’est pas énoncé en l’espèce que le caporal-chef est un contrevenant autochtone. Le point particulier tranché par la Cour suprême ne semble donc pas être soulevé ici.
[35] Les plaidoiries du ministère public, et ce qui préoccupait le procureur de la poursuite, d’après ce que j’ai compris, concernaient essentiellement le fait de savoir si, oui ou non, l’idée que l’emprisonnement devrait être la sanction pénale de dernier recours, imposée uniquement si aucune autre peine moindre n’est appropriée au regard de l’infraction et du contrevenant, est une considération appropriée pour une cour martiale. La Cour à cet égard se reporte au paragraphe 40 de l’arrêt Gladue, où la Cour suprême a fait savoir qu’elle ne considérait pas ce concept comme un principe révolutionnaire. Elle y affirmait ce qui suit :
« Il est vrai que la jurisprudence supporte amplement le principe de l'emprisonnement comme sanction de dernier recours. »
[36] La Cour suprême s’est aussi attardée, aux paragraphes 42 et 43, aux modifications apportées en 1996 au Code criminel, qui portaient également sur les pouvoirs accordés aux tribunaux civils d’infliger des peines axées sur la justice réparatrice. Par exemple, un tribunal civil pouvait assortir la peine qu’il imposait au contrevenant de l’obligation de rembourser en totalité ou en partie les sommes d’argent volées, c’est-à-dire de faire réparation. Ces pouvoirs n’ont pas été conférés à la présente Cour.
[37] Notre Cour a réexaminé l’article 139 de la Loi sur la défense nationale. Cet article énumère l’échelle des peines par ordre décroissant de sévérité. Ayant consulté cette liste et examiné les sept premières sanctions qui y sont énumérées, la Cour constate que quatre d’entre elles sont clairement identifiées comme des peines d’incarcération. La Cour précise donc qu’il ne semble pas y avoir de grandes différences entre les principes énoncés dans l’arrêt Gladue, les déclarations de la Cour suprême du Canada et le régime législatif instauré par la Loi sur la défense nationale.
[38] La Cour a également passé en revue les ORFC qui ont été mentionnés, et ces ORFC ne sont pas directement applicables à la Cour parce qu’ils portent en réalité sur les procès sommaires, mais la Cour a estimé qu’il serait utile de déterminer les directives et l’orientation qui sont données relativement à ces procès afin de savoir s’il existe des contradictions à cet égard. La Cour s’est attardée particulièrement à l’ORFC 108.20, qui traite de la procédure régissant les procès sommaires, et aux notes afférentes. Ces notes, qui ne sont pas d’application obligatoire, donnent cependant des indications, et la Cour souligne qu’il y est fait mention de ce qui suit, au paragraphe (G) :
« En règle générale, la peine appropriée est la peine la moins sévère qui assurera le maintien de la discipline. »
Le paragraphe (H) se lit comme suit :
« Avant d’infliger une peine de détention à un contrevenant, le commandant doit être convaincu que la peine est à la fois appropriée et indispensable. On ne devrait avoir recours à la peine de détention qu’en dernier ressort lorsque d’autres peines moins sévères n’ont pas réussi à améliorer le comportement du militaire. »
Et précise plus loin :
« La peine de détention peut aussi être infligée si elle se révèle être un moyen efficace dans certains cas particulièrement sérieux de mauvaise conduite. »
[39] Sur le fond, la Cour ne relève aucune contradiction entre ces directives et l’approche générale qu’ont adoptée la Cour suprême du Canada et les tribunaux civils canadiens.
[40] La défense a présenté certaines observations qui, c’est normal, étaient quelque peu différentes des plaidoiries du ministère public. La première chose qu’a mentionnée votre avocat, c’est que vous avez été déclaré coupable d’avoir volé, et non pas d’avoir commis un vol alors que vous étiez en position de confiance, et il a fait valoir qu’il n’était pas justifié d’appliquer plusieurs critères avancés par le ministère public à l’intention de la Cour. Il n’était pas approprié d’appliquer ces critères afin de transformer une accusation de vol en une accusation plus sérieuse, soit celle d’avoir commis un vol alors que vous vous trouviez en position de confiance.
[41] Selon votre avocat, l’approche que la Cour devrait adopter est énoncée dans l’ORFC 112.48, soit que la peine à infliger doit être la peine minimale. Le lieutenant-colonel Couture a aussi fait valoir qu’il ne s’agissait pas en l’espèce, à son avis, d’une situation mentionnée dans R. c. Généreux, où une peine plus lourde devait être imposée parce que l’accusé était un militaire. Il a maintenu que les effets préjudiciables au bon ordre et à la discipline de votre unité causés par vos gestes ont été limités jusqu’à un certain point par le fait que vous soyez en congé de maladie depuis septembre 2002. Il a rappelé que les victimes de vos gestes, soit les gens qui ont acheté les ordinateurs, n’appartenaient pas à un groupe très vulnérable. Il a souligné que vos gestes ont été provoqués en grande partie par votre problème de jeu et indiqué que ce problème devait être vu comme une dépendance et, contrairement à ce que faisait valoir le ministère public, qu’il constituait un facteur atténuant et non pas aggravant.
[42] Le lieutenant-Colonel Couture a passé les éléments de preuve en revue et résumé la jurisprudence qui avait été citée – pour la majeure partie, à l’exception de la décision de la cour martiale dans l’affaire Charbonneau – par le ministère public; il a résumé la jurisprudence en affirmant que, selon les décisions en question, l’emprisonnement n’était ni obligatoire ni inapplicable dans une affaire comme la présente. Il a décrit divers jugements invoqués par le ministère public, plus exactement les arrêts Vanier, Legaarden, Deg, Lévesque, Loughrey et Gallagher, en soulignant certaines similitudes et certaines différences. Il a aussi présenté à la Cour l’affaire Boucher, une histoire de vol commis par une personne en position de confiance où quatre accusations avaient été portées. Le montant visé atteignait 5 000 $ et le contrevenant a reçu une sévère réprimande et une amende de 5 000 $. J’ai fait erreur : c’est la poursuite en fait qui a cité l’arrêt Charbonneau.
[43] Le lieutenant-Colonel Couture a soutenu que l’incarcération n’était pas requise ici et a fait savoir que la dissuasion spécifique ne devrait pas être considérée comme un objectif important étant donné que vous avez cessé de jouer et qu’il n’est donc plus nécessaire de vous dissuader d’agir comme vous le faisiez quand vous aviez une dépendance au jeu. Il a mentionné que vous serez libéré des Forces canadiennes de toute manière et a fait valoir que la peine appropriée dans votre cas serait une sévère réprimande plus une amende de 5 000 $ et que vous devriez bénéficier d’un certain délai pour payer. Toutefois, si la Cour envisageait l’incarcération, il était d’avis que votre état de santé justifierait un sursis.
[44] La Cour convient que les arrêts cités par la poursuite et la défense sont applicables de façon générale mais qu’ils ne sont pas identiques. L’éventail des peines va de l’incarcération et la rétrogradation jusqu’à la sévère réprimande accompagnée d’une amende. La Cour a examiné très soigneusement un extrait de l’arrêt R. c. St-Jean, rendu par la Cour d’appel de la cour martiale, extrait qu’on retrouve au paragraphe 22, et s’y est reportée plus particulièrement dans son évaluation des plaidoiries de votre avocat. Ce paragraphe se lit comme suit :
« Dans un organisme public aussi grand et complexe que les Forces armées canadiennes, qui possède un budget considérable, qui gère une quantité énorme d'équipement et de biens de l'État et qui met en application une multitude de programmes divers, la direction doit inévitablement pouvoir compter sur le concours et l'intégrité de ses employés. Aucune méthode de contrôle, si efficace qu'elle puisse être, ne peut remplacer l'intégrité du personnel auquel la direction accorde toute sa confiance. Un abus de confiance telle la fraude [...] »
Dans cette affaire, il s’agissait d’une fraude, mais les commentaires s’appliqueraient aussi en cas de vol, comme ici.
« Un abus de confiance telle la fraude est souvent très difficile à découvrir et les enquêtes qui y ont trait sont dispendieuses. Les abus de confiance minent le respect du public envers l'institution et ont pour résultat la perte de fonds publics. Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir qu'ils s'exposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre d'activités. »
[45] La Cour s’est donc appuyée sur cet arrêt parce qu’on s’y demandait si des méthodes de contrôle appropriées étaient ou non en place et comment le tribunal devait évaluer ce fait.
[46] Le vol constitue objectivement une infraction plus grave que la fraude, mais il est moins grave que le vol commis par une personne en position de confiance. Une peine d’incarcération, peu importe la forme, qu’il s’agisse d’une détention ou d’un emprisonnement, appartient certainement à l’éventail des peines appropriées, tout comme les peines moins lourdes comme la rétrogradation, la réprimande sévère et une grosse amende.
[47] Pour ce qui est des facteurs aggravants, la Cour a considéré les suivants : le montant du vol, la période durant laquelle l’infraction s’est poursuivie; l’implication de subalternes et de collègues; le fait que vous ayez au moins tenté de façon très limitée de dissimuler le vol – si l’on en croit l’adjudant-maître Pullman, il n’y avait pas de factures dans les cas où il y aurait dû y en avoir et, si ces factures avaient existé, il aurait été en mesure de mettre le vol au jour plus rapidement.
[48] La Cour a aussi pris en considération les facteurs atténuants. Le premier et le plus important, c’est votre dépendance au jeu. La Cour accepte votre témoignage ainsi que celui du témoin-expert, M. Murphy, indiquant que vous aviez ce problème durant la période pertinente; vous étiez alors atteint d’une dépendance et vous n’avez tiré aucun avantage de l’infraction, autre que celui de trouver des fonds pour satisfaire votre dépendance, car vous n’avez pas profité personnellement de cet argent. La Cour a tenu compte du temps qui s’est écoulé depuis le début de la présente affaire et particulièrement en ce qui a trait à votre réadaptation. À cet égard, la Cour accepte votre témoignage, où vous dites que vous avez réussi à réintégrer la société dans le sens où vous ne jouez plus et ne jouerez plus jamais. Le temps écoulé a donc été pris en considération, puisqu’il montre que votre réadaptation n’est pas de courte durée mais bien durable. La Cour a aussi pris en considération vos excellents états de service, le fait que vous n’ayez jamais commis d’infraction auparavant et les dires de tous les témoins qui sont venus raconter que vos gestes n’étaient pas conformes à votre caractère; si vous n’aviez pas eu de problème de jeu, rien de tout cela ne se serait produit.
[49] La Cour a pris en considération ce que je décrirais comme votre coopération avec les autorités. Vous ne vous êtes pas dénoncé, mais vous avez accordé toute votre collaboration une fois que le vol a été mis au jour et que vous y avez été confronté. La Cour a aussi considéré ce que je décrirais comme vos remords limités et, à cet égard, vous avez fait savoir que vous souhaiteriez peut-être rembourser à certaines personnes une partie de l’argent que vous avez obtenu d’elles en vendant les ordinateurs.
[50] La Cour s’est aussi penchée très sérieusement sur des facteurs qui n’étaient pas spécifiquement aggravants ou atténuants et qui constituaient simplement des circonstances, soit votre état de santé et ses conséquences sur votre capacité de purger une peine d’incarcération, ce que vous pourriez faire durant votre incarcération et votre situation financière. Et la Cour à cet égard a additionné les montants que vous avez fournis à votre avocat et qui indiquent que vous et votre fiancée, parce que la Cour tiendrait compte du revenu familial, disposez probablement à ce moment-ci d’environ 500 $ par mois en sus des dépenses que vous avez énumérées. La Cour considère toutefois que certaines de ces dépenses semblent être de nature discrétionnaire. La Cour admet donc que vous vous trouvez dans une situation financière difficile qui n’est pas susceptible de s’améliorer sensiblement à court terme.
[51] La Cour a considéré très sérieusement l’argument du ministère public concernant le bien-fondé de l’incarcération dans votre cas. Et la Cour estime qu’il s’agit certainement d’une des sanctions appropriées pour ce genre d’infraction et dans votre situation. Cependant, la Cour a dû l’examiner du point de vue de la dissuasion spécifique et est parvenue à la conclusion que l’incarcération n’est pas requise. Premièrement, pour des raisons de dissuasion spécifique, il est clair d’après les éléments de preuve que cet aspect dépend entièrement de vous. Si vous retombez dans le jeu, vous vous retrouverez dans une situation semblable, ou pire, très rapidement. Si vous restez en dehors du jeu, vous semblez alors avoir la capacité de fonctionner et vous n’avez pas besoin de faire l’objet de mesures de dissuasion spécifique. Deuxièmement, vous serez libéré par les Forces canadiennes, de sorte que l’utilité de la prison militaire et de la caserne disciplinaire des Forces canadiennes comme outils de réinsertion sociale semblerait être limitée dans votre cas, et elle serait encore plus restreinte à cause de votre état de santé et du temps durant lequel, selon vos explications, votre jambe doit être élevée et au repos.
[52] En ce qui concerne la dissuasion générale, il est certain que l’incarcération a un effet très notable sur la plupart des gens, mais la Cour s’est demandée s’il s’agit de la peine minimale considérant la gamme des peines mentionnée dans la Loi sur la défense nationale? Est-ce le minimum qui aurait un effet de dissuasion générale? La Cour a jugé que ce n’était pas le cas, que ce n’était pas un minimum. Toutefois, elle considère qu’il faut plus qu’une simple réprimande sévère accompagnée d’une amende. La Cour estime qu’une peine d’ordre militaire s’impose dans ce contexte, en particulier parce que ce sont des deniers publics qui ont été volés des Forces canadiennes et que vous avez impliqué d’autres membres de votre organisation. Elle est aussi d’avis que la peine devrait tout d’abord inclure une rétrogradation et une rétrogradation au rang de soldat. Cette mesure aura deux effets. Premièrement, elle sera une indication très visible de la perte de confiance dans votre intégrité qui a fait suite à l’infraction. Deuxièmement, elle aura un impact financier. Selon les calculs de la Cour, elle entraînera une réduction de votre paye brute d’environ 841 $ par mois. Et selon le motif de votre départ, votre indemnité de départ sera réduite aussi parce qu’elle se fonde sur votre taux de rémunération à votre dernière journée de service.
[53] La Cour considère aussi qu’une amende est appropriée et infligera donc une amende en sus de la rétrogradation.
[54] Veuillez donc vous lever. Caporal-chef Stinson, la Cour vous inflige la peine suivante : la rétrogradation au rang de soldat et une amende de 6 400 $. Cette somme de six mille quatre cents dollars représente l’argent que vous avez tiré de la vente des ordinateurs.
[55] Il s’agit en l’espèce d’une situation très malheureuse. Il est clair que vous étiez destiné, avant les événements, à une belle carrière au sein des Forces canadiennes. Maintenant, indépendamment de votre état de santé, vous n’avez plus aucune utilité pour les Forces canadiennes parce que personne ne peut vous faire confiance, ne peut avoir confiance en votre intégrité. Vous vivrez sans aucun doute des moments difficiles au cours des prochaines années avec votre nouvelle famille, une nouvelle carrière et des moyens financiers limités. La Cour est convaincue que, dans ces circonstances, cette peine est plus que suffisante pour vous dissuader personnellement et pour dissuader généralement quiconque pourrait se trouver dans la même situation.
[56] Votre avocat a demandé que le paiement soit fixé à 200 $ par mois et la Cour est prête à réduire cette mensualité à 150 $ parce que la rétrogradation vous impose une autre contrainte financière; elle est disposée à vous laisser jusqu’à la paye de la mi-mai pour faire le premier paiement afin que vous ayez un peu de temps, pas beaucoup, mais un peu, afin de discuter de la question avec votre fiancée et de prendre des arrangements quelconques.
COLONEL K.S. CARTER, J.M.
Avocats :
Major J.B. Cloutier, procureur militaire régional, Ottawa
Procureur de Sa Majesté la Reine
Lieutenant-Colonel D. Couture, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du caporal-chef R. Stinson