Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 1 juin 2009

Endroit : BFC Shilo, Aménagements pour des lectures d'entraînement, Shilo (MB).

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.

Résultats
•Verdicts: Chefs d'accusation 1,2,3: Coupable.
•Sentence: Une réprimande et une amande au montant de 750$.

Cour martiale disciplinaire (CMD) (est composée d’un juge militaire et d’un comité)

Contenu de la décision

Référence : R. c. Corporal A.E. Liwyj, 2009 CM 3009

 

Dossier : 200922

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA                                                     

MANITOBA

BASE DES FORCES CANADIENNES SHILO

 

Date : Le 4 juin 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL A.E. LIWYJ

(contrevenant)

 

SENTENCE

(Prononcé de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

INTRODUCTION

 

[1]         La raison dêtre dun système distinct de tribunaux militaires est de permettre aux forces armées de soccuper elles-mêmes des affaires qui se rapportent directement à la discipline des troupes, à leur efficacité et à leur moral. La Cour suprême du Canada a reconnu que les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Toutefois, la peine imposée par le tribunal, quil soit militaire ou civil, devrait représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de lespèce. Lintérêt premier dune cour martiale est de maintenir ou de rétablir la discipline, qui est définie comme la prompte obéissance à des ordres légitimes.


[2]         Pour fixer la sentence, la cour a tenu compte des circonstances liées à la perpétration des infractions, telles quelles ressortent de la preuve entendue au procès, et des principes applicables de détermination de la peine, y compris ceux qui sont énoncés aux articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime de détermination des sentences prévu dans la Loi sur la défense nationale. La cour a également examiné les observations des avocats, y compris la jurisprudence fournie et les documents produits.

[3]         Le caporal Liwyj a été déclaré coupable de trois accusations portées sous le régime de la Loi sur la défense nationale. L’accusation concerne une infraction prévue à l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, soit le fait d’avoir désobéi à un ordre donné par un supérieur.

 

[4]         En l’espèce, le procureur de la poursuite a suggéré à la cour de blâmer sévèrement le délinquant et de lui infliger une amende de 1 500 $. Par ailleurs, l’avocat de la défense a recommandé à la cour de lui infliger une amende de 200 $.

 

[5]         Lorsqu’un tribunal doit prononcer une sentence, il lui incombe de le faire en fonction de certains objectifs que prévoient les principes applicables de détermination des sentences. Il est admis que ces principes et objectifs peuvent varier légèrement d’une affaire à l’autre, mais ils doivent toujours être adaptés aux circonstances des infractions et à la situation du délinquant. Dans un contexte où il s’agit de contribuer à l’un des objectifs essentiels de la discipline militaire, soit le maintien de forces armées professionnelles, disciplinées, opérationnelles et efficaces, les principes et objectifs de la détermination des sentences peuvent être énumérés comme suit :

 

a.        premièrement, protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b.       deuxièmement, punir et dénoncer le comportement illégal;

 

c.        troisièmement, dissuader le délinquant, et quiconque, de commettre des infractions semblables;

 

d.       quatrièmement, favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e.        cinquièmement, la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant;

 

f.        sixièmement, la sentence prononcée doit être semblable à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 


g.       enfin, le tribunal doit prendre en considération, le cas échéant, les circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant.

 

[6]         Dans la présente espèce, la protection du public doit être assurée par une sentence qui mettra l’accent sur le principe de la dissuasion générale, et à un degré moindre, la dénonciation de la conduite du caporal Liwyj. Selon le principe de dissuasion générale, la sentence infligée devrait non seulement dissuader le délinquant de récidiver, mais aussi dissuader quiconque se trouve dans une situation semblable d’adopter, pour quelque motif que ce soit, le même comportement illicite.

 

[7]         Pour arrêter la sentence qu’elle estime juste et appropriée, la cour a tenu compte des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes suivantes.

 

[8]         La cour considère comme des facteurs aggravants :

 

a.        La gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé, conformément à l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, d’avoir désobéi à un ordre donné par un supérieur. Ce type d’infraction est passible d’un emprisonnement à vie ou d’une peine moindre.

 

b.       La gravité subjective de l'infraction.  La grande responsabilité que vous avez en tant que technicien de véhicules ayant le rang de caporal. Vous êtes une personne qualifiée et expérimentée dans la réparation du matériel essentiel pour approvisionner les troupes en biens et en munitions et leur permettre de se déplacer au sol. Votre travail est nécessaire pour assurer le succès de toute mission exécutée par votre unité, et vous auriez dû tenir compte davantage de cet aspect.

 

c.        La répétition de l’infraction. Bien que deux supérieurs différents vous aient donné le même ordre à trois moments différents, vous avez démontré un total manque de respect envers vos supérieurs et à l’un des plus importants principes d’éthique pour un soldat, lequel consiste à obéir à l’autorité légitime et à l’appuyer.

 


d.       Le fait que votre décision de désobéir aux ordres donnés ait eu des répercussions concrètes sur les opérations de l’unité et imposé un fardeau supplémentaire aux autres soldats. Aucune remorque n’était disponible pour le déchargement des munitions durant l’exercice, et votre tâche a dû être effectuée ultérieurement par deux autres techniciens de véhicules.

 

[9]         La cour est d’avis que les facteurs suivants constituent des circonstances atténuantes dans la détermination de la sentence :

 

a.        Le fait que vous n’aviez aucune fiche de conduite ni dossier criminel pour des infractions de nature semblable.

 

b.       Vos états de service dans les Forces canadiennes. Il est évident d’après les témoignages de divers témoins entendus au procès que vous êtes un technicien de véhicules très compétent et expérimenté.

 

c.        L’absence d’impact de votre conduite sur la discipline au sein du peloton de maintenance du 1 RCR ou d’une autre unité de celui‑ci.

 

d.       L’avertissement qui vous a été donné relativement à cet incident. Je reconnais assurément que cette mesure administrative ne constitue pas en soi une sanction disciplinaire. Cependant, elle a un effet dissuasif spécifique sur vous et peut avoir, dans une certaine mesure, un effet dissuasif général sur d’autres personnes. Elle a également pour effet de dénoncer votre conduite.

 

e.        La cour est également d’avis que le fait que vous avez dû comparaître devant la présente cour martiale a déjà eu un effet dissuasif non seulement sur vous, mais aussi sur d’autres personnes.

                                                                       

f.        Le retard à traiter cette affaire. La cour ne veut blâmer personne en l’espèce, mais plus les dossiers disciplinaires sont réglés rapidement,  plus la peine imposée est pertinente et efficace pour le moral et la cohésion des membres de l’unité, surtout lorsqu’une personne démontre, comme vous l’avez fait,  qu’elle a un problème d’attitude. La présente affaire a été introduite dans le tumulte d’un important débat juridique au sujet du système judiciaire militaire en raison de circonstances différentes et inhérentes. Il est malheureux qu’une telle chose se soit produite, mais je considère que le retard a des répercussions minimes en pareilles circonstances.

 


[10]       Caporal Liwyj, rien ne vous empêche d’exprimer votre opinion à vos supérieurs lorsque vous êtes confronté à des problème de mécanique. En fait, votre chaîne de commandement s’attend à ce que vous lui fassiez part de vos commentaires quant à la façon de solutionner les problèmes et d’effectuer les réparations, surtout lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité. Toutefois, vous devez apprendre à faire confiance à votre supérieur et à votre chaîne de commandement. À un moment donné, vos supérieurs prennent des décisions, et je peux vous assurer qu’ils devront en rendre compte. Le moral et la cohésion parmi les membres d’une unité, indépendamment du rang, reposent principalement sur la confiance qu’ils ont les uns envers les autres. Leur vie peut en dépendre. Vous devriez apprendre à avoir une plus grande ouverture d’esprit sur certaines questions et à faire confiance à ceux qui font partie de votre équipe, y compris vos supérieurs. Vous pouvez remettre en question les ordres et faire part de vos inquiétudes à vos supérieurs lorsqu’il convient de le faire, mais vous devez obéir aux ordres en tout temps, sauf s’ils sont manifestement illégaux. Une partie de votre travail consiste à identifier les problèmes mécaniques du matériel des Forces canadiennes, et je suis convaincu que vous le faites bien, mais vous devez également apprendre qu’il appartient à d’autres personnes de décider de la façon de traiter ces problèmes, et vous devez les laisser décider, malgré le fait que vous ne soyez pas d’accord avec eux.

 

[11]       La peine appropriée pour une infraction de cette nature va d’une réprimande sévère ou d’une réprimande accompagnée d’une amende à une amende seule. La cour rappelle que la réprimande doit être considérée comme une peine sévère dans le contexte militaire. Elle est plus sévère dans l’échelle des peines que l’amende, indépendamment du montant de celle‑ci. Elle montre qu’il existe des raisons de douter de l’engagement de la personne concernée lors de l’infraction et tient compte de la gravité de celle‑ci, mais signifie également qu’il est permis d’espérer la réinsertion.

 

[12]       Une peine juste et équitable devrait tenir compte de la gravité de l’infraction et de la responsabilité du délinquant dans le contexte précis de l’espèce.

 

[13]       Corporal Liwyj, veuillez vous lever. La cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 750 $, laquelle sera payée à raison de 125 $ par mois à compter du 1er juillet 2009 et pendant les cinq mois suivants. Si, pour une raison ou pour une autre, vous êtes libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de l’amende, le solde de celle‑ci sera dû immédiatement avant la date de votre libération.

 

[14]       L’instance devant la présente cour martiale à l’égard du caporal Liwyj est terminée.

 

 


 

                             LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, M.J.

 

AVOCATS :

 

Le capitaine P. Doucet, Direction des poursuites militaires, Région de l’Est

Procureur de Sa Majesté La Reine

 

Le capitaine de corvette P. Lévesque, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du caporal A.E. Liwyj

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoit

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.